Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RJ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 758

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : R. J.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (444412) rendue le 21 décembre 2021 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Leanne Bourassa
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 2 février 2022
Personne présente à l’audience :

Appelant (prestataire)

Date de la décision : Le 16 février 2022
Numéro de dossier : GE-22-88

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était fondé (c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable selon la loi) à quitter son emploi quand il l’a fait. Son départ n’était pas fondé parce que ce n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] Le 24 juillet 2021, le prestataire a quitté son emploi de technicien en lubrification inférieure dans un garage spécialisé en vidange d’huile. Il a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons pour lesquelles le prestataire a quitté son emploi. Elle a décidé qu’il avait quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire choisi de démissionner) sans justification. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas lui verser de prestations.

[4] Je dois décider si le prestataire a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[5] Selon la Commission, au lieu de partir quand il l’a fait, le prestataire aurait pu discuter avec son employeur de ses inquiétudes au sujet de la qualité de l’air et lui donner l’occasion d’y répondre. Il aurait aussi pu consulter une ou un médecin pour faire confirmer que ses problèmes de santé étaient liés à la qualité de l’air dans l’atelier.

[6] Le prestataire n’est pas d’accord. Il affirme qu’il se faisait harceler au travail et que son employeur n’avait pas bien pris la situation en main. De plus, il estimait que son lieu de travail n’était pas sécuritaire et nuisait à sa santé et à sa sécurité. Pour ces raisons, il n’avait d’autre choix que de donner un avis de deux semaines avant son départ. Il ajoute que son employeur avait convenu de ne pas inscrire « démission » sur son relevé d’emploi.

Question en litige

[7] Le prestataire est-il exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification?

[8] Pour répondre à cette question, je dois d’abord examiner la question du départ volontaire. Je déciderai ensuite si le prestataire était fondé à quitter son emploi.

Analyse

Les parties sont d’accord sur le fait que le prestataire a quitté volontairement son emploi

[9] J’admets que le prestataire a quitté son emploi de façon volontaire. Le prestataire convient qu’il a donné un préavis de deux semaines à son employeur et que son dernier jour de travail était le 24 juillet 2021. Aucune preuve n’indique le contraire.

Les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si le départ était fondé

[10] Les parties ne sont pas d’accord sur la question de savoir si le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi quand il l’a fait.

[11] La loi précise qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 1. Avoir une bonne raison de quitter un emploi ne suffit pas à démontrer que le départ est fondé.

[12] La loi explique ce qu’on entend par une personne « est fondée à » faire quelque chose. Selon la loi, une personne est fondée à quitter son emploi si son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. La loi précise qu’il faut tenir compte de toutes les circonstancesNote de bas de page 2.

[13] Le prestataire est responsable de prouver que son départ était fondé. Il doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 3.

[14] Pour décider si le départ est fondé, je dois examiner toutes les circonstances entourant le départ du prestataire. La loi mentionne certaines des circonstances que je dois examinerNote de bas de page 4.

[15] Une fois que j’ai déterminé les circonstances qui s’appliquent au prestataire, il doit alors démontrer que son départ était la seule solution raisonnable à ce moment-là.Note de bas de page 5

Circonstances entourant la démission du prestataire

[16] Le prestataire affirme que deux des circonstances énoncées dans la loi s’appliquent à lui. Plus précisément, il dit qu’il était harcelé au travail et que le travail était dangereux pour sa santé et sa sécurité.

Harcèlement

[17] Je juge que la façon dont le prestataire était traité ne pourrait pas être considérée comme du harcèlement.

[18] Le prestataire a expliqué que pendant les quelque trois semaines où il a travaillé pour son employeur, le superviseur de l’atelier l’a harcelé, car il ne lui a pas donné la formation appropriée et il lui parlait de façon non professionnelle. Il a dit que le superviseur était impoli et impatient envers lui. Lorsque le prestataire a mentionné le problème au propriétaire, la situation s’est améliorée pendant un jour ou deux, mais le superviseur a repris son comportement harcelant en l’absence du propriétaire.

[19] Je juge que le témoignage du prestataire au sujet du comportement du superviseur était crédible. Il a donné des exemples précis de ses paroles et de ses gestes ainsi que de la façon dont cela nuisait à son travail. Ses descriptions de la situation au travail sont cohérentes depuis qu’il a soulevé le problème pour la première fois auprès de la Commission.

[20] Le prestataire affirme que sa relation avec le superviseur était conflictuelle, mais il ajoute qu’il aurait pu tolérer la situation si les conditions de travail avaient été meilleures. La situation qu’il décrit semble désagréable, mais non violente ni menaçante. Il décrit le comportement comme étant grossier et non professionnel, mais il semble que ce ne soit rien de plus que des gestes de frustration dans un milieu où les gens sont occupés.

[21] Le prestataire a pu soulever le problème auprès du propriétaire et il a constaté une certaine amélioration. Il n’a pas dit que la relation avec le superviseur était intolérable. En fait, il dit que si c’était là le seul problème, il ne serait pas parti. Je conclus donc que les circonstances entourant le départ du prestataire ne constituaient pas du harcèlement.

Conditions de travail dangereuses pour la santé ou la sécurité

[22] Je conclus que le prestataire n’a pas démontré que les conditions de travail étaient dangereuses pour sa santé ou sa sécurité.

[23] Le prestataire affirme que la fosse dans laquelle il travaillait au sous-sol n’était pas sécuritaire parce qu’elle était mal ventilée. Il soupçonnait que le taux de monoxyde de carbone était élevé et que c’est ce qui lui donnait mal à la tête.

[24] Il a ajouté qu’il n’avait pas l’équipement de sécurité approprié. Il s’est brûlé en travaillant et personne ne lui a offert de l’amener à l’hôpital pour qu’il reçoive des soins.

[25] Je crois que le prestataire était insatisfait des conditions de sécurité à l’atelier. Cependant, il n’a présenté aucune preuve montrant que le taux de monoxyde de carbone était élevé dans son espace de travail. Il n’a pas consulté de médecin pour ses maux de tête. Il ne peut donc pas confirmer que c’est la qualité de l’air au travail qui lui donnait mal à la tête après avoir passé seulement une semaine dans cet emploi. D’autres personnes travaillaient au sous-sol avec lui et rien n’indique qu’elles éprouvaient les mêmes problèmes.

[26] L’employeur a dit à la Commission qu’il y avait de la ventilation au sous-sol et un détecteur de monoxyde de carbone dans l’atelier. Le prestataire n’a fourni aucun élément de preuve montrant que ces mesures n’étaient pas en place ou qu’elles étaient insuffisantes pour rendre le milieu de travail sécuritaire.

[27] Le prestataire affirme aussi avoir téléphoné au programme de santé et de sécurité de l’Ontario au sujet des conditions dans l’atelier. Je crois en effet qu’il l’a fait parce que l’employeur a dit à la Commission qu’une personne était venue inspecter les lieux après le départ du prestataire. Le prestataire n’a déposé aucun rapport d’inspection remontant à la période où il travaillait à cet endroit. L’employeur a dit à la Commission que l’inspection n’avait relevé aucun problème lié à la qualité de l’air dans l’atelier.

[28] Le prestataire raconte aussi qu’il s’est brûlé en travaillant dans ce milieu où la charge de travail est élevée et les choses vont vite. Il dit que personne ne l’a conduit à l’hôpital pour qu’il se fasse traiter. Cependant, il dit aussi qu’il a discuté de la situation avec son employeur, qui lui a dit qu’il y avait des combinaisons qu’il pouvait porter pour travailler. On lui a aussi dit qu’il y avait de la crème pour atténuer les brûlures. Je comprends que le prestataire trouvait ces solutions peu satisfaisantes.

[29] Il semble que le prestataire était mal à l’aise de travailler au sous-sol de l’atelier. Il a souvent mentionné qu’il n’était pas habitué à un rythme de travail aussi rapide. Le prestataire a subi des brûlures, mais il a aussi déclaré que l’autre technicien en lubrification lui avait dit que lui aussi se brûlait au début. Il est probable qu’en s’habituant au travail, il aurait arrêté de se blesser.

[30] Je conclus que le prestataire n’a pas prouvé que ses conditions de travail constituaient un danger pour sa santé et sa sécurité.

[31] Je juge que les circonstances prévues par la loi n’existaient pas au moment où le prestataire a quitté son emploi.

Le départ du prestataire n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas

[32] Le prestataire peut tout de même gagner sa cause s’il peut démontrer que quitter son emploi quand il l’a fait était la seule solution raisonnable dans son cas.

[33] Selon le prestataire, c’était la seule solution raisonnable parce que la situation au travail nuisait à sa santé physique et mentale. Il ne servait à rien de continuer de faire le même travail et il pouvait trouver un autre emploi rapidement.

[34] La Commission n’est pas d’accord. Elle affirme que le prestataire aurait pu aller voir une ou un médecin pour confirmer que la source de ses maux de tête était la qualité de l’air dans la fosse où il travaillait. Avant de décider de partir, il aurait aussi pu soulever la question auprès de son employeur et voir si la situation allait s’améliorer.

[35] Je juge que quitter son emploi lorsqu’il l’a fait n’était pas la seule solution raisonnable dans le cas du prestataire.

[36] Le prestataire a expliqué qu’après avoir travaillé dans l’atelier pendant environ une semaine, il a avisé le propriétaire qu’il partait deux semaines plus tard. Le propriétaire s’était absenté pendant quelques jours et le prestataire lui a remis l’avis dès son retour.

[37] Je constate que le prestataire a parlé au propriétaire des problèmes qu’il avait avec son superviseur et que la situation s’est améliorée pendant un jour ou deux. En fait, il y avait deux collègues avec qui le prestataire ne s’entendait pas et, après une intervention du propriétaire, la relation avec l’autre employé s’est beaucoup améliorée. Malheureusement, en l’absence du propriétaire, le superviseur de l’atelier a recommencé à être désagréable.

[38] Lorsque le propriétaire est revenu, le prestataire ne lui a pas demandé d’intervenir une nouvelle fois. Il l’a plutôt prévenu sur-le-champ de son départ. Avant de démissionner, le prestataire aurait pu tenter de nouveau de régler la situation avec le superviseur de l’atelier ou même voir s’il était possible de travailler davantage avec un autre technicien à l’étage supérieur.

[39] La Commission fait valoir que le prestataire a parlé à son employeur de ses inquiétudes sur la qualité de l’air seulement lorsqu’il avait déjà décidé de partir. Le prestataire affirme quant à lui que la qualité de l’air a joué un grand rôle dans sa décision de partir, mais qu’il en a discuté avec son employeur seulement après lui avoir annoncé son départ.

[40] Avant de quitter son emploi, le prestataire aurait pu avoir une discussion plus claire sur la qualité de l’air avec son employeur et il aurait pu voir si des mesures seraient prises pour corriger la situation.

[41] Si le prestataire croyait que ses maux de tête étaient liés à la qualité de l’air dans l’atelier, il aurait pu consulter une ou un médecin pour confirmer que c’était la source probable de ses symptômes. Au lieu de cela, il a tiré cette conclusion par lui-même et a décidé de démissionner.

[42] Le prestataire s’est tout de même plaint des conditions de travail auprès de quelques organismes externes. Malheureusement, il a déposé la plupart de ses plaintes après avoir démissionné. Il n’a pas attendu le résultat des enquêtes avant de décider de quitter son emploi. Ainsi, son employeur n’a pas eu la possibilité d’essayer de régler des problèmes.  

[43] Pour que les personnes qui demandent des prestations soient fondées à quitter leur emploi, elles doivent démontrer qu’elles ont tenté de régler les problèmes au lieu de se retrouver volontairement sans emploi. Dans la présente affaire, le prestataire a choisi de quitter son emploi après seulement quelques semaines. Il a abordé certains problèmes avec l’employeur seulement après l’avoir avisé qu’il quitterait son emploi deux semaines plus tard. Au moment de l’avis, il n’avait pas encore trouvé un autre emploi. Je juge que quitter son emploi n’était pas la seule solution raisonnable dans le cas du prestataire.

[44] Par conséquent, le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi.

Conclusion

[45] Je conclus que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations.

[46] L’appel est donc rejeté.

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