Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

À titre de mesure temporaire liée à la pandémie, les prestataires pouvaient obtenir un crédit unique de 300 heures d’emploi assurable pour amorcer une période de prestations régulières d’assurance-emploi, ou de 480 heures dans le cas des prestations spéciales. La prestataire a touché des prestations régulières à compter du 11 octobre 2020. Elle a ensuite demandé à la Commission 15 semaines de prestations de maternité et 35 semaines de prestations parentales. La Commission a renouvelé la période de prestations existante de la prestataire, mais cette période a pris fin 10 semaines plus tard. La prestataire a demandé que la Commission mette plutôt fin à sa période de prestations le 17 juillet 2021, et qu’elle commence une nouvelle période de prestations le 18 juillet 2021. La Commission a décidé que la prestataire n’avait pas assez d’heures pour commencer une nouvelle période de prestations. Selon la Commission, même si la prestataire n’avait pas besoin du crédit, la loi exigeait que le crédit de 300 heures soit appliqué pour commencer la période de prestations du 11 octobre 2020, et le crédit pouvait être appliqué une fois seulement. La prestataire ne pouvait donc pas avoir le crédit et l’utiliser pour commencer une autre période de prestations.

La prestataire a fait appel de la décision de la Commission à la division générale (DG), mais celle-ci a rejeté son appel. Elle a ensuite fait appel de la décision de la DG à la division d’appel (DA).

La DG devait décider si la prestataire pouvait tirer profit du crédit d’heures prévu à l’article 153.17(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE), ce qu’elle a fait. La DA a conclu que la DG n’avait décidé aucune question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher. La DG a interprété l’article 153.17(1) de la Loi sur l’AE comme signifiant que la Commission devait appliquer le crédit d’heures à la première période de prestations ayant commencé après le 27 septembre 2020, et que la Commission n’avait aucun pouvoir discrétionnaire quant à l’application des heures. La DG s’est fondée sur des décisions antérieures dans lesquelles la DA interprète l’article 153.17(1) de la Loi sur l’AE concernant des faits semblables à la situation de la prestataire. Dans ces décisions, la DA a affirmé que l’article 153.17(1) de la Loi sur l’AE n’offre aucune flexibilité quant au moment ou à la manière d’appliquer le crédit d’heures. La DG a décidé, en suivant ces décisions, que le libellé de l’article 153.17(1) de la Loi sur l’AE était clair. Le sens ordinaire de la loi n’offrait aucune flexibilité quant au moment ou à la manière d’appliquer le crédit d’heures unique. La DG a conclu que même si la prestataire avait déjà suffisamment d’heures pour être admissible aux prestations d’AE en octobre 2020, la loi exigeait que la Commission lui donne quand même le crédit d’heures. La prestataire ne pouvait donc pas conserver le crédit et l’utiliser pour être admissible aux prestations et commencer une nouvelle période de prestations. La DA a conclu que la DG avait correctement interprété l’article 153.17(1) de la Loi sur l’AE. La DA a conclu que l’interprétation de la DG était conforme au texte, au contexte et à l’objectif de l’article 153.17(1) de la Loi sur l’AE, ainsi qu’à la Loi dans son ensemble. L’appel a été rejeté.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : AB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 817

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : A. B.
Représentante ou représentant : P. H.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Anick Dumoulin

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 15 mars 2022 (GE-22-383)

Membre du Tribunal : Charlotte McQuade
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 30 juin 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’appelante
Représentante de l’intimée 

Date de la décision : Le 26 août 2022
Numéro de dossier : AD-22-197

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La division générale n’a pas fait d’erreur de compétence.

[3] La division générale n’a pas fait d’erreur de droit en interprétant l’article 153.17(1) de la Loi sur l’assurance-emploi.

Aperçu

[4] À titre de mesure temporaire liée à la pandémie, les prestataires pouvaient obtenir un crédit unique de 300 heures d’emploi assurable pour qu’une période de prestations régulières d’assurance-emploi soit établie à leur profit, ou un crédit unique de 480 heures pour des prestations spécialesNote de bas de page 1.

[5] A. B. est la prestataire. Elle a commencé à recevoir des prestations régulières le 11 octobre 2020. Elle a ensuite demandé à la Commission de l’assurance-emploi du Canada 15 semaines de prestations de maternité et 35 semaines de prestations parentales. La Commission a renouvelé sa période de prestations existante, mais celle-ci a pris fin 10 semaines plus tard. La prestataire a alors demandé à la Commission de mettre fin à sa période de prestations existante le 17 juillet 2021 et d’établir une nouvelle période de prestations à son profit le 18 juillet 2021.

[6] La Commission a décidé que la prestataire n’avait pas assez d’heures d’emploi assurable pour qu’une nouvelle période de prestations soit établie à son profit. La Commission a déclaré que, même si la prestataire n’en avait pas besoin, la loi l’a obligée à appliquer le crédit de 300 heures pour établir la période de prestations du 11 octobre 2020, et que le crédit pouvait seulement être appliqué une fois. La prestataire ne pouvait donc pas utiliser le crédit pour qu’une autre période de prestations soit établie à son profit. La prestataire a porté la décision de la Commission en appel à la division générale du Tribunal, mais celle-ci a rejeté son appel.

[7] La prestataire a alors porté la décision de la division générale en appel. Elle affirme que la division générale a commis une erreur de compétence ou une erreur de droit lorsqu’elle a interprété l’article 153.17(1) de la Loi sur l’assurance-emploi comme signifiant que le crédit d’heures devait s’appliquer à la première demande initiale faite le 27 septembre 2020 ou après cette date. Elle dit que l’article 153.17(1) donne à la Commission le pouvoir discrétionnaire d’appliquer le crédit seulement au besoin.

[8] J’ai jugé que la division générale n’avait pas commis d’erreur de compétence et qu’elle n’avait pas mal interprété l’article 153.17(1) de la Loi sur l’assurance-emploi. Je rejette donc l’appel de la prestataire.

Je vais tenir compte des nouvelles preuves de la Commission

[9] J’ai demandé aux parties de fournir des observations après l’audience sur la signification du mot « réputé » utilisé à l’article 153.17(1) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[10] Les observations présentées par la Commission après l’audience portent sur un hyperlien « newswire » vers un communiqué d’Emploi et Développement social Canada daté du 29 janvier 2021. Le communiqué résume les modifications apportées à la Loi sur l’assurance-emploi en raison de la pandémie.

[11] Les observations de la Commission font également référence à un hyperlien du site Web du gouvernement du Canada vers un communiqué d’Emploi et Développement social Canada daté du 25 septembre 2020. Ce communiqué explique les modifications apportées au régime d’assurance-emploi le 27 septembre 2020, après la fin de la Prestation canadienne d’urgenceNote de bas de page 2.

[12] La Commission s’appuie sur ces deux documents qui sont pertinents au contexte et à l’objet (c’est-à-dire, à l’objectif) de l’article 153.17 de la Loi sur l’assurance-emploi.

[13] Aucun de ces communiqués n’a été présenté à la division générale lorsqu’elle a rendu sa décision. Il s’agit donc de nouvelles preuves. La division d’appel n’accepte généralement pas de nouvelles preuves. La raison est que la division d’appel n’entend pas de nouveau l’affaire. Elle décide plutôt si la division générale a commis certaines erreurs et, si c’est le cas, comment les corriger.

[14] Je peux accepter les nouvelles preuves dont la division générale n’avait pas connaissance au moment de rendre sa décision seulement si elles fournissent uniquement des renseignements généraux, font ressortir des conclusions que le Tribunal a tirées sans preuve à l’appui ou révèlent une procédure injuste que le Tribunal a suivieNote de bas de page 3.

[15] Je vais examiner les communiqués. Ils ne portent pas précisément sur la question de savoir si la prestataire a accumulé suffisamment d’heures pour être admissible aux prestations. Ils fournissent plutôt des renseignements généraux sur les modifications apportées à la Loi sur l’assurance-emploi en lien avec la pandémie, y compris l’article 153.17 de la Loi sur l’assurance-emploi. Je vais donc accepter ces nouvelles preuves en tant que renseignements généraux.

Questions en litige

[16] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de compétence ou de droit dans la façon dont elle a interprété l’article 153.17(1) de la Loi sur l’assurance-emploi?
  2. b) Dans l’affirmative, comment l’erreur devrait-elle être corrigée?

Analyse

La division générale n’a pas fait d’erreur de compétence

[17] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de compétence ou de droit lorsqu’elle n’a pas interprété l’article 153.17(1) de la Loi sur l’assurance-emploi comme signifiant que la Commission avait le pouvoir discrétionnaire d’appliquer le crédit d’heures seulement si nécessaire.

[18] Une erreur de compétence se produit lorsque la division générale n’a pas décidé quelque chose qu’elle devait décider ou lorsqu’elle a décidé quelque chose qu’elle n’avait pas le pouvoir de décider.

[19] La division générale devait décider si la prestataire pouvait recevoir le crédit d’heures prévu à l’article 153.17(1) de la Loi sur l’assurance-emploi, et elle l’a fait. La division générale n’a rien décidé qui ne relève pas de sa compétence. Donc, la division générale n’a pas commis d’erreur de compétence.

[20] Le type d’erreur que soulève la prestataire concerne l’interprétation de l’article 153.17(1) de la Loi sur l’assurance-emploi. Il s’agit d’une erreur de droit potentielle.

[21] Je dois décider si la division générale a commis une erreur de droit en interprétant l’article 153.17(1) de la Loi sur l’assurance-emploi. Cela veut dire que je dois décider si son interprétation est correcte.

Décision de la division générale

[22] La division générale a interprété l’article 153.17 (1) de la Loi sur l’assurance-emploi comme signifiant que la Commission devait appliquer le crédit d’heures à la première période de prestations après le 27 septembre 2020, et que la Commission n’avait aucun pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne l’application des heuresNote de bas de page 4.

[23] Voici le texte de l’article 153.17 de la Loi sur l’assurance-emploi :

153.17 (1) Le prestataire qui présente une demande initiale de prestations à l’égard de prestations visées à la partie I le 27 septembre 2020 ou après cette date, ou à l’égard d’un arrêt de rémunération qui survient à cette date ou par la suite, est réputé avoir, au cours de sa période de référence :

a) si la demande initiale de prestations est présentée à l’égard de prestations visées à l’un des articles 21 à 23.3, 480 heures additionnelles d’emploi assurable;

b) dans les autres cas, 300 heures additionnelles d’emploi assurable.

153.17 (2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas au prestataire dont le nombre d’heures assurables au cours de sa période de référence a déjà augmenté en vertu de ce paragraphe ou du présent article dans sa version du 26 septembre 2020, si une période de prestations a été établie relativement à cette période de référence.

[24] La division générale s’est appuyée sur des décisions antérieures de la division d’appel qui ont interprété l’article 153.17(1) de la Loi sur l’assurance-emploi en fonction de faits semblables à ceux de la situation de la prestataire. La division d’appel a déclaré dans ces décisions que l’article 153.17(1) de la Loi sur l’assurance-emploi ne donne aucune latitude quant au moment ou à la façon d’appliquer le crédit d’heuresNote de bas de page 5.

[25] À la suite de ces affaires, la division générale a décidé que le texte de l’article 153.17(1) de la Loi sur l’assurance-emploi était clair. Le sens ordinaire et simple de la loi ne laissait aucune latitude quant au moment et à la façon d’appliquer le crédit d’heures unique.

[26] La division générale a conclu que, même si la prestataire avait déjà accumulé suffisamment d’heures pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi en octobre 2020, la loi exigeait que la Commission applique quand même le crédit d’heures à sa période de prestations. Ainsi, la prestataire n’a pas pu conserver le crédit et l’utiliser pour être admissible aux prestations afin qu’une nouvelle période de prestations soit établie à son profit.

La division générale n’a pas commis d’erreur de droit dans la façon dont elle a interprété l’article 153.17(1) de la Loi sur l’assurance-emploi

[27] La division générale a interprété correctement l’article 153.17(1) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[28] Je reconnais que la division d’appel a toujours interprété l’article 153.17(1) comme signifiant que le crédit doit être appliqué lorsque la première demande est présentée le 27 septembre 2020 ou après cette date. Même si je ne suis pas liée par ces décisions, je dois les garder à l’esprit. Je ne peux pas m’écarter de ces décisions sans une bonne raison.

[29] Pour interpréter l’article 153.17(1) de la Loi sur l’assurance-emploi, je dois aussi garder à l’esprit certaines règles d’interprétation.

[30] Je dois examiner les termes « dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’économie de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateurNote de bas de page 6 ».

[31] Ainsi, il ne suffit pas de regarder seulement le texte pour décider de ce que signifie l’article 153.17(1) de la Loi sur l’assurance-emploi. Je dois aussi tenir compte du sens de l’article 153.17(1) dans le contexte des dispositions connexes. De plus, je dois tenir compte de l’objet de l’article 153.17(1) et de la Loi sur l’assurance-emploi.

[32] Toutefois, si les mots utilisés dans un article de loi sont « précis et non équivoques » (autrement dit, clairs et simples), leur sens ordinaire jouera habituellement un rôle plus important lors de leur interprétationNote de bas de page 7.

[33] Cependant, l’objet est aussi très important. Les lois sont censées être interprétées de manière à réaliser leur objetNote de bas de page 8. Il faut également les interpréter d’une façon qui n’entraîne pas de conséquences absurdesNote de bas de page 9.

[34] Des lois comme la Loi sur l’assurance-emploi, qui visent à verser des prestations, sont censées être interprétées de façon libérale. Cela signifie que si le texte est ambigu (peu clair), l’interprétation doit être résolue en faveur de la personne qui demande des prestationsNote de bas de page 10.

Le texte de l’article de loi

[35] L’interprétation de la division générale est cohérente avec le texte de loi.

[36] La prestataire soutient que l’article 153.17(1) n’est pas clair. Selon elle, cela peut être interprété comme signifiant que le crédit doit seulement être appliqué par la Commission si une partie prestataire a besoin des heures pour établir une période de prestations à son profit.

[37] La prestataire affirme que l’article 153.17(1) fait référence à « une » demande initiale de prestations et non à une « première » demande initiale de prestations, en ce qui a trait au crédit d’heures. Elle dit que cela signifie que le crédit n’est pas limité à la première demande initiale.

[38] De plus, la prestataire soutient que le terme « réputé » n’est pas clair. Elle affirme que cela peut être interprété comme signifiant que la Commission a le pouvoir discrétionnaire d’appliquer le crédit seulement au besoin. Elle précise que le sens commun du mot « réputé » dans le dictionnaire est [traduction] « présumé, supposé, considéré, envisagé, censé, estimé, vraisemblablement pensé, conjectural, hypothétique ». Donc, elle dit que l’emploi du terme « réputé » ne signifie pas nécessairement que les heures doivent être appliquées.

[39] La prestataire s’appuie sur la décision SS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 885 de la division générale du Tribunal, dans laquelle la division générale a décidé que l’article 153.17(1) devait être interprété comme signifiant que le crédit devait être appliqué seulement si la partie prestataire avait besoin des heures. La division générale a dit qu’interpréter autrement l’article 153.17(1) serait contraire à l’intention législative de cet article, qui était d’aider les gens à toucher à des prestations.

[40] La Commission n’est pas d’accord pour dire que l’article 153.17(1) n’est pas clair. La Commission dit que le sens ordinaire de l’article 153.17(1) est que le crédit d’heures unique est automatiquement appliqué lorsque les conditions énoncées dans cet article sont remplies. Le crédit est appliqué quand « une » demande initiale est présentée le 27 septembre 2020 ou après cette date.

[41] La Commission affirme également que le terme « réputé » est clair et enlève tout pouvoir discrétionnaire à la Commission. La Commission dit que selon le Black’s Law Dictionary, le terme « deem » (« réputer ») signifie [traduction] « tenir pour acquis, considérer, juger, condamner ». Selon le Oxford English Dictionary, le sens ordinaire du terme « deem » (« réputer ») est de considérer ou d’envisager quelque chose d’une façon précise. Selon le Merriam-Webster Unabridged English Dictionary et le Cambridge English Dictionary, le terme « deemed » (« réputé ») est [traduction] « le passé du verbe “réputer”, un mot qui signifie : considérer, envisager ou juger quelque chose d’une façon préciseNote de bas de page 11 ».

[42] La Commission soutient que la division d’appel a déjà interprété le terme « deem » (« réputer »), tel qu’il est défini dans la version en ligne du Oxford English Dictionary, comme signifiant [traduction] « considérer ou envisager d’une façon préciseNote de bas de page 12 ».

[43] La Commission souligne également que la décision de la division générale sur laquelle la prestataire s’appuie a été annulée par la division d’appel. La division d’appel a décidé que l’interprétation de la division générale était incorrecte parce qu’elle n’avait pas interprété l’article 153.17(1) dans le contexte de l’article 153.17(2) de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 13.

[44] La Commission affirme que dans toutes les décisions antérieures de la division d’appel, cette dernière a interprété l’article 153.17(1) de la Loi sur l’assurance-emploi de la même façon que la division générale l’a fait, dans des situations où les faits étaient semblables à ceux de la prestataireNote de bas de page 14.

[45] Je suis d’accord avec la Commission pour dire que le sens ordinaire du texte de l’article 153.17(1) est que le crédit s’applique lorsque la première demande initiale est faite le 27 septembre 2020 ou après cette date.

[46] Selon la définition fournie par la Loi sur l’assurance-emploi, une « demande initiale de prestations » est simplement une « demande formulée aux fins d’établir une période de prestations au profit du prestataireNote de bas de page 15 ». On ne fait pas référence à une « première demande initiale ».

[47] Cependant, l’expression « demande initiale de prestations » est précédée de l’article « une ». À mon avis, l’utilisation de l’article « une » devant l’expression « demande initiale de prestations » donne à penser qu’on fait référence à la première demande initiale.

[48] Si l’intention avait été d’inclure les demandes ultérieures, j’estime qu’il y aurait eu des précisions à ce sujet. Cependant, il n’y a rien dans l’article 153.17 ou ailleurs dans la Loi sur l’assurance-emploi qui restreint le recours aux heures, une fois qu’une première demande initiale a été faite, à une demande pour laquelle les heures sont nécessaires.

[49] Je trouve également important le fait que le texte fasse référence à un crédit d’un nombre fixe d’heures. Le crédit est de 300 ou 480 heures, selon le type de prestations demandées. Le montant du crédit n’est pas directement lié aux heures qu’une personne a accumulées ou dont elle a besoin pour être admissible. Qu’une personne dispose d’une heure ou de mille heures, le montant du crédit est le même. Cela va à l’encontre de l’interprétation de la prestataire selon laquelle l’application du crédit est liée au besoin de la personne.

[50] Toutefois, le mot clé dans le texte de l’article 153.17(1) de la Loi sur l’assurance-emploi est le terme « réputé ».

[51] Le terme « réputé » crée une présomption. Il existe deux types de présomptions en droit : la présomption réfutable et la présomption irréfutable.

[52] Le but d’une présomption réfutable est d’établir quelque chose comme un fait, sans qu’il y ait de preuve. Une présomption réfutable est une présomption qui peut être réfutée en fournissant des preuves qui montrent que la présomption est fausseNote de bas de page 16.

[53] Une « présomption irréfutable » est un type de fiction juridique qui crée une règle. Elle ne peut pas être réfutée par des preuves. Autrement dit, si certains faits existent, un résultat doit s’ensuivre.

[54] La question de savoir si l’utilisation du terme « réputé » établit une présomption réfutable ou irréfutable dépend en grande partie du contexte dans lequel le terme est utilisé, de l’objet visé par la loi et de la nécessité de réaliser cet objetNote de bas de page 17.

[55] Essentiellement, la position de la prestataire est que le terme « réputé » de l’article 153.17(1) crée une présomption réfutable. Elle est d’avis que la présomption selon laquelle le crédit d’heures doit être appliqué peut être réfutée par une preuve montrant qu’une partie prestataire n’a pas besoin des heures pour être admissible.

[56] La position de la Commission est que le terme « réputé » crée une présomption irréfutable. Lorsqu’une première demande initiale est présentée le 27 septembre 2020 ou après cette date, le crédit est alors appliqué.

[57] J’estime que le terme « réputé » de l’article 153.17(1) de la Loi sur l’assurance-emploi constitue une présomption irréfutable. Je suis de cet avis pour plusieurs raisons.

[58] Premièrement, le contexte dans lequel la présomption est utilisée ne laisse pas entendre qu’elle est réfutable. Ni l’article 153.17 ni la partie VIII.5 de la Loi sur l’assurance-emploi (où se trouve l’article 153.17), ni aucune autre partie de la Loi sur l’assurance-emploi, ne comportent une mention ou une référence à des circonstances dans lesquelles la présomption ne s’appliquerait pas.

[59] Deuxièmement, la façon dont la prestataire affirme que la présomption peut être réfutée ne correspond pas à la façon dont les présomptions réfutables fonctionnent. Dans le cas d’une présomption réfutable, le fait qui est présumé doit être réfuté à l’aide de preuves. Par exemple, si une loi présume qu’une personne a reçu un document avant une certaine date, la personne pourrait réfuter cette présomption en fournissant la preuve qu’elle a effectivement reçu le document à une autre date.

[60] Toutefois, la présomption prévue à l’article 153.17(1) de la Loi sur l’assurance-emploi ne fonctionne pas de cette façon. Je vais expliquer pourquoi.

[61] Supposons qu’une personne présente une demande initiale comportant un nombre X d’heures. L’article 153.17(1) suppose que la personne a X heures, plus 300 ou 480 heures, selon le type de demande qu’elle présente.

[62] Il n’y a cependant aucun moyen de réfuter cette présomption avec des preuves. Pour réfuter la présomption, la personne devrait démontrer qu’elle n’a pas accumulé X heures, plus 300 ou 480 heures. Mais ce n’est pas possible de le faire. La personne aura toujours X heures, plus 300 ou 480 heures.

[63] La prestataire laisse entendre que la présomption peut être réfutée à l’aide des heures qu’elle a réellement accumulées ou des heures dont elle a besoin. Toutefois, c’est le fait présumé qui doit être réfuté par des preuves (autrement dit, le fait que la personne a X heures, plus 300 ou 480 heures). Le nombre d’heures réellement accumulées ou requises par la personne ne réfute pas ce fait.

[64] La façon dont la présomption s’applique à l’article 153.17(1) de la Loi sur l’assurance-emploi est compatible avec une présomption irréfutable. En d’autres mots, si une personne présente une demande initiale le 27 septembre 2020 ou après cette date, le résultat qui s’ensuit est un crédit de 300 ou de 480 heures.

[65] Ainsi, compte tenu de l’utilisation de l’article « une » avant l’expression « demande initiale », du montant fixe du crédit et du fait que le terme « réputé » de l’article 153.17(1) fonctionne en tant que présomption irréfutable, je conclus, comme l’a fait la division générale, que le texte est clair. La Commission doit appliquer le crédit d’heures dès que la première demande initiale a été présentée le 27 septembre 2020 ou après cette date.

[66] Comme le texte est clair, il joue un rôle important dans l’interprétation. Cependant, je dois également décider si l’interprétation de la division générale est conforme au contexte et à l’objet de l’article de loi.

Le contexte de l’article de loi

[67] L’interprétation de l’article 153.17(1) par la division générale est conforme au contexte dans lequel il s’applique.

[68] La Commission fait valoir que l’article 153.17(1) doit être interprété dans le contexte de l’article 153.17(2). La Commission affirme qu’il est clair que le crédit s’applique uniquement à la première demande initiale faite le 27 septembre 2020 ou après cette date.

[69] La Commission fait remarquer que dans la décision de division d’appel mentionnée ci-dessus, la division d’appel a fait valoir que, lu seul, l’article 153.17(1) pourrait laisser entendre que les heures supplémentaires sont réputées s’appliquer à toutes les demandes initiales faites par une partie prestataire le 27 septembre 2020 ou après cette date. Toutefois, la restriction prévue à l’article 153.17(2) précise ensuite que le crédit s’applique uniquement à la première demande initialeNote de bas de page 18.

[70] La prestataire dit que l’article 153.17(2) indique simplement qu’une personne ne peut pas obtenir le crédit deux fois. Cela ne signifie pas que le crédit prévu à l’article 153.17(1) doit être appliqué à la première demande initiale.

[71] Je conviens avec la prestataire que l’article 153.17(2) ne restreint pas nécessairement le crédit à la première demande initiale présentée le 27 septembre 2020 ou après cette date. Le fait que le crédit ne puisse pas être appliqué deux fois est conforme à l’interprétation de la prestataire et à celle de la division générale. Dans les deux cas, le crédit est appliqué une seule fois pour établir une période de prestations.

[72] Cependant, je dois aussi examiner le sens de l’article 153.17(1) dans le contexte de l’article 153.171 de la Loi sur l’assurance-emploi. Voici le texte de l’article en question :

153.171 Le prestataire qui remplit les conditions requises pour recevoir des prestations en vertu de l’article 7 et qui a obtenu les 300 heures additionnelles d’emploi assurable prévues à l’alinéa 153.17(1)b) peut présenter une demande de prestations en vertu des articles 21 à 23.3, même s’il n’est pas un prestataire de la première catégorie au sens du paragraphe 6(1).

[73] Une ou un « prestataire de la première catégorie » est une personne qui est admissible à des prestations et qui compte 600 heures ou plus d’emploi assurable au cours de sa période de prestations.

[74] Avant le 25 septembre 2021, une personne devait être une « prestataire de la première catégorie » pour être admissible aux prestations de maternité et aux prestations parentales (prestations spéciales) de l’assurance-emploi. Elle avait donc besoin de 600 heures pour être admissibleNote de bas de page 19.

[75] L’article 153.171 était l’une des modifications temporaires ajoutées à la Loi sur l’assurance-emploi le 27 septembre 2020. Cette disposition semble prévoir une exception à l’exigence de 600 heures pour les prestataires dont la demande de prestations régulières comportait un crédit de 300 heures.

[76] Du 27 septembre 2020 au 25 septembre 2021, le taux de chômage minimum est demeuré à 13,1 %Note de bas de page 20. Cela signifie que les prestataires de prestations régulières pendant cette période avaient seulement besoin de 420 heures pour être admissiblesNote de bas de page 21.

[77] L’effet pratique de l’article 153.171 est que si une partie prestataire a déjà reçu le crédit de 300 heures pour qu’une période de prestations régulières soit établie à son profit, elle peut être admissible à des prestations spéciales même si elle a seulement accumulé 420 heuresNote de bas de page 22.

[78] Ainsi, l’article 153.171 traite précisément de ce qui se passe lorsqu’une demande ultérieure de prestations spéciales (ce qui comprend les prestations de maternité et les prestations parentales) est présentée après qu’une demande de prestations régulières a été présentée et que le crédit a été appliqué.

[79] Si l’on considère l’article 153.17(1) dans le contexte de l’article 153.171 de la Loi sur l’assurance-emplo i, il est clair que le crédit prévu à l’article 153.17(1) doit seulement être appliqué à la première demande initiale faite le 27 septembre 2020 ou après cette date. Il n’est pas destiné à être appliqué aux demandes subséquentes.

[80] Plutôt, l’article 153.17(1) prévoit que lorsque le crédit a été appliqué à une demande de prestations régulières, un nombre réduit d’heures est requis pour être admissible à des prestations spéciales dans le cadre d’une demande subséquente.

[81] Je dois également examiner l’article 153.17(1) dans le contexte du fonctionnement des périodes de prestations prévu par la Loi sur l’assurance-emploi.

[82] Habituellement, une période de prestations est d’une durée de 52 semainesNote de bas de page 23. Une période de prestations peut se terminer avant 52 semaines si la partie prestataire reçoit le nombre maximal de semaines de prestations ou si la Commission annule la période de prestationsNote de bas de page 24. Elle peut également prendre fin si une partie prestataire demande la fin de la période de prestations, présente une nouvelle demande initiale de prestations et est admissible à l’établissement de cette nouvelle période de prestations.

[83] Pour les périodes de prestations commençant entre le 27 septembre 2020 et le 25 septembre 2021, le nombre maximal de semaines de prestations régulières était de 50 semainesNote de bas de page 25.

[84] Le nombre maximal de semaines permises de prestations régulières et spéciales combinées était de 50 semainesNote de bas de page 26.

[85] Une fois qu’une prestation commence à être versée, elle continue de l’être. Si une personne reçoit moins que le nombre maximal de semaines de prestations, retourne au travail et a de nouveau besoin de prestations, la période de prestations existante est renouvelée et se poursuit jusqu’à ce que le nombre maximal de semaines soit payé ou que le nombre de 52 semaines soit atteint. Une nouvelle période de prestations peut seulement être établie au profit d’une partie prestataire si sa période de prestations existante a pris fin et si elle a accumulé suffisamment d’heures depuis le début de sa dernière période de prestations pour le faire.

[86] L’interprétation de la division générale est conforme à la règle générale selon laquelle les périodes de prestations se poursuivent jusqu’à ce que le nombre maximal de semaines soit payé ou que le nombre de 52 semaines soit atteint. En effet, si une première demande est présentée, que le crédit est accordé et qu’une période de prestations est établie, aucun autre crédit ne sera nécessaire. La période de prestations est censée se poursuivre jusqu’à son terme.

[87] La situation de la prestataire est une exception à la règle générale. Elle veut mettre fin à une période de prestations existante et établir une nouvelle période de prestations de maternité et de prestations parentales. Cependant, j’estime que cette exception est prévue à l’article 153.171 de la Loi sur l’assurance-emploi, lequel exige un nombre réduit d’heures pour qu’une nouvelle période soit établie.

[88] Je conclus donc que l’interprétation de l’article 153.17(1) par la division générale est conforme au contexte de l’article 153.171 et à la façon dont les périodes de prestations fonctionnent dans la Loi sur l’assurance-emploi.

L’objet de l’article de loi

[89] L’interprétation de la division générale est également conforme à l’objet de l’article 153.17(1) et à l’objet général de la Loi sur l’assurance-emploi.

[90] La prestataire soutient que l’objet de l’article 153.17(1) était de soutenir les prestataires de l’assurance-emploi qui, en raison des répercussions continues de la pandémie, n’ont pas pu obtenir suffisamment d’heures d’emploi assurable pour qu’une période de prestations soit établie à leur profit pendant la période d’un an où l’article 153.17 était en vigueur. Elle affirme que l’application du crédit prévu à l’article 153.17(1) n’était pas censée se limiter à la première demande initiale au cours de cette période.

[91] Pour affirmer qu’il s’agit bien de l’objet de l’article en question, la prestataire s’appuie sur un document d’information d’Emploi et Développement social Canada expliquant les modifications apportées à la Loi sur l’assurance-emploi, qui sont entrées en vigueur le 27 septembre 2020Note de bas de page 27.

[92] Le document d’information précise notamment ce qui suit :

« [L]e gouvernement du Canada reconnaît que la pandémie a empêché beaucoup de Canadiens de cumuler le nombre d’heures assurables requis en temps normal, et prend des mesures pour y remédier. Afin d’aider les personnes à recevoir des prestations avec un minimum de 120 heures de travail, les demandeurs d’assurance-emploi recevront un crédit unique d’heures assurables s’élevant à : […] 480 heures assurables pour les demandes de prestations spéciales (maladie, maternité, parentales, de compassion, pour proches aidants) […]. Le crédit d’heures sera offert aux nouveaux demandeurs d’assurance-emploi pendant 1 an, compte tenu du fait que les conditions du marché du travail demeurent incertaines et prendront du temps à se stabiliser. »

[93] La prestataire soutient que l’interprétation de la division générale est incompatible avec cet objet parce qu’au lieu d’aider les prestataires à être admissibles aux prestations, elle leur nuit. Elle souligne qu’elle avait suffisamment d’heures pour être admissible le 11 octobre 2020 et qu’elle n’avait donc pas besoin du crédit. Le fait de lui accorder le crédit alors qu’elle n’en avait pas besoin l’a empêchée de l’utiliser lorsqu’elle en avait réellement besoin pour établir une nouvelle période de prestations à son profit.

[94] La prestataire s’appuie également sur le texte de la version précédente de l’article 153.17 (1), en vigueur du 10 août 2020 au 26 septembre 2020. Selon cette version, si une personne a accumulé moins de 600 heures d’emploi assurable au cours de sa période de référence, le nombre d’heures est augmenté de 480 heuresNote de bas de page 28.

[95] La prestataire soutient qu’il n’y a aucune raison de conclure que le changement de formulation signifiait un changement d’objet, car la situation liée à la pandémie n’a pas changé.

[96] La Commission fait valoir que l’objet de l’article 153.17(1) était d’aider les parties prestataires touchées par la pandémie avant le 27 septembre 2020 et qui n’avaient pas accumulé suffisamment d’heures pour présenter une demande après la fin de la Prestation canadienne d’urgence le 27 septembre 2020. La Commission affirme que les mesures temporaires étaient destinées à être des mesures transitoires et que le crédit devait aider à établir une première période de prestations le 27 septembre 2020 ou après cette date, et non une période de prestations subséquente.

[97] La Commission, se référant à l’information contenue dans le communiqué qu’elle a fourni comme nouvelle preuve, affirme qu’après la fin de la Prestation canadienne d’urgence, le gouvernement avait prévu que de nombreuses personnes auraient encore besoin d’un soutien au revenu et que les mesures temporaires étaient destinées à faire face à cette situation. La Commission souligne qu’environ 2,8 millions de bénéficiaires de la Prestation canadienne d’urgence sont passés aux prestations régulières de l’assurance-emploi, y compris plus de 400 000 travailleuses et travailleurs qui n’auraient pas été admissibles à l’assurance-emploi sans ces mesuresNote de bas de page 29.

[98] Je juge que l’objet de l’article 153.17(1) de la Loi sur l’assurance-emploi était d’accorder un crédit d’heures pour aider à établir une première période de prestations à compter du 27 septembre 2020. À cet égard, j’estime que le moment choisi pour appliquer cette mesure, soit directement après la fin de la Prestation canadienne d’urgence, est important. La disposition a été mise en place à titre de disposition transitoire temporaire après la fin de la Prestation canadienne d’urgence.

[99] Selon le document d’information, le gouvernement a reconnu que les conditions du marché étaient encore incertaines et qu’il faudrait du temps pour les stabiliser. Cependant, je ne peux pas conclure, de la reconnaissance d’une instabilité continue, que l’objet de l’article 153.17(1) était d’aider à mettre fin à une période de prestations déjà existante et à en établir une autre.

[100] À cet égard, je ne vois rien dans le document d’information ni dans les renseignements du communiqué qui laisse entendre cela. En fait, les renseignements du document d’information sur lesquels se fonde la prestataire laissent entendre le contraire. On y lit que : « [le] crédit d’heures sera offert aux nouveaux demandeurs d’assurance-emploi pendant 1 an, compte tenu du fait que les conditions du marché du travail demeurent incertaines et prendront du temps à se stabiliserNote de bas de page 30 ». L’utilisation du terme « nouveaux » sous-entend que l’intention est d’aider la partie prestataire avec sa « première » demande initiale au cours de cette période d’un an.

[101] Il est vrai que le législateur aurait pu utiliser le terme « doit » à l’article 153.17(1), ce qui aurait clairement signalé l’intention d’appliquer les heures pour établir une première période de prestationsNote de bas de page 31. Cependant, j’estime que le législateur a fait part de son intention en modifiant considérablement le texte de la version précédente.

[102] La Loi d’interprétation précise qu’un amendement ne signifie pas une modification de la loi. Cependant, cette règle est sujette à une intention contraireNote de bas de page 32.

[103] À mon avis, la modification très importante du texte de la disposition relative au crédit d’heures par rapport à la version précédente, où le crédit était seulement appliqué si la partie prestataire avait moins d’heures que le nombre requis, ainsi que l’ajout simultané de l’article 153.171, signifie une intention contraire. Cela signifie que le crédit devait être appliqué pour établir une première période de prestations à compter du 27 septembre 2020, même si celui-ci n’était pas nécessaire.

[104] Le titre de la partie VIII.5 de la Loi sur l’assurance-emploi est « Mesures temporaires pour faciliter l’accès aux prestations ». Le titre est assez général, mais je ne pense pas que cela signifie que l’objet de l’article 153.17(1) était d’aider toute partie prestataire dont la demande initiale a été faite le 27 septembre 2020 ou après cette date.

[105] Je ne peux pas accorder trop d’importance au titre parce que la partie VIII.5 comprend de nombreuses modifications apportées à la Loi sur l’assurance-emploi à compter du 27 septembre 2020. Le titre n’est pas spécifique à l’article 153.17(1) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[106] De plus, le fait que le titre soit général ne signifie pas pour autant qu’il n’y a pas de restrictions aux mesures temporaires de la partie VIII.5.

[107] Comme l’a dit la Cour d’appel fédérale, la Loi sur l’assurance-emploi est « un régime contributif offrant une protection sociale aux Canadiens qui perdent leur emploi […]Note de bas de page 33 ».

[108] Donc, bien que l’intention de la Loi sur l’assurance-emploi soit d’aider les personnes qui ont perdu leur emploi, c’est aussi un régime contributif avec des critères d’admissibilité. L’article 153.171 indique clairement qu’il existe des critères d’admissibilité pour les personnes dans une situation comme celle de la prestataire.

[109] L’interprétation de la division générale est conforme à l’objet de l’article 153.17(1), qui est d’aider les prestataires à établir leur première période de prestations le 27 septembre 2020 ou après cette date. Elle est également conforme à l’objectif général de la Loi sur l’assurance-emploi qui est de fournir de l’aide aux prestataires admissibles.

L’interprétation de la division générale n’a pas produit de résultat absurde

[110] La prestataire souligne la sévérité du résultat qui découle de l’interprétation de la division générale. Elle se retrouve avec seulement 10 des 15 semaines de prestations de maternité qu’elle a demandées et aucune des 35 semaines de prestations parentales qu’elle a réclamées.

[111] La prestataire affirme que ce résultat est incompatible avec l’objet de l’article 153.17(1) de la Loi sur l’assurance-emploi, qui est d’aider les travailleuses et travailleurs, qui ne peuvent pas gagner suffisamment d’heures en raison des répercussions continues de la pandémie, à établir une période de prestations.

[112] Il ne fait aucun doute que la prestataire se trouve dans une situation difficile. Je ne peux cependant pas conclure que l’interprétation de la division générale donne un résultat absurde.

[113] Aucune partie prestataire qui a droit à des prestations en ayant accumulé plus d’heures que le nombre requis ne peut utiliser ces heures supplémentaires pour établir une période de prestations ultérieure. Les heures supplémentaires sont inutilisables. Par conséquent, le fait que la prestataire ait eu des heures supplémentaires qui ne lui étaient d’aucune utilité à la suite de l’application du crédit à sa première période de prestations n’est pas absurde dans ce contexte.

[114] Bien que la prestataire ne puisse pas utiliser le crédit pour établir une période de prestations subséquente, ce résultat est seulement absurde si l’objet de l’article 153.17(1) est d’aider les prestataires à établir toute période de prestations pendant la période d’un an où l’article 153.17 était en vigueur. Cependant, comme je l’ai dit, ce n’est pas l’objectif recherché. L’objectif est d’aider les prestataires à établir une première période de prestations le 27 septembre 2020 ou après cette date.

L’interprétation de la division générale était correcte

[115] J’estime que l’interprétation de la division générale est conforme au texte, au contexte et à l’objet de l’article 153.17(1) de la Loi sur l’assurance-emploi et de la Loi sur l’assurance-emploi dans son ensemble. La division générale n’a pas commis d’erreur de droit dans son interprétation.

[116] Je reconnais que ce résultat sera décevant pour la prestataire. Je reconnais également qu’il ne s’agit pas d’un exercice théorique pour la prestataire. Sa capacité de subvenir aux besoins de son enfant est en jeu.

[117] Comme l’a dit la Cour d’appel fédérale, des règles rigides peuvent donner lieu à des résultats sévères, mais, aussi tentant que cela puisse être dans de tels cas, les arbitres ne peuvent pas réécrire la loi ni l’interpréter d’une manière contraire à son sens ordinaireNote de bas de page 34.

[118] Malgré ma sympathie pour la situation de la prestataire, je ne peux pas intervenir dans la décision de la division générale.

Conclusion

[119] L’appel est rejeté. La division générale n’a pas commis d’erreur de compétence ni d’erreur de droit.

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