Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 763

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (461958) datée du 24 mars 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : John Noonan
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 21 juin 2022
Personne présente à l’audience : Appelante

Date de la décision : Le 4 juillet 2022
Numéro de dossier : GE-22-1245

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelante, J. P., dont le dossier faisait l’objet d’une révision par la Commission, a été avisée qu’elle ne pourrait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi à compter du 8 septembre 2021 parce qu’elle suivait un cours de formation de sa propre initiative, et qu’elle n’avait pas prouvé sa disponibilité à travailler. Le Tribunal doit décider si l’appelante a prouvé sa disponibilité au titre des articles 18 et 50 de la Loi sur l’assurance-emploi et les articles 9.001 et 9.002 du Règlement sur l’assurance-emploi.

Questions en litige

[3] Question en litige no 1 : L’appelante souhaitait-elle retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable était offert?

Question en litige no 2 : Faisait-elle des démarches raisonnables et habituelles pour obtenir un emploi?

Question en litige no 3 : A-t-elle fixé des conditions qui auraient pu limiter à tort ses chances de retourner sur le marché du travail?

Analyse

[4] Les dispositions législatives pertinentes ont été reproduites à la page GD4 du dossier d’appel.

[5] Il existe une présomption selon laquelle une personne qui est aux études à temps plein n’est pas disponible pour travailler. Cette présomption de fait est réfutable par la preuve de circonstances exceptionnelles (Cyrenne, 2010 CAF 349).

[6] Cette présomption s’applique à une personne qui n’est pas disponible pour travailler pendant qu’elle suit un cours à temps plein de sa propre initiative. Pour réfuter cette présomption, l’appelante doit démontrer que sa principale intention est d’accepter immédiatement un emploi convenable en fournissant des preuves de recherche d’emploi, qu’elle est prête à prendre toutes les mesures nécessaires pour ce faire, ou même à abandonner son cours. Elle doit démontrer par ses actions que son cours est d’importance secondaire, et qu’il ne constitue pas un obstacle à la recherche ou l’obtention d’un emploi convenable.

[7] Une personne qui suit un cours à temps plein sans que cela lui ait été recommandé par une autorité désignée par la Commission doit démontrer qu’elle est capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable, et elle doit satisfaire aux exigences en matière de disponibilité pour toutes les personnes qui demandent des prestations d’assurance-emploi. Elle doit continuer de chercher un emploi et démontrer que ses exigences de cours n’ont pas imposé de restrictions sur sa disponibilité qui réduisent considérablement ses chances de trouver un emploi.

[8] Les facteurs suivants peuvent être pertinents à l’établissement de la disponibilité à travailler :

  1. (a) les exigences des cours en matière de participation;
  2. (b) la volonté de la prestataire d’abandonner ses études pour accepter un emploi;
  3. (c) la question de savoir si la prestataire a déjà travaillé à des heures irrégulières;
  4. (d) l’existence de « circonstances exceptionnelles » qui permettraient à la prestataire de travailler en étant aux études;
  5. (e) les frais associés au cours.

[9] Pour être jugée disponible à travailler, une partie prestataire doit : 1) désirer retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable est offert; 2) exprimer ce désir par des démarches pour trouver un emploi convenable; 3) éviter d’établir des conditions personnelles qui pourraient indûment limiter ses chances de retourner sur le marché du travail. Ces trois facteurs seront pris en considération au moment de rendre une décision (Faucher, A-56-96 et Faucher, A-57-96).

Question en litige no 1 : L’appelante souhaitait-elle retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable était offert?

[10] Non.

[11] Dans la présente affaire, d’après les déclarations et les observations de l’appelante, elle suivait un programme d’études à temps plein qui l’occupait pendant plus de 25 heures par semaine.

[12] Elle n’avait pas reçu l’approbation d’une autorité désignée pour participer à ce programme.

[13] L’appelante a déclaré et confirmé à l’audience qu’elle avait commencé une formation à temps plein en tant qu’étudiante de première année à l’Université de l’Î.-P.-É. en septembre 2021.

[14] L’appelante affirme et a témoigné à son audience qu’elle a fait ce qu’une personne raisonnable ferait en appelant l’assurance-emploi et en parlant à un représentant avant de présenter sa demande parce qu’elle voulait des conseils sur ce qu’elle devait faire étant donné qu’elle retournait aux études. Lorsqu’elle a parlé au représentant en août 2021, elle lui a dit qu’elle retournait à l’école à temps plein. On lui a dit d’aller de l’avant et de présenter une demande, qu’elle pouvait le faire. Elle a précisé qu’elle retournait aux études à temps plein.

[15] Le représentant de Service Canada n’a jamais informé l’appelante des exigences en matière de disponibilité au moment de lui donner des conseils qu’elle croyait complets et exacts, et auxquels elle a ensuite donné suite.

[16] L’appelante a confirmé qu’elle avait été honnête dans sa demande et dans les déclarations bimensuelles, et que l’approbation des prestations par la Commission n’était pas son erreur. Elle ne devrait pas être tenue responsable de l’erreur de la Commission si des prestations lui ont été versées alors qu’elles n’auraient pas dû l’être.

[17] Ce processus cause beaucoup de stress et de difficultés financières à la prestataire, car elle a été informée par la suite qu’elle se verrait refuser des prestations d’assurance-emploi, ce qui a entraîné un trop-payé de 7 500 $.

[18] Cela dit, pour la période en question, rien ne démontre que l’appelante effectuait une recherche d’emploi exhaustive dans le but d’obtenir un emploi à temps plein. En fait, elle a déclaré qu’elle ne cherchait pas de travail.

[19] Bien que j’accepte qu’elle ait reçu l’approbation implicite de la Commission, on s’attend à ce qu’elle effectue une recherche d’emploi complète, même si cela semble futile.

[20] Je juge que les actions de l’appelante, ou l’absence d’action de sa part, ne montrent pas, pendant toute la période en question, un désir sincère de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable serait offert.

Question en litige no 2 : Faisait-elle des démarches habituelles et raisonnables pour trouver du travail?

[21] Non.

[22] Encore une fois, rien ne démontre que l’appelante faisait une recherche d’emploi exhaustive.

[23] Même si l’appelante maintient qu’elle était disponible, pour avoir droit au bénéfice des prestations, elle doit quand même effectuer une recherche d’emploi raisonnable.

[24] Les activités de recherche d’emploi de l’appelante pendant les périodes en question ne peuvent être considérées comme constituant une recherche d’emploi raisonnable et habituelle conformément à l’article 9.001 du Règlement sur l’assurance-emploi.

[25] Je juge que l’appelante n’a pas démontré, pendant toute la durée de la présente procédure, qu’elle faisait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable.

Question en litige no 3 : A-t-elle établi des conditions personnelles pouvant limiter à tort ses chances de retourner sur le marché du travail?

[26] Oui.

[27] L’appelante a déclaré qu’elle avait l’intention de terminer son cours et de ne pas retourner sur le marché du travail le plus tôt possible, et compte tenu de son manque d’activités raisonnables de recherche d’emploi et du fait qu’elle a investi 20 000 $ dans son programme d’études, j’estime que cela concorde avec les faits dont je suis saisi.

[28] Elle a confirmé qu’elle ne quitterait pas sa formation pour accepter un emploi à temps plein si cela entrait en conflit avec son horaire de formation.

[29] L’appelante n’a pas réfuté la présomption de non-disponibilité pendant son programme universitaire, car elle a déclaré qu’elle se concentrait sur ses études au lieu d’être disponible pour le travail. Elle a déclaré qu’elle n’était pas disponible pour travailler à temps plein et qu’elle était seulement disponible pour travailler selon son horaire de cours. Elle n’a pas fourni de preuve de recherche d’emploi. Le fait de ne pas présenter de demande d’emploi ne peut pas et n’est pas considéré comme une recherche d’emploi raisonnable et habituelle.

[30] Comme l’appelante dans la présente affaire n’a pas suivi un cours d’instruction approuvé par une autorité désignée par la Commission, qu’elle a consacré plus de 25 heures par semaine à ses études et qu’elle a choisi de ne pas effectuer une recherche d’emploi raisonnable, je conclus qu’elle a établi des conditions personnelles pouvant limiter à tort ses chances de retourner sur le marché du travail.

[31] De plus, la Cour d’appel fédérale a confirmé qu’une prestataire qui limite sa disponibilité et qui est disponible pour travailler seulement en dehors de son horaire de cours n’a pas prouvé sa disponibilité pour le travail au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (voir la décision Duquet c Canada (Procureur général), 2008 CAF 313 et la décision Canada (Procureur général) c Gauthier, 2006 CAF 40).

[32] Une simple déclaration de disponibilité de la part d’une partie prestataire ne suffit pas à elle seule pour s’acquitter du fardeau de la preuve (voir les décisions du juge-arbitre du Canada sur les prestations CUB 18828 et CUB 33717).

[33] Même si j’appuie les efforts de l’appelante pour terminer ses études et ainsi trouver un emploi convenable, je juge qu’elle n’a pas démontré l’existence de « circonstances exceptionnelles » qui viendraient réfuter la présomption de non-disponibilité pendant ses études à temps plein. Elle n’est donc pas admissible aux prestations à compter du 8 septembre 2021.

[34] Ni le Tribunal ni la Commission n’ont le pouvoir, qu’il soit discrétionnaire ou non, de déroger à des dispositions et conditions qui sont claires et imposées par la Loi sur l’assurance-emploi ou le Règlement sur l’assurance-emploi, pas même pour des raisons d’équité ou de compassion, des difficultés financières ou des circonstances atténuantes.

[35] La Commission reconnaît qu’en raison de la pandémie de COVID-19, certaines exigences liées à la disponibilité au travail pendant la participation à des programmes de formation ont été assouplies jusqu’en septembre 2021. Avant le 27 septembre 2020, la disponibilité d’une partie prestataire pour le travail aurait été examinée par une représentante ou un représentant de la Commission lorsque la personne aurait précisé qu’elle suivait un cours de formation ou d’instruction non recommandé. Depuis le 27 septembre 2020, la disponibilité n’est plus automatiquement examinée lorsqu’une partie prestataire présente une demande de prestations ou une déclaration bimensuelle et déclare qu’elle suit une formation non recommandée, mais qu’elle est toujours disponible pour travailler au besoin. Plutôt que d’être examinée par une agente ou un agent, la formation est automatiquement autorisée. Toutefois, la Commission a toujours le pouvoir d’examiner la disponibilité d’une partie prestataire et d’imposer une inadmissibilité rétroactive ou actuelle, s’il est déterminé que sa disponibilité pour le travail, comme l’exigent la loi et la jurisprudence établie, n’a pas été prouvée. Si une partie prestataire fait une déclaration ou fournit des renseignements qui mettent en doute sa disponibilité pendant qu’elle suit un cours d’instruction non recommandé, la Commission peut, conformément à l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi, exiger qu’elle prouve qu’elle fait des efforts raisonnables et habituels pour obtenir un emploi convenable.

[36] Autrement dit, la Commission a choisi d’examiner la disponibilité de l’appelante après avoir approuvé sa demande, et lui refuse maintenant des prestations en se fondant sur les mêmes renseignements honnêtes fournis par l’appelante dans sa demande. La Commission s’appuie sur l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi pour lui donner le pouvoir de le faire.

[37] En ce qui concerne l’annulation du trop-payé (prestations versées en trop) que demande l’appelante, il s’agit d’une décision que seule la Commission peut prendre. Le Tribunal n’a pas le pouvoir de faire une telle chose.

[38] Toutefois, le Tribunal peut commenter les circonstances qui ont mené au trop-payé.

[39] Les caractéristiques communes que l’on retrouve dans les situations et les circonstances menant à l’annulation d’un trop-payé sont que la partie prestataire ne peut pas être tenue directement responsable des événements qui ont mené au trop-payé. Autrement dit, la partie prestataire n’a joué aucun rôle dans les événements ou n’a exercé aucun contrôle réel sur ceux-ci, sauf pour demander et recevoir les prestations de bonne foi .

[40] Dans la présente affaire, la Commission a approuvé les prestations avec les mêmes renseignements qu’elle utilise maintenant pour refuser les prestations et en demander le remboursement. L’appelante n’a joué aucun rôle dans le processus d’approbation, car elle a répondu honnêtement et correctement à toutes les questions qui lui ont été posées. En fait, elle a demandé conseil aux personnes chargées d’informer correctement les parties prestataires (les agentes et agents de Service Canada) au sujet de son admissibilité aux prestations, et on lui a conseillé de présenter une demande.

[41] Il est important de prévenir les situations où une partie prestataire est tenue de payer pour des retards ou des erreurs causées par la Commission, lorsque la situation échappe complètement au contrôle de la partie prestataire.

[42] Qu’il soit question d’une erreur ou du respect de la politique susmentionnée de la Commission, les décisions concernant l’approbation des prestations étaient indépendantes de la volonté de la prestataire et entièrement entre les mains de la Commission.

[43] Les trop-payés qui surviennent lorsque la Commission ne rend pas de décision sur une demande dans un délai raisonnable peuvent entraîner l’annulation d’une partie du trop-payé. Cela fait référence aux situations où une partie prestataire a fourni des renseignements, et avant que la Commission ne traite ceux-ci, des prestations ont été versées à tort. La partie du trop-payé qui n’aurait pas eu lieu, s’il n’y avait pas eu de retard, peut être annulée. Une erreur de la Commission se produit lorsque des prestations sont payées à tort parce que la Commission n’a pas traité la demande de façon appropriée (Guide, article 17.2.0). Cela peut se produire lorsque des renseignements au dossier sont ignorés par la Commission ou lorsque des erreurs dans le calcul d’un ou de plusieurs éléments de la demande se produisent (article 56(2)b)(i), Règlement sur l’assurance-emploi).

[44] L’appelante a commencé son cours d’instruction en pleine connaissance de cause et avec le consentement implicite de la Commission. La Commission a versé des prestations en fonction de cette connaissance et de ce consentement, puis a attendu cinq mois, soit jusqu’au 10 février 2022, pour annuler l’approbation et demander à l’appelante de rembourser le trop-payé engagé. Le montant total du trop-payé a été versé parce que la Commission a tardé à donner suite aux renseignements qui lui ont été présentés, tel que mentionné à de nombreuses reprises par l’appelante.

[45] C’est la Commission qui a le pouvoir de réduire ou d’annuler un trop-payé, mais cela n’est pas automatique; une demande doit être présentée à la Commission. Il faut préciser les détails que le fait d’avoir une telle dette aurait et a sur les finances de la partie prestataire, le stress lié à la dette et ce qui a causé celle-ci.

[46] La décision de la Commission à ce sujet ne peut pas faire l’objet d’un appel devant le Tribunal. Seule la décision de la Commission qui a engendré le trop-payé est assujettie à une révision aux termes de l’article 112 de la Loi sur l’assurance-emploi. La responsabilité qui revient à la partie prestataire de rembourser un trop-payé et les intérêts qui en découlent ne peuvent pas faire l’objet d’une révision parce qu’il ne s’agit pas de décisions rendues par la Commission. De plus, la responsabilité devient celle d’une « personne endettée » plutôt que celle d’une « partie prestataire ». Le recours des parties prestataires à l’égard de telles questions consiste à demander un contrôle judiciaire à la Cour fédérale du Canada.

[47] Ce processus doit être amorcé par l’appelante, qui doit demander à la Commission d’annuler la dette.

[48] Je n’ai pas le pouvoir de réduire ou d’annuler le trop-payé. Le Tribunal n’a pas la compétence nécessaire pour trancher de telles questions.

[49] L’appelante demande l’annulation du trop-payé. Je suis d’accord avec la position énoncée par la Commission et je note que, selon la loi, la décision de la Commission concernant l’annulation d’une somme due ne peut pas être portée en appel devant le Tribunal de la sécurité sociale. Par conséquent, je ne peux pas régler les questions relatives à une demande d’annulation ou de réduction d’un trop-payé.

[50] La Cour fédérale du Canada a le pouvoir d’instruire un appel portant sur l’annulation d’un trop-payé. Si l’appelante souhaite déposer un appel en ce sens, elle doit donc s’adresser à la Cour fédérale du Canada.

[51] Finalement, je ne vois rien dans le dossier qui laisse croire que la Commission a informé l’appelante au sujet du programme de remise de dette mis en place par l’Agence du revenu du Canada. Si le remboursement immédiat du trop-payé aux termes de l’article 44 de la Loi sur l’assurance-emploi lui cause des difficultés financières, l’appelante peut communiquer avec le Centre d’appels de la gestion des créances de l’Agence du revenu du Canada en composant le 1-866-864-5823. Il se pourrait qu’elle puisse prendre d’autres dispositions de remboursement en fonction de sa situation financière personnelle

Conclusion

[52] J’estime que, après avoir porté une attention particulière à toutes les circonstances, l’appelante n’a pas réussi à réfuter l’affirmation selon laquelle elle n’était pas disponible pour travailler à partir du 8 septembre 2021 et, par conséquent, l’appel concernant la disponibilité est rejeté.

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