Assurance-emploi (AE)

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Citation : EG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 948

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : É. G.
Représentante : Kim Bouchard
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (443903) datée du 30 décembre 2021 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Normand Morin
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 21 juin 2022
Personne présente à l’audience : L’appelant
La représentante de l’appelant
Date de la décision : Le 12 août 2022
Numéro de dossier : GE-22-443

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Je conclus que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas page 1. Son exclusion du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 19 septembre 2021 est donc justifiée.

Aperçu

[2] Du 13 août 2018 au 13 septembre 2021, l’appelant a travaillé comme commis d’entrepôt, pour l’employeur X (X ou l’employeur), et a cessé de travailler pour cet employeur en raison d’un congédiement. L’employeur explique avoir congédié l’appelant en raison de ses retards, de ses absences et d’un abus de congés de maladie.

[3] Le 9 novembre 2021, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) informe l’appelant qu’il n’a pas droit aux prestations régulières d’assurance-emploi à partir du 19 septembre 2021, car il a cessé de travailler pour l’employeur le 13 septembre 2021 en raison de son inconduiteNote de bas page 2. Le 30 décembre 2021, à la suite d’une demande de révision, la Commission l’informe qu’elle maintient la décision rendue à son endroit le 9 novembre 2021Note de bas page 3.

[4] L’appelant soutient ne pas avoir perdu son emploi en raison de son inconduite. Il explique que ce sont principalement ses retards au travail qui lui ont causé des problèmes dans son emploi. L’appelant fait valoir que ses retards au travail s’expliquent par ses problèmes de sommeil. Il souligne que ses retards étaient généralement de courte durée. L’appelant affirme que l’employeur était au courant de ses problèmes de sommeil et des retards que cela pouvait occasionner au travail. Il soutient que l’employeur n’a pas pris au sérieux les explications qu’il lui a données concernant ses retards. L’appelant indique qu’en raison de ses retards, l’employeur lui a donné des avis disciplinaires et lui a imposé des journées de suspension. Il affirme que la journée où il a été congédié, soit le 13 septembre 2021, il n’avait pas dormi depuis plus de deux jours. L’appelant explique qu’il était conscient de ses retards au travail et qu’il a fait des efforts pour les régler (ex. : utilisation d’alarmes de réveil, consultation de professionnels de la santé). Il affirme que la situation concernant ses retards s’est manifestée à la suite de la pandémie de COVID-19Note de bas page 4, étant donné l’état dans lequel il se sentait durant cette période. L’appelant fait valoir que pour compenser ses retards accumulés au travail, il effectuait des heures supplémentaires durant ses pauses ou ses périodes de repas. Il soutient que ses retards n’étaient pas des gestes volontaires de sa part. Le 7 février 2022, l’appelant conteste auprès du Tribunal la décision en révision de la Commission. Cette décision fait l’objet du présent recours devant le Tribunal.

Questions en litige

[5] Je dois déterminer si l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite. Pour cela, je dois répondre aux questions suivantes :

  • Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?
  • La raison du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite selon la Loi?

Analyse

[6] Le terme d’inconduite n’est pas défini dans la Loi. Des décisions rendues par la Cour d’appel fédérale (la Cour) donnent les caractéristiques décrivant la notion d’inconduite.

[7] Dans l’une de ses décisions, la Cour mentionne que pour constituer de l’inconduite, « l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail »Note de bas page 5.

[8] Pour être considérée comme une inconduite selon la Loi, la façon d’agir doit être délibérée. C’est-à-dire qu’elle doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 6. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle « frôle le caractère délibéré », c’est-à-dire qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 7. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la Loi, il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable, c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de malNote de bas page 8.

[9] Il y a inconduite si un prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas page 9.

[10] Pour déterminer si l’inconduite peut mener à un congédiement, il doit exister un lien entre l’inconduite reprochée au prestataire et la perte de son emploi. L’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travailNote de bas page 10.

[11] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilitésNote de bas page 11. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite.Note de bas page 12 

Question no 1 : Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?

[12] Dans le cas présent, l’employeur explique avoir congédié l’appelant en raison de ses retards, de ses absences et d’un abus de congés de maladieNote de bas page 13.

[13] Les déclarations de l’employeur à la Commission indiquent les éléments suivants :

  1. a) L’appelant a été congédié le 13 septembre 2021 en raison de ses retardsNote de bas page 14. Il a fait l’objet de « mesures disciplinaires progressives » avant qu’il ne soit congédiéNote de bas page 15 ;
  2. b) L’appelant a travaillé comme commis d'entrepôt dans l’entreprise, une quincaillerie de portes et de produits de sécurité. Il rangeait la marchandise, faisait l'inventaire et aidait au service à la clientèle, de même qu’à l’expédition. Il travaillait du lundi au vendredi, de 8 h à 16 h30. Cet horaire a été convenu lors de l’embauche de l’appelant. Celui-ci n’a jamais demandé de le modifierNote de bas page 16 ;
  3. c) L’appelant a reçu de nombreux avertissements verbaux pour ses retards. Les retards de 5 à 10 minutes n’ont pas été compilés au départ. Seuls les retards plus importants (ex. : 45 minutes, une heure ou plus) l’étaient. Par exemple, le 30 décembre 2020, à 8 h 48, l’appelant a informé l’employeur qu’il s’était fait voler son téléphone et qu’il avait mal installé son alarmeNote de bas page 17 ;
  4. d) Le 12 janvier 2021, l’appelant a reçu un avertissement écrit parce qu’il avait accumulé plusieurs retards non justifiés. L’appelant a rencontré son supérieur immédiat et le directeur de la succursale. L’employeur a rappelé à l’appelant que plus aucun retard ni absence non motivée ne serait toléré sous peine d’un congédiementNote de bas page 18. L’appelant a signé l’avis disciplinaire qui lui a été remisNote de bas page 19 ;
  5. e) Le 3 juin 2019, l’appelant avait préalablement reçu un premier avertissement écrit pour avoir tenu des propos inappropriés à l’endroit d’un autre employé. L’employeur a alors indiqué à l’appelant que ce type de comportement n’était pas toléréNote de bas page 20 ;
  6. f)  À la suite de l’avertissement écrit remis à l’appelant le 12 janvier 2021 relativement à ses retards, celui-ci a été en retard aux dates suivantes : 15 janvier 2021 (retard sans aviser l’employeur), 29 avril 2021 (arrivée de l’appelant au travail à 9 h 20), 13 mai 2021 (arrivée de l’appelant à 8 h 45), 2 juin 2021 (envoi, par l’appelant, d’un message texte (texto) à l’employeur à 11 h 27 lui indiquant qu’il venait de se réveiller en sursaut)Note de bas page 21 ;
  7. g) Le 3 juin 2021, un autre avertissement est donné à l’appelant, en lien avec ses retards et ses absences sans autorisation et une suspension de deux jours lui est également imposée les 3 et 4 juin 2021Note de bas page 22. L’appelant a été rencontré par son supérieur immédiat et par le directeur de la succursale. L’avis indique que plus aucun retard ou absence ne sera toléré et que le prochain retard ou absence entraînera un congédiement automatique. L’appelant a signé l’avertissement écrit qui lui a été remisNote de bas page 23 ;
  8. h)  L’appelant a accumulé d’autres retards non justifiés les 17, 22, 28, et 30 juillet 2021 ainsi que le 9 août 2021Note de bas page 24 ;
  9. i)  Le 13 septembre 2021, la journée de son congédiement, l’appelant avait plusieurs heures de retard, car il n’avait pas pu se réveiller à tempsNote de bas page 25 ;
  10. j)  Les raisons que l’appelant lui donnait pour expliquer ses retards étaient qu’il avait perdu son cellulaire, qu’il ne s'était pas réveillé à temps ou qu’il avait des troubles de sommeil. L’appelant n’a pas évoqué de raisons médicales pour justifier des retards. L’employeur indique que l’appelant avait changé ses habitudes pendant la COVID-19. Il ne pouvait plus aller s’entraîner dans un centre de conditionnement physique, mais lui a dit qu’il « s’organisait seul »Note de bas page 26 ;
  11. k) L’appelant lui a demandé si, en raison de ses retards, il pouvait reprendre son temps le midi ou pendant ses pauses, mais cette demande a été refusée. Si l’appelant le faisait, cela n’était pas autoriséNote de bas page 27 ;
  12. l)  L’employeur affirme avoir été très tolérant au sujet des retards de l’appelant, étant donné le manque de personnel. Ses retards ne pouvaient toutefois plus être tolérés, car cela était abusif. L’employeur ne faisait plus confiance à l’appelant. L’employeur voulait aussi conserver le respect de l'ensemble des employés, même s’il était en manque de personnel et qu’il a fallu du temps pour remplacer l’appelantNote de bas page 28 ;
  13. m)  Les employés ont droit à cinq jours de congés de maladie ou personnels par année. L’appelant a utilisé les cinq jours de congé de maladie ou personnels auxquels il avait droit chaque année et même plusNote de bas page 29.

[14] L’employeur transmet également à la Commission une copie des documents suivants :

  1. a) Lettre d’avertissement disciplinaire adressée à l’appelant, en date du 3 juin 2019 (1er avertissement écrit), indiquant qu’il a tenu des propos jugés inappropriés à l’endroit d’un autre employé et que ces propos n’étaient pas acceptés sur les lieux du travail (paragraphe 16 du manuel de l’employé). L’appelant a signé ce documentNote de bas page 30 ;
  2. b) Lettre d’avertissement disciplinaire adressée à l’appelant, en date du 12 janvier 2021 (2e avertissement écrit), indiquant qu’il a accumulé plusieurs retards, et ce, même après avoir été averti à plusieurs reprises. Le document précise qu’aucun retard ou absence non autorisé par son supérieur n’allait être accepté (paragraphe 2.4 du manuel de l’employé). L’avertissement précise aussi que ce type de comportement ne sera plus toléré sous peine d’un congédiement. L’appelant a signé ce documentNote de bas page 31 ;
  3. c) Lettre d’avertissement disciplinaire adressée à l’appelant, en date du 3 juin 2021 (suspension sans salaire), indiquant qu’il est suspendu sans salaire pour deux jours, soit les 3 et 4 juin 2021, parce qu’il n’a pas respecté les demandes de l’employeur concernant ses retards et ses absences non autorisés ou non motivés. Le document précise que tout prochain retard ou absence non autorisé entraînera un congédiement automatique et qu’un avertissement écrit lui sera remis le 7 juin 2021. L’appelant a signé la lettre d’avertissement du 3 juin 2021Note de bas page 32 ;
  4. d) Lettre adressée à l’appelant (objet : Congédiement), en date du 13 septembre 2021, indiquant que l’employeur le congédie pour les raisons suivantes : abus de congé de maladie, retards et absences non motivésNote de bas page 33.

[15] L’appelant soutient ne pas avoir perdu son emploi en raison de son inconduite. Il reconnaît être arrivé en retard au travail à quelques reprises. Il précise que l’employeur l’a congédié en raison de ses retardsNote de bas page 34. L’appelant affirme que ses retards ne représentaient pas des gestes volontaires de sa partNote de bas page 35.

[16] La représentante de l’appelant fait valoir que la conduite de l’appelant n’était pas intentionnelle. Elle souligne que l’appelant est formel sur le fait qu’il n’a jamais eu d’absences non motivées.

[17] Je considère que la perte d’emploi de l’appelant résulte des retards qu’il a accumulés pour se présenter au travail. Bien que l’employeur réfère aussi à des absences non motivées ou à des abus de congé de maladie pour expliquer le congédiement de l’appelant, je retiens que ce sont avant tout les retards de ce dernier qui en sont la cause.

[18] Je dois maintenant déterminer si les gestes reprochés à l’appelant constituent de l’inconduite au sens de la Loi.

Question no 2 : La raison du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite selon la Loi?

[19] Je considère que l’appelant a agi de manière à perdre délibérément son emploi. La preuve au dossier démontre qu’il a commis des gestes représentant de l’inconduite au sens de la Loi.

[20] Le témoignage et les déclarations de l’appelant indiquent les éléments suivants :

  1. a) L’inconduite qui lui est reprochée n’est pas prouvée « hors de tout doute ». Les gestes qui lui ont été reprochés n’étaient pas intentionnels et ne démontraient pas une négligence de sa partNote de bas page 36 ;
  2. b) Ses retards au travail représentent le problème principal ayant mené à son congédiement selon les avis disciplinaires qu’il a reçus. Il n’a pas eu d’absences non motivées. Ses retards étaient occasionnels et involontaires. L’appelant précise qu’il s’agissait surtout de « petits retards » (deux à huit minutes) et quelques retards plus importantsNote de bas page 37. Il explique que très occasionnellement, il y a eu des retards de trois heures parce que son corps avait tellement besoin de sommeil qu’il ne parvenait pas à se réveiller, même avec une alarme de réveilNote de bas page 38. Il dit ne pas être au courant des dates de ses retards ou de ce que l’employeur entendait par « plein de retards ». L’appelant savait que ses retards étaient compilés par l’employeur ;
  3. c) Ses retards s’expliquent par des troubles du sommeil qui se sont manifestés à la suite de la pandémie de COVID-19 et de l’adoption de mesures de restrictions sanitaires. Ces mesures de restrictions sanitaires (ex. : fermeture des centres d’entraînement) et la période de confinement liée à la pandémie ont chamboulé ses habitudes vie. Il n’a plus été en mesure de poursuivre son entraînement physique. Il n’y a pas eu de problèmes de retards chez l’employeur auparavantNote de bas page 39 ;
  4. d) L’appelant a discuté de ses problèmes de retard avec le gérant (gérant du département), mais celui-ci transmettait les informations qu’il voulait au directeur (directeur de la succursale) à ce sujet. Malgré les explications données à l’employeur concernant les raisons de ses retards et ses problèmes de sommeils, celui-ci ne le croyait pas. L’employeur le prenait pour un menteurNote de bas page 40 ;
  5. e) Lorsque l’appelant a rencontré l’employeur (le gérant et le directeur) pour prendre connaissance et signer les avis disciplinaires qui lui ont été remis, il était conscient que ses retards avaient un impact dans son travail et qu’ils allaient pouvoir mener à son congédiementNote de bas page 41. L’appelant mentionne qu’il n’était pas content de signer ces documents. Il souligne qu’il ne se foutait pas de cette situation. L’appelant n’était pas au courant des dates des retards en question. L’employeur lui a dit qu’il avait compilé les retards qu’il avait accumulés. Bien que la Commission affirme qu’il a décidé, en connaissance de cause, de ne pas faire l’effort nécessaire pour corriger la situation, il a fait des efforts pour le faire ;
  6. f)  L’appelant indique avoir expérimenté différents moyens pour trouver une solution à ses problèmes de retards (ex. : exercices de détente, de gestion du temps utilisation d’alarmes de réveil, prise de « produits naturels » comme la mélatonine). Ces moyens n’ont toutefois pas amélioré la situationNote de bas page 42 ;
  7. g) L’appelant explique avoir offert à l’employeur de continuer d’accomplir ses tâches durant ses pauses et ses périodes de repas et avoir pris l’initiative de le faire pour combler ses retards. Cette initiative pouvait représenter environ cinq heures supplémentaires par semaine, et ce, de décembre 2020 à septembre 2021.Note de bas page 43 L’employeur n’a pas reconnu que ces heures supplémentaires étaient « valides »Note de bas page 44. Malgré ses retards, l’appelant dit avoir toujours été à jour dans son travail. Son travail était fait à temps. En aucun cas, ses retards n’ont affecté la qualité de son travail. Il indique avoir toujours eu le souci de bien performer dans son travailNote de bas page 45 ;
  8. h)  En janvier ou février 2021, à la suite de l’avertissement reçu le 12 janvier 2021 (lettre d’avertissement), il a pris l’initiative de consulter des professionnels de la santé (ex. médecin, psychologue)Note de bas page 46 ;
  9. i)  Lors de ses premières consultations médicales concernant ses problèmes de sommeil, ce n’était pas facile pour l’appelant d’expliquer ce qu’il avait. À ce moment, le médecin n’avait pas de mots clairs à son sujet et ne pouvait dire qu’il avait des troubles du sommeil. L’appelant indique qu’un « système nerveux surutilisé » cause des troubles du sommeilNote de bas page 47. Selon l’appelant, ses troubles de sommeil ne représentent pas une maladie. Il souligne ne pas être malade et être fonctionnel. Selon lui, ses problèmes de retards sont causés par le « stress post-pandémique ». Il indique apprendre à vivre avec ses problèmes de sommeil et être conscient que ce problème n’est pas réglé. Selon lui, il n’y a pas de médicament pour régler ce problème, pour l’aider à mieux dormir, ou pour mieux gérer son tempsNote de bas page 48 ;
  10. j)  L’employeur était au courant de l’état dans lequel il se trouvait en raison de ses problèmes de sommeil. L’appelant affirme en avoir discuté régulièrement avec le gérant, étant donné les avertissements qu’il a reçus. Il a eu ce genre de discussion, entre autres, vers les mois de mars et avril 2021, à la suite de l’avertissement écrit qui lui avait été donné en janvier 2021. L’appelant souligne avoir toujours été transparent et disponible pour son employeur, en plus d’avoir été ouvert aux discussions avec lui concernant ses retards. L’appelant dit avoir compris qu’il allait devoir corriger la situation à ce sujet, à la suite de ses conversations avec l’employeurNote de bas page 49 ;
  11. k) Vers le mois de juin 2021, l’employeur lui a offert d’utiliser le service de consultation téléphonique de l’entreprise. L’appelant explique qu’il faisait déjà des consultations à ce moment. Il a dit à l’employeur qu’il allait gérer ses problèmes de retard ou de sommeil avec ses « propres moyens ». L’employeur ne lui a pas dit qu’il allait devoir fournir un billet médical lors de cette discussion ;
  12. l)  À la suite des deux journées de suspension qui lui ont été imposées en juin 2021, il n’y a pas eu de retard pendant plusieurs semaines, entre autres, durant la période de vacances de la construction. Il indique avoir eu d’autres retards par la suite (ex. : août 2021)Note de bas page 50. Les journées de suspension qui lui ont été imposées en juin 2021 n’ont pas réglé ou réduit le stress qu’il ressentait. Il ne se sentait pas « relaxe ». Il ressentait de la pression de la part de l’employeur et cette pression ne faisait rien pour l’aider. Il souligne que ce ne sont pas ces journées de suspension qui ont fait en sorte qu’il n’a pas été en retard par la suite pendant un certain temps, mais plutôt le fait qu’il y avait des employés en vacances et qu’il devait mettre les « bouchées doubles ». L’appelant sentait qu’il devait être performant au travail. Il indique qu’il savait très bien qu’à ce moment « ça passe ou ça casse » ;
  13. m)  Vers la fin de juillet 2021 ou le début d’août 2021, à la suite de la période de vacances de la construction, le gérant a discuté avec lui de ses problèmes de retards, étant donné que ses retards « revenaient » comme auparavant ;
  14. n)  Le lundi 13 septembre 2021, lorsque l’appelant a communiqué avec l’employeur pour l’aviser de son retard (deux heures trente minutes après le début de sa journée de travail), celui-ci lui a dit de regarder ses courrielsNote de bas page 51. L’appelant souligne qu’il n’avait pas dormi depuis deux ou trois jours. Il a indiqué à l’employeur qu’il pourrait lui fournir une preuve médicale. L’employeur l’a congédié le même jour. Il n’a pas eu la chance de se rendre au travailNote de bas page 52 ;
  15. o) Le 25 octobre 2021, l’appelant a déposé une plainte auprès de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). Cette plainte a été déposée relativement à une somme d’argent que l’employeur lui devrait et pour un congédiement fait sans cause juste et suffisanteNote de bas page 53. Une entente de règlement hors cour est intervenue entre l’appelant et l’employeur en janvier 2022Note de bas page 54.

[21] La représentante de l’appelant fait valoir les éléments suivants :

  1. a) Ce sont les retards de l’appelant qui sont au cœur du litige et non ses problèmes d’absences non autorisées ou non motivées. L’appelant est formel sur le fait qu’il n’a jamais eu d’absences non motivées. Il n’a jamais eu de problème de retards au travail avant la mise en place de mesures de confinement ou de restrictions sanitaires en lien avec la pandémie de COVID-19 ;
  2. b) L’appelant n’a pas volontairement commis une inconduite. Il n’y a pas de preuve au dossier indiquant que sa conduite était intentionnelle. La preuve ne démontre pas que les retards reprochés à l’appelant ont un caractère volontaire ou délibéré ni qu’ils résultent d’une insouciance ou d’une négligence qui frôlent le caractère délibéré ;
  3. c) Depuis le début de sa demande de prestations, l’appelant allègue que ses retards sont involontaires et sont liés aux troubles du sommeil et aux conséquences de la pandémie pour son état de santé. La pandémie de COVID-19 a fait en sorte que l’appelant a vécu beaucoup de désorganisation. Il avait des problèmes de gestion de sa routine de vie (ex. : il ne pouvait plus s’entraîner). L’appelant a été constant dans ses affirmations, autant lors de la révision administrative de son dossier que lors de l’audience. Son histoire est constante durant tout le fil des événements ;
  4. d) L’employeur était au courant des troubles du sommeil de l’appelant. L’appelant indique lui en avoir parlé à plusieurs reprises. L’employeur affirme que l’appelant n’a jamais évoqué la maladie pour justifier ses retards. Il se rappelle avoir entendu parler des troubles du sommeil de l’appelant et de l’arrêt de ses entraînementsNote de bas page 55. L’employeur n’a jamais demandé de billet médical à l’appelant pour justifier ses retards ou expliquer ses problèmes de sommeil ;
  5. e) L’appelant a tenté de régler le problème posé par ses retards, sans succès. C’était au-delà d’une question de simple volonté. L’appelant a tout fait en son pouvoir pour améliorer les choses. Il a proposé des solutions. Il a utilisé des alarmes de réveil, consulté des professionnels de la santé (ex. : médecin, travailleuse sociale) et effectué du temps supplémentaire (ex. : pauses et périodes de repas). Malgré les moyens utilisés par l’appelant, il a continué d’avoir des retards et cela a mené à son congédiement ;
  6. f)  La représentante demande si la proposition que l’employeur a faite à l’appelant d’utiliser le service de consultation téléphonique aurait vraiment changé quelque chose, étant donné que ce dernier était déjà pris en charge ;
  7. g) La Commission n’avait aucun motif de ne pas croire l’appelant lorsqu’il affirme que ses problèmes de retards étaient causés par les répercussions de la pandémie et par les troubles du sommeil ;
  8. h)  Dans son argumentation, la Commission fait valoir qu’il incombe à l’appelant de prouver qu’il existe une condition médicale spécifique concernant son incapacité à être à l’heure à son posteNote de bas page 56. Selon la représentante, la Commission impose un fardeau excessif à l’appelant dans les circonstances. L’appelant a fourni des billets médicaux démontrant qu’il consulte plusieurs professionnels de la santé pour sa situation. Il indique aussi qu’il n’existe pas de diagnostic ni de pilules magiques pour mettre un terme aux problèmes qu’il évoque ;
  9. i)  L’absence d’un billet médical ne signifie pas qu’un témoignage doit être rejeté si le témoin est crédibleNote de bas page 57. La Commission ne fournit aucun élément de preuve pour contredire le témoignage de l’appelant ou miner sa crédibilité et démontrer que les troubles du sommeil ne sont pas à l’origine de ses problèmes de retards ;
  10. j)  Il appartient au Tribunal d’apprécier la crédibilité de l’appelant basée sur ses déclarations ;
  11. k) Le Tribunal n’a pas à déterminer si le congédiement de l’appelant était justifié ou non, mais de déterminer si les gestes posés constituent de l’inconduite au sens de la LoiNote de bas page 58 ;
  12. l)  La notion d’inconduite n’exige pas qu’il soit nécessaire que la personne ait de mauvaises intentions, mais elle exige que l’acte reproché soit délibéréNote de bas page 59 ;
  13. m)  La Loi reconnaît que certains gestes qualifiés de répréhensibles ne constituent pas automatiquement de l’inconduiteNote de bas page 60 ;
  14. n)  Pour déterminer s’il s’agit d’une inconduite, il ne suffit pas uniquement de savoir si le prestataire savait ou aurait dû savoir que son geste pouvait entraîner son congédiement. La preuve d’un geste délibéré de la part d’un prestataire est nécessaire, c’est-à-dire que les actes ayant mené au congédiement sont conscients, voulus ou intentionnelsNote de bas page 61.

[22] Dans le présent dossier et en fonction de la preuve présentée, je considère que les circonstances liées au congédiement de l’appelant démontrent qu’il a délibérément fait en sorte de perdre son emploi. Son congédiement résulte d’un acte délibéré de sa part.

[23] Je suis d’avis qu’il appartenait à l’appelant de faire en sorte d’être ponctuel au travail à la suite des nombreux avertissements qu’il a reçus pour ses retards.

[24] La preuve au dossier indique que depuis la fin de décembre 2020, l’appelant a accumulé plusieurs retards pour lesquels il a reçu des avertissements verbaux et écrits.

[25] Les 12 janvier 2021 et 3 juin 2021, l’appelant a signé des lettres d’avertissement disciplinaires en lien avec ses retards au travailNote de bas page 62. Une suspension de deux jours, sans salaire, lui a été imposée par l’employeur les 3 et 4 juin 2021 en raison de ses retards.

[26] Dans chacune de ces lettres, l’appelant a été avisé qu’il pourrait être congédié s’il était à nouveau en retard et que celui-ci n’était pas motivé ou autoriséNote de bas page 63. L’appelant a signé chacun de ces documents.

[27] J’estime que le retard de l’appelant, le 13 septembre 2021, démontre qu’il n’a pas tenu compte de la demande légitime de l’employeur. Je considère que l’appelant a passé outre une exigence fondamentale liée à son emploi.

[28] L’appelant pouvait prévoir que son retard du 13 septembre 2021 allait mener à son congédiement.

[29] Je considère que c’est en toute connaissance de cause qu’il a choisi de ne pas respecter les exigences de l’employeur au sujet de ses retards.

[30] Bien que l’appelant fasse valoir qu’il a utilisé plusieurs moyens pour corriger son problème de retards (ex. : ex. : exercices de détente, de gestion du temps, utilisation d’alarmes de réveil, prise de « produits naturels », consultation de professionnels de la santé depuis janvier ou février 2021), il demeure qu’il savait qu’il risquait de perdre son emploi s’il ne prenait pas les mesures appropriées pour corriger la situation. L’appelant a également reconnu que les moyens qu’il avait utilisés ne lui avaient pas permis de régler son problème de retards.

[31] Je souligne que selon le témoignage de l’appelant, l’employeur lui a offert, vers le mois de juin 2021, d’utiliser le service de consultation téléphonique de l’entreprise, relativement à ses problèmes de retards au travail. Je considère que l’explication de l’appelant selon laquelle il a refusé cette offre, étant donné qu’il faisait déjà des consultations avec des professionnels de la santé à ce moment, ne démontre pas qu’il voulait prendre les mesures nécessaires pour corriger la situation. J’estime qu’en expliquant à l’employeur qu’il allait gérer ses problèmes de retards ou de sommeil avec ses « propres moyens », comme l’appelant l’a précisé lors de l’audience, il a consciemment choisi de refuser le moyen que celui-ci lui a proposé.

[32] Bien que l’appelant fasse également valoir que l’employeur ne lui a pas demandé de fournir une preuve médicale attestant ses troubles du sommeil ou pouvant justifier ses retards, il aurait pu faire une démarche en ce sens auprès de son médecin de famille avec lequel il avait des consultations régulières depuis janvier ou février 2021.

[33] Je suis d’avis qu’une telle démarche aurait pu être faite par l’appelant à la suite de la suspension sans salaire qui lui a été imposée les 3 et 4 juin 2021, alors que son emploi était en jeu, étant donné l’avis formel qui lui a été donné selon lequel tout prochain retard ou absence sans autorisation allait entraîner un « congédiement automatique »Note de bas page 64.

[34] Je souligne que l’appelant évoque des problèmes de sommeil depuis la pandémie de COVID-19, mais a établi son propre diagnostic en indiquant qu’il ne s’agissait pas d’une maladie, selon lui.

[35] Je suis d’avis qu’en fournissant à l’employeur un document médical référant à des problèmes de sommeil, l’appelant aurait été plus en mesure de justifier ses retards au travail.

[36] Je souligne que les déclarations de l’employeur indiquent que les raisons de l’appelant pour expliquer ses retards étaient qu’il avait perdu son cellulaire, qu’il ne s'était pas réveillé à temps ou qu’il avait des troubles de sommeilNote de bas page 65. L’appelant indique aussi que l’employeur ne le croyait pas concernant les raisons de ses retardsNote de bas page 66.

[37] Je précise que ce n’est que le 12 novembre 2021, soit près de deux mois après son congédiement, que l’appelant présente un document médical indiquant qu’il fait des consultations pour des troubles du sommeilNote de bas page 67. Ce document ne contient toutefois pas de recommandation médicale spécifique.

[38] Bien que la représentante fasse valoir que dans une de ses décisions, la Cour a déterminé que l’absence d’un billet médical ne signifie pas qu’un témoignage doit être rejeté si le témoin est crédibleNote de bas page 68, la situation est différente dans le cas présent.

[39] J’estime que dans le cas de l’appelant, avant de présenter une preuve médicale, celui-ci a établi son propre diagnostic concernant ses problèmes de sommeil en les attribuant, entre autres, à la surutilisation du système nerveuxNote de bas page 69 ou au stress occasionné par la pandémie de COVID-19 (« stress post-pandémique »). Je suis d’avis qu’une telle évaluation mériterait d’être appuyée par un document de nature médicale, d’autant plus qu’il est question de nombreux retards. Il a également a choisi de gérer ses problèmes de retards par ses « propres moyens » comme il l’a affirmé à l’employeur.

[40] J’estime que l’appelant avait la responsabilité de prendre les moyens appropriés pour être en mesure de régler ses problèmes de retards et de respecter ainsi les normes de comportement que l’employeur avait le droit d’exiger à son endroit.

[41] Je considère que l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite allait à l’encontre de ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié, s’il était à nouveau en retard, sans lui fournir un motif ou une justification.

[42] En résumé, je considère que les retards de l’appelant, dont celui du 13 septembre 2021, démontrent qu’il a posé des gestes ayant un caractère conscient, délibéré ou intentionnel et pouvant être associés à de l’inconduite.

[43] L’entente de règlement hors cour conclue entre l’appelant et son ancien employeur en janvier 2022 ne change rien à cette situationNote de bas page 70.

[44] J’estime que l’appelant a été congédié en raison d’actes qu’il a posés de manière volontaire et délibérée.

[45] Je suis d’avis que dans le cas présent, la Commission s’est acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombe de démontrer si les gestes posés par l’appelant représentent de l’inconduite.

[46] La Cour nous informe que la Commission doit prouver l’existence d’éléments de preuve démontrant l’inconduite d’un prestataireNote de bas page 71.

[47] La Commission a prouvé que l’appelant a intentionnellement perdu son emploi.

[48] J’estime que la preuve recueillie par la Commission démontre que l’appelant n’a pas respecté l’exigence légitime de l’employeur au sujet de ses retards, dont celui du 13 septembre 2021. L’appelant aurait pu continuer d’occuper son emploi en respectant cette exigence.

[49] La Cour nous indique aussi qu’il doit être établi que l’inconduite a constitué la cause du congédiement du prestataireNote de bas page 72.

[50] Je suis d’avis que le lien entre les gestes posés par l’appelant et son congédiement a été démontré.

[51] La preuve démontre que les retards de l’appelant, dont celui du 13 septembre 2021, représentent la cause réelle de son congédiement. L’employeur explique avoir congédié l’appelant pour cette raison. L’appelant indique avoir été congédié pour ce même motif.

[52] Selon la Loi, la raison du congédiement de l’appelant est une inconduite.

Conclusion

[53] Je conclus que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[54] En conséquence, la décision de la Commission de l’exclure du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter 19 septembre 2021 est justifiée.

[55] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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