Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c MO, 2022 TSS 924

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Angèle Fricker

Partie intimée : M. O.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 28 avril 2022 (GE-22-819)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 14 septembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelante

Date de la décision : Le 20 septembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-321

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur. L’intimée, M. O. (prestataire), a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées de l’assurance-emploi. Son choix est irrévocable.

Aperçu

[2] L’appelante, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, fait appel de la décision de la division générale.

[3] La division générale a conclu que la prestataire avait choisi l’option prolongée lorsqu’elle a présenté une demande de prestations parentales. La division générale a également conclu qu’elle avait commis une erreur et qu’elle voulait en fait choisir l’option standard. Par conséquent, elle a jugé que la prestataire avait choisi les prestations parentales standards.

[4] La Commission soutient que la division générale a commis des erreurs de compétence, de droit et de fait. La Commission demande à la division d’appel d’accueillir l’appel et de rendre la décision que, selon elle, la division générale aurait dû rendre. Selon la Commission, la division générale aurait dû conclure que la prestataire a choisi de recevoir les prestations parentales prolongées et que son choix est irrévocableNote de bas de page 1.

Questions en litige

[5] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit et une erreur de compétence en modifiant le choix de la prestataire après que les prestations lui ont été versées?
  2. b) La division générale a-t-elle outrepassé sa compétence en déterminant l’option choisie par la prestataire?
  3. c) La division générale a-t-elle commis une erreur de fait?
  4. d) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en libérant la prestataire de ses obligations d’agir avec diligence pour essayer de comprendre ses options en matière de droit?

Analyse

[6] La division d’appel peut modifier les décisions de la division générale si elles contiennent des erreurs de compétence, de procédure, de droit ou certains types d’erreurs de faitNote de bas de page 2.

Contexte

[7] La prestataire a demandé des prestations parentales et des prestations de maternité de l’assurance-emploi. Lorsqu’elle a rempli le formulaire de demande, elle a répondu qu’elle voulait des prestations de maternité, suivies de prestations parentales.

[8] La partie demanderesse doit choisir entre deux types de prestations parentales :

  • Les prestations parentales standards – le taux de prestations est de 55 % de la rémunération hebdomadaire assurable de la partie demanderesse, jusqu’à concurrence d’un montant maximal. Jusqu’à 35 semaines de prestations sont payables à un parent. Si des parents partagent les prestations parentales, ils peuvent recevoir jusqu’à un total combiné de 40 semaines.
  • Les prestations parentales prolongées – le taux de prestations est de 33 % de la rémunération hebdomadaire assurable de la partie demanderesse, jusqu’à concurrence d’un montant maximal. Jusqu’à 61 semaines de prestations sont payables à un parent. Si des parents partagent les prestations parentales, ils peuvent recevoir jusqu’à un total combiné de 69 semaines.

[9] La prestataire a choisi l’option prolongée, et non l’option standard.

[10] Les parties demanderesses doivent également choisir le nombre de semaines de prestations parentales qu’elles souhaitent. Le formulaire de demande comportait la question suivante : « Combien de semaines de prestations désirez-vous recevoir? » En réponse à cette question, la prestataire a choisi le chiffre 52 dans le menu déroulant.

[11] Le formulaire de demande indiquait également que l’option (standard ou prolongée) ne pouvait pas être modifiée une fois qu’un parent avait reçu des prestations parentalesNote de bas de page 3.

[12] La Commission a émis le premier versement de prestations parentales prolongées à la prestataire le 9 janvier 2022Note de bas de page 4. La prestataire a remarqué que le montant du versement était moins élevé que ce qu’elle recevait auparavant. Elle pensait que c’était à cause de la période des Fêtes. Toutefois, le versement suivant était également moins élevé que prévu.

[13] La prestataire a immédiatement appelé la Commission pour savoir pourquoi les versements étaient moins élevés. La Commission lui a expliqué qu’elle recevait maintenant des prestations parentales prolongées. Si elle avait demandé des prestations parentales standards, elle aurait obtenu le taux plus élevé.

[14] La prestataire a demandé une modification de son option de prestations parentales. La Commission a déclaré qu’elle ne pouvait pas accéder à la demande de la prestataire parce que cette dernière avait déjà reçu des prestationsNote de bas de page 5.

[15] La prestataire a porté la décision de la Commission en appel à la division générale. La division générale a constaté « un conflit évident entre le fait que la prestataire a choisi, dans son formulaire de demande, les prestations parentales prolongées pendant 52 semaines et les plans qu’elle a faits avec son employeur avant de donner naissanceNote de bas de page 6 ».

[16] Le formulaire de demande révélait que la prestataire avait choisi l’option prolongée. Toutefois, la division générale a conclu que la preuve selon laquelle la prestataire avait l’intention de s’absenter du travail pendant un an l’emportait. Elle a conclu que l’intention de la prestataire de s’absenter du travail pendant un an appuyait la conclusion selon laquelle elle avait choisi de recevoir l’option des prestations parentales standards.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit et une erreur de compétence en modifiant le choix de la prestataire après que les prestations lui ont été versées?

[17] La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de droit et une erreur de compétence en modifiant le choix de la prestataire après que les prestations lui ont été versées.

[18] La Commission affirme que la division générale n’avait pas le pouvoir de modifier le choix de la prestataire. La Commission fait valoir que cela ressort clairement de l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi et de la décision Hull.

[19] L’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi se lit comme suit :

(1.2) Irrévocabilité du choix – Le choix est irrévocable dès lors que des prestations sont versées au titre du présent article ou de 152.05 relativement au même enfant ou aux mêmes enfants.

[20] La division générale a reconnu qu’une fois que la Commission commence à verser des prestations parentales, une partie prestataire ne peut pas modifier son choix entre l’option standard et l’option prolongéeNote de bas de page 7.

[21] Cependant, la division générale a conclu qu’il n’y avait rien à révoquer. Autrement dit, elle a nié le fait qu’elle modifiait le choix de la prestataire. Elle a expliqué qu’elle mettait plutôt la prestataire « dans une position conforme à son choix de prestations parentales standardsNote de bas de page 8 ». La division générale a considéré le choix de la prestataire comme étant ce qu’elle avait « l’intention » de choisir plutôt que ce qu’elle a indiqué comme choix dans son formulaire de demande.

[22] Dans la décision Hull, la Cour d’appel a jugé que cette approche était injustifiable. Voici ce que la Cour d’appel a déclaré :

[62] […] À mon avis, le libellé précis du texte, le contexte qui l’entoure et l’objet de l’article 23(1.1) de la Loi sur l’assurance-emploi laissent place à une seule interprétation (décision Vavilov, aux paragraphes 110 et 124).

[63] La réponse à la question de droit pour l’application de l’article 23(1.1) de la Loi sur l’assurance-emploi est que le mot « choisit » correspond à ce qu’une partie prestataire indique comme étant son choix sur le formulaire de demande. Le choix est le type de prestations parentales choisi sur le formulaire.

[64] Il s’ensuit, conformément à l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi, qu’une fois qu’une partie prestataire a choisi sur le formulaire de demande le type de prestations parentales et le nombre de semaines qu’elle désire demander, et une fois que le versement de ces prestations a commencé, il est impossible pour la partie prestataire, la Commission, la division générale ou la division d’appel de révoquer, de modifier ou de changer ce choixNote de bas de page 9.

(Mis en évidence par la soussignée)

[23] Bref, le choix de la prestataire était celui qu’elle a fait sur le formulaire de demande.

[24] Par conséquent, la division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation de l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi. Premièrement, elle a mal interprété ce qui constitue un choix au sens de l’article 23(1.2). Deuxièmement, elle a commis une erreur en modifiant le choix de la prestataire alors qu’elle n’avait pas le pouvoir de le faire.

Autres erreurs

[25] La Commission soutient également que la division générale a commis d’autres erreurs, notamment des erreurs de droit et de fait. Compte tenu de la nature des erreurs de droit que j’ai relevées, il est inutile d’aborder ces autres arguments.

Réparation

[26] Comment puis-je réparer l’erreur de la division générale? J’ai deux choixNote de bas de page 10. Je peux remplacer la décision de la division générale par ma propre décision ou renvoyer l’affaire à la division générale pour un réexamen. Si je choisis la première option, je peux tirer des conclusions de faitNote de bas de page 11.

[27] La Commission me demande de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre en premier lieu. Il s’agit -là de la réparation appropriée. Rien n’indique qu’il y ait des lacunes dans les éléments de preuve ou qu’il soit nécessaire de les clarifier. J’ai l’information nécessaire pour rendre une décision. Rien n’indique que l’une ou l’autre des parties n’ait pas eu droit à une audience équitable à la division générale.

[28] Je suis tenue de suivre les décisions de la Cour d’appel fédérale. Par conséquent, et comme je l’ai déterminé ci-dessus, la division générale a mal interprété ce qui constitue un choix. Le choix de la prestataire était le type de prestations parentales choisi sur le formulaire de demande.

[29] L’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi et la décision Hull indiquent clairement que, à moins d’avoir été induite en erreur, ce qui n’était pas le cas dans la présente affaire, une fois que la prestataire a choisi le type de prestation parentale et le nombre de semaines qu’elle souhaitait demander, et une fois que le versement de ces prestations a commencé, elle ne pouvait plus révoquer, modifier ou changer son choix.

Conclusion

[30] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur. La prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées. Son choix est irrévocable.

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