Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : EH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 901

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : E. H.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (457377) datée du 26 février 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Audrey Mitchell
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 14 juin 2022
Personne présente à l’audience : Prestataire
Date de la décision : Le 27 juin 2022
Numéro de dossier : GE-22-1087

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté avec modification. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] Le prestataire n’a pas démontré qu’il est disponible pour travailler pendant ses études. Par conséquent, il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] La Commission de l’assurance-emploi a décidé que le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 2 mai 2021, parce qu’il n’était pas disponible pour travailler. Pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi, la partie prestataire doit être disponible pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Il faut donc que la partie prestataire cherche un emploi.

[4] Je dois décider si le prestataire a prouvé qu’il était disponible pour travailler. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il était disponible pour travailler.

[5] La Commission affirme que le prestataire n’était pas disponible parce qu’il était aux études à temps plein.

[6] Le prestataire n’est pas d’accord et affirme qu’il a informé la Commission qu’il était disponible, au téléphone et dans ses déclarations bimensuelles.

Question en litige

[7] Le prestataire est-il disponible pour travailler pendant ses études?

Analyse

[8] Deux articles de loi exigent que la partie prestataire démontre sa disponibilité pour le travail. La Commission a décidé que le prestataire était inadmissible selon ces deux articles. Il doit répondre aux critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[9] En premier lieu, la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 1. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente des critères qui aident à expliquer ce que signifie « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 2 ». Je vais examiner ces critères plus bas.

[10] La Commission explique qu’elle a déclaré le prestataire inadmissible au titre de l’article 50 de la Loi et de l’article 9.001 du Règlement parce qu’il n’a pas réussi à prouver sa disponibilité pour le travail. Cependant, les notes de la Commission au dossier ne montrent pas qu’elle ait demandé au prestataire de prouver sa disponibilité au moyen de son dossier de recherche d’emploi. Je ne peux donc pas conclure qu’il est inadmissible au titre de ces dispositions de la loi.

[11] En deuxième lieu, la Loi prévoit que la partie prestataire doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 3. La jurisprudence énonce trois éléments que la partie prestataire doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 4. Je vais examiner ces éléments plus loin.

[12] De plus, la Cour d’appel fédérale a déclaré que les parties prestataires qui sont aux études à temps plein sont présumées ne pas être disponibles pour travaillerNote de bas de page 5. C’est ce qu’on appelle la « présomption de non-disponibilité ». Autrement dit, on peut supposer que les personnes qui étudient ne sont pas disponibles pour travailler lorsque la preuve montre qu’elles sont aux études à temps plein.

[13] Je vais commencer par voir si je peux présumer que le prestataire n’était pas disponible pour travailler. J’examinerai ensuite s’il était disponible en fonction de la deuxième partie de la loi sur la disponibilité.

Présumer que les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler

[14] La présomption de non-disponibilité s’applique uniquement aux personnes qui étudient à temps plein.

Le prestataire ne conteste pas son statut d’étudiant à temps plein

[15] Le prestataire reconnaît qu’il est étudiant à temps plein, et rien ne montre le contraire. J’accepte donc qu’il est aux études à temps plein.

[16] La présomption s’applique au prestataire.

Le prestataire est étudiant à temps plein

[17] Le prestataire étudie à temps plein. Par contre, la présomption selon laquelle les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler peut être réfutée (c’est-à-dire qu’on peut montrer qu’elle ne s’applique pas). Si la présomption est réfutée, elle ne s’applique pas.

[18] Le prestataire peut réfuter la présomption de deux façons. Il peut montrer qu’il a l’habitude de travailler à temps plein pendant qu’il est aux étudesNote de bas de page 6. Sinon, il peut démontrer qu’il y a des circonstances exceptionnelles dans son casNote de bas de page 7.

[19] Le prestataire affirme qu’il travaillait en fait à des heures régulières alors que la Commission dit qu’il n’était pas disponible. Il dit qu’autrement, il cherchait du travail.

[20] La Commission soutient que le prestataire n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler pendant les heures normales de travail.

[21] J’estime que le prestataire n’a pas réfuté la présomption selon laquelle il n’est pas disponible pendant ses études.

[22] Le prestataire a déclaré qu’il en était à sa dernière année d’études secondaires lorsqu’il a présenté sa demande de prestations d’assurance-emploi. Il a dit qu’il n’avait que deux cours en mai et en juin 2021, alors il pouvait travailler.

[23] Interrogé au sujet du travail à temps plein pendant ses études, le prestataire a dit qu’il avait travaillé à temps plein de mars à mai 2021. Il a déclaré qu’il avait des cours quatre heures par semaine, et que le personnel enseignant les enregistrait afin qu’il puisse y assister quand il le souhaitait.

[24] L’employeur du prestataire a produit un relevé d’emploi indiquant qu’il avait travaillé 224 heures du 29 mars au 4 mai 2021. J’accepte le témoignage du prestataire, qui montre qu’il a pu travailler à temps plein jusqu’à quatre semaines. Mais d’après le relevé d’emploi, il a probablement travaillé à temps partiel.

[25] Le relevé d’emploi du prestataire indique que son employeur le payait aux deux semaines et que la dernière période de paie s’est terminée le 14 mai 2021. Le prestataire gagnait 18 $ l’heure. Cela signifie qu’il a travaillé 34,5 heures au cours de la quatrième période de paie, du 29 mars à avril 2021, 78,75 heures au cours de la troisième période de paie, 85,25 heures au cours de la deuxième période de paie et 25,5 heures au cours de la première période de paie, du 1er mai au 14 mai 2021.

[26] Le relevé d’emploi indique que le prestataire a travaillé 25,5 heures entre le 1er mai et le 4 mai 2021 (première période de paie), soit du samedi au mardi. Compte tenu du nombre d’heures travaillées, j’estime qu’il a probablement travaillé quelques heures la fin de semaine. Toutefois, il a travaillé 34,5 heures entre le 29 mars et le 2 avril 2021 (quatrième période de paie), soit du lundi au vendredi.

[27] Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que le prestataire ait démontré qu’il a l’habitude de travailler à temps plein pendant ses études. Je ne trouve pas que le fait de travailler quelques semaines à peu près à temps plein soit suffisant pour démontrer une telle habitude.

[28] Je ne trouve pas non plus que la charge de cours légère du prestataire en mai et en juin 2021 pendant ses études secondaires constitue une circonstance exceptionnelle qu’il pouvait utiliser pour réfuter la présomption de non-disponibilité.

[29] Lorsque j’ai demandé au prestataire s’il suivait ses cours au moment où ils étaient donnés, il a répondu que oui. Il a dit que c’était surtout le matin. Cependant, le prestataire a plus tard affirmé qu’il avait environ quatre heures de cours par semaine qu’il pouvait faire quand il le souhaitait. J’accorde plus de poids à la première déclaration, car c’est ce que le prestataire a dit avoir fait. Il a peut-être eu une certaine souplesse avec ses cours, mais il dit avoir suivi ses cours surtout le matin, au même moment où ils étaient donnés.

[30] Dans un document postérieur à l’audience, le prestataire a donné plus d’information sur ses cours de mai et de juin 2021. Il a dit que ses cours avaient lieu le matin, à différents jours. Le prestataire a mentionné qu’il pouvait travailler plus de 30 heures par semaine si l’on comprenait les fins de semaine. Cette information appuie la conclusion selon laquelle la charge de cours légère et donc la souplesse du prestataire ne constituent pas une circonstance exceptionnelle qu’il pouvait utiliser pour réfuter la présomption de non-disponibilité.

[31] Le prestataire a déclaré qu’il était disponible pour travailler à temps plein pendant ses études secondaires. Toutefois, il a mentionné dans le questionnaire sur sa formation que, s’il trouvait un emploi qui entrait en conflit avec son horaire de cours, il préférerait se concentrer sur ses études. J’en conclus que sa priorité était de terminer ses études secondaires.

[32] Le prestataire a commencé un programme postsecondaire le 8 septembre 2021. Le semestre s’est terminé le 31 mai 2022. Il a déclaré avoir assisté à ses cours en personne les mardis et mercredis, et en ligne les jeudis et vendredis. Ils avaient lieu de 9 h à 13 h. Le prestataire a dit qu’il travaillait les samedis et les lundis au même emploi qu’il avait quitté en mai 2021. Il a mentionné qu’il pouvait travailler après ses cours.

[33] J’accepte le témoignage du prestataire sur sa disponibilité pour le travail à partir de septembre 2021. Dans un deuxième questionnaire sur sa formation, le prestataire a dit qu’il préférerait terminer ses études s’il trouvait un emploi à temps plein qui entrait en conflit avec son horaire de cours. Encore une fois, j’estime que sa priorité était ses études. Je ne vois pas de circonstance exceptionnelle que le prestataire pourrait utiliser pour réfuter la présomption de non-disponibilité.

[34] Le prestataire n’a pas réfuté la présomption selon laquelle il ne serait pas disponible pour le travail.

La présomption n’est pas réfutée

[35] La Cour d’appel fédérale n’a pas établi de lien entre la présomption et les articles de loi traitant de la disponibilité. Puisque ce lien n’est pas clair, je vais poursuivre mon examen de ces articles de loi, même si j’ai déjà conclu que le prestataire est présumé ne pas être disponible.

Capable de travailler et disponible pour le faire

[36] Je dois aussi décider si le prestataire est capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 8. La jurisprudence établit trois éléments que je dois examiner pour rendre ma décision. Le prestataire doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 9 :

  1. a) Il voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.
  2. b) Il a fait des démarches pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Il n’a pas établi de conditions personnelles qui limiteraient indûment (c’est-à-dire limiteraient trop) ses chances de retourner travailler.

[37] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite du prestataireNote de bas de page 10.

Vouloir retourner travailler

[38] Le prestataire a montré qu’il voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.

[39] Le prestataire a perdu son emploi saisonnier le 4 mai 2021. Dans cet emploi, les clients venaient pour faire changer leurs pneus d’hiver et d’été. Le prestataire a dit qu’il était disponible pour travailler. Il a commencé à chercher un autre emploi peu après son licenciement.

[40] Le prestataire est retourné à son emploi saisonnier et y a travaillé d’octobre à décembre 2021. Il a dit avoir fait un suivi auprès d’agences de placement après cette fin d’emploi. Il a également dit qu’il a postulé à un certain nombre de postes en 2022 jusqu’à ce qu’il trouve un emploi à temps plein.

[41] Je conclus que, même si le prestataire était aux études, il a fait des démarches pour trouver du travail, même à temps partiel. Je trouve que ses efforts et son attitude montrent qu’il voulait travailler. Selon moi, son bilan positif témoigne de sa volonté de retourner au travail dès qu’un emploi convenable serait disponible.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[42] Le prestataire a fait des démarches suffisantes en mai et en juin 2021, et après décembre 2021 pour trouver un emploi convenable. Mais ce n’est pas le cas de juillet à septembre 2021.

[43] Pour trouver un nouvel emploi, le prestataire a fait les démarches suivantes : il s’est inscrit à une agence de placement, a distribué son CV, rempli des questionnaires d’emploi en ligne et présenté des demandes d’emploi. J’ai demandé au prestataire s’il avait tenu une liste de ses démarches de recherche d’emploi conformément aux instructions dans sa demande de prestations. Il a dit que non.

[44] Après l’audience, j’ai donné du temps au prestataire pour qu’il fournisse des renseignements à propos de ses démarches de recherche d’emploi. La liste qu’il a envoyée montre qu’après son licenciement le 4 mai 2021, il a postulé à quatre emplois en mai 2021 et à cinq emplois en juin 2021. Il a dit qu’il n’avait postulé à aucun emploi en juillet et en août. Le prestataire a été réaffecté à son emploi saisonnier où il a travaillé du 16 octobre au 12 décembre 2021.

[45] Comme je l’ai déjà mentionné, le prestataire a dit avoir fait un suivi auprès d’agences de placement et avoir postulé à des emplois en 2022 jusqu’à ce qu’il obtienne un emploi à temps plein.

[46] Je suis convaincue que, pour les périodes de mai et de juin 2021, et après décembre 2021, le prestataire a fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable. Les initiatives qu’il a prises, comme ses demandes d’emploi, font partie des choses à faire qui sont énumérées dans la loi pour trouver du travail. Cependant, je ne trouve pas que ce soit le cas pour la période de juillet à décembre, alors qu’il n’a pas présenté de demande d’emploi ou qu’il travaillait à temps partiel à son emploi saisonnier.

[47] Même si le prestataire faisait un suivi auprès d’une agence de placement et cherchait du travail d’autres façons en juillet, en août et en septembre, je ne trouve pas raisonnable qu’il n’ait trouvé aucun emploi auquel postuler.

[48] Bien que le prestataire ait travaillé à temps partiel à son emploi saisonnier d’octobre à décembre, le relevé d’emploi montre que le plus grand nombre d’heures qu’il a travaillées sur une période de deux semaines est de 31,25 heures. Le prestataire n’a présenté aucune preuve de demande d’emploi au cours de cette période non plus. Je ne crois pas que les démarches du prestataire soient suffisantes de juillet à décembre 2021. Toutefois, j’estime que le prestataire a fait assez de démarches pour trouver un emploi convenable en mai et en juin 2021 et après décembre 2022.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[49] Le prestataire a établi des conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner travailler.

[50] La Commission soutient que le prestataire n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler pendant les heures normales de travail. Le prestataire affirme qu’il travaillait à des heures régulières, alors que la Commission dit qu’il n’était pas disponible.

[51] Comme je l’ai dit plus haut, le prestataire a mentionné qu’il n’abandonnerait pas ses études pour un emploi à temps plein si celui-ci entrait en conflit avec ses cours. Je comprends cela puisque le prestataire était à l’école secondaire, puis dans un programme postsecondaire. Cependant, j’en conclus que ses études étaient sa priorité.

[52] J’ai déjà décidé que le prestataire n’a pas réfuté la présomption de non-disponibilité. Je maintiens cette décision même s’il a travaillé pendant ses études. J’estime qu’en accordant la priorité à ses études, le prestataire a établi une condition personnelle qui aurait pu limiter indûment ses chances de retourner travailler.

Alors, le prestataire est-il capable de travailler et disponible pour le faire?

[53] Selon mes conclusions sur les trois éléments analysés, j’estime que le prestataire n’a pas démontré qu’il est capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

[54] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler au sens de la loi. C’est pourquoi je conclus qu’il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[55] Par conséquent, l’appel est rejeté avec modification. Plus précisément, le prestataire n’est pas inadmissible au titre de l’article 50 de la Loi. Il est plutôt inadmissible au titre de l’article 18(1)(a) de la Loi.

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