Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c GW, 2022 TSS 920

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Angele Fricker
Partie intimée : G. W.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 6 mai 2022 (GE-22-797)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 14 septembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelante
Intimée
Date de la décision : Le 20 septembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-341

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Décision

[1] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur. L’intimée, G. W. (prestataire), a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées de l’assurance-emploi. Son choix est irrévocable.

Aperçu

[2] L’appelante, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, fait appel de la décision de la division générale.

[3] La division générale a conclu que la prestataire avait commis une erreur en faisant sa demande de prestations parentales de l’assurance-emploi. La division générale a conclu que la prestataire avait en fait choisi l’option standard, même si elle avait demandé l’option prolongée dans le formulaire de demande.

[4] La Commission soutient que la division générale a commis des erreurs de compétence, de droit et de fait. La Commission demande à la division d’appel d’accueillir l’appel et de rendre la décision que, selon elle, la division générale aurait dû rendre. Selon la Commission, la division générale aurait dû conclure que la prestataire a choisi de recevoir les prestations parentales prolongées et que son choix est irrévocableFootnote 1.

Questions en litige

[5] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit et de compétence en modifiant le choix de la prestataire une fois que des prestations lui avaient été versées?
  2. b) La division générale a-t-elle outrepassé sa compétence en établissant quelle option la prestataire avait choisie?
  3. c) La division générale a-t-elle commis une erreur de fait?
  4. d) La division générale a-t-elle omis de tenir compte des obligations de la prestataire?

Analyse

[6] La division d’appel peut modifier les décisions de la division générale si elles contiennent des erreurs de compétence, de procédure, de droit ou certains types d’erreurs de faitFootnote 2.

Contexte

[7] La prestataire a demandé des prestations parentales et des prestations de maternité de l’assurance-emploi. Lorsqu’elle a rempli le formulaire de demande, elle a répondu qu’elle voulait des prestations de maternité, suivies des prestations parentales.

[8] Il y a deux types de prestations parentales :

  • Prestations parentales standards — le taux de prestations est de 55 % de la rémunération hebdomadaire assurable de la personne, jusqu’à concurrence d’un montant maximal. Jusqu’à 35 semaines de prestations sont payables à un parent. Si des parents partagent les prestations parentales, ils peuvent recevoir jusqu’à un total combiné de 40 semaines.
  • Prestations parentales prolongées — le taux de prestation est de 33 % de la rémunération hebdomadaire assurable de la personne, jusqu’à concurrence d’un montant maximal. Jusqu’à 61 semaines de prestations sont payables à un parent. Si des parents partagent les prestations parentales, ils peuvent recevoir jusqu’à un total combiné de 69 semaines.

[9] La prestataire a choisi les prestations parentales prolongéesFootnote 3.

[10] Une partie demanderesse doit aussi choisir le nombre de semaines de prestations parentales qu’elle souhaite. Le formulaire de demande comprend la question suivante : « Combien de semaines de prestations désirez-vous recevoir? » En réponse à cette question, la prestataire a choisi le chiffre 52 dans le menu déroulantFootnote 4.

[11] Le formulaire de demande précise également que le choix (qu’il s’agisse des prestations standards ou prolongées) ne peut pas être modifié une fois qu’un parent commence à recevoir des prestations parentalesFootnote 5.

[12] Le premier versement de prestations parentales prolongées a été versé à la prestataire le 31 décembre 2021Footnote 6. La prestataire a remarqué que le versement était inférieur à ce à quoi elle s’attendait. Elle pensait qu’il y avait une erreur. Après avoir reçu d’autres versements au taux inférieur, elle a communiqué avec la Commission pour lui poser des questions au sujet des versements.

[13] La Commission lui a expliqué qu’elle recevait maintenant des prestations parentales prolongées. Si elle avait demandé des prestations parentales standards, elle aurait obtenu le taux de prestations plus élevé. La prestataire a demandé à l’agent de passer aux prestations standards parce que c’est ce qu’elle avait eu l’intention de choisir. Cependant, l’agent lui a dit que son choix ne pouvait pas être modifié parce que des prestations parentales lui avaient déjà été verséesFootnote 7.

[14] La prestataire a fait appel de la décision de la Commission à la division générale. La division générale a conclu que la prestataire avait rempli le formulaire de demande d’assurance-emploi alors qu’elle était épuisée. À peine quelques jours avant, elle avait eu une césarienne d’urgence qui a causé un traumatisme à son bébé. Son fils a dû être admis à l’unité de soins intensifs néonatals, où elle lui rendait visite tous les jours, malgré ses propres blessures.

[15] La prestataire a lu les formulaires de demande et croyait les avoir compris. Elle pensait que, si elle devait s’absenter du travail pendant un an, elle devait choisir des prestations prolongées. Elle a compris que si elle choisissait l’option standard, elle recevrait seulement des prestations pendant 35 semaines, alors qu’elle voulait recevoir des prestations pendant un an. Elle n’a pas reconnu que les prestations parentales étaient distinctes des 15 semaines de prestations de maternité qu’elle recevrait.

[16] La division générale a conclu que la prestataire avait commis une erreur courante. Elle a aussi conclu que « la différence entre les prestations de maternité et les prestations parentales ainsi que la relation entre les deux types de prestations sont ambiguësFootnote 8 » sur le formulaire de demande. La division générale a conclu que la prestataire avait prouvé qu’elle avait choisi les prestations parentales standards. Bien que la prestataire ait choisi l’option prolongée dans le formulaire de demande, la division générale a jugé que tous les autres éléments de preuve démontraient que la prestataire avait choisi l’option standard.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit et de compétence en modifiant le choix de la prestataire une fois que des prestations lui avaient été versées?

[17] La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de droit et de compétence en modifiant le choix de la prestataire une fois que des prestations lui avaient été versées.

[18] La Commission soutient que la division générale n’avait pas le pouvoir de modifier le choix de la prestataire. La Commission soutient que cela ressort clairement de l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi et de l’affaire HullFootnote 9.

[19] L’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi se lit comme suit :

(1.2) Irrévocabilité du choix Le choix est irrévocable dès lors que des prestations sont versées au titre du présent article ou de l’article 152.05 relativement au même enfant ou aux mêmes enfants.

[20] La division générale a reconnu qu’une fois que la Commission commence à verser des prestations parentales à une partie prestataire, celle-ci ne peut pas modifier son choix entre l’option standard et l’option prolongéeFootnote 10.

[21] Cependant, la division générale a établi que, au moment de décider de ce que la prestataire avait choisi, elle pouvait aller au-delà de ce qu’elle avait choisi dans le formulaire de demande. Elle a également conclu que la façon dont la prestataire a répondu n’avait pas nécessairement d’importance lorsqu’on lui a demandé de choisir entre les prestations parentales standards et les prestations parentales prolongées.

[22] La division générale a reconnu que les intentions de la prestataire pouvaient définir le type de prestations parentales qu’elle avait effectivement choisi.

[23] La Cour d’appel a rejeté cette approche. Elle a déclaré qu’il pouvait seulement y avoir une définition de ce qu’est un choix aux fins de la sélection d’un type de prestations parentales, et a écrit ce qui suit [traduction] :

[62] … […] À mon avis, le libellé précis du texte, le contexte qui l’entoure et l’objet de l’article 23(1.1) de la Loi sur l’assurance-emploi laissent place à une interprétation unique (voir les paragraphes 110 et 124 de la décision Vavilov).

[63] La réponse à la question de droit pour l’application de l’article 23(1.1) de la [Loi sur l’assurance-emploi] est que le mot « choisir » signifie ce qu’une partie prestataire indique comme choix dans le formulaire de demande. Le choix est le type de prestations parentales choisi dans le formulaire.

[64] Il s’ensuit, conformément à l’article 23(1.2) de la [Loi sur l’assurance-emploi], qu’une fois qu’une partie prestataire a choisi le type de prestations parentales et le nombre de semaines qu’elle souhaite recevoir dans le formulaire de demande, et que le versement de ces prestations a commencé, il lui est impossible de révoquer, de modifier ou de changer son choix, et il en va de même pour la Commission, la division générale et la division d’appel.

(mis en évidence par la soussignée)

[24] Bref, le choix de la prestataire était celui qu’elle a fait dans le formulaire de demande.

[25] La division générale a rendu sa décision avant que la Cour d’appel ne rende la décision Hull. Malgré cela, cela ne change rien à l’interprétation de l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[26] La prestataire soutient que le formulaire de demande était très trompeur. Par exemple, le formulaire ne contenait aucun calcul, de sorte qu’elle n’a pas été en mesure de calculer le nombre de semaines de prestations à demander.

[27] La prestataire souligne aussi que la membre de la division générale a affirmé qu’elle avait, à elle seule, traité plus de 50 cas semblables. La membre a écrit que si le formulaire de demande était clair et sans ambiguïté, il n’y aurait pas tant de dossiers devant le Tribunal de la sécurité sociale comportant des scénarios de faits semblables.

[28] Dans l’affaire KarvalFootnote 11, la Cour fédérale a examiné le formulaire de demande. Elle a conclu qu’il disait clairement des choses comme le fait que les paiements seraient réduits avec l’option prolongée. Le formulaire indiquait aussi clairement qu’une fois les prestations parentales versées, le choix était irrévocable.

[29] La division générale a distingué l’affaire Karval et a déclaré qu’elle ne s’appliquait pas à la cause de la prestataire. Elle a tiré cette conclusion parce que la Cour n’avait pas tenu compte du fait que le formulaire ne contenait pas plus de renseignements. La membre a conclu que le formulaire n’expliquait pas que les parties demanderesses devaient soustraire le nombre de semaines de prestations de maternité de leur demande de prestations parentalesFootnote 12.

[30] Cependant, la division générale n’a pas tenu compte de la distinction qu’a faite la Cour entre l’information trompeuse et l’information insuffisante.

[31] La Cour a écrit ceci :

Même s’il est fort possible que Mme Karval n’ait pas compris exactement comment fonctionnait le programme de prestations de maternité et de prestations parentales, on ne peut pas conclure en toute équité que ses choix clairs découlent du fait qu’elle a été induite en erreur par la Commission. Il est certain que bon nombre de programmes de prestations gouvernementales sont complexes et assortis de conditions d’admissibilité strictes. Il est presque toujours possible, après coup, de conclure qu’il aurait fallu donner plus d’information, recourir à un langage plus clair et fournir de meilleures explications. Si un prestataire est réellement induit en erreur parce qu’il s’est fié à des renseignements officiels et erronés, la doctrine des attentes raisonnables lui offre certains recours juridiques. Cependant, lorsqu’une prestataire comme Mme Karval n’est pas induite en erreur, mais qu’elle ne possède tout simplement pas les connaissances nécessaires pour répondre correctement à des questions qui ne sont pas ambiguës, il n’y a aucun recours possible en droitFootnote 13.

[32] Le fait qu’il manquait certains renseignements dans le formulaire de demande ne signifie pas que celui-ci était trompeur. La division générale aurait dû appliquer Karval à la situation de la prestataire. La division générale aurait dû adopter les conclusions de la Cour et accepter que le formulaire de demande, bien qu’il ne contienne pas de renseignements comme de calculs, n’était pas trompeur.

[33] La Cour d’appel fédérale est arrivée à une conclusion semblable dans l’affaire Hull. La Cour d’appel a conclu que la prestataire Hull n’avait pas été induite en erreur.

[34] Compte tenu des conclusions de la Cour dans Karval et ensuite dans Hull, la prestataire était liée par son choix tel qu’il figurait sur son formulaire de demande.

[35] La division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation de l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi. Premièrement, elle a mal interprété ce qui constitue un choix aux fins de l’article 23(1.2) et, deuxièmement, elle a commis une erreur en modifiant effectivement le choix de la prestataire alors qu’elle n’avait pas le pouvoir de le faire.

Autres erreurs

[36] La Commission soutient également que la division générale a commis d’autres erreurs, notamment juridiques et factuelles. Compte tenu de la nature des erreurs juridiques que j’ai relevées, il est inutile d’aborder ces autres arguments.

Réparation

[37] Comment puis-je réparer l’erreur de la division générale? Deux choix s’offrent à moiFootnote 14. Je peux remplacer la décision de la division générale par ma propre décision ou renvoyer l’affaire à la division générale pour un réexamen. Si je choisis la première option, je peux tirer des conclusions de faitFootnote 15.

[38] La Commission me demande de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre en premier lieu. Il s’agit de la solution appropriée dans la présente affaire. Rien ne laisse entendre qu’il y a des lacunes dans la preuve ou que des précisions sont requises. Je dispose de l’information nécessaire pour rendre une décision. Rien ne porte à croire que l’une ou l’autre des parties n’a pas eu droit à une audience équitable à la division générale.

[39] Je suis tenue de suivre les décisions de la Cour fédérale et de la Cour d’appel. Par conséquent, et comme je l’ai établi ci-dessus, la division générale a mal interprété ce qui constitue un choix. Le choix de la prestataire était le type de prestations parentales qu’elle a sélectionné dans le formulaire de demande.

[40] L’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi ainsi que les décisions Hull et Karval disent de façon claire qu’à moins d’avoir été induite en erreur, ce qui n’est pas le cas dans la présente affaire, une fois que la prestataire a choisi le type de prestations parentales et le nombre de semaines qu’elle souhaitait demander, et une fois que le versement de ces prestations a commencé, elle ne pouvait plus révoquer, modifier ou changer son choix.

Conclusion

[41] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur. La prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées. Son choix est irrévocable.

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