Assurance-emploi (AE)

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Citation : CD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1062

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Partie demanderesse : C. D.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 29 août 2022 (GE-22-671)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 19 octobre 2022
Numéro de dossier : AD-22-713

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Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a demandé des prestations régulières le 21 octobre 2020. Le 6 juillet 2021, la défenderesse (Commission) a décidé que la prestataire était inadmissible aux prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 28 septembre 2020, parce qu’elle suivait une formation de sa propre initiative et qu’elle n’était pas disponible pour travailler.

[3] La Commission a également décidé que la prestataire n’avait pas droit aux prestations entre le 12 octobre 2020 et le 4 décembre 2020, parce qu’elle n’avait pas produit ses déclarations dans les délais prévus et qu’elle n’avait pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant ce retard.

[4] Le 22 septembre 2021, la Commission a rendu une décision révisée. Elle décidé que la prestataire n’était pas disponible pour travailler du 28 septembre 2020 au 30 avril 2021, parce qu’elle suivait une formation de sa propre initiative. Elle a également décidé que la prestataire n’avait pas présenté un motif valable justifiant son retard à présenter ses déclarations entre le 26 octobre 2020 et le 4 décembre 2020.  La prestataire a interjeté appel de la décision en révision de la Commission devant la division générale.

[5] La division générale a conclu que la prestataire n’avait présenté aucun motif valable justifiant son retard à présenter ses déclarations entre le 26 octobre 2020 et le 4 décembre 2020. Elle a également conclu que la prestataire n’avait pas démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi du 28 septembre 2020 au 30 avril 2021.

[6] La prestataire demande maintenant à la division d’appel la permission d’en appeler de la décision de la division générale. Elle soutient que la division générale n’a pas considéré la preuve et les arguments présentés lors de l’audience.

[7] Je dois décider si on peut soutenir que la division générale a commis une erreur révisable qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[8] Je refuse la permission d’en appeler puisqu’aucun des moyens d’appel soulevés par la prestataire ne confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[9] Est-ce que la prestataire soulève dans ses moyens d’appel, une erreur révisable qu’aurait commise la division générale qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès? 

Analyse

[10] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, spécifie les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale.  Ces erreurs révisables sont que :

  1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une certaine façon.
  2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question sans pouvoir de le faire.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a commis une erreur de droit dans sa décision.

[11] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond de l'affaire. C'est une première étape que la prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui auquel elle devra rencontrer à l'audience de l'appel sur le fond. À l’étape de la demande permission d’en appeler, la prestataire n’a pas à prouver sa thèse mais, elle doit établir que son appel a une chance raisonnable de succès. En autres mots, que l’on peut soutenir qu’il y a eu erreur révisable sur laquelle l’appel peut réussir.

[12] La permission d’en appeler sera en effet accordée si je suis convaincu qu’au moins l’un des moyens d’appel soulevés par la prestataire confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Est-ce que la prestataire soulève dans ses moyens d’appel, une erreur révisable qu’aurait commise la division générale qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès?

[13] La prestataire fait valoir que la division générale n’a pas considéré ses arguments écrits présentés avant l’audience.Note de bas page 1 Elle soutient que la question à trancher était de savoir si elle était disponible, et non pas si elle était « suffisamment » disponible. La prestataire soutient que la présomption de non-disponibilité est erronée et illégale. De plus, elle soutient que son utilisation sans assise factuelle valable constitue une erreur grave.

[14] La prestataire soutient également que la division générale a ignoré ses explications concernant son retard à présenter ses déclarations. Elle fait valoir que la division générale a erré en refusant de considérer la preuve présentée et en refusant d’y accorder le poids légal et la valeur probante appropriée. La prestataire soutient que la jurisprudence citée par la Commission ne tient pas compte de la réalité COVID.

[15] Il est de jurisprudence constante et abondante que la poursuite d'études à temps plein par un prestataire entraîne la présomption qu'il n'est pas disponible pour travailler et, même si cette présomption peut dans certains cas exceptionnels être renversé, ceci exige qu'un prestataire présente des preuves convaincantes qu'il est disponible pour travailler au sens de la loi.Note de bas page 2

[16] La division générale a déterminé que la prestataire n’avait pas démontré un historique de travail-études permettant de renverser la présomption de non-disponibilité. Elle a également tenu compte du fait que la prestataire a déclaré à plusieurs reprises qu’elle n’abandonnerait pas sa formation si un emploi à temps plein lui était offert qui entre en conflit avec sa formation.

[17] La division générale a déterminé que la pandémie n’avait pas changé le fait que la prestataire devait assister obligatoirement à certains cours pendant la semaine. Elle a déterminé que la prestataire n’avait pas démontré de circonstances exceptionnelles qui lui permettraient de travailler tout en suivant ses cours.

[18] La division générale a conclu, de l’ensemble de la preuve, que la prestataire n’avait pas réfuté la présomption selon laquelle elle n’était pas disponible pour travailler entre le 28 septembre 2020 et le 30 avril 2021.

[19] Même si la présomption de non-disponibilité est réfutée, un prestataire doit démontrer qu’il rencontre les exigences de la loi en ce qui concerne sa disponibilité à travailler.

[20] Pour être considéré comme disponible à travailler, un prestataire doit démontrer qu'il est capable et disponible à travailler et incapable d'obtenir un emploi convenable.Note de bas page 3

[21] La disponibilité doit être déterminée en analysant trois facteurs :

  1. a) Le désir de retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable est offert;
  2. b) l’expression de ce désir par des efforts pour trouver un emploi convenable;
  3. c) le non-établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail.Note de bas page 4

[22] De plus, la disponibilité est déterminée pour chaque jour ouvrable d'une période de prestations pour lequel le prestataire peut prouver que, ce jour-là, il était capable et disponible pour travailler et incapable d'obtenir un emploi convenable.Note de bas page 5

[23] Aux fins de l’article 18 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE), un jour ouvrable est n'importe quel jour de la semaine, sauf le samedi et le dimanche.Note de bas page 6

[24] La question de la disponibilité d'un prestataire qui suit des cours de formation à temps plein a fait l'objet de nombreuses décisions au fil des ans.

[25] Le principe suivant a émergé de la jurisprudence arbitrale antérieure:

La disponibilité doit être démontrée pendant les heures régulières pour chaque jour de travail et ne peut être limitée à des heures irrégulières résultant d'un horaire de programme de formation qui limite considérablement la disponibilité.Note de bas page 7

[26] La Cour d’Appel Fédérale (CAF) a rendu plusieurs décisions concernant la disponibilité d'un prestataire qui suit des cours de formation à temps plein.

[27] Dans Bertrand, la Cour a conclu que la prestataire, dont la disponibilité se limitait aux heures de travail entre 16 h et minuit, n'était pas disponible aux fins de la Loi sur l’AE.Note de bas page 8

[28] Dans Vézina, la Cour a suivi Bertrand et a conclu que les intentions du prestataire de travailler les fins de semaine et les soirs démontraient un manque de disponibilité pour travailler en vertu de la Loi sur l'AE.Note de bas page 9

[29] Dans Rideout, la Cour a conclu que le fait que le prestataire n'était disponible que pour travailler deux jours par semaine plus les fins de semaine constituait une limite à sa disponibilité pour un travail à temps plein.Note de bas page 10

[30] Dans Primard et Gauthier, la Cour a souligné qu'une journée de travail excluait les fins de semaine en vertu du Règlement sur l'assurance-emploi et a conclu qu'une disponibilité de travail restreinte aux seuls soirs et fins de semaine est une condition personnelle qui pourrait limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail.Note de bas page 11

[31] Dans Duquet, la Cour, appliquant les facteurs Faucher, a déterminé que le fait d'être disponible seulement à certains moments certains jours restreignaient la disponibilité et limitait les chances d'un prestataire de se trouver un emploi.Note de bas page 12

[32] De la jurisprudence de la CAF, il est possible de tirer les principes suivants :

  1. Un prestataire doit être disponible durant les heures régulières pour chaque jour ouvrable de la semaine;
  2. Restreindre la disponibilité à certaines heures de certains jours de la semaine, dont les soirs et les fins de semaine, représente une limitation de la disponibilité pour travailler et établit une condition personnelle qui pourrait limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail.

[33] Dans sa demande de prestations, la prestataire a déclaré étudier à temps plein à l’Université de X. Elle a déclaré qu’elle finirait son programme si un emploi à temps plein lui était offert.Note de bas page 13

[34] Dans son argumentation écrite déposée avant l’audience devant la division générale, la prestataire a déclaré les disponibilités à travailler suivantes lors de la session d’automne 2020 : Lundi, Jeudi, Vendredi à partir de midi, et Dimanche.Note de bas page 14

[35] La prestataire a également déclaré les disponibilités à travailler suivantes lors de la session d’hiver 2021 : Lundi, Mercredi à partir de 11h20, Jeudi à partir de 11h20, Vendredi à partir de 11h20, Samedi et Dimanche.Note de bas page 15

[36] Lors de son témoignage devant la division générale, la prestataire a réitéré qu’elle était disponible pour travailler pendant la session d’automne 2020 le lundi, le jeudi et le dimanche et qu’elle était également disponible pour travailler le vendredi à compter de midi. Pour la session d’hiver 2021, elle a réitéré qu’elle était disponible pour travailler le lundi, le samedi et le dimanche et qu’elle était également disponible le mercredi, le jeudi et le vendredi à compter de 11h20. Elle a déclaré être en mesures de travailler 40 heures par semaine en dehors de ses heures de formation.

[37] La preuve prépondérante démontre que la prestataire était inscrite à une formation à temps plein à l’Université de X. Elle était disponible pour travailler qu’en dehors de ses heures de cours, les soirs de semaine, et la fin de semaine. De plus, la prestataire n'était pas disposée à abandonner son cours pour occuper un emploi à temps plein. Ces deux conditions l'empêchaient d'obtenir des emplois du lundi au vendredi pendant les heures régulières de travail.

[38] Conformément à l'article 18(1) (a) de la Loi sur l'AE, et en tenant compte de la jurisprudence de la CAF, la prestataire n'était pas disponible et incapable d'obtenir un emploi convenable les jours ouvrables d'une période de prestations parce que, malgré la pandémie, sa disponibilité était indûment restreinte par les exigences du programme qu'elle suivait.

[39] En ce qui concerne la tardivité de ses déclarations du prestataire, la division générale a conclu que le prestataire n’avait pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant le retard à présenter ses déclarations pendant toute la période entre le 26 octobre 2020 et le 4 décembre 2020.

[40] La division générale a tenu compte de la déclaration initiale de la prestataire à l’effet qu’elle était trop accaparée par sa formation et qu’elle avait mis la production de ses déclarations de côté pour les produire plus tard.Note de bas page 16 Elle a tenu compte du témoignage de la prestataire à l’effet qu’elle ne savait pas qu’elle devait présenter des déclarations du prestataire.

[41] La division générale a déterminé que le fait de ne pas être informée ou de ne pas avoir le temps ne sont pas des motifs qui justifient un prestataire de présenter ses déclarations en retard.

[42] Devant la division générale, la prestataire n’a pas réussi à démontrer avoir fait ce que toute personne raisonnable se trouvant dans la même situation aurait fait pour se renseigner sur ses droits et obligations en vertu de la loi. De plus, aucune circonstance exceptionnelle ne justifiait son retard.

[43] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale sur la question du retard de la prestataire à présenter ses déclarations du prestataire.

[44] En terminant, la prestataire a affirmé lors de l’audience avoir subi un préjudice parce que la Commission l’a mal renseigné et qu’elle était admissible à la prestation de la relance économique. Malheureusement, pour la prestataire, le Tribunal n’a pas compétence pour ordonner une indemnisation du préjudice qu’elle a subi. C’est une question qui doit être débattue dans un autre forum.Note de bas page 17

[45] Après examen du dossier d’appel, de la décision de la division générale et des arguments au soutien de la demande de permission d’en appeler, je conclu que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. La prestataire ne soulève aucune question dont la réponse pourrait mener à l’annulation de la décision contestée.

Conclusion

[46] La permission d’en appeler est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.
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