Assurance-emploi (AE)

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Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c CB, 2022 TSS 1017

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Parties appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Josée Lachance
Partie intimée : C. B.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 29 avril 2022 (GE-22-735)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 7 octobre 2022
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelante
Intimée

Date de la décision : Le 14 octobre 2022
Numéro de dossier : AD-22-335

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] L’appelante, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission), a décidé que la défenderesse (prestataire) n’était pas admissible aux prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 16 août 2021, parce qu’elle suivait une formation qui n’était pas autorisée et qu’elle n’était pas disponible pour travailler. Après révision, la Commission a maintenu sa décision initiale. La prestataire a porté en appel la décision devant la division générale.

[3] La division générale a déterminé que la prestataire désirait retourner sur le marché du travail et qu’elle avait effectué des efforts suffisants pour se trouver un emploi pendant ses études. Elle a également déterminé que le prestataire ne limitait pas ses chances de trouver un emploi. La division générale a conclu que la prestataire était disponible pour travailler à compter du 16 août 2021.

[4] La division d’appel a accordé à la Commission la permission d’en appeler de la décision de la division générale. La Commission soutient que la division générale a rendu sa décision sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance et a erré en droit.

[5] Je dois décider si la division générale a ignoré la preuve au dossier et erré en droit en concluant que la prestataire était disponible à travailler au sens de la loi.

[6] J’accueille l’appel de la Commission.

Question en litige

[7] Est-ce que la division générale a rendu sa décision sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance et erré en droit, en concluant que la prestataire était disponible à travailler au sens de la loi, malgré sa formation à temps plein?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[8] La Cour d’appel fédérale a déterminé que la division d’appel n’avait d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).Note de bas page 1

[9] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure. 

[10] En conséquence, à moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, Je dois rejeter l'appel.

Est-ce que la division générale a rendu sa décision sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance et erré en droit, en concluant que la prestataire était disponible à travailler au sens de la loi, malgré sa formation à temps plein?

[11] La division générale a déterminé que la prestataire avait réfuté la présomption selon laquelle elle n'était pas disponible pour travailler pendant ses études à temps plein parce qu'elle a démontré un historique de travail à temps plein tout en se consacrant à ses études au niveau secondaire.

[12] La division générale a de plus déterminé que la prestataire manifestait une volonté de retourner sur le marché du travail, faisait suffisamment d'efforts pour se trouver du travail et ne s'était pas fixée de conditions personnelles limitant ses chances de retourner sur le marché du travail. La division générale a conclu que la prestataire était disponible à compter du 16 août 2021.

[13] La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation du troisième facteur du test juridique confirmé dans la décision Faucher, et lorsqu'elle a conclu que le prestataire n'avait pas imposé de conditions personnelles limitant indûment ses chances de retour sur le marché du travail.

[14] La Commission soutient que la preuve démontre que la prestataire suivait des cours du lundi au vendredi de 8h00 à 16h00, et qu’elle n’était disponible pour travailler qu’en dehors de ses heures de cours, les soirs de semaine et la fin de semaine. La Commission soutient que malgré le changement d’horaire de cours survenu le 22 avril 2022 afin de débuter les cours à 13h00, la prestataire limitait sa disponibilité à certaines heures à cause de son cours de formation à temps plein, et ce depuis le 16 août 2021.

[15] La Commission soutient que la division générale a ignoré la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale qui a confirmé qu’un prestataire qui restreint sa disponibilité au travail pour des heures ou des jours à l’extérieur de son horaire de cours n’a pas prouvé sa disponibilité au sens de la loi.

[16] La prestataire soutient qu'elle était admissible aux prestations parce qu'elle a travaillé à temps plein tout en fréquentant l'école à temps plein avant sa mise à pied causée par la pandémie. La prestataire soutient qu’elle désirait travailler et était disposé à quitter l’école pour travailler à temps plein. Elle soutient que la division générale n’a commis aucune erreur lorsqu’elle a conclu qu’elle était disponible à travailler au sens de la loi.

[17] La division générale a conclu que la prestataire avait réfuté la présomption selon laquelle elle n'était pas disponible pour travailler pendant ses études à temps plein parce qu'elle a démontré un historique de travail à temps plein tout en se consacrant à ses études au niveau secondaire.

[18] Cependant, renverser la présomption signifie seulement que la prestataire n'est pas présumée indisponible. La division générale devait encore examiner les exigences de la loi et décider si la prestataire était effectivement disponible.

[19] Pour être considéré comme disponible à travailler, un prestataire doit démontrer qu'il est capable et disponible à travailler et incapable d'obtenir un emploi convenable.Note de bas page 2

[20] La disponibilité doit être déterminée en analysant trois facteurs :

  1. a) Le désir de retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable est offert;
  2. b) l’expression de ce désir par des efforts pour trouver un emploi convenable;
  3. c) le non-établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail.Note de bas page 3

[21] De plus, la disponibilité est déterminée pour chaque jour ouvrable d'une période de prestations pour lequel le prestataire peut prouver que, ce jour-là, il était capable et disponible pour travailler et incapable d'obtenir un emploi convenable.Note de bas page 4

[22] Aux fins de l’article 18 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE), un jour ouvrable est n'importe quel jour de la semaine, sauf le samedi et le dimanche.Note de bas page 5

[23] La question de la disponibilité d'un prestataire qui suit des cours de formation à temps plein a fait l'objet de nombreuses décisions au fil des ans.

[24] Le principe suivant a émergé de la jurisprudence arbitrale antérieure:

-La disponibilité doit être démontrée pendant les heures régulières pour chaque jour de travail et ne peut être limitée à des heures irrégulières résultant d'un horaire de programme de formation qui limite considérablement la disponibilité.Note de bas page 6

[25] Dans une décision rendue par un juge-arbitre, une prestataire qui suivait des cours de 8 h 30 à 15 h 30 et qui était disponible en tout temps en dehors de son horaire de cours, a été considérée comme non disponible pour travailler en vertu de la Loi sur l'AE.Note de bas page 7

[26] La CAF a rendu plusieurs décisions concernant la disponibilité d'un prestataire qui suit des cours de formation à temps plein.

[27] Dans Bertrand, la Cour a conclu que la prestataire, dont la disponibilité se limitait aux heures de travail entre 16 h et minuit, n'était pas disponible aux fins de la Loi sur l’AE.Note de bas page 8

[28] Dans Vézina, la Cour a suivi Bertrand et a conclu que les intentions du prestataire de travailler les fins de semaine et les soirs démontraient un manque de disponibilité pour travailler en vertu de la Loi sur l'AE.Note de bas page 9

[29] Dans Rideout, la Cour a conclu que le fait que le prestataire n'était disponible que pour travailler deux jours par semaine plus les fins de semaine constituait une limite à sa disponibilité pour un travail à temps plein.Note de bas page 10

[30] Dans Primard et Gauthier, la Cour a souligné qu'une journée de travail excluait les fins de semaine en vertu du Règlement sur l'assurance-emploi et a conclu qu'une disponibilité de travail restreinte aux seuls soirs et fins de semaine est une condition personnelle qui pourrait limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail.Note de bas page 11

[31] Dans Duquet, la Cour, appliquant les facteurs Faucher, a déterminé que le fait d'être disponible seulement à certains moments certains jours restreignaient la disponibilité et limitait les chances d'un prestataire de se trouver un emploi.Note de bas page 12

[32] De la jurisprudence de la CAF, je peux tirer les principes suivants :

  1. Un prestataire doit être disponible durant les heures régulières pour chaque jour ouvrable de la semaine;
  2. Restreindre la disponibilité à certaines heures de certains jours de la semaine, dont les soirs et les fins de semaine, représente une limitation de la disponibilité pour travailler et établit une condition personnelle qui pourrait limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail.

[33] Lors d’une première entrevue par la Commission, la prestataire a déclaré qu’elle n’abandonnerait pas sa formation pour un emploi à temps plein.Note de bas page 13 Elle a par la suite communiqué avec la Commission afin de préciser sa déclaration initiale. La prestataire a déclaré qu’elle pourrait surtout travaillé 20-25 heures la fin de semaine, car elle était à temps plein aux études.Note de bas page 14

[34] Lors d’un subséquent message téléphonique laissé sur la boite vocale de la Commission, la prestataire a indiqué être disponible environ 16 heures par semaine, durant la fin de semaine.Note de bas page 15

[35] La Commission a refusé de verser des prestations à la prestataire.

[36] Au soutien de sa demande de révision, la prestataire a indiqué qu’elle pourrait être disponible à travailler de 8h00 à 17h00 et qu’elle quitterait sa formation pour travailler à temps plein.Note de bas page 16 Cependant, lors de l’entrevue en révision, elle a déclaré avoir fait des recherches d’emploi seulement la fin de semaine car elle était occupé à l’école durant la semaine.Note de bas page 17

[37] Lors de son témoignage devant la division générale, la prestataire a expliqué qu’elle était disponible pour travailler plus de 25 heures par semaine parce qu’elle devait subvenir à ses besoins. Elle a expliqué avoir effectué une modification à son horaire de cours au mois d’avril 2022 afin de travailler le plus grand nombre d’heures possible.

[38] Je suis d’avis que la division générale a ignoré la preuve qui démontre que la prestataire n’était disponible pour travailler qu’en dehors de ses heures de cours, et ce depuis le début de sa formation en août 2021. Le changement d’horaire survenu en avril 2022 n’a rien changé au fait que la prestataire n’était disponible qu’à l’extérieur de ses heures de cours.

[39] De plus, il ressort clairement de la déclaration initiale de la prestataire, ses précisions supplémentaires concernant sa déclaration initiale, et du message qu’elle a librement laissé sur la boite vocale de la Commission, que la prestataire n’était pas disposée à abandonner son cours pour occuper un emploi à temps plein pendant les heures régulières de la semaine. 

[40] Je constate à la lecture de la décision de la division générale que celle-ci semble confondre la question de la présomption de non disponibilité avec l’analyse du troisième facteur de l’affaire Faucher.

[41] Je suis d’avis que la division générale ne pouvait user de la présomption de non-disponibilité et de la pandémie pour établir qu’il y avait absence de conditions personnelle pouvant limiter indûment les chances de la prestataire à retourner travailler.Note de bas page 18

[42] Je me dois de conclure que la division générale a rendu une décision sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, a commis une erreur de droit en ignorant la jurisprudence contraignante de la CAF, et a interprété de manière erronée le troisième facteur de l’affaire Faucher, soit l'absence de conditions pouvant limiter indûment la disponibilité d'un prestataire pour travailler.

[43] Je suis donc justifié d’intervenir.

Remède

[44] Considérant que les deux parties ont eu l'occasion de présenter leur cause devant la division générale sur la question de disponibilité, je rendrai la décision qui aurait dû être rendue par la division générale.

[45] La preuve prépondérante démontre que la prestataire était inscrite à une formation à temps plein afin d’obtenir un Diplôme d’Études professionnelles (DEP) en cuisine. Elle était disponible pour travailler qu’en dehors de ses heures de cours, les soirs de semaine et la fin de semaine. De plus, la prestataire n'était manifestement pas disposée à abandonner son cours pour occuper un emploi à temps plein. Ces deux conditions l'empêchaient d'obtenir des emplois du lundi au vendredi pendant les heures régulières de travail.

[46] Conformément à l'article 18(1) (a) de la Loi sur l'AE et en appliquant la jurisprudence de la CAF, je conclus que la prestataire n'était pas disponible et incapable d'obtenir un emploi convenable les jours ouvrables d'une période de prestations parce que sa disponibilité était indûment restreinte par les exigences du programme qu'elle suivait.

[47] Tel que souligné par la Cour d’appel fédérale, les causes comme celle de la prestataire sont des causes sympathiques et la tentation est forte pour le Tribunal de s'écarter de la règle de droit pour rendre un jugement à caractère équitable, mais il faut bien se garder d’y succomber.Note de bas page 19

[48] Pour les motifs susmentionnés, j'accueille l'appel de la Commission.

Conclusion

[49] L’appel est accueilli.

[50] La prestataire n’était pas admissible aux prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 16 août 2021, parce qu’elle suivait une formation qui n’était pas autorisée et qu’elle n’était pas disponible pour travailler au sens de la loi.

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