Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

La prestataire a demandé et reçu des prestations d’assurance-emploi (AE) pour maternité suivies de prestations parentales. Dans sa demande, elle avait choisi des prestations parentales prolongées, ce qui lui procurait de plus petites prestations plus longtemps. La prestataire a dit qu’elle voulait finalement des prestations parentales standards. Elle prévoyait de prendre une année de congé au total et s’était trompée d’option sur le formulaire. Lorsque la prestataire a commencé à toucher les prestations parentales prolongées, elle a communiqué avec la Commission pour demander de revenir aux prestations standards. La Commission a refusé. Celle-ci disait qu’il était trop tard pour changer d’option puisque des prestations avaient déjà été versées. La Commission a maintenu sa décision après révision.

La prestataire a fait appel de la décision de la Commission à la division générale (DG). La DG a rejeté l’appel de façon sommaire parce qu’elle jugeait qu’il n’avait aucune chance raisonnable de succès. La DG a noté que, selon la preuve au dossier, la prestataire avait choisi les prestations prolongées sur son formulaire de demande. La loi est claire : une fois que des prestations parentales sont versées, le choix entre les prestations standards et prolongées ne peut pas être modifié. La DG a écrit à la prestataire pour l’aviser qu’elle envisageait de rejeter son appel de façon sommaire. La DG lui a demandé de présenter des arguments pour justifier pourquoi elle ne devrait pas rejeter son appel sans audience. La prestataire a répondu en mentionnant la date de retour au travail qu’elle avait fournie dans son formulaire, soit 52 semaines après son dernier jour de travail. La prestataire a dit qu’elle était confuse lorsqu’elle a choisi l’option de prestations prolongées. Sa date de retour au travail a aussi été confirmée sur son relevé d’emploi. Dans sa décision, la DG ne s’est pas penchée sur cet élément de preuve, ni sur l’argument de la prestataire selon lequel elle était confuse lorsqu’elle avait choisi l’option de prestations prolongées. La prestataire a fait appel de la décision de la DG à la division d’appel (DA).

La DA a jugé que la DG avait commis une erreur en rejetant l’appel de la prestataire de façon sommaire. La DG n’a pas à examiner chaque élément de preuve dans sa décision. Cependant, si un élément est assez important, la DG doit le traiter. La prestataire a clairement dit dans ses observations qu’elle était confuse en faisant son choix. La date de retour au travail indiquée sur son formulaire ne correspond pas à son choix de 52 semaines de prestations prolongées après 15 semaines de prestations de maternité. La DG n’a pas tenu compte de cette preuve dans sa décision. Le rejet sommaire de l’appel n’a pas permis à la prestataire d’expliquer la source de sa confusion. La DG n’a pas pris en considération la preuve de la prestataire qui montrait que sa date de retour au travail correspondait à seulement une année de congé, ni sa déclaration selon laquelle elle était confuse au moment de son choix. La DG a ignoré cette preuve, qui aurait pu s’avérer importante pour le résultat de l’appel. C’est une erreur de fait.

La DA a conclu que la DG avait commis une erreur en rejetant l’appel de la prestataire de façon sommaire. Elle a renvoyé l’affaire à la DG pour une audience.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : SB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 850

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Parties appelantes : S. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : J. Lachance

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 16 juin 2022 (GE-22-1820)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Mode d’audience : Sur la foi du dossier
Date de la décision : Le 30 août 2022
Numéro de dossier : AD-22-393

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. L’affaire est renvoyée à la division générale pour que l’appel soit traité sur le fond.

Aperçu

[2] L’appelante, S. B. (prestataire), a demandé et touché des prestations de maternité d’assurance-emploi suivies de prestations parentales. Dans sa demande, elle avait choisi des prestations parentales prolongées, qui sont versées sur une plus longue période, à un taux inférieur.

[3] La prestataire affirme qu’elle voulait plutôt des prestations parentales standards. Elle prévoyait de prendre un an de congé en tout et s’était trompée d’option sur son formulaire.

[4] Quand la prestataire a commencé à recevoir des prestations parentales prolongées, elle a communiqué avec l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi, pour demander de faire la transition vers des prestations standards.

[5] La Commission a refusé. Elle disait qu’il était trop tard pour changer d’option après que des prestations parentales étaient versées. La prestataire a demandé une révision, mais la Commission a maintenu sa décision.

[6] La prestataire en a appelé devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Son appel a été rejeté de façon sommaire, sans audience, puisque la division générale a conclu qu’il n’avait aucune chance raisonnable de succès. La prestataire fait maintenant appel devant la division d’appel.

[7] J’estime que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a rejeté l’appel de la prestataire de façon sommaire. Je renvoie alors l’affaire à la division générale pour que l’appel soit traité sur le fond.

Question en litige

[8] Il faut décider si la division générale a commis une erreur révisable quand elle a conclu que l’appel de la prestataire n’avait aucune chance raisonnable de succès.

Analyse

[9] Je peux intervenir dans l’affaire seulement si la division générale a commis une erreur pertinente. En fait, je dois examiner si la division généraleNote de bas de page 1 :

  • a omis d’offrir une procédure équitable;
  • a omis de décider d’une question qu’elle aurait dû trancher ou a décidé d’une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  • a mal interprété ou appliqué la loi;
  • a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.

Contexte

Rejet sommaire

[10] La division générale rejette un appel de façon sommaire si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès. Il faut vérifier si c’est clair et évident à la lecture du dossier que l’appel est voué à l’échecNote de bas de page 2.

[11] Le critère lié au rejet sommaire est exigeant. Une cause faible ne répondra pas à ce critère, mais un appel sans aucun espoir y répondra. La division générale décide si l’appel est voué à l’échec, peu importe les éléments de preuve ou les arguments que la partie prestataire pourrait présenter à une audienceNote de bas de page 3.

Prestations parentales

[12] Il y a deux types de prestations parentales :

  • les prestations parentales standards, qui permettent à un parent de recevoir jusqu’à 35 semaines de prestations à un taux de 55 % de sa rémunération hebdomadaire assurable, jusqu’à concurrence d’un montant maximal;
  • les prestations parentales prolongées, qui permettent à un parent de recevoir jusqu’à 61 semaines de prestations à un taux de 33 % de sa rémunération hebdomadaire assurable, jusqu’à concurrence d’un montant maximal.

[13] La Loi sur l’assurance-emploi établit que la partie prestataire doit faire un choix entre les prestations standards ou prolongées dans sa demande de prestations parentales et que ce choix est irrévocable dès que des prestations sont verséesNote de bas de page 4.

[14] En novembre 2021, la prestataire a demandé des prestations de maternité et des prestations parentalesNote de bas de page 5. Dans sa demande, elle a indiqué que son dernier jour de travail serait le 31 octobre 2021 et qu’elle prévoyait de retourner travailler le 1er novembre 2022Note de bas de page 6.

[15] La prestataire a aussi indiqué qu’elle voulait recevoir ses prestations parentales immédiatement après ses prestations de maternité. Elle a choisi l’option des prestations parentales prolongées. À la question sur le nombre de semaines de prestations souhaité, elle a répondu 52 semaines au moyen du menu déroulantNote de bas de page 7.

[16] Le premier versement de prestations parentales prolongées a été traité le 11 mars 2022. Le 16 mars 2022, la prestataire a communiqué avec la Commission pour demander d’échanger ses prestations prolongées pour des prestations standardsNote de bas de page 8.

[17] La Commission a refusé. Elle disait qu’il était trop tard pour modifier le choix de la prestataire, puisque des prestations parentales lui avaient déjà été versées. La prestataire a demandé une révision, mais la Commission a maintenu sa décision.

Décision de la division générale

[18] Selon la division générale, la preuve au dossier montrait que la prestataire avait choisi les prestations parentales prolongées sur son formulaire de demande et qu’elle avait commencé à toucher ses prestations prolongées avant de demander un changement pour des prestations standardsNote de bas de page 9.

[19] Selon la division générale, la loi établit clairement qu’aussitôt que des prestations parentales sont versées, le choix entre les prestations standards ou prolongées ne peut pas être modifié. La division générale a dit n’avoir aucune souplesse pour interpréter la loi différemment selon les circonstances de la prestataireNote de bas de page 10.

[20] La division générale a déterminé qu’il est clair et évident que l’appel de la prestataire était voué à l’échec et, par conséquent, qu’il n’avait aucune chance raisonnable de succès. Pour cette raison, la division générale a rejeté l’appel de la prestataire de façon sommaire.

[21] La division générale considérait que la prestataire avait choisi les prestations prolongées sur son formulaire de demande et qu’elle avait commencé à toucher ces prestations avant de demander un changement. Compte tenu de ces faits, la division générale estimait qu’il n’y avait aucune chance raisonnable de succès.

[22] La division générale a écrit à la prestataire pour l’informer de son intention de rejeter l’appel de façon sommaire. Elle lui a demandé de formuler des arguments expliquant pourquoi son appel ne devrait pas être rejeté sans audienceNote de bas de page 11.

[23] Dans sa réponse, la prestataire a mentionné la date de retour au travail qu’elle a fournie sur son formulaire de demande, qui correspond à 52 semaines après son dernier jour de travail. Elle a dit qu’elle était confuse quand elle a choisi les prestations prolongéesNote de bas de page 12. Son relevé d’emploi confirme aussi sa date de retour au travailNote de bas de page 13.

[24] Dans sa décision, la division générale ne s’est pas penchée sur cette preuve ou sur l’argument de la prestataire évoquant une confusion lors du choix de l’option des prestations parentales prolongées. La division générale n’a pas à examiner chaque élément de preuve dans sa décision. Toutefois, si un élément est assez important, la division générale doit en parlerNote de bas de page 14.

[25] La Commission soutient que la division générale n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a rejeté l’appel de façon sommaire. Selon la Commission, la loi est claire et sans équivoque en ce qui concerne la situation de la prestataire. La Commission affirme que l’appel est voué à l’échec, car la prestataire a choisi les prestations prolongées sur son formulaire de demande et elle en avait déjà touché avant de demander un changement pour des prestations standardsNote de bas de page 15.

[26] Dans ses observations, la Commission a fait référence à des décisions de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédéraleNote de bas de page 16. Ces décisions expliquent que le choix de la partie prestataire sur son formulaire de demande est irrévocable après que des prestations sont versées. La Cour confirme qu’aucune réparation n’est possible lorsque la partie prestataire se trompe d’option.

[27] Par contre, la Cour fédérale dit qu’une réparation est possible si une partie prestataire a été induite en erreur par un renseignement officiel, mais inexact de la CommissionNote de bas de page 17. Des décisions récentes de la division générale et de la division d’appel montrent qu’une partie prestataire a été induite en erreur par la Commission et a alors eu droit à une réparationNote de bas de page 18. Jusqu’à maintenant, la Cour fédérale n’a donné aucune directive sur le type de réparation possible lorsqu’une partie prestataire est induite en erreur.

[28] La prestataire a clairement mentionné dans ses observations qu’elle était confuse au moment de son choix. La date de retour au travail indiquée sur son formulaire de demande ne correspond pas à son choix de recevoir des prestations prolongées pendant 52 semaines, après 15 semaines de prestations de maternité. La division générale ne s’est pas penchée sur cet élément de preuve dans sa décision.

[29] Le rejet sommaire de l’appel n’a pas permis à la prestataire d’expliquer ce qui a pu être à l’origine de sa confusion. Étant donné les décisions du Tribunal où cet élément de preuve s’est révélé pertinent, j’estime que l’appel de la prestataire n’est pas sans aucun espoir.

[30] La division générale a omis d’examiner l’élément de preuve de la prestataire selon lequel sa date de retour au travail montrait qu’elle prévoyait de prendre seulement un an de congé. Elle n’a pas non plus examiné sa déclaration évoquant une confusion lors de son choix. La division générale a ignoré cette preuve potentiellement importante pour le résultat de l’appel. Il s’agit d’une erreur de fait.

Façon de corriger l’erreur

[31] Je suis d’avis que la division générale a commis une erreur quand elle a rejeté l’appel de la prestataire de façon sommaire. Pour corriger cette erreur, je renvoie l’affaire à la division générale pour réexamenNote de bas de page 19. La prestataire aura une audience.

[32] Les parties n’ont pas encore eu l’occasion de fournir leurs preuves et observations sur la question de la confusion de la prestataire lorsqu’elle a fait son choix initial de prestations parentales. Je renvoie l’affaire à la division générale pour que les parties aient cette occasion.

Conclusion

[33] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur en rejetant l’appel de la prestataire de façon sommaire. L’affaire est renvoyée à la division générale pour qu’une audience ait lieu.

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