Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

Le prestataire a reçu des prestations régulières d’assurance-emploi (AE) du 4 octobre 2020 au 17 juillet 2021. Pendant cette période, il a déclaré une rémunération provenant d’un travail exécuté à son compte. Ses prestations ont été réduites en conséquence.

En septembre 2021, de sa propre initiative, la Commission a réexaminé sa décision de versement de prestations au prestataire. La Commission a décidé que le prestataire était inadmissible aux prestations d’AE parce que le travail qu’il exécutait à son compte n’était pas limité. Le prestataire devait rembourser 12 225 $ de prestations. La Commission a maintenu sa décision en novembre 2021.

Le prestataire a fait appel de cette décision devant la division générale (DG). Celle-ci était aussi d’avis que le travail indépendant du prestataire était assez important pour le rendre inadmissible aux prestations. La DG a rejeté l’appel. Par la suite, le prestataire a fait appel de cette décision à la division d’appel (DA).

Le mandat de la DG est de traiter les appels de décisions de la Commission qui découlent d’un processus de révision (appel interne). Dans le cas présent, l’étendue de la compétence de la DG dépend de la décision découlant de la révision que la Commission a rendue en novembre 2021. La décision de novembre 2021 était une révision obligatoire (à la demande du prestataire) d’une révision discrétionnaire (de l’initiative de la Commission). La décision de novembre 2021, et donc la compétence de la DG, portait sur l’exercice approprié du pouvoir discrétionnaire de la Commission lorsqu’elle a réexaminé la demande de sa propre initiative. La DA a conclu que la DG n’a pas traité ou tranché la question suivante : il fallait décider si la Commission avait réexaminé correctement la demande du prestataire, en suivant l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi. La DG a fait référence au pouvoir de la Commission de faire unréexamen , sans toutefois mentionner la nature discrétionnaire de ce pouvoir. On peut en conclure que la membre ne s’est pas penchée sur le pouvoir discrétionnaire de la Commission et ne s’est pas demandé s’il avait été exercé correctement. Le prestataire était préoccupé par le changement rétroactif de ses prestations. La DG aurait dû examiner explicitement la question du pouvoir discrétionnaire de la Commision. La DA a conclu que la DG avait commis une erreur de compétence en omettant d’examiner la question.

En résultat, la DA a accueilli l’appel et renvoyé l’affaire à laDG , pour qu’elle décide si la Commission a exercé correctement son pouvoir discrétionnaire. Ce pouvoir lui avait permis de réexaminer les prestations versées au prestataire d’octobre 2020 à juillet 2021. Si le pouvoir discrétionnaire n’a pas été exercé correctement, il faut décider si les prestations doivent être réexaminées.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : PM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 931

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : P. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Julie Villeneuve

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 11 mars 2022
(GE-22-68)

Membre du Tribunal : Shirley Netten
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 29 juin 2022
Personnes présentes à l’audience :

Appelant
Représentante de l’intimée

Date de la décision : Le 22 septembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-193

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. L’affaire sera renvoyée à la division générale pour réexamen.

Aperçu

[2] P. M. (prestataire) a touché des prestations régulières de l’assurance-emploi du 4 octobre 2020 au 17 juillet 2021. Il a déclaré son revenu provenant de son travail indépendant tout au long de cette période et ses prestations ont été réduites en conséquence.

[3] Des considérations particulières s’appliquent aux personnes qui demandent des prestations d’assurance-emploi alors qu’elles travaillent à leur propre compte. En général, les personnes qui effectuent un travail indépendant ne peuvent pas recevoir de prestations, à moins d’être travailleuses indépendantes dans une mesure limitéeNote de bas de page 1.

[4] En septembre 2021, de sa propre initiative, la Commission de l’assurance-emploi du CanadaNote de bas de page 2 a réexaminé sa décision de verser des prestations au prestataire. La Commission a décidé que le prestataire n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi parce qu’il n’exerçait pas son emploi à titre de travailleur indépendant dans une mesure limitée. Le prestataire devait rembourser 12 225 $ de prestations.

[5] La Commission a maintenu sa décision en novembre 2021. Le prestataire a porté cette décision en appel devant la division générale du Tribunal. Celle-ci a convenu que le travail indépendant du prestataire faisait en sorte qu’il n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi et a rejeté son appel.

[6] La division générale n’a pas examiné la question de savoir si la Commission a eu raison de décider de réexaminer la demande de prestations antérieure. J’ai conclu qu’il s’agissait d’une erreur de compétence. Pour les motifs présentés ci-dessous, il faut renvoyer la présente affaire à la division générale pour qu’elle tranche la question qu’elle n’a pas tranchée.

Questions en litige

[7] Voici les questions en litige dans le cadre du présent appel :

  1. a) La division générale a-t-elle omis d’exercer sa compétence sur la question de l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission?
  2. b) Dans l’affirmative, comment puis-je corriger cette erreur?

Analyse

La division générale a commis une erreur de compétence

[8] L’un des moyens d’appel à la division d’appel est que la division générale a refusé d’exercer sa compétenceNote de bas de page 3. Cela se produit lorsqu’une partie soulève une question que la division générale a le pouvoir de trancher dans le cadre d’un appel, mais que la division générale ne tranche pas.

La division générale avait le pouvoir de décider si la Commission a adéquatement réexaminé la demande

[9] La Commission n’a pas contesté le fait que la division générale avait le pouvoir de décider si elle avait exercé adéquatement son pouvoir discrétionnaire de réexamen. J’aborderai donc cette question brièvement seulement.

[10] Le mandat de la division générale est d’instruire les appels de décisions rendues par la Commission dans le cadre de son processus de révision (ou d’appel interne)Note de bas de page 4. Dans la présente affaire, la portée de la compétence de la division générale découle de celle de la décision de révision rendue par la Commission en novembre 2021Note de bas de page 5.

[11] La décision de novembre 2021 était une révision obligatoire (à la demande du prestataire) d’une décision discrétionnaire de réexamen (rendue par la Commission de sa propre initiative). La portée de la décision de novembre 2021, et donc la compétence de la division générale, incluait la question de savoir si la Commission a exercé adéquatement son pouvoir discrétionnaire de réexaminer les demandes de prestations de sa propre initiativeNote de bas de page 6.

La division générale n’a pas décidé si la Commission a adéquatement réexaminé la demande

[12] À la division générale, le prestataire a clairement indiqué qu’il était en désaccord avec le processus décisionnel rétroactif de la CommissionNote de bas de page 7. Le prestataire ne s’est pas opposé à la fin de ses prestations en juillet 2021; il a contesté le réexamen de la décision concernant les prestations déjà versées entre octobre 2020 et juillet 2021, précisant qu’on lui avait assuré à plusieurs reprises que ses prestations étaient en règle.

[13] La division générale a confirmé la décision de la Commission concernant le travail indépendant du prestataireNote de bas de page 8. La division générale a souligné « le pouvoir d’examiner les demandes » de la Commission, sans autre commentaireNote de bas de page 9. La division générale a déclaré à juste titre qu’il fallait présenter une demande d’annulation à la Commission (ou à l’Agence du revenu du Canada, agissant en son nom pour certaines décisions d’annulation)Note de bas de page 10.

[14] La division générale n’a ni abordé ni tranché la question de savoir si la Commission a adéquatement réexaminé la demande de prestations du prestataire, conformément à l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi. Je conviens avec le prestataire que la division générale a ignoré la question.

[15] À l’audience, la représentante de la Commission a admis qu’il y a eu erreur de compétence. Cependant, la représentante a soutenu par écrit que la division générale a examiné cette question de façon implicite et qu’il n’y avait aucune préoccupation concernant l’exercice du pouvoir discrétionnaire. Je ne vois rien dans la décision de la division générale qui confirme cet argument.

[16] La division générale a fait référence au pouvoir de réexamen de la Commission, sans évoquer la nature discrétionnaire de ce pouvoir. Cela donne à penser que la membre de la division générale n’a pas envisagé le pouvoir discrétionnaire de la Commission et la question de savoir s’il avait été exercé adéquatement.

[17] Le prestataire a soulevé des préoccupations au sujet de la modification rétroactive apportée à ses prestations. La division générale aurait dû aborder la question de l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission de façon expliciteNote de bas de page 11. J’estime que la division générale a commis une erreur de compétence en n’abordant pas cette question.

Comment corriger l’erreur : il faut renvoyer la présente affaire à la division générale

[18] Ayant constaté une erreur de compétence, je dois envisager les options suivantes : renvoyer l’affaire à la division générale ou trancher moi-même la questionNote de bas de page 12. La division d’appel rend habituellement la décision elle-même, pourvu que les parties aient déjà eu l’occasion pleine et équitable de présenter leur preuve.

[19] Malheureusement, le prestataire n’a pas eu l’occasion d’aborder un élément essentiel. Puisque la division d’appel ne peut pas recueillir de nouveaux éléments de preuve à cet égardNote de bas de page 13, il faut donner cette occasion au prestataire devant la division générale (où il peut témoigner ou présenter des éléments de preuve écrite supplémentaires). Je vais expliquer ce qui manque.

[20] Comme il est indiqué ci-dessus, la division générale aurait dû décider si la Commission a exercé adéquatement son pouvoir discrétionnaire de réexamen des prestations déjà versées au prestataire, conformément à l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi. Selon l’article 52, la Commission « peut examiner de nouveau toute demande de prestations » en respectant certains délaisNote de bas de page 14. Il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire : la Commission peut choisir ou non de réexaminer la demande. La représentante de la Commission reconnaît qu’une décision discrétionnaire doit être écartée si des facteurs pertinents ne sont pas pris en compteNote de bas de page 15.

[21] La loi ne précise pas quels facteurs sont pertinents pour la présente décision discrétionnaire. La représentante de la Commission a refusé de présenter des arguments concernant les facteurs qui sont pertinents, au-delà du délai de trois ansNote de bas de page 16. Sa cliente, la Commission, a élaboré et publié une politique visant à orienter ses agentes et agents dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaireNote de bas de page 17. De plus, la division générale du Tribunal a déjà décidé que les facteurs énoncés dans la politique de la Commission sont pertinents pour la décision discrétionnaireNote de bas de page 18. D’autres facteurs pourraient aussi être pertinents pour résoudre la tension évidente entre le caractère définitif (les parties prestataires devraient pouvoir s’en remettre aux décisions rendues au sujet de leurs prestations) et l’exactitude (il faudrait corriger les erreurs et les fausses déclarations)Note de bas de page 19.

[22] La preuve concernant la décision discrétionnaire est complète : il y a des documents sur la décision prise par l’agent en septembre 2021Note de bas de page 20. Les parties ont également présenté des arguments à ce sujet. J’aurais donc pu décider des facteurs qui sont pertinents et si la Commission a négligé de les prendre en considération. Cependant, si j’avais décidé que le pouvoir discrétionnaire n’a pas été exercé adéquatement, je n’aurais pas pu poursuivre et trancher la question de savoir si les prestations devraient ou non être réexaminées. Il en est ainsi parce que le prestataire n’a pas eu l’occasion de répondre à la nouvelle allégation de la Commission selon laquelle il a fait des déclarations trompeuses à propos de son travail indépendant.

[23] La Commission a relevé des déclarations possiblement contradictoires au sujet de l’intention du prestataire de trouver un emploi autre que son travail indépendant et des efforts qu’il a déployés pour y arriverNote de bas de page 21. Le prestataire n’a pas eu l’occasion d’expliquer la divergence apparente. Cela pourrait être important compte tenu de la question de savoir si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire adéquatement et s’il convenait d’exercer le pouvoir discrétionnaire de réexamen. Selon les facteurs que la division générale juge pertinents, d’autres éléments de preuve pourraient également être nécessaires.

[24] Par conséquent, la présente affaire est renvoyée à la division générale pour trancher les questions suivantes :

  • La Commission a-t-elle exercé adéquatement son pouvoir discrétionnaire de réexamen des prestations versées au prestataire d’octobre 2020 à juillet 2021?
  • Si ce n’est pas le cas, faudrait-il réexaminer les prestations dans la présente affaire?

Conclusion

[25] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur de compétence. L’affaire sera renvoyée à la division générale pour réexamen.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.