Assurance-emploi (AE)

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Citation : DP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 821

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (438688) datée du 12 novembre 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Lilian Klein
Mode d’audience : Téléconférence
Date d’audience  : Le 20 décembre 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelante

Date de la décision : Le 6 janvier 2022
Numéro de dossier : GE-21-2394

Sur cette page

Décision

[1] J’accueille l’appel. Cette décision explique mon raisonnement.

[2] Le prestataire a démontré qu’il était disponible pour travailler pendant qu’il suivait un cours à temps plein du 6 janvier 2021 au 23 avril 2021. Cela signifie qu’il n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] Le prestataire a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi après avoir perdu son emploi en raison de la COVID-19. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’il n’était pas admissible aux prestations du 6 janvier 2021 au 23 avril 2021. Cela s’explique par le fait qu’il suivait un cours à temps plein pendant cette période et qu’il n’avait pas démontré qu’il était disponible pour travailler. Une partie prestataire doit être disponible pour travailler afin d’obtenir des prestations régulières.

[4] Je dois décider si le prestataire a prouvé qu’il était disponible pour travailler. Il doit le faire selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il était disponible pour travailler.

[5] La Commission soutient que le prestataire n’était pas disponible pour travailler puisqu’il suivait des cours à temps plein et que son horaire de cours limitait ses heures de travail. La Commission affirme qu’il n’est pas en mesure de réfuter la présomption selon laquelle une personne qui étudie à temps plein de sa propre initiative n’est pas disponible pour travailler. Plus précisément, il n’est pas en mesure de réfuter la présomption parce qu’il a refusé de laisser tomber un cours en vue d’accepter un emploi à temps plein.

[6] Le prestataire n’est pas d’accord. Il affirme qu’il était disponible pour travailler et faisait des démarches pour obtenir un emploi. Il soutient qu’il a par le passé travaillé à temps partiel tout en étudiant à temps plein. Il dit qu’en tant qu’étudiant international, il n’a pas le droit de travailler plus de vingt heures par semaine.

La question que je dois trancher

[7] Le prestataire était-il disponible pour travailler pendant qu’il suivait un cours à temps plein?

Questions que je dois aborder en premier

[8] Après l’audience, le prestataire a fourni plus de détails concernant sa recherche d’emploi; j’ai accepté cela en tant qu’éléments de preuve pertinents. J’ai partagé cette information avec la Commission et je lui ai donné la chance de répondre, mais elle n’a pas présenté d’autres observations.

Analyse

[9] La loi énonce que toute partie prestataire doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible pour le faire », mais qu’elle est incapable de trouver un emploi convenableNote de bas page 1. Un nouvel article temporaire de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une partie prestataire qui suit un cours à temps plein ne peut pas recevoir de prestations à moins qu’elle prouve sa disponibilité pour travaillerNote de bas page 2.

[10] La jurisprudence établit trois éléments qu’une partie prestataire doit prouver afin de montrer qu’elle est « disponible »Note de bas page 3. Je vais examiner ces trois facteurs ci-dessous.

[11] La Cour d’appel fédérale a déclaré que les parties prestataires qui étudient à temps plein sont présumées ne pas être disponibles pour travaillerNote de bas page 4. C’est ce qu’on appelle la « présomption de non-disponibilité ». Cela signifie qu’on considère que les personnes aux études ne sont probablement pas disponibles pour travailler quand la preuve montre qu’elles sont aux études à temps plein.

[12] Il n’existe aucune jurisprudence pour me guider sur l’application de la présomption étant donné la nouveauté de l’article provisoire de la Loi. Je vais tout de même commencer par me pencher sur la question de savoir si le prestataire a réfuté la présomption. J’examinerai ensuite la loi concernant la disponibilité.

Présumer que les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler

[13] La présomption de non-disponibilité s’applique uniquement aux personnes qui étudient à temps plein.

[14] Le prestataire affirme qu’il suivait un cours à temps plein. Son certificat d’inscription le prouve, alors je l’accepte comme un fait. Cela signifie que la présomption s’applique à lui.

[15] La présomption peut être réfutée, ce qui signifie qu’elle ne s’appliquerait pas. Le prestataire peut réfuter cette présomption de deux façons. Il peut démontrer qu’il a l’habitude de travailler à temps plein tout en étant aux étudesNote de bas page 5. Sinon, il peut démontrer qu’il existe des circonstances exceptionnelles dans son casNote de bas page 6.

[16] La Commission avance que le prestataire ne peut pas réfuter la présomption de non-disponibilité parce que ses heures de travail étaient limitées par sa présence en classeNote de bas page 7. La Commission soutient que cela démontre que ses cours lui importaient plus que le fait d’obtenir un emploi.

[17] Pour réfuter la présomption, la Commission affirme que le prestataire devait être disposé à abandonner son cours en vue d’accepter un emploi à temps plein. Il a dit qu’il n’allait pas abandonner son cours.

[18] J’accepte le témoignage du prestataire selon lequel il a déjà par le passé travaillé à temps partiel tout en étudiant à temps plein parce que je trouvais qu’il était un témoin crédible. Il a témoigné de façon directe et ouverte, et ses déclarations étaient cohérentes tout au long de l’audience.

[19] Je me fonde sur une décision de la division d’appel du Tribunal pour tirer la conclusion suivante : l’emploi antérieur à temps partiel du prestataire et sa capacité de conserver à tout le moins un emploi de cette fréquence, tout en étudiant à temps plein, constituent une circonstance exceptionnelle. J’estime que le prestataire peut réfuter la présomption de non-disponibilitéNote de bas page 8.

[20] Bien que le prestataire ait effectivement réfuté la présomption, cela signifie simplement que je n’estime pas automatiquement qu’il n’est pas disponible pour travailler. Je dois maintenant examiner la loi applicable et décider s’il était en effet disponible pour travailler.

[21] La Commission soutient qu’une partie prestataire doit faire des démarches « habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi. Mais, la Commission n’a présenté aucune observation précise sur la recherche d’emploi du prestataire, si ce n’est pour dire qu’il n’a cherché que des emplois pour étudiants et des stages et qu’il devait être disposé à travailler à temps plein.

[22] Pour cette raison, je ne prends aucune décision liée à l’inadmissibilité au titre de l’article 50 de la Loi sur l’assurance-emploi, lequel porte sur le fait de ne pas effectuer une recherche d’emploi raisonnable et habituelle. Je ne tiendrai compte que du critère de disponibilité suivant prévu aux articles 18(1)(a) et 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi.

Le prestataire était-il capable de travailler et disponible pour le faire?

[23] Il y a trois éléments à examiner en décidant si le prestataire était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas page 9. Le prestataire doit prouver les trois éléments suivants :

  1. Il voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.
  2. Il a fait des démarches pour trouver un emploi convenable.
  3. Il a évité d’établir des conditions personnelles qui limiteraient indûment (c’est-à-dire limiteraient trop) ses chances de retourner travaillerNote de bas page 10.

[24] Je dois examiner chacun de ces trois éléments pour trancher la question de la disponibilitéNote de bas page 11. Pour ce faire, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite du prestataireNote de bas page 12.

Le prestataire voulait retourner au travail

[25] Le prestataire a montré qu’il voulait retourner travailler aussitôt qu’il le pouvait. J’accepte son argument selon lequel il devait retourner au travail pour des raisons financières.

[26] La Commission souhaite que le prestataire soit disposé à abandonner son cours pour accepter un travail à temps plein. Cependant, selon la loi, il ne doit pas travailler à temps plein alors qu’il travaillait à temps partiel. Par conséquent, le fait de préférer terminer le cours (la raison pour laquelle il est venu au Canada) tout en travaillant à temps partiel, ne l’empêche pas de montrer qu’il voulait retourner au travail.

Le prestataire a fait des démarches pour trouver un emploi convenable

[27] Le prestataire a fait assez d’efforts pour trouver un emploi convenable.

[28] La Commission affirme que la recherche d’emploi initiale du prestataire ne portait que sur des emplois d’étudiants et des stages. La Commission n’a pas répondu à la preuve de recherche d’emploi soumise après l’audience par le prestataire.

[29] Dans cette recherche d’emploi mise à jour, le prestataire démontre qu’il a fait suffisamment d’efforts pour trouver du travail de janvier à avril 2021. Sa preuve comprend des curriculums vitæ, des lettres de candidature adaptées à différents postes et des exemples de demandes présentées au moyen de l’outil de recherche d’emploi Indeed. Ses curriculums vitæ énumèrent des compétences et de l’expérience dans plusieurs des domaines pour lesquels il a posé sa candidature.

[30] Le prestataire a écrit aux gestionnaires d’embauche de X, X, X, X et X. Il a présenté une demande pour des postes vacants affichés à titre de représentant du service à la clientèle, de conducteur de machine, d’aide de cuisine, de travailleur en production, de fournisseur de soins, de nettoyeur commercial, de travailleur du transport et de travailleur à la chaîne de montage. Il dit avoir fait une demande dans de nombreux restaurants et être retourné travailler dans ce secteur en avril 2021.

[31] Je conclus que la variété des demandes du prestataire montre qu’il a effectué une recherche d’emploi approfondie au cours de la période visée par l’examen.

Le prestataire n’a pas indûment limité ses chances de trouver un emploi

[32] Le prestataire n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[33] La Commission affirme que le prestataire avait établi des conditions personnelles parce que son horaire de cours signifiait qu’il ne pouvait travailler qu’à temps partiel. Elle affirme que le refus d’abandonner son cours pour occuper un emploi à temps plein constituait aussi une condition personnelle qui limitait ses chances de trouver un emploi.

[34] Le prestataire soutient qu’il n’avait aucune condition personnelle parce qu’il aurait accepté n’importe quel type d’emploi à salaire minimum. Il dit qu’il vit près du centre-ville et qu’il pourrait toujours utiliser les transports en commun pour se rendre à d’autres endroits s’il y avait du travail.

[35] Le prestataire affirme que le fait de devoir assister à un cours n’était pas une condition personnelle qui limitait ses heures de travail. Ses cours devaient être offerts en personne, mais en raison de la COVID-19, tous les cours étaient en ligne. Donc, s’il manquait un cours en raison de son emploi, il pourrait se rattraper plus tard.

[36] Le prestataire déclare que pendant sa période d’examen du 26 mars 2021 au 23 avril 2021, il aurait été encore plus disponible pour travailler. Cependant, son visa d’étudiant international ne lui permettait de travailler que 20 heures par semaine pendant le semestre.

[37] Donc, ce sont les conditions du visa d’étudiant du prestataire — non pas les exigences de présence en classe — qui l’ont empêché de travailler plus de 20 heures par semaine.

[38] La Commission n’a fait aucune observation sur la question de savoir si la restriction imposée par le gouvernement aux heures de travail du prestataire constituait une condition personnelle. La Commission mentionne brièvement la question des conditions du visa du prestataire dans son dossierNote de bas page 13.

[39] Les décisions de la division d’appel ne donnent pas de directives cohérentes sur la question de savoir si les conditions imposées par le gouvernement ou d’autres parties sont considérées comme les conditions personnelles d’une partie prestataireNote de bas page 14. Je ne suis pas liée par ces décisions, mais je m’en remets à elles.

[40] Je conclus que la limite de 20 heures n’était pas une condition personnelle parce que le prestataire ne l’a pas imposée. Je m’inspire d’une décision de la division d’appel selon laquelle une prestataire qui s’est vu interdire contractuellement de chercher un emploi auprès d’un autre employeur n’a pas établi de condition personnelle limitant sa recherche d’emploiNote de bas page 15.

[41] Le critère de disponibilité ne dit pas que la partie prestataire doit avoir aucune condition. La condition doit être personnelle et ne doit pas limiter indûment ses chances de trouver un emploi.

[42] Selon ce raisonnement, le prestataire n’avait pas établi une condition personnelle comme la présence en classe, le type de travail, le lieu de travail ou la rémunération. Il pouvait travailler le jour, le soir ou la fin de semaine. La seule restriction était le nombre d’heures qu’il pouvait travailler chaque semaine, mais ce n’était pas une condition personnelle qu’il s’imposait.

[43] Je conclus également que la restriction de ses heures n’était pas une condition qui limitait indûment les chances du prestataire de retourner sur le marché du travail. Je ne suis pas d’accord avec l’argument de la Commission selon lequel il a limité ses chances en ne cherchant que du travail à temps partiel.

[44] Je m’inspire d’une décision de la division d’appel selon laquelle les étudiants n’ont pas besoin d’être plus disponibles pour travailler que dans leurs emplois précédentsNote de bas page 16. La Loi sur l’assurance-emploi ne dit pas qu’ils doivent être prêts à travailler à temps plein lorsqu’ils travaillaient auparavant à temps partiel, comme l’a fait le prestataire.

[45] C’est pourquoi je conclus que le prestataire n’avait pas de conditions personnelles qui limitaient indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

Donc, le prestataire était-il capable de travailler et disponible pour le faire?

[46] À la lumière de mes conclusions sur les trois facteurs ci-dessus, je conclus que le prestataire a démontré qu’il était plus probable qu’improbable qu’il était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

[47] Étant donné que le prestataire était capable de travailler et disponible pour le faire, il n’est pas inadmissible au bénéfice de prestations régulières d’assurance-emploi. Cela signifie que j’accueille l’appel.

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