Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : TR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 825

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : T. R.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (462615) datée du 22 avril 2022 rendue par la Commission de l’assurance emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Catherine Shaw
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 14 juin 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Époux de l’appelante

Date de la décision : Le 21 juin 2022
Numéro de dossier : GE-22-1604

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La prestataire n’a pas démontré qu’elle est disponible pour travailler. Par conséquent, elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que la prestataire était inadmissible aux prestations régulières d’assurance-emploi en date du 31 octobre 2021 parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler. Pour recevoir des prestations régulières, les prestataires doivent être disponibles pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Il faut donc que les prestataires cherchent un emploi.

[4] Je dois décider si la prestataire a prouvé qu’elle était disponible pour travailler. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle était disponible pour travailler.

[5] La Commission affirme que la prestataire n’était pas disponible pour travailler parce qu’elle attendait d’être rappelée à son emploi précédent et qu’elle n’a pas fait suffisamment d’efforts pour montrer qu’elle voulait trouver un emploi convenable dès que possible.

[6] La prestataire n’est pas d’accord avec la décision de la Commission. Elle était en congé en raison de la politique de vaccination obligatoire de l’employeur. Elle voulait retourner au travail, mais cherchait aussi d’autres emplois convenables avant d’être rappelée.

Question que j’ai dû examiner en premier

[7] La prestataire a deux dossiers d’appel distincts. J’ai choisi d’instruire les deux appels lors de la même audience afin de procéder de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, la justice naturelle et l’équité le permettent.

[8] Cependant, je n’ai pas joint les appels. Je ne peux joindre des appels que s’ils soulèvent une question de droit ou de fait commune et qu’aucune injustice ne risque d’être causée aux partiesNote de bas de page 1. Dans la présente affaire, les deux appels ne soulèvent pas de question de droit ou de fait commune. Je vais donc rendre deux décisions distinctes.

Question en litige

[9] La prestataire était-elle disponible pour travailler?

Analyse

[10] Il y a deux articles de loi qui exigent que les prestataires démontrent leur disponibilité pour travailler. La Commission a décidé que la prestataire était inadmissible selon les deux articles. La prestataire doit donc remplir les critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[11] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une personne qui demande des prestations doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 2. Le Règlement sur l’assurance-emploi prévoit des critères qui aident à expliquer ce qui constitue des « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 3 ». Je vais examiner ces critères plus bas.

[12] Deuxièmement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit aussi que la personne doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 4. Selon la jurisprudence, il y a trois éléments que la personne doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 5. Je vais examiner ces éléments ci-dessous.

[13] La Commission a décidé que la prestataire était inadmissible aux prestations parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler aux termes des deux articles de loi.

[14] Je vais maintenant examiner moi-même ces deux articles pour vérifier si la prestataire était disponible pour travailler.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[15] La loi énonce des critères dont je dois tenir compte pour décider si les démarches de la prestataire étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 6. Je dois vérifier si ses démarches étaient soutenues et si elles visaient à trouver un emploi convenable. Autrement dit, la prestataire doit avoir continué à chercher un emploi convenable.

[16] Je dois aussi évaluer les démarches que la prestataire a faites pour trouver un emploi. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente une liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte. En voici quelques exemplesNote de bas de page 7 :

  • évaluer les possibilités d’emploi;
  • rédiger un curriculum vitæ ou une lettre de présentation;
  • présenter des demandes d’emploi.

[17] La Commission affirme que la prestataire n’en a pas fait assez pour tenter de trouver un emploi. Elle a fourni des notes d’une conversation qu’elle a eue avec la prestataire le 6 avril 2022. Ces notes indiquent que la prestataire a postulé pour un emploi d’aide-soignante et quelques autres petits boulots. Celle-ci a dit qu’elle ne voulait pas commencer un emploi permanent parce qu’elle voulait reprendre son travailNote de bas de page 8.

[18] La prestataire n’est pas d’accord. Elle était disponible pour retourner travailler chez son employeur. Elle cherchait aussi d’autres emplois qu’elle pouvait occuper en attendant d’être rappelée.

[19] La prestataire travaillait comme agente de service à la clientèle pour une compagnie aérienne. Elle a été mise en congé sans solde à compter du 30 octobre 2021 en raison de la politique de vaccination obligatoire de l’employeur.

[20] La prestataire a dit qu’elle a rédigé un curriculum vitae après avoir été mise en congé. Elle a cherché du travail en ligne sur Kijiji et dans des groupes pour les personnes non vaccinées sur les médias sociaux Signal et Telegram. Elle a aussi parlé d’emplois avec des amies.

[21] La prestataire a postulé pour quelques petits boulots. En avril 2022, une de ses amies lui a parlé d’un emploi d’aide-soignante dans une maison privée. Le client voulait qu’une personne non vaccinée s’occupe de lui. Elle a accepté l’emploi et a travaillé quelques semaines avant que le client ne décède.

[22] La prestataire a dit qu’elle est demeurée disponible pour que son employeur la rappelle au travail. Elle a vu dans les nouvelles que certains employeurs avaient abandonné leurs politiques de vaccination obligatoire et rappelé au travail des employés non vaccinés. Elle pensait qu’elle pouvait être rappelée à son poste à tout moment.

[23] La prestataire n’a pas prouvé que les démarches qu’elle a faites pour trouver un emploi étaient habituelles et raisonnables.

[24] Le témoignage de la prestataire confirme qu’elle a mené plusieurs activités de recherche d’emploi. Cependant, elle a fait très peu de demandes d’emploi. Elle n’a postulé que pour quelques emplois depuis le 31 octobre 2021. Une recherche d’emploi aussi limitée ne prouve pas qu’elle a fait les démarches importantes et soutenues qui sont décrites dans le Règlement sur l’assurance-emploi. Par conséquent, j’estime que la prestataire n’a pas démontré qu’elle a fait des démarches raisonnables et habituelles pour trouver un emploi convenable.

Capable de travailler et disponible à cette fin

[25] La jurisprudence établit trois éléments que je dois examiner pour décider si la prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable. La prestataire doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 9 :

  1. a) qu’elle voulait retourner au travail dès qu’un emploi convenable serait offert;
  2. b) qu’elle a fait des efforts pour trouver un emploi convenable;
  3. c) qu’elle n’a pas établi de conditions personnelles qui pouvaient limiter indûment (c’est-à-dire trop) ses chances de retourner au travail.

[26] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de la prestataireNote de bas de page 10.

Désir de retourner au travail

[27] La prestataire n’a pas démontré qu’elle voulait retourner au travail dès qu’un emploi convenable serait offert.

[28] La prestataire a été mise en congé sans solde à compter du 30 octobre 2021.

[29] Elle a cherché un autre emploi pendant sa suspension. Cependant, elle ne cherchait pas un emploi permanent parce qu’elle voulait retourner à son travail. Son employeur avait une politique de vaccination obligatoire qui l’empêchait de retourner au travail, mais elle espérait que cette politique serait levée.

[30] Le désir de retourner au travail doit être sincère et ressortir à l’examen de la conduite de la prestataire.

[31] Les efforts de recherche d’emploi de la prestataire ne permettent pas de conclure qu’elle essayait de trouver un emploi le plus tôt possible. Je crois qu’elle voulait retourner à son emploi et qu’elle était prête à travailler temporairement jusqu’à ce que cela se produise. Toutefois, comme elle n’a postulé que pour quelques petits boulots, j’estime qu’elle n’a pas démontré qu’elle voulait retourner au travail dès qu’un emploi convenable serait offert.

Efforts pour trouver un emploi convenable

[32] La prestataire n’a pas fait assez d’efforts pour trouver un emploi convenable.

[33] Pour tirer une conclusion sur ce deuxième élément, j’ai examiné la liste des activités de recherche d’emploi mentionnée plus haut. Cette liste me sert seulement de référenceNote de bas de page 11.

[34] Pour trouver un nouvel emploi, la prestataire a notamment cherché des offres d’emploi sur Kijiji et dans des groupes de médias sociaux dédiés aux travailleuses et travailleurs non vaccinés. Elle a parlé à ses amies, a rédigé un curriculum vitæ et a postulé pour un poste d’aide-soignante et quelques autres petits boulots.

[35] Ces efforts ne sont pas suffisants pour répondre aux exigences de ce deuxième élément parce que le nombre limité de demandes d’emploi que la prestataire a fait ne démontre pas qu’elle souhaitait retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable serait offert.

Limitation indue des chances de retourner au travail

[36] La prestataire a établi des conditions personnelles qui pouvaient limiter indûment ses chances de retourner au travail.

[37] La Commission a déclaré que la prestataire a trop limité ses chances de retourner au travail en attendant d’être rappelée à son emploi.

[38] À l’audience, la prestataire a affirmé qu’elle ne faisait pas de [traduction] « gros efforts » pour trouver un emploi parce qu’elle était en congé et qu’elle espérait être rappelée au travail.

[39] Je comprends pourquoi la prestataire voulait retourner à son travail. Cependant, les prestataires ne peuvent pas se contenter d’attendre d’être rappelés au travail; ils doivent chercher un emploi afin d’être admissibles aux prestationsNote de bas de page 12. Les déclarations de la prestataire selon lesquelles elle ne cherchait pas un emploi permanent et ne faisait pas de gros efforts pour trouver un autre emploi indiquent qu’elle limitait ses chances de retourner au travail parce qu’elle attendait d’être rappelée à son emploi. J’estime donc que ce faisant, elle a établi une condition personnelle qui pouvait limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[40] La prestataire a également déclaré qu’elle ne pouvait postuler que pour des emplois qui n’exigeaient pas qu’elle soit vaccinée contre la COVID-19. Elle n’était pas vaccinée et n’était pas prête à l’être pour plusieurs raisons. Son époux et elle ont déclaré que cela constituait pour elle un obstacle majeur dans sa recherche d’emploi. La prestataire a dit que la majorité des offres d’emploi exigeaient qu’elle soit vaccinée.

[41] Je comprends que la prestataire ne voulait pas se faire vacciner contre la COVID-19 et je reconnais qu’elle avait de bonnes raisons personnelles de ne pas vouloir l’être. Toutefois, peu importe ses raisons, la prestataire a admis que son incapacité d’accepter un emploi exigeant qu’elle soit vaccinée contre la COVID-19 limitait considérablement ses chances de retourner au travail.

[42] La Cour d’appel fédérale a fourni une orientation pour les cas où une personne a de bonnes raisons de ne pas être en mesure d’accepter un emploi :

La question de la disponibilité est une question objective, il s’agit de savoir si un prestataire est suffisamment disponible en vue d’un emploi convenable pour avoir droit aux prestations [d’assurance-emploi]. Elle ne peut être subordonnée aux raisons particulières, quelque compassion qu’elles puissent susciter, pour lesquelles un prestataire impose des restrictions à sa disponibilité. Car, si le contraire était vrai, la disponibilité serait une exigence très variable, tributaire qu’elle serait des raisons particulières qu’invoque l’intéressé pour expliquer son manque relatif de disponibilitéNote de bas de page 13.

[43] Le choix de la prestataire de ne pas se faire vacciner était un obstacle qui ne lui permettait pas de poser sa candidature pour la majorité des offres d’emploi qu’elle a vues ni de les accepter. Il s’agit d’une condition personnelle qui limitait indûment ses chances de retourner au travail.

La prestataire était-elle donc capable de travailler et disponible à cette fin?

[44] D’après mes conclusions sur les trois éléments, je juge que la prestataire n’a pas démontré qu’elle était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable. Je tire cette conclusion parce qu’elle n’a pas fait assez d’efforts pour trouver un emploi à compter du 31 octobre 2021.

Conclusion

[45] La prestataire n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi. Je conclus donc qu’elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[46] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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