Assurance-emploi (AE)

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Citation : RA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 928

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Parties appelante : R. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Anick Dumoulin

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 22 avril 2022 (GE-21-2584)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 6 septembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 21 septembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-277

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelante (prestataire) a perdu son emploi. Son employeur a affirmé qu’elle a été congédiée parce qu’elle a refusé de se faire vacciner ou de se faire dépister contre la COVID-19, conformément à l’Arrêté ministériel 2021-024.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a avisé la prestataire qu’elle ne pouvait lui verser des prestations parce qu’elle a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. La prestataire a demandé la révision de cette décision. La Commission a maintenu sa décision initiale. La prestataire a interjeté appel de la décision découlant de la révision auprès de la division générale.

[4] La division générale a déterminé que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle a refusé de se conformer à l’Arrêté ministériel 2021-024 qui était toujours en vigueur. Elle a jugé que la prestataire savait qu’elle serait congédiée en posant un tel geste et qu’elle a été congédiée pour cette raison. La division générale a conclu que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[5] La division d’appel a accordé à la prestataire la permission d’en appeler de la décision de la division générale. La prestataire fait valoir que la division générale a rendu sa décision sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Je dois décider si la division générale a rendu sa décision sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] Je rejette l’appel de la prestataire.

Question en litige

[8] Est-ce que la division générale a rendu sa décision sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[9] La Cour d’appel fédérale a déterminé que la division d’appel n’avait d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).Note de bas page 1

[10] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure. 

[11] En conséquence, à moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, Je dois rejeter l'appel.

Est-ce que la division générale a rendu sa décision sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

[12] La prestataire fait valoir que la division générale a ignoré deux courriels expédiés par l’employeur à des employées en date du 27 et 31 mai 2021, indiquant qu’elles n’étaient plus visées par l’Arrêté ministériel 2021-024 sur le dépistage obligatoire et a ignoré l’absence d’explications valables de la part de l’employeur.

[13] La prestataire soutient que la preuve devant la division générale démontre que vers la fin mai 2021, deux collègues de travail, l’une de son unité et l’autre une infirmière du même CIUSSS, ont reçus un courriel à l’effet qu’elles n’étaient plus visées par l’Arrêté ministériel 2021-024, donc plus dans l’obligation de se faire dépister.

[14] La prestataire fait valoir que la division générale a ignoré la preuve à l’effet que l’Arrêté ministériel n’était plus en vigueur au moment des gestes qui lui sont reprochés et a ignoré que l’employeur n’a produit aucune preuve à l’effet que l’Arrêté ministériel était encore en vigueur au mois de juin 2021.

[15] Lorsque questionné par la Commission sur les courriels, l’employeur a déclaré que l’arrêté ministériel était toujours en vigueur et que les employées en question avaient probablement reçu le vaccin.Note de bas page 2

[16] Au soutien de sa décision, la division générale a retenu la version de l’employeur à l’effet que l’Arrêté ministériel était toujours en vigueur à l’époque, et que les employées avaient reçu les courriels parce qu’elles étaient probablement vaccinées.

[17] La division générale devait déterminer si la prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite au sens de la Loi sur l’AE.

[18] La division générale a pour rôle d’examiner les éléments de preuve présentés par les deux parties afin de cerner les faits pertinents, c’est-à-dire les faits qui concernent le litige qu’elle doit trancher, puis d’expliquer par écrit sa décision en fonction de ces faits.

[19] La preuve devant la division générale était clairement contradictoire quant à savoir si l’Arrêté ministériel était en vigueur au moment des gestes reprochés à la prestataire.

[20] La division générale doit justifier les conclusions auxquelles elle arrive. Lorsqu’elle est confrontée à des éléments de preuve contradictoires, elle ne peut les ignorer. Elle doit les examiner. Si elle décide qu’il y a lieu de les écarter ou de ne leur attribuer que peu de poids ou pas de poids du tout, elle doit en expliquer les raisons, au risque, en cas de défaut de le faire, de voir sa décision entachée d’une erreur de droit ou taxée d’arbitraire.Note de bas page 3

[21] En l’espèce, la division générale a fait fi des éléments de preuve présentés par la prestataire. Sans expliquer pourquoi, la division générale a préféré la version de l’employeur et a écarté la preuve de la prestataire. Il s’agit d’une erreur de droit.

[22] Compte tenu de cette erreur, je suis justifié d’intervenir.

Remède

[23] Considérant que les deux parties ont eu l'occasion de présenter leur position devant la division générale, je rendrai la décision qui aurait dû être rendue par la division générale.Note de bas page 4 

[24] La notion d’inconduite ne prévoit pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[25] Le rôle du Tribunal n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendue coupable d’inconduite en congédiant la prestataire de sorte que son congédiement serait injustifié, mais bien de savoir si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné son congédiement.

[26] La prestataire a produit deux courriels expédiés par l’employeur à des employées en date du 27 et 31 mai 2021, indiquant qu’elles n’étaient plus visées par l’Arrêté ministériel 2021-024 sur le dépistage obligatoire. Elles n’étaient donc plus dans l’obligation de se faire dépister. Il s’agissait de deux collègues de travail de la prestataire, l’une de son unité et l’autre une collègue infirmière du même CIUSSS.

[27] La prestataire a témoigné devant la division générale à l’effet que les deux employées en question n’étaient pas vaccinées au moment de recevoir les courriels.Note de bas page 5 La prestataire fait valoir que cela soutient sa position à l’effet que l’Arrêté ministériel 2021-024 n’était plus en vigueur au mois de juin 2021.

[28] L’employeur soutient que l’Arrêté ministériel était en vigueur au moment où la prestataire a choisi de ne pas se présenter au travail afin de ne pas se conformer à l’Arrêté ministériel.

[29] La preuve démontre que l’Arrêté ministériel numéro 2021-024 du Ministre de la Santé et des Services sociaux a été mis en vigueur le 9 avril 2021 pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire. Il s’appliquait à la prestataire qui travaillait comme intervenante dans un centre de jeunesse du Québec.Note de bas page 6

[30] La prestataire a admis que son employeur l’a avisé le 11 juin 2021, soit quelques jours seulement avant son retour au travail, que l’Arrêté ministériel était toujours en vigueur. Elle a également été avisé que les courriels reçus par ses collègues ne la concernait pas.Note de bas page 7

[31] Contrairement à la prétention de la prestataire, je constate que les courriels des employées n’indiquent pas que l’Arrêté ministériel n’est plus en vigueur. Ils indiquent plutôt aux employées en question qu’elles ne sont plus visées par l’arrêté ministériel 2021-024.

[32] Je constate de la preuve que la prestataire n’a pas reçu un tel courriel de la part de l’employeur.

[33] Je n’ai d’autres choix que de conclure de la preuve prépondérante qu’elle était toujours visée par l’Arrêté ministériel 2021-024 au moment des gestes reprochés.

[34] L’employeur a congédié la prestataire le 17 août 2021, pour avoir fait défaut de se présenter au travail les 14, 16 et 17 juin 2021, puisque la prestataire a fait le choix de ne pas se soumettre à l’Arrêté ministériel 2021-024.

[35] Je suis d’avis que la preuve prépondérante démontre que la prestataire a été congédiée parce qu’elle a refusé de se faire vacciner ou de subir les tests de dépistage. Elle n’a obtenu aucune exemption de la part de l’employeur. La prestataire a été informée de l’Arrêté ministériel mis en place afin de préserver la santé de la population et s’assurer que le réseau de la santé et des services sociaux dispose des ressources humaines nécessaires. Elle a eu le temps de s’y conformer. La prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre l’Arrêté ministériel. C’est ce qui a directement entraîné son congédiement. La prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à l’Arrêté ministériel pourrait mener à son congédiement.

[36] La preuve prépondérante démontre que le refus de la prestataire de se faire vacciner ou dépister contre la COVID-19, conformément à l’Arrêté ministériel 2021-024, constituait une inconduite.

[37] Il est bien établi que le non-respect délibéré des règles d’un employeur est considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

[38] La question de savoir si l'employeur a fait preuve de discrimination à l'égard de la prestataire, ou a fait défaut de l’accommoder, ou n’a pas respecté ses droits constitutionnels, relève d'un autre forum. Ce Tribunal n'est pas le forum approprié par lequel la prestataire peut obtenir la réparation qu'elle demande.Note de bas page 8

[39] Il me faut décider de la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d'appel fédérale, qui a défini l'inconduite en vertu de la Loi sur l'AE.

[40] Je suis pleinement conscient que la prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établie.Note de bas page 9  Cela ne change rien au fait qu'en vertu de la Loi sur l'AE, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été congédiée en raison de son inconduite.

Conclusion

[41] L’appel est rejeté.

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