Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 789

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. M.
Représentante ou représentant : T. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (451076) datée du 27 janvier 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Angela Ryan Bourgeois
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Les 26 avril et 16 juin 2022
Personnes présentes à l’audience :

Appelant
Représentante de l’appelant

Date de la décision : Le 20 juin 2022
Numéro de dossier : GE-22-653

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie. L’appelant (prestataire) a démontré qu’il était disponible pour travailler à partir du 8 décembre 2021, et non du 6 septembre 2021. Par conséquent, il est inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à cause de sa non-disponibilité du 6 septembre au 7 décembre 2021.

Aperçu

[2] Pour recevoir des prestations régulières d’assurance‑emploi, la partie prestataire doit être disponible pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie que la partie prestataire doit être à la recherche d’un emploi.

[3] Le prestataire a 20 ans. Il étudie à l’université à temps partiel. Il a deux problèmes de santé : un syndrome post-commotion cérébrale et une dyskinésie ciliaire primitive (trouble de la fonction pulmonaire). Son syndrome post-commotion cérébrale nuit à sa mémoire à court terme et au traitement de l’information. Sa dyskinésie ciliaire le rend sensible aux infections pulmonairesNote de bas de page 1.

[4] Le prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi en août 2021. À ce moment-là, il n’habitait pas dans sa ville natale. Il prévoyait d’étudier à l’université à temps partiel, en ligne, et de jouer au hockey. Après quelques semaines, il a dû arrêter le hockey à cause de son syndrome post-commotion cérébrale. Il est retourné à X où vivent ses parentsNote de bas de page 2.

[5] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi en date du 6 septembre 2021, parce qu’il n’était pas disponible pour travailler.

[6] Je dois décider si le prestataire a prouvé qu’il était disponible pour travailler. Le prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il était disponible pour travailler.

[7] La Commission affirme que le prestataire n’était pas disponible parce qu’il avait choisi de suivre une formation.

[8] Le prestataire n’est pas d’accord. Il dit qu’il cherchait un emploi convenable, mais qu’il n’en trouvait pas.

Question en litige

[9] Le prestataire était-il disponible pour travailler en date du 6 septembre 2021?

Analyse

[10] Deux articles de loi exigent que la partie prestataire démontre qu’elle était disponible pour travailler. La Commission a décidé que le prestataire était inadmissible selon ces deux articles. Ce dernier doit donc répondre aux critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[11] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 3. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente des critères qui aident à expliquer ce que signifie « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 4 ». Je vais examiner ces critères ci-dessous.

[12] Deuxièmement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit aussi que la partie prestataire doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’elle est incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 5. La jurisprudence énonce trois éléments que la partie prestataire doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 6. Je vais examiner ces éléments plus loin.

[13] La Commission a établi que le prestataire était inadmissible aux prestations parce qu’il n’était pas disponible pour travailler selon ces deux articles de loi.

[14] De plus, la Cour d’appel fédérale a déclaré que les parties prestataires qui sont aux études à temps plein sont présumées ne pas être disponibles pour travaillerNote de bas de page 7. C’est ce qu’on appelle la « présomption de non-disponibilité ». Cela signifie qu’on considère que les personnes qui sont aux études ne sont probablement pas disponibles pour travailler quand la preuve montre qu’elles sont aux études à temps plein.

[15] Je vais d’abord voir si je peux présumer que le prestataire n’était pas disponible pour travailler. J’examinerai ensuite les deux articles de loi portant sur la disponibilité.

Présumer que les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler

[16] La présomption de non-disponibilité s’applique uniquement aux personnes qui étudient à temps plein.

[17] Le prestataire n’était pas un étudiant à temps plein, alors la présomption ne s’applique pas. Il avait un cours à la première session et deux cours à la deuxième. Il n’étudiait clairement pas à temps plein.

[18] Cela signifie qu’on ne peut pas présumer qu’il n’était pas disponible pour travailler. Je vais maintenant examiner les deux articles de loi pour décider si le prestataire était disponible en ce sens.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[19] Le premier article de loi que je vais examiner prévoit qu’une partie prestataire doit prouver que les démarches qu’elle a faites pour trouver un emploi étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 8.

[20] Le droit énonce les critères que je dois prendre en considération pour décider si les démarches du prestataire étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 9. Je dois décider si ces démarches étaient soutenues et si elles visaient à trouver un emploi convenable.

[21] Je dois examiner les démarches du prestataire pour se trouver un emploi. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente une liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte, commeNote de bas de page 10 :

  • évaluer les possibilités d’emploi;
  • rédiger un curriculum vitae;
  • s’inscrire à des banques d’emploi en ligne.

[22] La Commission affirme que les démarches du prestataire n’étaient pas suffisantes pour trouver un emploi. Elle se fonde sur les renseignements que le prestataire a inscrits sur son formulaire de demande de prestations en août 2021.

[23] À ce moment-là, le prestataire venait de déménager à X, en Nouvelle-Écosse. Il comptait jouer au hockey, étudier à l’université et travailler (ou faire du bénévolat) à temps partiel. Puisque son déménagement était récent, il ne cherchait pas d’emploi activement. C’est ce qu’il a écrit sur son formulaire de demande.

[24] Je suis d’accord avec la Commission sur le fait que le prestataire ne faisait pas de démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable à ce moment-là. Pendant ses quelques semaines à X, il s’installait et réfléchissait à ce qu’il pourrait faire pour continuer le hockey malgré son syndrome post-commotion cérébrale, si c’était même possible de continuer. Pour ce qui est du travail, il en a parlé à son entraîneur et aux membres de son équipe. Toutefois, il cherchait seulement un emploi à temps partiel qui n’empièterait pas sur son horaire de hockey. Ces démarches n’étaient pas suffisantes pour être considérées comme « habituelles et raisonnables » au sens de la loi.

[25] Par contre, à la fin de septembre 2021, quand le prestataire a quitté X (et le hockey), j’estime qu’il faisait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver du travail.

[26] La preuve sur la date exacte du départ de X n’est pas claire. Comme le prestataire répond aux exigences de disponibilité aux termes du deuxième article de loi seulement à partir du 8 décembre 2021, il est inadmissible jusqu’à ce jour-là, malgré son départ de XNote de bas de page 11. Pour les besoins de ma décision, j’estime que, selon la prépondérance des probabilités, le prestataire a commencé à faire des démarches habituelles et raisonnables le 27 septembre 2021. C’était le dernier lundi de septembre. Il avait déjà commencé à faire des démarches habituelles et raisonnables pour trouver du travail, et avait décroché un emploi à Door DashNote de bas de page 12.

[27] Voici d’autres démarches du prestataire :

  • mettre à jour son curriculum vitae;
  • s’inscrire sur Indeed (banque d’emploi en ligne);
  • créer un compte LinkedIn;
  • chercher des emplois sur le site Web de son université;
  • évaluer les types d’emplois qu’il peut faire malgré ses problèmes de santé;
  • communiquer avec Nouvelle-Écosse au travail (surtout avec sa tante qui travaille là);
  • communiquer régulièrement avec un ex-employeur;
  • présenter des demandes d’emploi;
  • participer à l’entrevue qu’il a obtenue.

[28] Ces démarches étaient habituelles et raisonnables. Elles étaient aussi soutenues parce que le prestataire les a entamées dès son départ de X pour les poursuivre jusqu’au jour de l’audience.

[29] Les démarches du prestataire visaient à trouver un emploi convenable. Pour lui, un emploi convenable en est un qu’il peut faire malgré ses problèmes de santé. Son syndrome post-commotion cérébrale nuit à sa mémoire à court terme et au traitement de l’information. Sa dyskinésie ciliaire le rend sensible aux infections pulmonaires. Par conséquent, le prestataire ne pouvait pas travailler en contact étroit avec d’autres personnes pendant la période en question à cause du risque de COVID-19Note de bas de page 13. Il cherchait un travail en fonction de ces paramètres.

[30] Je vais maintenant examiner le deuxième article de loi sur la disponibilité.

Capable de travailler et disponible pour le faire

[31] La jurisprudence établit trois éléments à examiner quand je dois décider si le prestataire était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 14. Le prestataire doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 15.

  1. a) Il voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui était offert.
  2. b) Il faisait des démarches pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Il évitait d’établir des conditions personnelles qui limiteraient indûment (c’est-à-dire limiteraient trop) ses chances de retourner travailler.

[32] Au moment d’examiner chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite du prestataireNote de bas de page 16.

Vouloir retourner travailler

[33] Le prestataire a montré qu’il souhaitait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert. Il l’a montré lorsqu’il a commencé à travailler pour Door Dash dès son départ de X, a communiqué avec un ex-employeur (X), et a postulé puis accepté un emploi convenable à X.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[34] Le prestataire a fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable.

[35] Le prestataire a mis à jour son curriculum vitae, a cherché un emploi en ligne, s’est inscrit sur Indeed en téléchargeant l’application, a communiqué avec une agence de placement (Nouvelle-Écosse au travail), a communiqué régulièrement avec son ex-employeur et a postulé pour des emplois convenables. Il s’est aussi rendu chez différents employeurs pour voir si l’environnement de travail convenait à ses problèmes de santé.

[36] Ces démarches sont suffisantes pour satisfaire aux exigences de ce deuxième élément. Les démarches du prestataire montrent qu’il cherchait activement du travail, mais qu’il était incapable de trouver un emploi convenable. Il a montré qu’à partir de son retour à X, il faisait de véritables démarches pour trouver un emploi convenable.

[37] J’accorde peu d’importance aux propos que le prestataire a tenus avec le personnel de la Commission sur ce qu’il faisait pour trouver un emploi. Je préfère sa preuve documentaire et le témoignage qu’il a offert après mûre réflexion et préparation. Après avoir écouté le prestataire et ce que sa mère disait sur les symptômes liés au syndrome post-commotion cérébrale, j’accepte que le prestataire ait de la difficulté à se rappeler certains détails, surtout en ce qui a trait à la suite des événements. Par exemple, il a eu de la difficulté à donner de l’information sur sa première session d’université seulement quatre mois plus tard. Le prestataire a sans aucun doute suivi un cours, mais il ne pouvait pas se rappeler les détails. On ne peut donc probablement pas se fier à ses souvenirs à court terme, ce qui était aussi le cas lorsqu’il a parlé au personnel de la Commission.

Information sur le marché du travail

[38] La Commission a fourni une liste d’emplois offerts dans la région du prestataire. Nous avons examiné cette liste à l’audience. Après avoir écouté le prestataire et sa mère, j’accepte qu’il ait pris en considération toutes les possibilités d’emplois convenables dans sa région. Il n’a rejeté aucun emploi offert sans l’avoir bien évalué. Le prestataire était incapable de trouver un emploi convenable.

[39] Le prestataire est jeune (20 ans). Il a donc peu d’expérience de travail et n’a pas terminé ses études. Ses symptômes liés au syndrome post-commotion cérébrale nuisent à sa capacité de répondre rapidement et limitent le type de travail qui lui convient. Par exemple, un poste dans un centre d’appel ne lui conviendrait pas à cause du rythme rapide. Son trouble pulmonaire restreint aussi le type de travail qui lui convient, du moins jusqu’à sa dose de rappel du vaccin contre la COVID-19Note de bas de page 17. Par conséquent, des emplois dans la restauration rapide ou tout secteur connexe ne conviennent pas au prestataire.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[40] Le prestataire avait deux conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner travailler. Toutefois, ces conditions personnelles ont pris fin le 7 décembre 2021.

[41] Premièrement, lorsqu’il était à X, les possibilités d’emploi du prestataire étaient limitées par son horaire de hockey. Deuxièmement, à sa première session, il devait suivre un cours à une heure précise de jour.

[42] Les tribunaux ont établi clairement qu’une personne qui limite sa disponibilité pour le travail en fonction d’un horaire de cours ne répond pas aux exigences de disponibilité de la loiNote de bas de page 18. Selon moi, le fait de vouloir organiser un horaire de travail en dehors d’un horaire de hockey semble aussi restrictif. Pour ces raisons, je suis d’avis que les restrictions du prestataire auraient pu limiter indûment ses chances de trouver du travail.

[43] Toutefois, les deux restrictions ont pris fin (celle du hockey vers la fin de septembre)Note de bas de page 19. Le prestataire a terminé son cours avec présence obligatoire le 7 décembre 2021, après avoir fait l’examen final.

[44] La preuve sur la première session du prestataire n’est pas claire. À l’audience, le prestataire a dit qu’il avait un cours d’anglais à la première session. Il devait participer à ce cours en ligne à une heure précise, trois fois par semaine, pendant les heures normales de travail. Le prestataire n’était pas sûr si le cours était enregistré. Toutefois, la preuve documentaire qu’il a fournie plus tard suggère qu’il a laissé tomber le cours commencé à la première session (anthropologie)Note de bas de page 20. Un autre témoignage du prestataire, le 16 juin 2022, a confirmé qu’il a gardé au moins un cours par session.

[45] Compte tenu de la preuve dont je dispose, j’estime que le prestataire avait un cours d’anglais à la première session. Il y a participé à une heure précise, trois fois par semaine, pendant les heures normales de travail. Conformément à ce qu’a établi la Cour fédérale, je suis d’avis que son horaire de cours restreignait sa disponibilité, ce qui aurait pu limiter indûment ses chances de retourner au travail. Cette restriction a pris fin lorsque le prestataire a terminé son cours le 7 décembre 2021.

[46] La preuve sur la deuxième session est claire. Les cours du prestataire n’étaient pas en directNote de bas de page 21. Par conséquent, son horaire ne restreignait pas indûment sa disponibilité. Il n’aurait pas eu à organiser son travail en fonction de son horaire de cours. De plus, il n’avait que deux cours.

[47] J’ai aussi tenu compte du temps nécessaire aux travaux universitaires du prestataire. Étant donné les symptômes de son syndrome post-commotion cérébrale, je me suis demandé si le nombre d’heures qu’il avait à son emploi à temps partiel à X était suffisant.

[48] Je suis convaincue qu’en date du 8 décembre 2021, les cours et les travaux du prestataire ne constituaient pas des conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment sa disponibilitéNote de bas de page 22. Pendant sa deuxième session, il pouvait faire ses travaux universitaires quand il voulait. Le prestataire a d’ailleurs expliqué qu’il préfère avoir différentes activités à faire. Sa mère a aussi noté qu’un horaire varié a une incidence positive sur la santé mentale du prestataire. Celui-ci cherche à avoir un plus grand nombre d’heures de travail à X. Cela montre qu’il ne travaille pas à sa capacité maximale, malgré les symptômes de son syndrome post-commotion cérébrale.

[49] Je conclus qu’à partir du 8 décembre 2021, le prestataire n’avait aucune condition personnelle qui aurait pu limiter indûment ses chances de retourner travailler.

Alors, le prestataire était-il capable de travailler et disponible pour le faire?

[50] Selon mes conclusions sur les trois éléments, je suis d’avis que le prestataire a démontré qu’il était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable à partir du 8 décembre 2021.

Conclusion

[51] Le prestataire a démontré qu’il était disponible pour travailler au sens de la loi à partir du 8 décembre 2021. Même s’il a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi avant cette date, les restrictions quant à sa disponibilité jusqu’au 7 décembre 2021 font qu’il n’était pas disponible au sens de la loi avant le 8 décembre 2021.

[52] L’appel est accueilli en partie. L’inadmissibilité du prestataire à cause de sa non-disponibilité prend fin le 7 décembre 2021. 

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