Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 803

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (462091) datée du 18 janvier 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 18 mai 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 30 mai 2022
Numéro de dossier : GE-22-809

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La prestataire n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler. Par conséquent, elle ne peut pas recevoir de prestations régulières d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] La prestataire travaillait comme infirmière auxiliaire autorisée dans un foyer de soins de longue durée. Elle a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi après avoir été suspendue de son emploiNote de bas de page 1.

[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que la prestataire n’était pas admissible au bénéfice de prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 7 novembre 2021 parce qu’elle n’était pas disponible pour travaillerNote de bas de page 2.

[5] La Commission affirme que la prestataire n’était pas disponible parce qu’elle n’a pas fait de démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable et qu’elle n’a pas fourni de dossier de recherche d’emploiNote de bas de page 3. De plus, La Commission dit que la prestataire n’a pas fait de demande d’emploi.

[6] La prestataire n’est pas d’accord et déclare qu’elle était disponible pour travaillerNote de bas de page 4. Elle dit avoir fait des démarches pour trouver du travail. De plus, elle a dit que son problème de dos, ses croyances religieuses et la vaccination l’empêchaient de trouver un emploi convenable.

[7] Je dois décider si la prestataire a prouvé qu’elle était disponible pour travailler. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’elle était disponible pour travailler.

Questions que je dois d’abord examiner

Il y a un dossier connexe du Tribunal

[8] La présente affaire a été entendue conjointement avec un dossier connexe du Tribunal parce qu’elle concernait la même prestataireNote de bas de page 5. Cependant, des décisions distinctes ont été rendues parce que les questions juridiques étaient différentes dans chaque dossier.

La prestataire a demandé un ajournement

[9] Avant l’audience, la prestataire a écrit au Tribunal pour lui demander d’ajourner sa cause à une date ultérieureNote de bas de page 6. Elle a expliqué qu’elle avait besoin de plus de temps pour se préparer aux deux causes.

[10] J’ai rejeté la demande d’ajournement de la prestataire pour plusieurs raisonsNote de bas de page 7. Premièrement, elle a eu suffisamment de temps pour se préparer aux deux causes parce que l’avis d’audience lui a été envoyé le 24 mars 2022, soit environ deux mois avant la date prévue de l’audienceNote de bas de page 8. Deuxièmement, sa demande d’ajournement aurait pu être faite plus tôt parce que le Tribunal avait déjà réservé du temps pour entendre les deux causes à la date prévue.

[11] Enfin, je note que la prestataire a fourni une déclaration écrite exposant ses arguments avant l’audienceNote de bas de page 9.

Documents soumis après l’audience

[12] À l’audience, la prestataire a déclaré qu’il y avait une affaire à la division générale du présent Tribunal qu’elle voulait soumettre pour appuyer sa position concernant sa disponibilitéNote de bas de page 10. Dans cette cause particulière, la membre du Tribunal avait décidé que le prestataire était disponible pour travailler et était admissible aux prestations d’assurance-emploi.

[13] J’ai permis à la prestataire de soumettre l’affaire parce qu’elle était pertinente pour la question de la disponibilité pour travailler. L’affaire a été communiquée à la Commission, mais cette dernière n’a pas formulé de commentaires sur l’affaire à la date de la décision.

[14] Premièrement, je reconnais que les décisions du Tribunal sont seulement convaincantes et que je ne suis pas liée par elles. Deuxièmement, j’ai examiné l’affaire soumise par la prestataire, mais elle ne m’a pas convaincue parce qu’elle a été portée en appel par la Commission et annulée par la division d’appel du présent TribunalNote de bas de page 11.

[15] Lorsque la division d’appel du présent Tribunal a examiné le dossier, elle a déclaré que la division générale avait commis une erreur parce que la preuve avait démontré que le prestataire avait effectivement limité ses démarches de recherche d’emploi. Au bout du compte, la division d’appel a décidé que le prestataire n’était pas disponible pour travailler et qu’il était incapable de trouver un emploi convenable.

Question en litige

[16] La prestataire était-elle disponible pour travailler à compter du 7 novembre 2021Note de bas de page 12?

Analyse

[17] Il y a deux articles de loi qui exigent que les prestataires démontrent leur disponibilité pour le travail. La Commission a décidé que la prestataire était inadmissible selon les deux articles. La prestataire doit donc remplir les critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[18] En premier lieu, la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une personne qui demande des prestations doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 13.

[19] Le Règlement sur l’assurance-emploi présente des critères qui aident à expliquer ce qui constitue des « démarches habituelles et raisonnables »Note de bas de page 14. Je vais examiner ces critères plus bas.

[20] En deuxième lieu, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit aussi que la personne prouve qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 15. Selon la jurisprudence, il y a trois éléments que la personne doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 16. Je vais examiner ces éléments ci-dessous.

[21] La Commission a décidé que la prestataire était inadmissible aux prestations d’assurance-emploi parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler aux termes de ces deux articles de loiNote de bas de page 17.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[22] La loi énonce les critères dont je dois tenir compte pour décider si les démarches de la prestataire étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 18. Je dois regarder si les démarches étaient soutenues et si elles visaient à trouver un emploi convenable. Autrement dit, il faut que la prestataire ait continué à chercher un emploi convenable.

[23] Je dois aussi évaluer les démarches que la prestataire a faites pour trouver un emploi. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente une liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte. En voici quelques exemplesNote de bas de page 19 :

  • rédiger un curriculum vitæ ou une lettre de présentation;
  • s’inscrire à des outils de recherche d’emploi, à des banques d’emploi en ligne ou auprès d’agences de placement;
  • communiquer avec de possibles employeuses ou employeurs;
  • postuler pour des emplois;
  • participer à des entrevues.

[24] Pour les motifs ci-dessous, je juge que la prestataire n’a pas démontré que ses démarches pour trouver un emploi étaient habituelles et raisonnables. Elle n’est donc pas admissible à des prestations d’assurance-emploi selon cet articleNote de bas de page 20.

[25] À mon avis, les démarches de la prestataire n’ont pas été soutenues ou continues depuis le 7 novembre 2021. Pour recevoir des prestations régulières, les prestataires doivent être disponibles pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie que les prestataires doivent chercher un emploi convenable et postuler pour ce type d’emploi.

[26] Je reconnais que la prestataire a fait des démarches pour trouver un emploi, notamment en consultant les offres d’emploi en ligne, en s’inscrivant aux alertes d’emploi et en soumettant son curriculum vitæ à des agences de placementNote de bas de page 21. Toutefois, ces démarches n’étaient ni raisonnables ni habituelles parce qu’elle n’avait pas activement présenté de demande d’emploi, élargi sa recherche d’emploi et cherché des possibilités d’emploi convenables.

[27] De plus, les éléments de preuve de la prestataire quant à savoir si elle a effectivement présenté une demande d’emploi étaient contradictoires. Par exemple, le 3 décembre 2021, elle a dit à la Commission qu’elle n’avait pas cherché d’autre emploi depuis qu’elle a été suspendue de son emploi le 3 novembre 2021Note de bas de page 22. Puis, le 7 janvier 2022, elle a dit à la Commission qu’elle n’avait présenté aucune demande d’emploi, mais qu’elle avait mis à jour son curriculum vitae auprès d’une agence de placementNote de bas de page 23. Dans sa déclaration écrite au Tribunal, elle a écrit que l’anglais n’était pas sa langue maternelle, de sorte qu’elle a peut-être été mal comprise par la CommissionNote de bas de page 24.

[28] Je n’ai pas été convaincue par la suggestion de la prestataire selon laquelle la Commission l’avait mal comprise. Les notes de la Commission étaient suffisamment détaillées et comprenaient certaines des démarches de recherche d’emploi entreprises par la prestataireNote de bas de page 25. Si la prestataire avait effectivement présenté des demandes d’emploi, il est plus probable qu’improbable que la Commission l’aurait noté dans ses dossiers. Dans la présente affaire, deux agentes ou agents de la Commission ont affirmé à des dates différentes que la prestataire avait déclaré ne pas avoir présenté de demande d’emploi. J’ai préféré cette preuve parce que je la trouve plus fiable. À l’audience, je lui ai demandé si elle avait présenté une demande d’emploi et elle a répondu qu’elle [traduction] « n’avait présenté aucune demande d’emploi », ce qui concorde avec ses déclarations à la Commission.

[29] Cependant, la prestataire a témoigné et a dit qu’elle avait eu deux entrevues d’emploi ou quelques appels téléphoniques d’organismes et de foyers de soins de longue durée. Elle n’a pas été prise en considération pour les postes parce qu’elle n’a pas été vaccinée contre la COVID-19. Lorsque je lui ai demandé plus de renseignements sur les employeurs avec lesquels elle a parlé, elle n’a pas été en mesure de fournir de détails et m’a dit qu’elle n’était pas préparée pour répondre à cette question.

[30] J’ai demandé à la prestataire si elle tenait une liste de ses démarches. Elle a dit oui parce que le site Indeed affiche 24 endroits où elle a présenté une demande. J’ai examiné le document qu’elle a soumis. Il indique qu’elle recevait au hasard des alertes pour des emplois dans des foyers de soins de longue duréeNote de bas de page 26. Il ne montre pas qu’elle a activement présenté une demande pour l’une ou l’autre des alertes d’emploi qu’elle a reçues. La seule exception est un courriel portant la mention « offre d’emploi » et datant du 9 mars 2022Note de bas de page 27. Il s’agit peut-être de l’emploi qu’elle a dit s’être vu offrir, mais qu’elle n’a pas pu accepter parce qu’elle n’a pas été vaccinée contre la COVID-19.

[31] Je n’étais pas convaincue que la prestataire cherchait un emploi convenable. Bien qu’elle soit une infirmière auxiliaire autorisée et qualifiée et qu’elle travaille dans le secteur des soins de santé depuis plus de 30 ans, elle a admis qu’elle n’avait pas été prise en considération pour certains emplois d’infirmière auxiliaire autorisée parce qu’elle n’avait pas été vaccinée contre la COVID-19. Elle a dit qu’elle avait envisagé de postuler pour d’autres emplois de [traduction] « subsistance », comme des emplois dans les services ménagers ou alimentaires, mais qu’elle n’avait pas présenté de demande pour ces types d’emplois.

[32] La prestataire a également soutenu que son problème de dos et ses croyances religieuses limitent sa capacité de trouver un emploi convenableNote de bas de page 28.

[33] Je n’ai pas été convaincue par l’argument de la prestataire sur cette question ni par le fait qu’il n’y a pas d’emploi convenable pour elle. Premièrement, la prestataire n’a fourni aucune preuve médicale permettant de prouver que sa santé et ses capacités physiques ont rendu son emploi à titre d’infirmière auxiliaire autorisée ou tout autre type de travail non convenable. Deuxièmement, la prestataire n’a pas prouvé que ses croyances religieuses sont incompatibles avec les heures de travail d’une infirmière auxiliaire autorisée ou avec tout autre type d’emploi. Finalement, elle n’a pas prouvé que la nature du travail d’infirmière auxiliaire autorisé, ou de tout autre type d’emploi, va à l’encontre de ses croyances religieuses.

[34] Je prends acte de l’affirmation de la prestataire selon laquelle de nombreux emplois d’infirmière auxiliaire autorisés nécessitaient d’être vacciné contre la COVID-19. Cependant, elle aurait pu postuler pour d’autres emplois, mais elle ne l’a pas fait. Par conséquent, ses démarches n’étaient ni habituelles ni raisonnables.

Capable de travailler et disponible pour le faire

[35] La jurisprudence établit trois éléments que je dois examiner pour décider si la prestataire était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. La prestataire doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 29 :

  1. a) Elle voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable était disponible.
  2. b) Elle a fait des démarches pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Elle n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire beaucoup trop) ses chances de retourner au travail.

[36] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de la prestataireNote de bas de page 30.

Désir de retourner au travail

[37] Je juge que la prestataire n’a pas démontré qu’elle voulait retourner au travail dès qu’un emploi convenable était disponible. La prestataire dit qu’elle veut trouver du travail, mais je ne trouve pas que ses démarches démontrent un désir sincère de retourner au travail. La Cour a déclaré que le désir de retourner travailler doit être sincère, et que cela est démontré par l’attitude et la conduite des prestatairesNote de bas de page 31.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[38] Pour tirer une conclusion sur ce deuxième élément, j’ai examiné la liste des activités de recherche d’emploi mentionnée plus haut. La liste me sert seulement de référenceNote de bas de page 32.

[39] Les démarches effectuées par la prestataire pour trouver un nouvel emploi comprenaient l’examen des emplois en ligne, l’inscription à des alertes d’emploi et la présentation de son curriculum vitæ à des agences de placement. J’ai expliqué ces raisons ci-dessus lorsque j’ai examiné si la prestataire avait fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi.

[40] J’estime que la prestataire n’a pas fait de démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable. Ces démarches n’ont pas été suffisantes pour répondre aux exigences de ce deuxième élément parce qu’elle a admis qu’elle ne postulait pas activement pour des emplois. Même si elle a donné son curriculum vitae à une agence de placement, ce n’est pas suffisant. Elle n’a pas été en mesure de fournir suffisamment de détails sur les entrevues ou les conversations téléphoniques qu’elle a eues avec les employeurs. La prestataire recevait des alertes d’emploi; elle aurait pu postuler pour certains de ces emplois. Elle aurait aussi pu élargir sa recherche d’emploi et chercher d’autres types d’emplois.

[41] Peu importe si une personne croit avoir très peu de chances de réussir à trouver un emploi, la Loi sur l’assurance-emploi est conçue de façon à ce que seules les personnes qui sont véritablement au chômage et qui cherchent activement du travail reçoivent des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 33.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[42] J’estime que la prestataire a fixé des conditions personnelles qui ont peut-être limité à tort ses chances de retourner travailler.

[43] La prestataire travaillait comme infirmière auxiliaire autorisée. Elle a déclaré que bon nombre des postes d’infirmière auxiliaire autorisée disponibles nécessitaient d’être vacciné contre la COVID-19. Elle a admis qu’on lui avait offert un emploi temporaire d’infirmière auxiliaire autorisée à temps plein, mais comme elle n’avait pas été vaccinée contre la COVID-19, elle ne l’a pas acceptée parce que c’était une condition d’emploi. À mon avis, sa décision de ne pas se faire vacciner était une condition personnelle imposée qui limitait ses chances de retourner au travail en tant qu’infirmière auxiliaire autorisée.

[44] La prestataire s’est également limitée en cherchant seulement des emplois d’infirmière auxiliaire autorisée, même si elle savait que la plupart de ces emplois nécessitaient d’être vacciné contre la COVID-19. Elle n’a pas élargi sa recherche d’emploi ni postulé pour d’autres emplois qui n’exigeaient pas de vaccination contre la COVID-19. Même si elle a envisagé de postuler pour des emplois dans les services ménagers ou alimentaires, elle n’a pris aucune mesure pour postuler pour ces types d’emplois.

Donc, la prestataire était-elle capable de travailler et disponible pour le faire?

[45] À la lumière de mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que la prestataire n’a pas démontré qu’elle était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable.

[46] Je prends acte des autres arguments de la prestataire concernant la sécurité et l’efficacité de la vaccination contre la COVID-19, mais cela ne l’empêche pas d’être disponible pour travailler ou de faire des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable.

Conclusion

[47] La prestataire n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi. C’est pourquoi je conclus qu’elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[48] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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