Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : AR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 902

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : A. R.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 10 août 2022 (GE-22-1424)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 15 septembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-651

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a perdu son emploi. L’employeuse a suspendu le prestataire parce qu’il ne s’était pas conformé à sa politique de vaccination contre la COVID-19. Par la suite, le prestataire a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a conclu que le prestataire avait été suspendu en raison d’une inconduite. Elle ne pouvait donc pas lui verser des prestations. Après le rejet de sa demande de révision, le prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeuse. Elle a conclu que le prestataire savait que, dans les circonstances, l’employeuse allait probablement le suspendre. La division générale a conclu que le non-respect de la politique était la cause de la suspension. Elle a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire cherche à obtenir la permission de porter la décision de la division générale en appel devant la division d’appel. Il n’est pas d’accord avec la décision de la division générale, soit qu’il a été suspendu en raison d’une inconduite. Le prestataire soutient qu’il a le droit d’accepter ou de refuser un vaccin. C’est un choix personnel. Il soutient que, selon la constitution canadienne, personne ne peut le forcer à se faire vacciner contre sa volonté dans le but de conserver son emploi.

[6] Je dois décider si le prestataire a invoqué une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel puisque l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Il s’agit des erreurs révisables que voici :

  1. 1. La procédure de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a décidé d’une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. C’est une première étape que le prestataire doit franchir, mais où la barre est moins haute que celle qu’il faut franchir durant l’instruction de l’appel sur le fond. À l’étape de la permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. En d’autres termes, il doit démontrer la possibilité de soutenir qu’il y a eu une erreur révisable pouvant faire que l’appel soit accueilli.

[11] Par conséquent, pour accorder la permission, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés plus haut et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès.

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire dit qu’il n’est pas d’accord avec la décision de la division générale, soit qu’il a été suspendu en raison d’une inconduite. Il fait valoir qu’il a le droit d’accepter ou de refuser un vaccin. C’est un choix personnel. Il soutient que, selon la constitution canadienne, on ne peut pas le forcer à se faire vacciner contre sa volonté dans le but de conserver son emploi.

[13] Le prestataire a été suspendu le 31 décembre 2021. L’employeuse a mis en œuvre une politique visant à protéger la santé et la sécurité de tout son personnel contre les risques liés à la COVID-19Note de bas de page 1. La politique est entrée en vigueur vers le 18 octobre 2021. Le prestataire a refusé de recevoir le vaccin. Il n’a pas respecté la politique. L’employeuse l’a donc suspendu.

[14] La division générale devait décider si le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

[15] La notion d’inconduite ne veut pas nécessairement dire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable. Il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, l’acte reproché doit avoir été délibéré ou, à tout le moins, être d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé d’ignorer les répercussions de ses actes sur son rendement au travail.

[16] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction imposée par l’employeuse ni de décider si l’employeuse s’est rendue coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de telle manière que sa suspension était injustifiée. Son rôle est plutôt de décider si le prestataire était coupable d’inconduite et si l’inconduite a entraîné sa suspensionNote de bas de page 2.

[17] La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu parce qu’il a refusé de se conformer à la politique de l’employeuse. On l’avait informé de la politique et on lui avait donné le temps de s’y conformer. Le refus du prestataire était intentionnel. C’était un refus délibéré. La division générale a décidé que c’était la cause directe de sa suspension. Elle a conclu que le prestataire savait que son refus de suivre la politique pouvait entraîner une suspension.

[18] La division générale a conclu que la preuve prépondérante démontrait que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[19] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeuse est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 3.

[20] Le prestataire soutient que la politique de l’employeuse allait à l’encontre de ses droits constitutionnels. Cette question relève d’une autre autorité. Ce tribunal n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que le prestataire demandeNote de bas de page 4.

[21] Comme je l’ai mentionné plus haut, la question soumise à la division générale n’était pas de savoir si l’employeuse s’est rendue coupable d’inconduite quand elle a suspendu le prestataire, ce qui aurait rendu la suspension injuste. La question était plutôt de savoir si le prestataire était coupable d’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi et si l’inconduite a entraîné la suspension.

[22] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que le prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeuse en réponse à la situation exceptionnelle engendrée par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension.

[23] Je ne vois pas en quoi la division générale aurait fait une erreur susceptible de révision lorsqu’elle a expliqué qu’elle devait trancher la question de l’inconduite uniquement d’après les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 5.

[24] Je suis pleinement conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre autorité, si l’existence d’une violation est établieNote de bas de page 6. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

[25] Dans sa demande de permission de faire appel, le prestataire n’a relevé aucune erreur susceptible de révision comme la compétence de la division générale ou le non-respect d’un principe de justice naturelle. En ce qui a trait à l’inconduite, il n’a cerné aucune erreur de droit dont la décision serait entachée ni de conclusion de fait erronée, que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[26] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments que le prestataire a présentés pour appuyer sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[27] La permission de faire appel est refusée. Cela met donc un terme à l’appel.

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