Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Citation : MB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1032

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (461837) datée du 11 avril 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Manon Sauvé
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 14 septembre 2022
Personne présente à l’audience : L’appelante
Date de la décision : Le 19 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1708

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 1.

Aperçu

[3] Depuis près de 20 ans, la prestataire travaille pour le gouvernement du Canada. Le 10 novembre 2021, elle est suspendue de son emploi pour ne pas avoir respecté la Politique de vaccination de son employeur contre la COVID-19.

[4] Le 14 novembre 2012, la prestataire présente une demande pour recevoir des prestations d’assurance-emploi. La Commission refuse de lui verser des prestations, parce qu’elle a été suspendue de son emploi en raison de son inconduite.

[5] En effet, elle savait ou aurait dû savoir qu’en ne respectant pas la politique de vaccination, elle serait suspendue.

[6] La prestataire n’est pas d’accord avec la décision de la Commission. Elle considère qu’elle n’a pas commis une inconduite au sens de la Loi. Elle a exercé ses droits. Il n’y avait pas de Politique de vaccination lorsqu’elle a signé son contrat de travail pendant la pandémie et dans la convention collective.

[7] De plus, la sanction imposée par son employeur est disproportionnée et injustifiée.

Question que je dois examiner en premier

[8] La prestataire a produit un document après l’audience, soit le 19 septembre 2022. Un délai a été accordé à la Commission, afin qu’elle puisse transmettre ses commentaires. La Commission a transmis un argumentaire supplémentaire le 4 octobre 2022. La prestataire n’a pas répliqué aux arguments de la Commission.

[9] Pour cette raison, la décision est rendue plus tard que prévu.

Question en litige

[10] La prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite ?

Analyse

[11] Pour décider si la prestataire a été suspendue son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison la prestataire a été suspendue de son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi ?

[12] Depuis 2003, la prestataire travaille pour le gouvernement du Canada.

[13] Dans le cadre de la pandémie de la COVID-19, son employeur, le gouvernement du Canada, met en œuvre une politique de vaccination contre la COVID-19.

[14] La politique s’applique à tous les employés, dont la prestataire. Les employés disposent d’un délai pour être informés de la nature des vaccins. Ils disposent également d’un délai pour se conformer à la politique ou fournir une attestation d’exemption pour des raisons médicales ou religieuses.

[15] Le 12 novembre 2021, la prestataire est suspendue de son emploi pour ne pas avoir respecté la politique de vaccination.

[16] Je constate que la prestataire ne conteste pas qu’il s’agit de la raison de sa suspension.

[17] Toutefois, selon la prestataire il ne s’agit pas d’un geste d’inconduite. Elle n’est pas responsable de la situation. L’employeur n’avait pas le droit d’imposer la vaccination.

La raison de la suspension de la prestataire est-elle une inconduite selon la loi ?

[18] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 2. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 3. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupableNote de bas page 4.

[19] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit suspendue pour cette raisonNote de bas page 5.

[20] La Commission doit prouver que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas page 6.

[21] Selon la Commission, le refus de la prestataire de se soumettre à la politique de vaccination de son employeur constitue de l’inconduite. Elle savait ou devait savoir qu’elle serait suspendue en ne se conformant pas à la politique.

[22] La prestataire n’est pas d’accord avec la décision de la Commission. Il ne s’agit pas d’une inconduite. Elle soulève plusieurs arguments pour démontrer qu’il ne s’agit pas d’un geste d’inconduite :

  • La politique de l’employeur est illégale et ne respecte pas la Charte canadienne des droits et libertés ;
  • Le Guide de la détermination de l’admissibilité indiquant qu’un prestataire peut être admissible si l’employeur lui impose un congé ;
  • Le comportement de la prestataire a toujours été exemplaire au cours 18 dernières années ;
  • Il n’y a pas eu de gradation disciplinaire ;
  • Elle a signé son contrat de travail en octobre 2020, soit pendant la pandémie, il n’y avait pas d’obligation vaccinale ou médicale.

[23] De plus, après l’audience, la prestataire a transmis une décision du TribunalNote de bas page 7 le 19 septembre 2022. Elle soutient que cette cause est similaire à la sienne. Dans ce dossier, le tribunal a accueilli l’appel du prestataire, parce que la Commission n’a pas démontré qu’il avait perdu son emploi en raison de son inconduite dans le cadre d’une politique de vaccination.

[24] Le 4 octobre 2022, la Commission a produit un argumentaire supplémentaire concernant cette décision. La prestataire n’a pas répliqué.

[25] Dans un premier temps, je vais disposer de cette décision. Ainsi, je suis d’accord avec la Commission que les faits dans cette décision ne sont pas similaires à ceux de la prestataire.

[26] Dans cette affaire, le prestataire a eu seulement deux jours pour se conformer à la politique de vaccination de son employeur. Il n’a pas reçu des informations écrites ni avant ni après la directive verbale de son employeur. Il a refusé de quitter son emploi, malgré l’avertissement de son employeur.

[27] Le Tribunal a conclu que le prestataire n’avait pas commis un geste d’inconduite, parce qu’il a bénéficié que d’un délai de deux jours pour se conformer à une directive verbale ; l’employeur lui a dit qu’il pouvait démissionner s’il ne voulait pas s’y conformer et il n’a pas reçu la documentation écrite de la politique. En fait, il n’a pas eu le temps d’être informé des conséquences d’un refus. Il n’a pas intentionnellement ou délibérément enfreint la politique de son employeur.

[28] Ce qui n’est pas le cas de la prestataire en l’espèce. En effet, l’employeur a informé la prestataire qu’une politique de vaccination serait mise en place. Elle avait un délai pour se conformer à la Politique de vaccination et elle savait qu’elle serait suspendue si elle ne s’y conformait pas.

[29] Je vais maintenant disposer de certains arguments de la prestataire avant de décider si son refus de se conformer à la Politique de vaccination de son employeur constitue une inconduite.

[30] Concernant la légalité de la politique de son employeur, la gradation des mesures disciplinairesNote de bas page 8, le refus de transmettre des informations médicales à son employeur, ses droits en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés ainsi que l’absence d’obligation vaccinale dans son contrat de travail ou la convention collective ; le Tribunal n’a pas le pouvoir de trancher ces questions. Il existe des instances spécialisées pour ces enjeux.

[31] Je n’ai pas à décider si la politique de l’employeur est justifiée ou raisonnable. Cependant, je suis d’avis qu’il faut prendre en compte le contexteNote de bas page 9. Ainsi, le gouvernement du Canada a adopté un ensemble de mesures pour gérer la pandémie de la COVID-19. La politique de vaccination, à titre d’employeur, en fait partie. Elle s’applique à toutes les personnes qui travaillent pour la fonction publique fédérale, peu importe le type d’emploi ou le statut. Ce n’est pas une mesure qui vise spécifiquement la prestataire, bien au contraire.

[32] Il faut maintenant déterminer si le refus de la prestataire constitue de l’inconduite. Dans l’arrêt NelsonNote de bas page 10, la Cour d’appel fédéral réitérait qu’il faut appliquer une appréciation objective comme l’exige la Loi. En effet, « il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié ».

[33] Après avoir étudié le dossier, entendu la prestataire et tenu compte des observations des parties, je suis d’avis que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. En fait, la Commission a démontré que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[34] La prestataire a été informée que l’employeur a mis en œuvre une politique de vaccination pour contrer la pandémie de la COVID-19. La prestataire disposait d’un délai pour s’y conformer, elle a fait le choix de ne pas respecter la politique. C’est pour cette raison qu’elle a été suspendueNote de bas page 11. Elle savait ou aurait dû savoir qu’elle serait suspendue pour ce motif. Elle a créé sa situation de chômageNote de bas page 12.

[35] J’estime que l’inconduite peut prendre différentes formes dont le non-respect d’une politique de vaccination qui est une condition essentielle au maintien en emploiNote de bas page 13. Ce qui est le cas de la prestataire.

Alors, la prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite ?

[36] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[37] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[38] Par conséquent, l’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.