Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : SS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 780

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Partie demanderesse : S. S.
Représentante ou représentant : L. K.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel :

Décision de la division générale datée du 31 mai 2022
(GE-22-834)


Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 19 août 2022
Numéro de dossier : AD-22-416

Sur cette page

Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) travaillait comme conducteur de locomotive. L’employeur a mis le prestataire en congé sans solde parce que ce dernier ne respectait pas sa politique de vaccination contre la COVID-19. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a conclu que le prestataire avait été suspendu et congédié en raison d’une inconduite. La Commission ne pouvait donc pas lui verser des prestations. Après une révision infructueuse, le prestataire a fait appel auprès de la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu à la suite de son refus de se conformer à la politique de l’employeur une fois que sa demande d’exemption fondée sur ses croyances religieuses avait été rejetée. Elle a conclu que le prestataire savait que l’employeur était susceptible de le suspendre dans ces circonstances. La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire cherche à obtenir la permission de porter la décision de la division générale en appel devant la division d’appel. Il soutient que son employeur l’a mis en congé sans solde et qu’il ne l’a pas suspendu. Le prestataire affirme que la division générale a refusé d’exercer sa compétence sur la question de savoir si l’employeur avait fait preuve de discrimination à son égard au titre de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il soutient que la division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation d’une inconduite. Le prestataire affirme avoir prouvé que sa demande d’exemption était fondée sur des croyances religieuses.

[6] Je dois décider si le prestataire a invoqué une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel puisque l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social précise les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Il s’agit des erreurs révisables que voici :

  1. La procédure de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a décidé d’une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. C’est une première étape que le prestataire doit franchir, mais où la barre est moins haute que celle qu’il faut franchir durant l’instruction de l’appel sur le fond. À l’étape de la permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. En d’autres termes, il doit démontrer la possibilité de soutenir qu’il y a eu une erreur révisable pouvant faire en sorte que l’appel soit accueilli.

[11] Par conséquent, pour accorder la permission, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés plus haut et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès.

Questions préliminaires

[12] Avant de rendre ma décision sur la demande de permission d’en appeler du prestataire, j’ai demandé à être informé du délai prévu avant que le grief du prestataire ne soit soumis à l’arbitrage concernant le refus par l’employeur de la demande d’exemption du prestataire pour des motifs religieux. La représentante du prestataire a déclaré que cela prendrait probablement de 5 à 10 ans.

[13] Compte tenu de mon obligation envers les deux parties de mener la procédure de façon aussi informelle et rapide que les circonstances et les considérations d’équité et de justice naturelle le permettent, j’ai décidé de ne pas suspendre la demande de permission d’en appeler.

[14] Le processus d’arbitrage du prestataire en est encore à un stade très précoce et aucune date d’audience n’a été fixée. Il faudra plusieurs années avant que l’affaire soit réglée. Je ne crois pas qu’il serait dans l’intérêt de la justice de retarder le présent appel.

[15] Je vais donc rendre une décision sur la demande de permission d’en appeler du prestataire en me fondant sur les éléments de preuve présentés à la division générale.

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

[16] Le prestataire soutient qu’il a été mis en congé sans solde et qu’il n’a pas été suspendu par son employeur. Il soutient que la division générale a refusé d’exercer sa compétence sur la question de savoir si l’employeur a fait preuve de discrimination à son égard aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation de l’inconduite. Il affirme avoir prouvé que sa demande d’exemption était fondée sur des croyances religieuses.

[17] La preuve démontre que le prestataire a travaillé comme conducteur de locomotive. L’employeur a mis en œuvre une politique visant à améliorer la sécurité et la sûreté du réseau de transport du Canada et à faciliter la reprise des déplacements sécuritairesNote de bas de page 1. Elle prévoyait une procédure pour accorder des exceptions fondées sur les croyances religieuses sincères d’une personne. La politique est entrée en vigueur vers novembre 2021.

[18] Le prestataire a demandé une exemption fondée sur ses croyances religieuses. L’employeur a rejeté la demande, et le prestataire n’a pas respecté la politique. L’employeur l’a mis en congé sans solde. Le prestataire a ensuite déposé un grief contre son employeur.

[19] La division générale devait décider si le prestataire avait été suspendu en raison d’une inconduite.

[20] La notion d’inconduite ne veut pas nécessairement dire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable. Il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, l’acte reproché doit avoir été délibéré ou, à tout le moins, être d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé d’ignorer les répercussions de ses actes sur son rendement au travail.

[21] La jurisprudence a établi que le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de décider si l’employeur était coupable d’inconduite en suspendant ou en congédiant le prestataire de telle sorte que sa suspension ou son congédiement était injustifié, mais plutôt de décider si le prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspension ou son congédiementNote de bas de page 2.

[22] À la lumière de la preuve, la division générale a jugé que le prestataire avait été suspendu parce qu’il avait refusé d’être vacciné, conformément à la politique de l’employeur. Il avait été informé de la politique de l’employeur et avait eu le temps de s’y conformer. Le refus du prestataire était intentionnel. C’était un refus délibéré. Il s’agit de la cause directe de sa suspension. La division générale a conclu que le prestataire savait, après le rejet de sa demande d’exemption, que son refus de se conformer à la politique pourrait entraîner sa suspension.

[23] La division générale a conclu, à partir de la preuve prépondérante, que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[24] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 3.

[25] La question de savoir si l’employeur a fait preuve de discrimination à l’égard du prestataire et aurait dû accueillir sa demande d’exemption de la politique de vaccination en raison de ses croyances religieuses relève d’une autre tribune. Le présent Tribunal n’est pas la tribune appropriée par laquelle le prestataire peut obtenir la réparation qu’il demandeNote de bas de page 4.

[26] Je ne vois pas en quoi la division générale aurait fait une erreur révisable lorsqu’elle a expliqué qu’elle devait trancher la question de l’inconduite uniquement d’après les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 5.

[27] La preuve présentée à la division générale appuie sa conclusion selon laquelle la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire a été suspendu (considéré comme sans emploi) en raison de son inconduite.

[28] De plus, je ne vois aucun manquement de la part de la division générale à l’observation d’un principe de justice naturelle. Il ressort clairement de la décision de la division générale que le prestataire a été autorisé à présenter ses arguments à l’égard de l’ensemble de l’affaire et qu’il a eu de nombreuses occasions de contester la position de la Commission.

[29] Dans sa demande de permission d’en appeler, le prestataire n’a relevé aucune erreur révisable comme la compétence de la division générale ou son non-respect d’un principe de justice naturelle. Il n’a cerné aucune erreur de droit ou conclusion de fait erronée, que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, dont la décision serait entachée.

[30] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments que le prestataire a présentés pour appuyer sa demande de permission d’en appeler, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[31] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.