Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 490

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (446556) datée du 18 janvier 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 18 mai 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 31 mai 2022
Numéro de dossier : GE-22-693

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, la prestataire ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] La prestataire travaillait comme infirmière auxiliaire autorisée. L’employeur l’a suspendue, puis congédiée parce qu’elle ne respectait pas la politique de vaccination contre la COVID-19 au travailNote de bas de page 2. La prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploiNote de bas de page 3.

[4] La Commission a décidé que la prestataire n’était pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle avait été suspendue et avait perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 4.

[5] La prestataire n’est pas d’accord parce qu’elle a présenté une demande de mesures d’adaptation fondée sur ses croyances, mais que l’employeur a rejeté cette demande de mauvaise foiNote de bas de page 5. Elle a aussi d’autres arguments à l’appui de sa position.

Questions que je dois d’abord examiner

Il y a un dossier connexe du Tribunal

[6] La présente affaire a été entendue conjointement avec un dossier connexe du Tribunal parce qu’elle concernait la même prestataireNote de bas de page 6. Des décisions distinctes ont été rendues parce que les questions juridiques étaient différentes dans chaque dossier.

La prestataire a demandé un ajournement

[7] Quelques jours avant l’audience, la prestataire a écrit au Tribunal pour lui demander d’ajourner sa cause à une date ultérieureNote de bas de page 7. Elle a demandé plus de temps pour se préparer aux deux causes.

[8] J’ai rejeté la demande d’ajournement de la prestataire pour plusieurs raisonsNote de bas de page 8. Premièrement, la prestataire a eu suffisamment de temps pour se préparer aux deux causes parce que l’avis d’audience lui a été envoyé le 24 mars 2022, soit environ deux mois avant la date prévue de l’audienceNote de bas de page 9. Deuxièmement, sa demande aurait pu être présentée plus tôt parce que le Tribunal avait déjà réservé du temps pour entendre les deux causes.

[9] Enfin, je note que la prestataire a fourni une déclaration écrite exposant ses arguments avant l’audienceNote de bas de page 10.

Documents soumis après l’audience

[10] La prestataire a présenté des arguments supplémentaires après l’audience au sujet de son affaire d’inconduiteNote de bas de page 11. Ces observations n’ont pas été sollicitées.

[11] Je les ai acceptées parce qu’elles étaient pertinentes et semblent répéter des arguments semblables à celles présentées à l’audience. Les observations supplémentaires de la prestataire ont été communiquées à la Commission. La Commission n’a fourni aucun commentaire en réponse à la date de la présente décision.  

Question en litige

[12] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[13] Les personnes qui sont suspendues de leur emploi en raison d’une inconduite ne sont pas admissibles aux prestations d’assurance-emploi jusqu’à l’expiration de leur période de suspension si elles perdent leur emploi ou le quittent volontairement, ou si elles accumulent suffisamment d’heures auprès d’un autre employeur après le début de la suspensionNote de bas de page 12.

[14] De plus, les personnes qui perdent leur emploi en raison d’une inconduite ne sont pas admissibles aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 13.

[15] Pour décider si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison elle a perdu son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

[16] Je remarque que la prestataire a également présenté certains arguments au sujet de son départ volontaire dans ses arguments écritsNote de bas de page 14. Toutefois, l’article de droit qu’elle a soulevé ne s’applique pas parce qu’elle n’a pas quitté volontairement son emploiNote de bas de page 15. Elle n’a pas eu le choix de conserver son emploi. De plus, la décision de révision de la Commission était fondée uniquement sur l’inconduiteNote de bas de page 16.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[17] J’estime que la prestataire a été suspendue pour la première fois de son emploi en tant qu’infirmière auxiliaire autorisée le 3 novembre 2021. Elle a été mise en congé sans solde parce qu’elle ne respectait pas la politique de vaccination de l’employeur. La prestataire a ensuite été congédiée le 3 janvier 2022 pour la même raison. Cela est conforme au relevé d’emploi et à la lettre de cessation d’emploi figurant au dossier et n’est pas contesté par les partiesNote de bas de page 17.

Quelle était la politique de l’employeur?

[18] L’employeur a mis en place une [traduction] « politique de vaccination contre la COVID-19 ». Une copie de cette politique est entrée en vigueur le 7 septembre 2021 et se trouve dans le dossierNote de bas de page 18.

[19] La politique exige que les employés fournissent leur statut vaccinal à l’employeur au plus tard le 13 septembre 2021Note de bas de page 19.

[20] La première dose du vaccin contre la COVID-19 était requise au plus tard le 30 septembre 2021 et la deuxième, au plus tard le 30 octobre 2021Note de bas de page 20.

La politique a-t-elle été communiquée à la prestataire?

[21] Oui, la prestataire convient que la politique lui a été communiquée. Elle a pris connaissance de la politique pour la première fois en août 2021. Elle a passé un certain temps à l’étranger pour rendre visite à sa mère à peu près à cette époque et est retournée au travail le 2 octobre 2021. Elle a reconnu avoir reçu une copie de la politique et avoir pris connaissance des dates limites qu’elle contenait.

Quelles ont été les conséquences du non-respect de la politique?

[22] La politique prévoit que [traduction] « les employés qui ne se conforment pas à la présente politique peuvent faire l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiementNote de bas de page 21 ».

[23] L’employeur a également dit à la Commission que la prestataire savait que le fait de ne pas se conformer entraînerait la perte de son emploiNote de bas de page 22.

[24] La prestataire a convenu qu’elle était consciente des conséquences du non-respect de la politique et que cela entraînerait sa suspension et son congédiement. Elle a toutefois expliqué qu’elle avait de bonnes raisons de ne pas se conformer à la politique.

Y a-t-il une raison pour laquelle la prestataire n’a pas pu se conformer à la politique?

[25] La politique prévoit des mesures d’adaptation conformément au Code des droits de la personne en ce qui concerne un motif illiciteNote de bas de page 23. Elle exige une preuve écrite de la nécessité de mesures d’adaptation ainsi qu’un formulaire de demande fourni par l’employeurNote de bas de page 24.

[26] La prestataire a dit avoir présenté une demande de mesures d’adaptation fondée sur ses croyances et sa situation de famille. Une copie du formulaire a été versée au dossierNote de bas de page 25. Toutefois, elle soutient que l’employeur a rejeté sa demande de mauvaise foi. Une copie de la lettre de refus de l’employeur se trouve au dossierNote de bas de page 26.

[27] La prestataire a expliqué qu’elle est chrétienne orthodoxe et que la position de l’Église sur la vaccination est que cela devrait se faire librement et non par coercition. Elle a présenté une copie de diverses Écritures et une lettre de l’Église pour appuyer sa positionNote de bas de page 27.

La raison du congédiement de la prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[28] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. En d’autres termes, la conduite doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 28. Cela comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 29. Il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 30.

[29] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit mise à pied pour cette raisonNote de bas de page 31.

[30] Il faut que la Commission prouve que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire que la Commission doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 32.

[31] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les motifs qui suivent.

[32] La Cour a déclaré que les tribunaux doivent se concentrer sur la conduite de la prestataire, et non sur celle de l’employeur. La question n’est pas de savoir si l’employeur était coupable d’inconduite en congédiant la prestataire de telle sorte que cela constituerait un congédiement injuste, mais plutôt de savoir si la prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné la perte de son emploiNote de bas de page 33.

[33] Je conclus que la prestataire a délibérément et consciemment choisi de ne pas se conformer à la politique de l’employeur une fois que sa demande de mesures d’adaptation a été rejetée. L’employeur lui a nettement communiqué la politique et elle a eu suffisamment de temps pour s’y conformer.

[34] La prestataire savait que cela entraînerait sa suspension et son congédiement parce que cela lui avait été communiqué à plus d’une occasion. Elle a délibérément choisi de ne pas se conformer à la politique et sa conduite a entraîné la perte de son emploi. Comme il a été mentionné ci-dessus, il n’est pas nécessaire que la prestataire ait une intention coupable pour qu’il s’agisse d’une inconduiteNote de bas de page 34.

[35] Je reconnais que la prestataire a demandé d’être exemptée de la politique et a demandé des mesures d’adaptation en fonction de ses croyances et de sa situation de famille. Elle a témoigné et a présenté des renseignements au sujet de sa demande à l’employeur. Cependant, l’employeur a rejeté sa demande de mesures d’adaptation, ce qui fait en sorte qu’elle n’était pas exemptée de la politique de l’employeur.

[36] La Commission ontarienne des droits de la personne a déclaré que le vaccin demeure volontaire, mais que l’obligation de présenter une preuve de vaccination pour protéger les personnes au travail ou lorsqu’elles reçoivent des services est généralement permise au titre du Code des droits de la personne de l’OntarioNote de bas de page 35, à condition que des mesures de protection soient mises en place pour s’assurer que les personnes qui ne peuvent pas être vaccinées pour des raisons liées au Code des droits de la personne de l’Ontario reçoivent des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas de page 36

[37] Je reconnais que l’employeur a le pouvoir de gérer ses activités quotidiennes, ce qui peut comprendre l’élaboration et l’imposition de politiques en milieu de travail pour assurer la santé et la sécurité des employés et d’autres personnes. Dans la présente affaire, l’employeur a mis en œuvre une politique sur la vaccination parce qu’il était [traduction] « déterminé à prendre toutes les précautions raisonnables compte tenu des circonstances pour protéger la santé et la sécurité du personnel contre les dangers de la COVID-19Note de bas de page 37 ».

[38] Je reconnais également que la prestataire a le pouvoir de décider si elle veut se faire vacciner ou de divulguer son statut vaccinal à son employeur. Cependant, je ne considère pas que l’employeur l’obligeait à se faire vacciner parce qu’elle avait eu le choix. C’est son choix qui a mené à des résultats indésirables, comme la perte de son emploi et de revenus.

[39] La prestataire a choisi de ne pas se conformer à la politique et savait qu’elle pourrait nuire à l’exercice de ses fonctions d’infirmière auxiliaire autorisée dans un foyer de soins de longue durée. Cela est devenu une condition de son emploi et elle a été congédiée pour ne pas s’y être conformée.

[40] La Loi sur l’assurance-emploi a pour objet d’indemniser les personnes dont l’emploi a pris fin involontairement et qui sont sans travail. La perte d’un emploi assuré doit être involontaireNote de bas de page 38. Il ne s’agit pas d’un droit automatique, même si la personne a cotisé à l’assurance-emploi.

[41] À mon avis, la prestataire n’a pas été congédiée involontairement parce que c’est son non-respect de la politique de l’employeur qui a entraîné sa suspension et son congédiement.

[42] D’après les conclusions que j’ai tirées ci-dessus, je conclus que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Qu’en est-il des autres arguments de la prestataire?

[43] Je comprends que la prestataire est en désaccord avec la politique de l’employeur et la sanction imposée pour diverses raisons. Elle a fourni des renseignements et des arguments sur le consentement libre, le consentement éclairé, la liberté de religion, la mauvaise foi, le droit à la vie privée, la vaccination, les droits de la personne, etc.Note de bas de page 39

[44] La Cour a déjà déclaré que le rôle des tribunaux n’est pas de décider si un congédiement par l’employeur était justifié ou constituait la sanction appropriéeNote de bas de page 40.

[45] Cela signifie que je n’ai pas le pouvoir de décider si l’employeur a porté atteinte à ses droits en tant qu’employée lorsqu’il l’a suspendue ou congédiée, ou s’il aurait pu lui fournir une autre mesure d’adaptation.

[46] Je dois décider si la conduite de la prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 41. À la lumière des faits de la présente affaire, j’ai conclu que la conduite de la prestataire équivalait à une inconduite volontaire.

[47] Le recours de la prestataire contre son employeur consiste à poursuivre ses réclamations devant une cour ou tout autre tribunal qui peut traiter de ces questions particulières. Je remarque que la prestataire a déjà déposé un grief syndical au travail pour régler ces questionsNote de bas de page 42.

Conclusion

[48] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[49] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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