Assurance-emploi (AE)

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Citation : JL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1111

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. L.
Représentante : Gabrielle Marquis-Beaudoin
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (447842) datée du 17 janvier 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Josée Langlois
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 20 mai 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Représentante de l’appelante
Date de la décision : 24 mai 2022
Numéro de dossier : GE-22-414

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Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appelante a démontré qu’elle était disponible pour travailler du 28 septembre 2020 au 12 juillet 2021, au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’appelante a cessé d’occuper un des emplois qu’elle occupait en raison des mesures sanitaires imposées par le gouvernement pendant la pandémie de la Covid-19. Elle est également étudiante à temps plein.

[4] Le 17 janvier 2022, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a décidé que l’appelante était inadmissible aux prestations régulières d’assurance‑emploi du 28 septembre 2020 au 12 juillet 2021 parce qu’elle suivait une formation de sa propre initiative et qu’elle n’était pas disponible pour travailler.

[5] Cette décision a engendré un trop-payé de prestations de 13 416 $ que l’appelante doit maintenant rembourser.

[6] Pour recevoir des prestations régulières d’assurance‑emploi, l’appelante doit être disponible pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie que l’appelante doit être à la recherche d’un emploi.

[7] L’appelante affirme que si elle n’avait pas cessé de travailler chez X en raison des mesures sanitaires imposées pendant la pandémie, elle aurait continué à travailler autant tout en étudiant. Elle soutient qu’elle a continué à travailler chez X, mais qu’en raison des mesures sanitaires imposées, comme un couvre-feu, ses heures de travail étaient diminuées. Elle fait également valoir qu’elle était activement à la recherche d’un emploi et disponible pour travailler tout en étudiant.

[8] Je dois déterminer si l’appelante était disponible pour travailler au sens de la Loi du 28 septembre 2020 au 12 juillet 2021 et si elle peut recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant cette période. L’appelante doit prouver sa disponibilité selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle était disponible pour travailler.

Question en litige

[9] L’appelante était-elle disponible pour travailler du 28 septembre 2020 au 12 juillet 2021 ?

Analyse

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[10] Le droit énonce les critères que je dois considérer pour déterminer si les démarches de l’appelante sont habituelles et raisonnables. Je dois déterminer si ces démarches sont soutenues et si elles visent à trouver un emploi convenable. Autrement dit, l’appelante doit avoir persévéré à chercher un emploi convenable.

[11] Je dois aussi évaluer les démarches que l’appelante a faites pour se trouver un emploi. Le Règlement présente une liste de neuf activités de recherche d’emploi que je dois considérer, comme  :

  • évaluer les possibilités d’emploi;
  • rédiger un curriculum vitae ou une lettre de présentation;
  • s’inscrire à des outils de recherche d’emploi, des banques d’emploi en ligne ou auprès de bureaux de placement;
  • communiquer avec des employeurs éventuels;
  • présenter des demandes d’emploi.

[12] La Commission soutient que l’appelante a fait peu de démarches pour se trouver un emploi pendant toute la durée de sa période de prestations et qu’elle n’a pas démontré qu’elle avait le désir de travailler à temps plein.

[13] Lors de l’audience, l’appelante a fait valoir que l’agent de la Commission qui a transcrit les entretiens a dépeint négativement ce qu’elle avait expliqué. Elle est déçue parce que la Commission était au courant de sa situation alors qu’elle indique avoir été honnête et transparente lorsqu’elle a présenté sa demande.

[14] Elle explique qu’elle s’est effectivement déplacée à deux reprises chez son employeur X, mais contrairement à ce que la Commission laisse sous-entendre, ce n’était pas pour faire du magasinage. Elle soutient qu’elle n’a pas voulu prendre « ça relaxe » et qu’elle était disponible pour travailler.

[15] Elle indique qu’elle était disponible pour travailler à la boutique de X et, comme l’employeur lui avait indiqué qu’il y aurait plus de possibilités d’heures de travail à la boutique de X, elle a indiqué à l’employeur que cette option lui convenait. Comme un poste lui avait été promis à la boutique de X dès que c’était possible, l’appelante espérait que cette option se concrétise. Cependant, l’employeur ne l’a jamais rappelé, malgré qu’elle se soit déplacée en boutique à deux reprises, et, sans aucune autre explication, elle a reçu un relevé de cessation d’emploi.

[16] Ainsi, pour la période débutant le 18 septembre 2021 et jusqu’à la période des Fêtes 2021, l’appelante travaillait, mais ses heures étaient diminuées. Elle a été mise à pied chez X lorsque d’autres mesures ont été imposées par le gouvernement. Cette mise à pied qui devait être temporaire s’est avérée permanente.

[17] Malgré qu’elle s’attendait à reprendre son poste dès que possible, l’appelante a tout de même évalué les emplois disponibles.

[18] Elle a expliqué lors de l’audience qu’elle est étudiante, mais qu’elle travaille pour subvenir à ses besoins. Malgré le fait que plusieurs commerces étaient fermés en raison de la pandémie de la Covid-19, elle a évalué les emplois disponibles. Elle s’est inscrite sur quelques sites d’emplois, dont Indeed. Elle a mis à jour son curriculum vitae et elle a présenté sa candidature à certains employeurs. Elle a obtenu un emploi à la pharmacie X, emploi qu’elle a débuté au début du mois de juillet 2021.

[19] Les démarches effectuées par l’appelante sont habituelles et raisonnables et elles visent à occuper un emploi dès qu’il est disponible.

[20] L’appelante a persévéré dans ses démarches pour se trouver un emploi entre le 28 septembre 2020 au 12 juillet 2021. Je conclus qu’elle a démontré sa disponibilité à travailler au sens du paragraphe 50(8) de la Loi ainsi qu’en vertu des articles 9.001 et 9.002 du Règlement.

Capable de travailler et disponible pour le faire

[21] La jurisprudence établit trois éléments à examiner pour déterminer si un prestataire est capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. L’appelante doit prouver les trois éléments suivants  :

  • montrer qu’elle veut retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui est offert;
  • faire des démarches pour trouver un emploi convenable;
  • démontrer l’absence de conditions personnelles qui limiteraient indûment (c’est-à-dire qui limiteraient trop) ses chances de retourner travailler.

[22] Au moment d’examiner chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de l’appelante.

Vouloir retourner travailler

[23] La Commission soutient que l’appelante ne démontre pas le désir de vouloir retourner travailler alors qu’elle se consacrait à sa formation qu’elle suivait à temps plein.

[24] Lors de l’audience, l’appelante a expliqué qu’elle avait le désir de retourner sur le marché du travail et que le fait d’avoir contacté son employeur chez X à quelques reprises et aussi d’avoir recherché un autre emploi malgré les difficultés reliées aux mesures imposées pendant la pandémie le démontre.

[25] Je retiens des explications de l’appelante qu’elle étudiait à temps plein, mais qu’elle était disponible pour travailler, autant qu’avant d’être mise à pied en raison de la pandémie de la Covid-19, et qu’elle se cherchait un emploi en ce sens.

[26] L’appelante a démontré un désir de vouloir retourner travailler du 28 septembre 2020 au 12 juillet 2021.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[27] L’appelante a la responsabilité de chercher activement un emploi convenable afin de pouvoir obtenir des prestations d’assurance-emploi.

[28] La Commission soutient que l’appelante n’a pas démontré qu’elle a effectué peu de démarches pour se trouver un emploi et qu’elle priorisait plutôt sa formation.

[29] Comme elle l’a mentionné lors de l’audience, l’appelante a été transparente avec la Commission et elle a déclaré qu’elle étudiait.

[30] Lors de l’audience, elle a expliqué avoir fait des démarches auprès de son employeur, X, afin de conserver son poste, mais elle a aussi fait d’autres démarches pour se trouver un emploi convenable.

[31] L’appelante a accepté de travailler à la succursale d’X à X parce que l’employeur était susceptible de la rappeler plus tôt et lui offrir un plus grand nombre d’heures de travail.

[32] En parallèle, elle a également sollicité d’autres employeurs comme X et à la pharmacie X. Comme elle l’a déclaré à la Commission, au printemps 2021, elle a effectué un stage dans une garderie. Après son stage, elle a offert ses services pour remplacer les employées permanentes.

[33] Pour pouvoir recevoir des prestations régulières d’assurance‑emploi, l’appelante doit être disponible pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie qu’elle doit être à la recherche d’un emploi.

[34] Je constate que l’appelante a fait des démarches pour se trouver un emploi convenable et aussi pour conserver son poste chez X en se démontrant disponible pour travailler dans une boutique située un peu plus loin que le lieu de sa résidence. Malgré les difficultés dues à la pandémie du Covid-19 et le contexte relié à la fermeture périodique de la plupart des commerces et restaurants, elle a tout de même fait des efforts en misant sur les possibilités d’emplois immédiates dans le but d’occuper un emploi rapidement.

[35] L’appelante souhaitait conserver son poste chez son employeur X et, pendant ce temps, elle a travaillé à une certaine période un peu plus d’heures à la boutique X. Elle avait la volonté de travailler autant d’heures que l’employeur lui offrait. Elle a finalement trouvé un emploi chez X.

[36] Étant donné les déclarations de l’appelante lors de l’audience, je donne une préférence à son témoignage qui m’a convaincu qu’elle avait la volonté de travailler et je conclus qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle a fait des efforts pour se trouver un emploi convenable entre le 28 septembre 2020 et le 12 juillet 2021.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[37] La Commission fait valoir que l’appelante n’a pas réussi à réfuter la présomption de non-disponibilité parce qu’elle suit une formation à temps plein. La Commission soutient également que l’appelante n’était pas disponible pour travailler pendant cette période.

[38] L’appelante a déclaré qu’elle suivait des cours à temps plein en techniques d’éducation à l’enfance au Collège X.

[39] Je présume que les cours auxquels participe l’appelante la rendent non disponible pour travailler au sens de la Loi.

[40] Cette présomption de non-disponibilité peut être renversée en fonction de quatre principes se rapportant spécifiquement aux cas de retour aux études.

[41] Ces principes sont les suivants:

  • Les exigences de présence au cours ;
  • Le consentement du prestataire à abandonner ses études pour accepter un emploi;
  • Le fait que le prestataire ait déjà travaillé dans le passé à des heures irrégulières;
  • L’existence de « circonstances exceptionnelles » qui permettraient au prestataire de travailler tout en suivant son cours.

[42] Lorsqu’elle a présenté sa demande de prestations, l’appelante a déclaré que si un emploi à temps plein lui était offert, elle l’accepterait. Elle a indiqué qu’elle consacre entre 15 et 24 heures par semaine à ses cours.

[43] L’appelante mentionne également qu’avant de combiner deux emplois pour subvenir à ses besoins, elle a travaillé pendant 5 ans dans une chocolaterie alors qu’elle était étudiante, soit de 2015 à 2019. Elle a ensuite combiné deux emplois tout en étudiant jusqu’à ce qu’elle soit mise à pied en raison de la pandémie de la Covid-19. En ce sens, elle démontre un historique travail/études alors qu’elle travaillait jusqu’à 20 heures par semaine pendant qu’elle était étudiante au secondaire ainsi qu’au début de son programme au CÉGEP.

[44] L’appelante fait également valoir qu’elle a modifié son horaire de cours pour prioriser le travail. Ce programme est normalement d’une durée de trois ans, mais elle explique qu’elle le terminera en quatre ans parce qu’elle doit travailler pour subvenir à ses besoins.

[45] Comme la Commission l’affirme : un prestataire qui suit un cours de formation sans être dirigé par une autorité désignée doit prouver qu’il est capable de travailler et disponible à cette fin et incapable de se trouver un emploi convenable. Le prestataire doit satisfaire aux exigences relatives à la disponibilité au même titre que tout autre prestataire qui souhaite obtenir des prestations régulières.

[46] Cependant, je suis d’avis que l’appelante a réfuté la présomption de non-disponibilité pendant qu’elle était aux études. Elle a démontré qu’elle travaillait à temps partiel tout en consacrant entre 15 et 24 heures par semaine à ses études. N’eût été la pandémie de la Covid-19, il est plus probable qu’improbable que cette situation aurait perduré.

[47] J’estime que l’existence de « circonstances exceptionnelles » permet à l’appelante de travailler tout en suivant sa formation.

[48] Les seuls antécédents qui peuvent être considérés pour établir une période de prestations ne sont pas les heures d’emploi assurables cumulées alors qu’un prestataire travaille à temps plein. Et, les antécédents d’emploi ne sont pas le seul fondement sur lequel la présomption de disponibilité peut être réfutée. En effet, la présomption de non-disponibilité peut être réfutée par une preuve de circonstances exceptionnelles.

[49] Ainsi, les circonstances exceptionnelles peuvent être associées à des antécédents d’emploi à temps partiel. L’appelante étudie et elle travaille à temps partiel et, n’eût été la pandémie reliée à la Covid-19, elle aurait continué à travailler à temps partiel tout en suivant sa formation afin de subvenir à ses besoins.

[50] De plus, l’appelante a démontré qu’elle était disponible pour son employeur et qu’elle était également à la recherche d’un autre emploi. Afin de ne pas limiter ses chances de se trouver un emploi, elle a modifié son horaire de cours et elle a choisi de compléter sa formation en quatre ans plutôt que 3 ans comme il est normalement prévu.

[51] L’appelante suit une formation, mais elle a réussi à renverser la présomption selon laquelle une personne suivant un cours de formation à temps plein, de sa propre initiative, n’est pas disponible à travailler.

[52] Des circonstances exceptionnelles me permettent de conclure que, n’eût été la pandémie reliée à la Covid-19, l’appelante aurait continué à travailler tout en étudiant et elle a expliqué qu’elle a déjà travaillé à temps partiel tout en étudiant à temps plein alors qu’elle était au secondaire avant de débuter sa formation collégiale. L’appelante combine son horaire de travail et d’études depuis quelques années.

[53] Je conclus qu’aucune condition personnelle ne limitait indûment les chances de l’appelante de se trouver un emploi convenable entre le 28 septembre 2020 et le 12 juillet 2021. L’appelante travaillait à temps partiel et elle a démontré, par son historique de travail, qu’elle était disponible pour travailler à temps partiel tout en étudiant à temps plein.

Alors, l’appelante était-elle capable de travailler et disponible pour le faire ?

[54] Je dois appliquer les critères permettant de déterminer si l’appelante était disponible pour travailler au sens de la Loi sur l’assurance-emploi et si elle peut recevoir des prestations du 28 septembre 2020 au 12 juillet 2021.

[55] Les circonstances exceptionnelles entourant la fin de son emploi chez X me permettent de conclure que, n’eût été la pandémie de la Covid-19, l’appelante aurait continué à occuper deux emplois pour subvenir à ses besoins.

[56] Je conclus que l’appelante a démontré sa disponibilité à travailler à compter du 28 septembre 2020 jusqu’au 12 juillet 2021 au sens du paragraphe 50(8 de la Loi ainsi qu’en vertu des articles 9.001 et 9.002 du Règlement sur l’assurance-emploi.

[57] Selon mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que l’appelante a démontré qu’elle était capable de travailler et disponible pour le faire.

Conclusion

[58] L’appel est accueilli.

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