Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : PM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 932

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : P. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (440 236) datée du 24 novembre 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 10 mars 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 11 mars 2022
Numéro de dossier : GE-22-68

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] Le prestataire effectuait des semaines entières de travail à partir du 5 octobre 2020. Par conséquent, il se peut qu’il ne soit pas en mesure de recevoir des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] Le prestataire a demandé des prestations régulières de l’assurance-emploi le 5 octobre 2020Note de bas de page 1. Après lui avoir versé plusieurs mois de prestations, la Commission a décidé qu’il n’était pas au chômage, car il se concentrait sur son travail indépendant d’ouvrier qualifiéNote de bas de page 2. Elle l’a déclaré inadmissible de façon rétroactive à partir du 5 octobre 2020.

[4] La Commission a maintenu sa décision après révision, soutenant que la priorité du prestataire était le travail indépendant et qu’il n’était pas de portée limitée; il n’était donc pas en chômage. Il en a résulté un trop-payé de 12 225 $Note de bas de page 3.

[5] Le prestataire a porté cette décision en appel devant le Tribunal parce qu’il y avait eu ambigüité et faute d’exécution de la part de l’Agence de revenu du Canada et de la CommissionNote de bas de page 4. Il pensait qu’il présentait une demande de prestations pour les personnes travaillant à leur compte et il n’a pas les moyens de rembourser le trop-payé.

Question en litige

[6] La participation du prestataire était-elle si limitée qu’il n’effectuait pas des semaines entières de travail?

Analyse

[7] Une personne qui participe à l’exploitation d’une entreprise peut ne pas avoir droit à des prestations d’assurance-emploi.

[8] La loi prévoit qu’une personne peut recevoir des prestations d’assurance-emploi pour chaque semaine où elle est en chômageNote de bas de page 5. Une semaine de chômage signifie une semaine pendant laquelle une personne n’effectue pas une semaine entière de travailNote de bas de page 6.

[9] De plus, la loi considère qu’une personne qui est travailleuse indépendante effectue des semaines entières de travailNote de bas de page 7. Par conséquent, elle ne peut pas recevoir des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 8.

Exception si la participation est limitée

[10] Une exception s’applique lorsque la participation d’une partie prestataire à l’entreprise est limitéeNote de bas de page 9.

[11] L’exception s’applique si l’importance de la participation du prestataire à l’entreprise était si limitée qu’une personne ne compterait pas normalement sur ce travail indépendant comme principal moyen de gagner sa vieNote de bas de page 10.

[12] C’est le prestataire qui doit prouver que sa participation à l’entreprise était si limitée que l’exception s’appliqueNote de bas de page 11. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il est plus probable qu’improbable que la participation du prestataire est limitée.

Six facteurs pour évaluer l’importance de la participation

[13] Pour décider si l’exception s’applique, je dois examiner six facteursNote de bas de page 12.

[14] À l’audience, le prestataire a affirmé que les six facteurs étaient discutables parce que son principal argument était qu’il a reçu le mauvais type de prestation en raison d’erreurs commises par deux agents de la Commission, qui auraient dû lui dire qu’il n’était pas admissible. J’ai expliqué au prestataire que je devais quand même examiner et évaluer les six facteurs parce que je dois décider si son travail indépendant était de portée limitée.

[15] Par conséquent, j’ai pris en considération les six facteurs suivants :

  1. a) Combien de temps le prestataire consacrait-il à son travail indépendant?
  2. b) Combien le prestataire a-t-il investi dans son travail indépendant, et quels sont ces investissements (tels que les sommes d’argent, la propriété, les biens et les ressources)?
  3. c) Sur le plan financier, le travail indépendant du prestataire est-il une réussite ou un échec?
  4. d) Le travail indépendant du prestataire était-il destiné à être continu?
  5. e) Quelle était la nature du travail indépendant?
  6. f) Le prestataire a-t-il l’intention et la volonté de trouver rapidement un autre emploi?

Temps consacré

[16] Le temps que le prestataire consacrait à son travail indépendant ne démontre pas une participation limitée.

[17] Le prestataire a déclaré qu’il n’avait pas de travail en octobre 2020. Cependant, dans les mois qui ont suivi, il a travaillé de nombreuses heures, à peindre et à faire des réparations. À titre d’exemple, il a travaillé environ 50 2020. En décembre, il a eu environ 50 à 60 heures semaine et environ trois semaines de travail. Il a expliqué que son travail indépendant était plutôt stable jusqu’en juillet 2021 pour un même client.

Investissements

[18] La nature et le montant des investissements (tels que les sommes d’argent, la propriété, les biens et les ressources) démontrent une participation limitée.

[19] Le prestataire a évalué ses outils à environ 3 000 $, mais ils n’ont pas été achetés après le début de son travail indépendant. Il s’agissait d’outils qu’il possédait déjà depuis des années. Le seul véritable investissement qu’il a récupéré dans son travail indépendant après avoir commencé était d’environ 100 $ pour une réparation de camion, qui est minime selon moi.

Réussite ou échec financiers

[20] La situation financière du travail indépendant du prestataire démontre une participation limitée parce qu’il a seulement gagné environ 13 250 $ en revenu brut pendant une période de plusieurs mois. Il n’avait pas encore retiré ses dépenses, y compris la taxe de vente harmonisée. Je ne pense pas qu’une personne compterait normalement sur ce revenu comme principal moyen de subsistance.

Travail indépendant continu

[21] Le prestataire reconnaît que son travail indépendant était destiné à être continu parce qu’il ne veut travailler pour personne d’autre. Cela ne démontre pas une participation limitée parce qu’il a un client régulier qui le fait travailler de façon continue. Il a également obtenu un emploi grâce au bouche-à-oreille. Même s’il a fait de la publicité sur Kijiji, il n’a pas encore obtenu d’affaires nouvelles.

[22] J’accepte le fait que son entreprise a le potentiel d’être durable, surtout parce que son client principal lui donne beaucoup de travail. Il travaille souvent plusieurs heures sur les divers projets qui lui sont assignés.

Nature du travail indépendant du prestataire

[23] Le travail indépendant du prestataire est celui d’ouvrier qualifié, ce qui diffère de ses anciens emplois de camionneur et d’expert en assurance. Cela démontre une participation limitée parce qu’il s’agit d’une nouvelle carrière.

Intention et volonté de trouver rapidement un autre emploi

[24] Le prestataire reconnaît qu’il ne cherchait pas de travail à l’extérieur de son travail indépendant. Cela ne démontre pas une participation limitée parce qu’il n’est pas prêt à accepter un emploi à l’extérieur de son travail indépendant. Son objectif principal est le travail à son compte.

Alors, la participation du prestataire était-elle assez limitée?

[25] La participation du prestataire n’était pas à ce point limitée que l’exception s’applique. Une personne compterait normalement sur ce travail indépendant comme principal moyen de gagner sa vie.

[26] J’ai examiné les six facteurs mentionnés ci-dessus. Les trois facteurs concernant le temps consacré, le travail indépendant continu et l’intention et la volonté d’accepter un autre emploi donnent à penser que son travail indépendant n’était pas de portée limitée.

[27] D’un autre côté, les trois facteurs concernant les investissements, la réussite ou l’échec financiers de l’entreprise et la nature du travail indépendant donnent à penser qu’il y avait participation limitée.

[28] Deux facteurs sont particulièrement importants. La jurisprudence établit que le temps consacré au travail et l’intention et la volonté du prestataire d’accepter sans tarder un autre emploi sont importantsNote de bas de page 13.

[29] Après avoir tenu compte de tous ces facteurs, je conclus que l’exception ne s’applique pas au travail indépendant du prestataire. Il a reconnu qu’il passe de nombreuses heures à effectuer son travail indépendant et qu’il n’a pas l’intention de trouver un autre emploi.

[30] Le prestataire effectuait des semaines entières de travail. Par conséquent, il pourrait ne pas recevoir de prestations, parce qu’il y a eu des semaines où il était au chômage.

[31] La Cour d’appel fédérale a constaté que les efforts d’une partie prestataire pour créer un nouvel emploi ou lancer sa propre entreprise sont très louables. Cependant, le but du régime d’assurance-emploi est d’offrir des prestations temporaires aux personnes sans emploi qui cherchent du travail. Malheureusement, les efforts du prestataire dépassent le cadre du régime d’assurance-emploiNote de bas de page 14.

Et si, d’entrée de jeu, le prestataire avait demandé le mauvais type de prestations?

[32] Le prestataire reconnaît qu’il a fait une erreur en demandant le mauvais type de prestations. Il croyait qu’il était admissible à ces prestations comme travailleur indépendant.

[33] Un des arguments du prestataire était que les deux premiers agents de la Commission n’ont pas fait leur travail adéquatement parce que durant leur examen, ils ne lui ont pas posé de question précise concernant son travail indépendant. Après leur avoir parlé, il a supposé qu’il faisait tout correctement et qu’il avait droit aux prestations. Le prestataire qualifie leur conduite de fautive, sans intention de nuire. Il ajoute qu’en raison de l’ambigüité concernant les prestations versées, la question devrait être tranchée en sa faveur.

[34] La Commission n’a pas assisté à l’audience et ses observations écrites n’abordent pas cet argument.

[35] J’admets l’argument du prestataire voulant que s’il avait su qu’il n’était pas admissible aux prestations, il aurait essayé d’obtenir d’autres avantages ailleurs. Je souligne que la Commission a le pouvoir d’examiner les demandes. Je n’ai pas le pouvoir de me prononcer en faveur du prestataire au motif que les prestations versées étaient ambigües et difficiles à comprendre pour la population canadienne.

[36] De plus, même si les agents de la Commission ont fait une erreur, les tribunaux ont déclaré que tout engagement que les représentantes ou représentants de la Commission pourraient prendre de bonne ou de mauvaise foi, d’agir autrement que selon ce qui est écrit dans la loi, est tout à fait nul et non avenuNote de bas de page 15.

Qu’en est-il du trop-payé?

[37] La Commission a déclaré le prestataire inadmissible de façon rétroactive. Elle veut qu’on lui rembourse les prestations qu’elle a versées au prestataire.

[38] Le prestataire n’a pas les moyens de rembourser le trop-payé. Il a connu de nombreuses difficultés au cours des dernières années.

[39] Ma compétence se limite aux décisions qui ont été révisées par la CommissionNote de bas de page 16. Je n’ai pas le pouvoir discrétionnaire d’annuler le trop-payé, quelle que soit la situation dans laquelle se trouve le prestataire. La loi ne me permet pas d’alléger la responsabilité du prestataire concernant le remboursement du trop-payéNote de bas de page 17.

[40] J’ai expliqué au prestataire que s’il demande l’annulation de son trop-payé en raison de difficultés financières, il doit prendre des mesures et s’adresser à la Commission ou à l’Agence du revenu du Canada.

Conclusion

[41] Je conclus que le prestataire effectuait des semaines entières de travail, alors il n’était pas au chômage.

[42] L’appel est donc rejeté.

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