Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

Le prestataire travaillait comme technicien de tubes inférieurs dans un garage. Après environ une semaine de travail, il a donné un préavis de deux semaines pour annoncer son départ. Par la suite, il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi (AE). La Commission a exclu le prestataire du bénéfice des prestations parce qu’il avait volontairement quitté son emploi sans justification.

Le prestataire a fait appel de cette décision à la division générale (DG). Celle ci a rejeté l’appel en invoquant le motif que le départ du prestataire n’était pas justifié parce que quitter son emploi n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Le prestataire a fait appel de la décision de la DG devant la division d’appel (DA). Il a fait valoir que la DG n’avait pas respecté l’équité procédurale, qu’elle avait commis des erreurs de compétence et de droit et qu’elle avait fondé sa décision sur une erreur de fait importante. Il a soutenu qu’en effet, il avait expliqué en détail à la DG pourquoi il avait quitté son emploi, mais que cette dernière n’avait pas tout à fait compris ses préoccupations. La DA a accueilli l’appel. Elle a conclu que la DG avait fait une erreur de droit. Elle a par la suite rendu la décision que la DG aurait dû rendre.

La DA a conclu que la DG avait fait une erreur de droit, car elle n’avait pas décidé si les circonstances entourant le départ du prestataire constituaient une relation conflictuelle entre son supérieur et lui sans qu’il en soit essentiellement responsable. La DG s’est demandé si le prestataire avait été victime de harcèlement de la part du superviseur de l’atelier. Elle a décidé que non. Toutefois, même si elle a reconnu la preuve du prestataire qui montrait la nature conflictuelle de la relation avec le superviseur, la DG n’a pas tiré de conclusion de fait sur la question de savoir si l’une des circonstances entourant le départ du prestataire était la relation conflictuelle avec son superviseur, relation dont le prestataire n’était pas le principal responsable. Puisque le prestataire a parlé du conflit avec le superviseur comme étant un motif de départ et que la DG a compris que le prestataire percevait cette relation comme étant conflictuelle, elle devait décider non seulement s’il avait été harcelé par le superviseur, mais aussi s’il existait un conflit avec le superviseur et qui était la source du conflit.

Il se peut que la DG ait écarté les problèmes entre le prestataire et le superviseur parce qu’ils ne constituaient pas une relation conflictuelle. Toutefois, si c’est ce qui s’est passé, la DG devait rendre une décision explicite et en fournir les motifs.

Le prestataire a dit à la DG qu’il avait quitté son emploi en raison du harcèlement que lui faisait subir le superviseur de l’atelier, les maux de tête causés selon lui par la présence de monoxyde de carbone découlant de la mauvaise ventilation et les brûlures aux bras causées par les tuyaux d’échappement. Il a aussi dit à la DG que si le problème de la qualité de l’air avait été réglé, il n’aurait pas démissionné. La DA a conclu que les circonstances entourant le départ du prestataire étaient : les maux de tête d’origine non déterminée, la relation conflictuelle avec le superviseur, relation dont il n’était pas essentiellement responsable, et les conditions de travail dangereuses pour sa sécurité. Compte tenu de telles circonstances, la DA a conclu que la seule solution raisonnable dans le cas du prestataire était de quitter son emploi. Il n’était pas raisonnable qu’il continue à travailler en attendant la résolution du problème de la qualité de l’air, dans le contexte d’une relation conflictuelle avec le superviseur et de conditions de travail dangereuses pour sa sécurité. Par conséquent, la DA a conclu que le prestataire n’était pas exclu du bénéfice des prestations à compter du 18 juillet 2021.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : RJ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 757

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Parties appelantes : R. J.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Julie Villeneuve

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 16 février 2022 (GE-22-88)

Membre du Tribunal : Charlotte McQuade
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 28 juin 2022
Personnes présentes à l’audience :

Appelant
Intimée
Représentante de l’intimée

Date de la décision : Le 11 août 2022
Numéro de dossier : AD-22-121

Sur cette page

Décision

[1] J’accueille l’appel.

[2] La division générale a fait une erreur de droit.

[3] J’ai donc rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. Le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi. Par conséquent, il n’est pas exclu du bénéfice des prestations à compter du 18 juillet 2021.

Aperçu

[4] R. J. est le prestataire dans la présente affaire. Il travaillait comme technicien en lubrification inférieure dans un garage. Après avoir travaillé pendant environ une semaine, il a donné un avis de deux semaines pour annoncer son départ. Par la suite, il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a exclu le prestataire du bénéfice des prestations parce qu’il avait volontairement quitté son emploi sans justification. Le prestataire a porté la décision de la Commission en appel à la division générale du Tribunal.

[5] La division générale a rejeté l’appel du prestataire. Elle a décidé que le départ du prestataire n’était pas fondé parce que quitter son emploi n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas.

[6] Le prestataire a porté la décision de la division générale en appel. Il affirme que cette dernière n’a pas respecté l’équité procédurale, qu’elle a fait des erreurs de compétence et de droit et qu’elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importante. Il dit avoir expliqué en détail pourquoi il avait quitté son emploi, mais affirme que la division générale a mal compris ses préoccupations. Il ajoute que la membre de la division générale avait un parti pris.

[7] J’ai décidé que la division générale a fait une erreur de droit. Le prestataire a invoqué sa relation conflictuelle avec son superviseur pour expliquer son départ, mais la division générale n’a pas décidé s’il s’agissait en effet d’une des circonstances entourant le départNote de bas de page 1.

[8] J’accueille l’appel du prestataire. Je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Le prestataire a quitté son emploi en raison d’une relation conflictuelle, dont il n’était pas le principal responsable avec son superviseuret de conditions de travail dangereuses pour sa sécurité. Dans de telles circonstances, la seule solution raisonnable dans son cas était de partir. Son départ était donc fondé.

Questions en litige

[9] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :

  1. a) La division générale a-t-elle respecté l’équité procédurale?
  2. b) La division générale a-t-elle fait une erreur de droit en ne décidant pas si l’une des circonstances entourant le départ du prestataire était une relation conflictuelle avec un supérieur, relation dont le prestataire n’était pas essentiellement responsable?
  3. c) La division générale a-t-elle commis une autre erreur révisable?
  4. d) Si la division générale a fait une erreur, comment dois-je la corriger?

Analyse

La division générale a respecté l’équité procédurale

[10] Le prestataire a fait valoir que la division générale avait un parti pris contre lui parce qu’elle était une femme et qu’il aurait préféré qu’un homme tranche l’affaire.

[11] Le prestataire n’a pas été en mesure de fournir de plus amples explications. Il a seulement dit que, personnellement, il aurait préféré que son affaire soit jugée par un homme.

[12] La Commission soutient que la décision de la division générale ne contient rien qui laisse entendre qu’elle avait un quelconque parti pris contre le prestataire ni qu’elle a agi de façon partiale.

[13] Le prestataire n’a pas démontré que la membre de la division générale était partiale ni qu’elle n’a pas respecté l’équité procédurale.

[14] Le critère juridique pour établir la partialité consiste à voir si une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, conclurait que, selon toute vraisemblance, la membre de la division générale, de façon consciente ou non, ne rendrait pas une décision justeNote de bas de page 2.

[15] La barre est haute. Il ne suffit pas de simplement penser, comme le fait le prestataire, qu’un homme aurait rendu une décision différente de celle de la membre ou que le résultat est injuste.

[16] La partialité se rapporte à une personne qui n’aborde pas la prise de décision avec un esprit ouvert et qui a agi de façon impartiale [sic].

[17] J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale et examiné sa décision. L’enregistrement montre que la membre a donné au prestataire toutes les chances de présenter sa cause. Elle a expliqué le droit, elle a proposé des options au prestataire pour voir comment il voulait présenter ses arguments, elle a écouté attentivement son témoignage et elle l’a interrogé en profondeur au sujet de ses éléments de preuve. Il n’y a absolument rien qui prouve que la membre a jugé l’affaire d’avance, qu’elle n’a pas abordé le processus décisionnel de façon impartiale ou qu’elle n’a pas respecté l’équité procédurale de quelque façon que ce soit. Le sexe de la membre n’a rien à voir avec la façon dont elle a tranché l’affaire.

[18] L’allégation du prestataire ne remplit pas le critère de la preuve de partialité. Une personne bien renseignée qui étudierait l’affaire de façon réaliste et pratique ne conclurait pas que la membre de la division générale a rendu une décision injuste. Au‑delà de la question de partialité, il n’y a aucune preuve de manquement à l’équité procédurale.

[19] Malgré cela, je juge que la division générale a fait une erreur de droit.

La division générale a fait une erreur de droit parce qu’elle n’a pas vérifié si une des circonstances entourant le départ du prestataire était une relation conflictuelle avec un supérieur, relation dont le prestataire n’était pas essentiellement responsable

[20] La division générale a fait une erreur de droit, car elle n’a pas regardé si l’une des circonstances prévues par la loi (une relation conflictuelle avec un supérieur, relation dont les prestataires ne sont pas essentiellement responsables) était une des circonstances entourant le départ du prestataireNote de bas de page 3.

[21] La Commission a exclu le prestataire du bénéfice des prestations à compter du 18 juillet 2021 parce qu’il avait quitté son emploi sans justification. Le prestataire a porté la décision en appel devant la division générale du Tribunal.

[22] Personne n’a contesté le fait que le prestataire a quitté volontairement son emploi. La division générale devait décider si le prestataire était fondé à quitter son emploi.

[23] Une personne est « fondée à » quitter son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles énoncées dans la loiNote de bas de page 4, son départ était la seule solution raisonnable dans son cas.

[24] Dans son témoignage, le prestataire a soulevé trois circonstances prévues par la loi qui pouvaient démontrer qu’il était fondé à quitter son emploi :

  1. 1) le harcèlementNote de bas de page 5;
  2. 2) les relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieurNote de bas de page 6;
  3. 3) les conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécuritéNote de bas de page 7.

[25] Le prestataire a dit à la division générale qu’il avait démissionné parce qu’il se faisait harceler par le superviseur de l’atelier et que les conditions de travail étaient dangereuses pour sa santé et sa sécurité. Il a expliqué qu’il avait des maux de tête qui, selon lui, étaient dus au monoxyde de carbone qui s’accumulait à cause de la mauvaise ventilation. Il a ajouté qu’il s’était brûlé sur les tuyaux d’échappement en travaillant sur des voitures.

[26] La division générale s’est demandé si les circonstances entourant le départ du prestataire incluaient le « harcèlement » émanant du superviseur, mais elle a décidé que non. Elle a jugé que la situation décrite par le prestataire semblait désagréable, mais non violente ni menaçante. Elle a mentionné que le prestataire décrivait le comportement du superviseur comme grossier et non professionnel. Elle a jugé que le comportement ne semblait être rien de plus que des gestes de frustration dans un milieu où les gens sont occupés.

[27] Dans sa décision, la division générale a souligné que le prestataire affirmait que sa relation avec le superviseur était conflictuelle, mais elle n’a pas décidé si la relation en question était une circonstance entourant le départ du prestataireNote de bas de page 8.

[28] La division générale a aussi décidé que les conditions de travail n’étaient pas dangereuses pour la santé et la sécurité du prestataire. Elle a conclu qu’il n’avait pas prouvé que la qualité de l’air constituait un danger ni que ses maux de tête étaient dus à l’environnement de travail. En ce qui concerne les brûlures du prestataire, la division générale a décidé qu’il n’était pas habitué à travailler dans un milieu où les choses vont vite. Comme un autre employé avait aussi subi des brûlures à ses débuts, la division générale a décidé que le prestataire aurait probablement arrêté de se blesser au fur et à mesure qu’il s’habituait au travail.

[29] La division générale a décidé que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi, car ce n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Il aurait pu parler à son employeur du comportement du superviseur parce qu’il l’avait déjà fait et l’aide de l’employeur avait permis d’améliorer la situation. Il aurait aussi pu demander de se faire superviser par une autre personneNote de bas de page 9. Il aurait pu discuter avec l’employeur de ses inquiétudes sur la qualité de l’air, consulter un médecin au sujet des maux de tête ou se plaindre à des autorités externes avant d’annoncer son départNote de bas de page 10.

[30] Le prestataire soutient que la division générale a fait une erreur lorsqu’elle a décidé qu’il n’était pas fondé à quitter son emploi. Il explique cela en disant qu’elle n’a pas tenu compte de toutes les circonstances entourant son départ. Il affirme que la division générale n’a jamais vraiment compris ses préoccupations et il veut que ce qu’il avance soit mieux compris.

[31] Selon la Commission, la division générale n’a commis aucune erreur révisable. La Commission affirme que la division générale avait le loisir, comme juge des faits, de passer les faits en revue et de les soupeser comme elle l’entendait. Elle dit que la division générale a tenu compte de tous les faits présentés par le prestataire et des raisons de son départ. La Commission avance que la division générale a évalué la preuve, pris une décision et expliqué les motifs de cette décision. Par conséquent, selon la Commission, je ne peux pas modifier la décision de la division générale.

[32] Je suis d’accord avec la Commission sur un point : je ne peux pas modifier la conclusion de la division générale quand les bons principes de droit sont appliqués aux faitsNote de bas de page 11. Je peux toutefois intervenir si la division générale n’a pas appliqué le bon critère juridique aux faits. Je juge que c’est ce qui s’est passé dans cette affaire-ci.

[33] La division générale a fait une erreur de droit, car elle n’a pas décidé si les circonstances entourant le départ du prestataire témoignaient d’une relation conflictuelle avec un supérieur, relation dont le prestataire n’était pas essentiellement responsable.

[34] Pour décider si une personne était fondée à quitter son emploi, il faut d’abord déterminer les circonstances entourant son départ et vérifier si les circonstances prévues par la loi en font partie. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’on peut décider si, compte tenu des circonstances, le départ de la personne était la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 12.

[35] La division générale s’est demandé si le prestataire avait subi du harcèlement de la part du superviseur de l’atelier. Elle a décidé que non. Toutefois, même si elle a reconnu la preuve du prestataire qui montrait la nature conflictuelle de la relation avec le superviseur, la division générale n’a pas tiré de conclusion de fait sur la question de savoir si l’une des circonstances entourant le départ du prestataire était sa relation conflictuelle avec son superviseur, relation dont le prestataire n’était pas le principal responsableNote de bas de page 13.

[36] Le harcèlement et la relation conflictuelle avec un supérieur sont deux situations distinctes prévues par la loi. Même si une situation ne correspond pas à du harcèlement sur toute la ligne, il est tout à fait possible que les circonstances puissent quand même être considérées comme conflictuelles.

[37] Puisque le prestataire a parlé du conflit avec le superviseur comme étant un motif de départ et que la division générale a compris que le prestataire percevait cette relation comme étant conflictuelle, elle devait décider non seulement si le prestataire avait été harcelé par le superviseur, mais aussi s’il existait un conflit avec le superviseur et qui était la source du conflit.

[38] La Commission fait valoir que la façon de désigner la situation impliquant le superviseur importe peu, car le témoignage du prestataire indiquait qu’à lui seul, le problème avec le superviseur ne l’aurait pas amené à démissionner. Le prestataire a dit que, si ce n’était des maux de tête, il aurait continué à travailler à cet endroitNote de bas de page 14.

[39] Je ne suis pas d’accord, car même si le prestataire a déclaré qu’il n’aurait pas démissionné si la question des maux de tête (qualité de l’air) avait été réglée, il a aussi dit à la division générale que l’une des raisons pour lesquelles il est parti était les problèmes qu’il éprouvait avec le superviseur de l’atelierNote de bas de page 15. Comme il faut évaluer l’ensemble des circonstances entourant le départ, même si le problème avec le superviseur n’était pas la principale raison du départ, la division générale devait tout de même décider si la relation conflictuelle avec le superviseur, relation dont le prestataire n’était pas le principal responsable, était l’un des motifs pour lesquels il a démissionné.

[40] La Commission ajoute que, même si les circonstances du départ du prestataire s’inscrivaient dans l’une ou l’autre des catégories prévues par la loi, il devait quand même prouver que quitter son emploi quand il l’a fait était la seule solution raisonnable dans son cas. La Commission maintient que la division générale a décidé que, dans le cas du prestataire, quitter son emploi au moment où il l’a fait n’était pas la seule solution raisonnable et que la preuve dont elle disposait appuyait cette conclusion.

[41] Je suis d’accord avec la Commission pour dire que le prestataire a la responsabilité de démontrer que, compte tenu de toutes les circonstances, notamment celles décrites dans la loi, la seule solution raisonnable dans son cas était de quitter son emploi. Toutefois, avant de trancher cette question, il faut d’abord faire ce que la loi exige et tirer une conclusion de fait sur les circonstances entourant le départ, puis vérifier si elles correspondent à l’une des circonstances prévues par la loiNote de bas de page 16. En effet, une telle conclusion aura une incidence sur l’analyse des solutions raisonnables.

[42] Il se peut que la division générale ait écarté les problèmes entre le prestataire et le superviseur parce qu’ils ne constituaient pas une relation conflictuelle. Toutefois, si c’est ce qui s’est passé, la division générale devait rendre une décision explicite et en fournir les motifs.

[43] Je juge que la division générale a fait une erreur de droit, car elle n’a pas rendu une décision claire sur la nature conflictuelle de la relation entre le prestataire et le superviseur, relation dont le prestataire n’était pas le principal responsable.

[44] Comme la division générale a fait une erreur de droit, je peux intervenirNote de bas de page 17. Il n’est donc pas nécessaire que je vérifie si la division générale a commis une autre erreur révisable.

Correction de l’erreur

[45] Après avoir constaté que la division générale a fait une erreur, je peux décider comment la corriger.

[46] Je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendre ou je peux renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamenNote de bas de page 18.

[47] Selon la Commission, la division générale n’a commis aucune erreur susceptible de révision et il faut rejeter l’appel. Selon le prestataire, si je conclus qu’il y a une erreur, je devrais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

[48] Je suis convaincue que le prestataire a eu toutes les chances de présenter ses arguments à la division générale. Je vais donc rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Ce faisant, je peux tirer les conclusions de fait nécessaires.

Circonstances entourant le départ

[49] Le prestataire a dit à la division générale qu’il avait quitté son emploi pour trois raisons : le harcèlement que lui faisait subir le superviseur de l’atelier, les maux de tête dus selon lui à la présence de monoxyde de carbone découlant de la mauvaise ventilation et les brûlures aux bras causées par les tuyaux d’échappement. Il a aussi dit à la division générale que si le problème de la qualité de l’air avait été réglé, il n’aurait pas démissionné.

Harcèlement ou relation conflictuelle

[50] La division générale a conclu que le prestataire avait des problèmes avec le superviseur de l’atelierNote de bas de page 19. La Commission décrit cette personne comme un « collègueNote de bas de page 20 ». Je suis convaincue et j’admets que cette personne agissait à titre de superviseur du prestataire. Le prestataire a déclaré que cette personne s’occupait de sa formation et qu’il devait travailler avec elle 80 % du tempsNote de bas de page 21.

[51] Voici comment la division générale a décrit le comportement du superviseur :

  • il n’a pas donné la formation appropriée au prestataire;
  • il lui parlait de façon non professionnelle;
  • il était impoli et impatient envers lui.

[52] La division générale a mentionné que le prestataire avait donné des exemples précis des paroles et des gestes du superviseur ainsi que de la façon dont cela nuisait à son travail. Elle n’a cependant pas décrit ces exemples dans sa décision.

[53] Le dossier donne des exemples du comportement du superviseur. Le prestataire a dit à l’agent de la Commission qui révisait son dossier que quand il demandait de l’aide au superviseur de l’atelier, au lieu de l’aider, ce dernier faisait la tâche lui-même et lançait la clé à molette sur le plancher. Il y a aussi une description d’un incident où le superviseur a crié vraiment fort en direction du prestataire : [traduction] « Je te l’ai montré plusieurs câl**** de fois ». Au même moment, une personne était assise dans le véhicule au-dessus d’euxNote de bas de page 22.

[54] Le prestataire a déclaré à la division générale qu’il avait parlé à l’employeur du comportement du superviseur et que l’employeur avait parlé au superviseur. Les choses se sont améliorées pendant une journée. Cependant, lorsque l’employeur s’est absenté pendant quelque temps, le superviseur a recommencé son manège. Le prestataire a décrit la façon dont le superviseur passait des remarques et jetait sa clé à molette par terre. Une fois, le superviseur de l’atelier, qui savait que le prestataire se trouvait en bas dans la fosse, a pris le tuyau d’arrosage sans prévenir et s’est mis à l’arroser. Le prestataire était tout mouillé. Il a dit qu’il a dû endurer le comportement du superviseur pendant quelques jours, jusqu’au retour de l’employeurNote de bas de page 23.

[55] Le prestataire a déclaré qu’au retour de l’employeur, il lui a annoncé qu’il partirait deux semaines plus tard. L’employeur a dit qu’il pensait que la situation était réglée. Le prestataire lui a expliqué que le superviseur avait recommencé à se comporter de la même façon dès que l’employeur s’était absenté. L’employeur a répondu qu’il n’avait rien vu qui clochait dans le comportement du superviseur ce jour‑là. Le prestataire lui a parlé de l’incident avec le tuyau d’arrosageNote de bas de page 24. Il a déclaré qu’au cours de cette conversation, il avait aussi discuté de ses brûlures et de la qualité de l’air avec l’employeurNote de bas de page 25. Ce dernier a amené le superviseur à l’étage pour lui parler et, par la suite, son comportement était un peu mieuxNote de bas de page 26.

[56] J’admets le comportement mentionné par la division générale ainsi que les exemples précis donnés par le prestataire quant à ses interactions avec le superviseur. Cela comprend le fait de jeter une clé à molette par terre, de le rabaisser en jurant devant une cliente ou un client et de l’arroser avec un boyau. La division générale a reconnu que le témoignage du prestataire était crédible et conforme à ce qu’il avait dit à la CommissionNote de bas de page 27. L’employeur n’a fourni à la Commission aucune preuve qui contredisait le récit des incidents en question.

[57] La Commission fait valoir qu’il y avait probablement du harcèlement. Cependant, elle affirme qu’au lieu de simplement décider de partir, le recours raisonnable consistait à signaler à nouveau le comportement pour que l’employeur puisse intervenir, car après le premier signalement, le patron avait agi et le harcèlement avait cessé. La Commission explique que, si le prestataire avait fait une telle démarche et que la situation n’avait pas changé, la possible relation conflictuelle avec son superviseur, relation dont le prestataire n’était pas le principal responsable, pourrait être considérée comme une circonstance entourant son départ.

[58] Le prestataire a toujours indiqué que les problèmes avec le superviseur étaient l’une des raisons expliquant son départ, même si ce n’était pas la principale raisonNote de bas de page 28. Le prestataire a annoncé son départ dès que les problèmes ont recommencé, au retour de son employeur.

[59] La Commission semble avancer qu’une solution raisonnable s’offrait au prestataire pour corriger la situation avec le superviseur. Toutefois, cette position n’aborde pas la question de savoir si la relation entre le prestataire et le superviseur était conflictuelle et si c’était là une circonstance entourant le départ du prestataire.

[60] Je suis d’accord avec la division générale lorsqu’elle conclut que le prestataire n’était pas « harcelé » par son superviseur. Par contre, je conclus que l’une des circonstances entourant la démission du prestataire était sa relation conflictuelle avec un supérieur et que le prestataire n’en était pas le principal responsable.

[61] Dans le passé, la division d’appel a décidé que la notion de « harcèlement » repose sur ces principes clésNote de bas de page 29 :

  • les personnes qui harcèlent peuvent agir seules ou avec d’autres et n’occupent pas nécessairement un poste de supervision ou de gestion;
  • le harcèlement peut prendre diverses formes, notamment un acte, un comportement, un propos, de l’intimidation et une menace;
  • dans certains cas, un seul incident suffit pour constituer du harcèlement;
  • l’accent est mis sur la personne soi-disant harcelante et sur la question de savoir si elle savait ou aurait raisonnablement dû savoir que son comportement pouvait offenser, embarrasser ou humilier l’autre ou bien lui causer d’autres blessures psychologiques ou physiques.

[62] La division d’appel a déjà défini la « relation conflictuelle » comme impliquant « une dynamique d’hostilité et d’opposition » entre les personnesNote de bas de page 30.

[63] J’adopte les définitions de « harcèlement » et de « relation conflictuelle » que je viens de mentionner.

[64] La division générale a écrit qu’il semble que le comportement du superviseur ne soit rien de plus que des gestes de frustration dans un milieu où les gens sont occupésNote de bas de page 31. Avec respect, je ne peux pas accepter cette description des faits. Rabaisser une employée ou un employé en lançant des jurons devant la clientèle et l’éclabousser avec un tuyau d’arrosage dépasse ce qui serait considéré comme acceptable dans n’importe quel milieu de travail, que les gens soient occupés ou non.

[65] Il y a une zone grise où ce qui pourrait être considéré comme une relation conflictuelle devient du harcèlement. Il se pourrait que les incidents en question soient considérés comme du harcèlement, mais j’estime que la meilleure façon de décrire la situation est de parler de l’hostilité du superviseur envers le prestataire. Je conclus donc que la relation était conflictuelle.

[66] Le dossier contient certains éléments de preuve qui indiquent que le prestataire a peut-être joué un rôle dans la relation conflictuelle. L’employeur a confirmé à la Commission que l’un des superviseurs de l’atelier avait été impoli envers le prestataire, mais qu’il était intervenu tout de suite après l’incident et que tout était réglé. Il s’est absenté pendant quelques jours, puis le prestataire a annoncé son départ. L’employeur a dit que le prestataire avait aussi eu des conflits avec d’autres personnes dans l’atelier et il croit que ce dernier était déjà dans un certain état d’esprit à son arrivée. L’employeur a affirmé n’avoir jamais vu des conflits de personnalités se développer aussi rapidement dans un milieu de travailNote de bas de page 32.

[67] Je juge toutefois qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que le superviseur était le principal responsable de la relation conflictuelle. Je tire cette conclusion parce que l’employeur a confirmé que le superviseur a été impoli envers le prestataire. L’employeur est intervenu auprès du superviseur, mais rien n’indique qu’il a parlé au prestataire de son attitude ou de son comportement. De plus, l’employeur n’a fourni aucun détail sur la façon dont l’état d’esprit du prestataire avait peut-être contribué au problème. En revanche, la preuve que le prestataire a présentée à la division générale sur ce qui s’est passé entre lui et le superviseur était détaillée et, comme la division générale, je juge son témoignage crédible.

[68] Même si la relation conflictuelle n’était pas la principale raison du départ, cela ne veut pas dire qu’on peut l’ignorer. Il faut tenir compte de cette circonstance, ainsi que des autres circonstances entourant la démission du prestataire, pour décider si quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

Conditions de travail dangereuses pour la santé ou la sécurité

[69] Le prestataire a parlé à la division générale de deux inquiétudes en matière de sécurité. Il a dit qu’il avait mal à la tête, ce qu’il attribuait à un taux élevé de monoxyde de carboneNote de bas de page 33. Il a ajouté qu’il n’avait pas l’équipement de sécurité approprié et qu’il s’était brûlé en travaillantNote de bas de page 34.

Inquiétudes liées à la qualité de l’air

[70] Le prestataire a déclaré qu’il avait des maux de tête qui, soupçonnait-il, étaient causés par le monoxyde de carbone qui s’accumulait en raison de la mauvaise ventilation. Il travaillait dans une fosse située au sous-sol et il n’y avait pas de système de chauffage, de ventilation et de conditionnement d’air.

[71] Le prestataire a déclaré qu’après avoir annoncé son départ à l’employeur, au cours de la même conversation, il lui a parlé de la qualité de l’air. Celui-ci a répondu qu’il y avait des ventilateurs à l’étage du basNote de bas de page 35.

[72] Après avoir démissionné, le prestataire a signalé les problèmes qu’il avait vécus en travaillant pour l’employeur, y compris la qualité de l’air, au programme de santé et de sécurité au travail. L’employeur a confirmé à la Commission qu’il avait l’obligation d’afficher une politique sur le harcèlement, mais qu’il n’était pas tenu de répondre aux préoccupations liées à la qualité de l’air chaque fois qu’elles étaient soulevéesNote de bas de page 36. Le prestataire a dit qu’il avait appris, à la suite d’une discussion subséquente avec le programme de santé et de sécurité au travail, que la qualité de l’air n’avait pas été mesuréeNote de bas de page 37.

[73] La division générale a décidé que le prestataire n’avait pas prouvé que la qualité de l’air constituait un danger pour sa santé ou sa sécurité pour les raisons suivantes :

  • Le prestataire n’avait présenté aucune preuve montrant que le taux de monoxyde de carbone était élevé dans son espace de travail.
  • Il n’avait pas consulté de médecin pour ses maux de tête et ne pouvait donc pas confirmer que c’était la qualité de l’air au travail qui lui donnait mal à la tête après avoir passé seulement une semaine dans cet emploi.
  • Il y avait d’autres personnes qui travaillaient au sous-sol avec lui et rien n’indique qu’elles éprouvaient les mêmes problèmes.
  • L’employeur a dit à la Commission qu’il y avait de la ventilation au sous-sol et un détecteur de monoxyde de carbone dans l’atelier. Le prestataire n’a fourni aucune preuve montrant que ces mesures n’étaient pas en place ou qu’elles étaient insuffisantes pour rendre le milieu de travail sécuritaire.
  • L’employeur a dit à la Commission que le programme de santé et de sécurité de l’Ontario avait effectué une inspection après le départ du prestataire et qu’aucun problème lié à la qualité de l’air n’avait été relevé dans l’atelier. Le prestataire n’a déposé aucun rapport d’inspection indiquant le contraire.

[74] Je ne vois aucune raison de changer la conclusion de la division générale au sujet de la qualité de l’air. Malgré le témoignage du prestataire voulant qu’aucune mesure de la qualité de l’air n’ait été effectuée par le programme de santé et de sécurité au travail, c’est à lui de prouver que les conditions de travail étaient dangereuses. Je confirme que le prestataire n’a pas fourni assez d’éléments de preuve pour démontrer que la qualité de l’air créait des conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité.

Brûlures aux bras

[75] Le prestataire a dit à la Commission qu’il s’était brûlé sur des tuyaux d’échappement et que l’employeur n’avait pas fourni l’équipement de protection individuelle appropriéNote de bas de page 38.

[76] L’employeur a expliqué à la Commission que le prestataire s’était vu offrir la possibilité de porter une combinaison et que, s’il l’avait fait, il ne se serait pas brûlé les bras. Il a dit que tout le monde a l’équipement de protection individuelle, mais qu’il faut s’en servirNote de bas de page 39.

[77] La Commission a fait valoir à la division générale que le prestataire aurait pu porter la combinaison pour prévenir les brûlures.

[78] Le prestataire a déclaré qu’il s’était brûlé les bras sur les tuyaux d’échappement des voitures. Il a expliqué qu’il avait sept minutes pour travailler sur les voitures dans un petit espace. Il a dit que l’autre technicien en lubrification s’était aussi brûlé, mais rien de comparable à lui. Le prestataire a expliqué que l’autre employé avait de 10 à 12 ans d’expérience, qu’il était plus petit que lui et que c’était plus facile pour lui de se mettre debout dans les espaces de travail plus petitsNote de bas de page 40.

[79] Le prestataire a déclaré que l’employeur avait vu ses brûlures avant son départNote de bas de page 41.

[80] Il a ajouté que, lorsque l’employeur est revenu après que le prestataire lui a donné son avis de départ, il a dit à l’employeur que les brûlures aux bras lui faisaient très mal. L’employeur lui a offert de la crème, mais le prestataire lui a dit que dès qu’il aurait enlevé le bouchon d’huile ou qu’il aurait réglé le niveau de la transmission, la crème disparaîtrait ou brûlerait à cause de la chaleur sortant de l’échappement. C’est là que l’employeur lui a dit qu’il avait une combinaison pour cela.

[81] Le prestataire a affirmé avoir dit à l’employeur que les combinaisons allaient fondre ou brûler parce qu’elles étaient faites en coton ou en polyester et que le tissu allait coller à la peau et aggraver les brûlures. Il a parlé à l’employeur de vêtements anti-feu qui pouvaient servir à protéger les bras, comme les vêtements utilisés en soudure, mais l’employeur n’a pas mentionné s’il allait ou non s’en procurer. Le prestataire a ajouté qu’il faisait trop chaud pour porter une combinaison, car il n’y avait pas de ventilation et il se serait évanoui s’il l’avait portée. Il a déclaré que l’employeur n’avait rédigé aucun rapport mentionnant ses brûlures ni offert de l’amener à l’hôpitalNote de bas de page 42.

[82] La division générale a admis que le prestataire avait subi des brûlures et elle a reconnu son témoignage selon lequel un collègue s’était aussi brûlé à ses débuts. La division générale a conclu que les conditions de travail ne constituaient pas un danger pour la santé et la sécurité du prestataire, car il était probable qu’en s’habituant au travail, il aurait arrêté de se blesser.

[83] Cependant, malgré tout mon respect, je ne peux pas accepter une telle conclusion. La question n’est pas de savoir si les conditions de travail allaient devenir plus sécuritaires à l’avenir, mais si elles l’étaient au moment où le prestataire a décidé de quitter son emploi.

[84] La division générale n’a pas non plus abordé la question soulevée par le prestataire en ce qui concerne l’équipement de protection individuelle approprié qu’il n’avait pas reçu.

[85] Je juge que les conditions de travail du prestataire étaient dangereuses pour sa sécurité. Je tire cette conclusion pour plusieurs raisons. Premièrement, le prestataire n’est pas le seul à avoir subi des brûlures. Un collègue a vécu la même chose au début de sa carrière. Cela donne à penser que, dans ce milieu de travail, les personnes qui apprennent le métier, comme le prestataire, sont exposées à des risques de brûlure. Deuxièmement, en ce qui concerne le moment où la combinaison a été fournie, j’accepte le témoignage sous serment du prestataire, qui était crédible, et le préfère à l’information que l’employeur a fournie sans avoir été assermenté. Je conclus que le prestataire s’est vu offrir la combinaison seulement après avoir annoncé son départ et s’être plaint des douleurs causées par les brûlures.

[86] Il est possible qu’en devenant plus habile dans ses tâches, le prestataire ait vu le risque de brûlure diminuer. Toutefois, au moment où le prestataire a décidé de quitter son emploi, je juge que les conditions de travail étaient dangereuses pour sa sécurité.

[87] Par conséquent, je conclus que les conditions de travail du prestataire constituaient un danger pour sa sécurité.

Une seule solution raisonnable

[88] Je juge que les circonstances entourant le départ du prestataire étaient les suivantes : les maux de tête d’origine non déterminée, la relation conflictuelle avec le superviseur, relation dont le prestataire n’était pas essentiellement responsable, et les conditions de travail dangereuses pour sa sécurité.

[89] Je conclus, compte tenu de telles circonstances, que la seule solution raisonnable dans le cas du prestataire était de quitter son emploi.

[90] Le prestataire a dit à la division générale que démissionner était la seule solution raisonnable dans son cas parce que la situation au travail nuisait à sa santé physique et mentale. Il a affirmé que si le problème lié à la qualité de l’air avait été réglé, il n’aurait pas quitté son emploi.

[91] La Commission fait valoir que d’autres solutions raisonnables s’offraient au prestataire. Elle affirme qu’il aurait pu signaler de nouveau le comportement du superviseur de l’atelier pour que l’employeur puisse intervenir, car après la première plainte, son patron avait agi et le harcèlement avait cessé.

[92] Selon la Commission, avant de quitter son emploi, le prestataire aurait pu discuter de la qualité de l’air avec son employeur pour voir si des améliorations étaient possibles, il aurait pu faire une plainte auprès du programme de santé et de sécurité au travail ou il aurait pu demander un avis médical concernant ses maux de tête.

[93] L’inquiétude du prestataire relative à la qualité de l’air était la principale raison de son départ. Si cela avait été la seule circonstance à l’origine de son départ, je serais d’accord pour dire que quitter son emploi n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Il aurait pu consulter son médecin pour déterminer la cause de ses maux de tête. Il aurait pu parler de la qualité de l’air avec l’employeur avant de l’aviser de son départ. Avant de démissionner, il aurait pu signaler le problème à une tierce partie, comme il l’a fait après son départ.

[94] Toutefois, la qualité de l’air n’était pas la seule circonstance à l’origine du départ. Compte tenu de l’ensemble des circonstances, je juge que la seule solution raisonnable dans le cas du prestataire était de quitter son emploi.

[95] Je juge qu’il est déraisonnable de croire que le prestataire ait pu continuer à travailler pendant qu’on tentait de régler le problème de la qualité de l’air, compte tenu de la relation conflictuelle avec le superviseur et du risque de brûlure.

[96] Après que le prestataire a demandé à l’employeur d’intervenir auprès du superviseur de l’atelier une première fois, la situation ne s’est améliorée que brièvement. Le jour même où l’employeur s’est absenté, le comportement a repris et, en fait, a semblé s’aggraver si l’on considère l’incident du boyau d’arrosage. Je conclus donc que de tenter de faire intervenir l’employeur une nouvelle fois n’était pas une solution raisonnable dans le cas du prestataire.

[97] Il y a plus de chances qu’une telle tentative aurait simplement aggravé la situation déjà conflictuelle. De toute évidence, le superviseur n’a pas pris au sérieux la première intervention de l’employeur, car il a repris son manège dès que l’employeur s’est absenté. La situation s’est légèrement améliorée après que le prestataire a annoncé son départ et que l’employeur a reparlé au superviseur, mais c’est peut-être parce que le prestataire avait déjà démissionné. Je juge que le comportement du superviseur alors que le prestataire était encore en poste est plus important.

[98] La division générale a écrit que le prestataire aurait aussi pu demander de travailler avec un autre technicien en lubrification à l’étage supérieur. Je juge que ce n’est pas non plus une solution raisonnable. Le prestataire a dit à la Commission que seulement six personnes travaillaient au garageNote de bas de page 43. Même s’il avait été possible de jumeler le prestataire avec un autre technicien à l’étage, dans un endroit aussi petit, il est peu probable qu’il ait pu éviter toute interaction avec le superviseur de l’atelier.

[99] Peu importe, une telle solution n’aurait pas réglé le problème de sécurité. Le prestataire n’avait pas reçu l’équipement de sécurité approprié et avait subi des brûlures.

[100] Selon la loi, le prestataire doit soulever les questions de sécurité auprès de l’employeur pour lui permettre de les réglerNote de bas de page 44.

[101] Mais dans cette affaire-ci, l’employeur était déjà au courant du problème de sécurité. Des années plus tôt, un autre employé avait subi des brûlures alors qu’il apprenait le métier. Le prestataire a déclaré, et j’accepte son témoignage, qu’avant de s’absenter pour quelques jours, l’employeur était au courant des brûlures que le prestataire avait subiesNote de bas de page 45. Malgré cela, l’employeur n’a rien fait. Aucun rapport de sécurité n’a été rempli. Aucun soin médical n’a été offert. Aucun vêtement de protection n’a été proposé. C’est seulement après que le prestataire a annoncé son départ qu’une combinaison de travail lui a été offerte. Selon le témoignage du prestataire, que j’accepte, la combinaison n’aurait pas écarté le risque de brûlure de toute façon parce qu’elle n’était pas faite d’un tissu anti-feu et que l’environnement de travail était trop chaud pour la porterNote de bas de page 46.

[102] Je ne crois pas qu’il soit raisonnable que le prestataire ait continué de travailler pour s’habituer au métier alors qu’il y avait toujours un risque de brûlure. Une telle façon de faire pourrait être raisonnable dans certains emplois, lorsque le risque fait partie du métier et qu’une personne accepte ce risque lorsqu’elle accepte le poste. Mais rien ne prouve que ce soit le cas ici.

[103] Considérant l’ensemble des circonstances, je suis convaincue que le départ du prestataire était la seule solution raisonnable dans son cas. Il n’était pas raisonnable qu’il continue à travailler en attendant la résolution du problème de la qualité de l’air, dans le contexte d’une relation conflictuelle avec son superviseur et de conditions de travail dangereuses pour sa sécurité.

[104] Par conséquent, je conclus que le prestataire était fondé à quitter son emploi. Compte tenu de toutes les circonstances entourant son départ, il s’agissait de la seule solution raisonnable dans son cas.

Conclusion

[105] L’appel est accueilli. La division générale a fait une erreur de droit. Le prestataire n’est pas exclu du bénéfice des prestations à compter du 18 juillet 2021, car il était fondé à quitter son emploi.

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