Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Citation : KM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 862

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : K. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (453244) datée du 22 février 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience  : Le 28 juillet 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 5 août 2022
Numéro de dossier : GE-22-1063

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a été suspendue, puis congédiée, en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a accompli un acte qui a mené à sa suspension et à son congédiement). Par conséquent, la prestataire n’est pas admissible à recevoir des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 1.

Aperçu

[3] La prestataire travaillait comme infirmière autorisée dans un hôpital. L’employeur a placé la prestataire en « congé sans solde non disciplinaire » et l’a ensuite congédiée parce qu’elle ne respectait pas sa politique de vaccination contre la COVID-19 au travail. La prestataire a ensuite présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploiNote de bas page 2.

[4] La Commission a décidé que la prestataire n’était pas admissible à des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle avait été suspendue et qu’elle avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduiteNote de bas page 3.

[5] La prestataire n’est pas d’accord parce que l’employeur a violé ses droits lorsqu’il a imposé une politique obligatoire de vaccination contre la COVID-19Note de bas page 4. De plus, elle a été harcelée et contrainte par l’employeur de se faire vacciner contre la COVID-19.

Documents déposés après l’audience

[6] À l’audience, la prestataire a affirmé qu’elle avait des documents qui ne faisaient pas partie du dossier. Elle a expliqué qu’elle avait une copie d’un courriel envoyé par l’employeur au sujet de la politique, sa demande d’exemption et la réponse de l’employeur, un avis de responsabilité concernant le vaccin, une lettre de congédiement et une lettre concernant le congé sans solde.

[7] La prestataire a soumis tous ces documents après l’audience, documents que j’ai acceptés parce qu’ils étaient pertinentsNote de bas page 5. Une copie a été transmise à la Commission. Aucune réponse de la Commission n’a été reçue à ce jour.

Question en litige

[8] La prestataire a-t-elle été suspendue et a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[9] Le prestataire qui perd son emploi en raison d’une inconduite ou qui quitte volontairement son emploi sans justification est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 6.

[10] Le prestataire qui est suspendu de son emploi en raison de son inconduite n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 7.

[11] Le prestataire qui prend volontairement une période de congé sans justification n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas page 8.

[12] Pour répondre à la question de savoir si la prestataire a cessé de travailler en raison de son inconduite, je dois trancher deux questions. Premièrement, je dois établir pourquoi la prestataire a cessé de travailler. Je dois ensuite décider si la loi considère ce motif comme étant une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle cessé de travailler?

[13] Je conclus que la prestataire a été placée en congé obligatoire et sans solde du 12 novembre 2021 au 26 novembre 2021 parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination de l’employeur contre la COVID-19.

[14] Plus précisément, la prestataire n’a pas obtenu sa première dose du vaccin contre la COVID-19 avant le 12 novembre 2021. La date limite pour obtenir sa première dose du vaccin contre la COVID-19 a ensuite été repoussée au 26 novembre 2021 et elle n’a toujours pas obtempéréNote de bas page 9. Je remarque que, bien que la prestataire ait été placée en congé non disciplinaire sans solde, il s’agit d’une suspension parce qu’elle n’était pas autorisée à retourner au travail et qu’elle était jugée inapte à se présenter au travail.

[15] Je conclus également que la prestataire a perdu son emploi le 30 novembre 2021 parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeurNote de bas page 10.

[16] Cela est conforme au témoignage de la prestataire, au relevé d’emploi, à la lettre concernant le congé sans solde et à la lettre de congédiement, aux discussions entre la Commission et la prestataire, ainsi qu’avec l’employeurNote de bas page 11.

Quelle était la politique de l’employeur?

[17] L’employeur a mis en place une politique de vaccination contre la COVID-19(politique) à compter du 1er novembre 2021. Une copie de la politique était jointe au courriel du président-directeur général (PDG) envoyé aux employés le 1er novembre 2021Note de bas page 12.

[18] Le courriel indique que l’hôpital a mis en place une politique obligatoire de vaccination contre la COVID-19 pour tous les employés après que le conseil d’administration l’a approuvée à l’unanimité le 27 octobre 2021. L’objectif était de protéger les patients, les collègues, les familles et les autres personnes qui pourraient présenter un risque élevé d’effets graves sur la santé liés à la maladie de COVID-19Note de bas page 13.

[19] La politique exige que les employés obtiennent et fournissent des preuves de leur première dose de vaccination contre la COVID-19 au plus tard le 12 novembre 2021Note de bas page 14.

[20] La politique autorise les exemptions médicales qui doivent être acceptées par le service de santé et de sécurité au travail de l’hôpital. Elle précise que les exemptions fondées sur des croyances ou la religion seront évaluées au cas par casNote de bas page 15.

La politique a-t-elle été communiquée à la prestataire?

[21] L’employeur a indiqué à la Commission que la politique avait été communiquée aux employés par courriel, par téléphone avec les gestionnaires et par des réunionsNote de bas page 16.

[22] La prestataire a affirmé qu’elle a pris connaissance de la politique pour la première fois le 1er novembre 2021 après avoir reçu un courriel du PDG envoyé à tout le personnelNote de bas page 17. Elle a convenu que la politique lui avait été communiquée à plus d’une occasion parce qu’elle commençait à avoir l’impression que l’employeur la harcelait.

[23] Je conclus que la politique a été communiquée pour la première fois à la prestataire le 1er novembre 2021.

Quelles ont été les conséquences du non-respect de la politique?

[24] La politique prévoit que le défaut de s’y conformer au plus tard le 12 novembre 2021 entraînera un congé sans solde ou une suspensionNote de bas page 18. Elle précise ensuite que le licenciement suivra le 30 novembre 2021.

[25] La lettre concernant le congé sans solde envoyée à la prestataire indique que le non-respect du délai prolongé pour obtenir sa première dose du vaccin contre la COVID-19 au plus tard le 26 novembre 2021 entraînera son licenciementNote de bas page 19.

[26] La prestataire a témoigné qu’elle a été suspendue du 1er novembre 2021 au 26 novembre 2021. Comme elle n’a pas respecté la politique, elle a perdu son emploi le 30 novembre 2021. Cela est conforme à la lettre concernant le congé sans solde et à la lettre de congédiement envoyée par l’employeurNote de bas page 20.

Y a-t-il une raison pour laquelle la prestataire n’a pas pu se conformer à la politique?

[27] Comme je l’ai mentionné précédemment, la politique prévoyait une exemption médicale, une exemption pour croyance ou motif religieux.

[28] La prestataire a témoigné qu’elle a un problème cardiaque. Elle a parlé de ses préoccupations à son médecin. Elle n’a toutefois pas été en mesure d’obtenir une attestation médicale qui l’aurait exemptée du vaccin contre la COVID-19 parce que son médecin a dit qu’elle devrait d’abord se faire vacciner et voir s’il y avait une réactionNote de bas page 21. Elle a expliqué qu’elle n’était pas prête à prendre le risque.

[29] La prestataire a également déclaré qu’elle avait bel et bien présenté à l’employeur une demande d’exemption fondée sur les droits de la personne le 12 novembre 2021Note de bas page 22. Elle a fourni une copie de sa demande d’exemption, mais celle-ci a été refusée par l’employeurNote de bas page 23.

S’agit-il d’une inconduite au sens de la loi, la Loi sur l’assurance-emploi?

[30] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 24. L’inconduite comprend aussi une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas page 25.

[31] Il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (autrement dit, elle ait voulu mal agir) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas page 26.

[32] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle soit congédiéeNote de bas page 27.

[33] La Commission doit prouver que la prestataire a été suspendue et a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a été suspendue et a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas page 28.

[34] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les motifs suivants.

[35] Premièrement, je conclus que la politique a été communiquée à la prestataire et qu’elle était au courant des dates limites pour s’y conformer. La prestataire a également eu suffisamment de temps pour se conformer à la politique.

[36] Plus précisément, la politique lui a été communiquée le 1er novembre 2021, date à laquelle le PDG a envoyé un courriel à tout le personnel. Elle devait obtenir sa première dose du vaccin contre la COVID-19 au plus tard le 12 novembre 2021. Cette période a été prolongée jusqu’au 26 novembre 2021.

[37] Deuxièmement, je conclus que la prestataire a volontairement choisi de ne pas se conformer à la politique pour des raisons personnelles. J’admets que la prestataire n’avait pas d’intention coupable en choisissant de ne pas être vaccinée contre la COVID-19, ce qui a été son propre choix. Toutefois, il s’agit quand même d’une inconduite parce que l’employeur a instauré une politique qui faisait de la vaccination contre la COVID-19 une condition pour le maintien de son emploi.

[38] Elle a fait un choix délibéré. Le tribunal a déjà affirmé qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 29.

[39] Troisièmement, je conclus que la prestataire savait ou aurait dû savoir que le non-respect entraînerait une suspension et un congédiement. Bien que l’employeur ait indiqué qu’il s’agissait d’un congé sans solde non disciplinaire, il s’agissait d’une suspension parce que la prestataire n’était pas autorisée à travailler et qu’elle était jugée inapte à retourner au travail.

[40] Les conséquences lui ont été communiquées le 1er novembre 2021 dans le courriel du PDG envoyé courriel à tout le personnel et dans la lettre concernant le congé sans solde envoyée le 12 novembre 2021.

[41] Quatrièmement, je conclus que la prestataire n’a pas prouvé qu’elle était exemptée de la politique. La prestataire n’a présenté aucune exemption médicale à l’employeur parce qu’elle n’a pas pu obtenir une attestation médicale de son médecin. Bien qu’elle ait présenté à l’employeur une demande d’exemption fondée sur les droits de la personne, cette exemption a été refusée.

[42] La Commission ontarienne des droits de la personne a affirmé que le vaccin n’est pas obligatoire, mais que le Code des droits de la personne de l’OntarioNote de bas page 30 permet généralement de rendre obligatoire et d’exiger une preuve de vaccination pour protéger les gens au travail ou lorsqu’ils reçoivent des services, pourvu que des mesures de protection soient mises en place pour s’assurer que les personnes qui ne peuvent être vaccinées pour des raisons visées par le Code soient raisonnablement prises en compteNote de bas page 31.

[43] Enfin, je reconnais généralement que l’employeur peut décider d’établir et d’imposer des politiques en milieu de travail. Dans ce cas, l’employeur a imposé une politique de vaccination en raison de la pandémie de COVID-19. Ainsi, la vaccination contre la COVID-19 est devenue une condition de son emploi lorsque l’employeur a mis en place la politique. La prestataire a enfreint la politique lorsqu’elle a choisi de ne pas s’y conformer et cela a nui à sa capacité de s’acquitter de son devoir envers l’employeur.

[44] L’objectif de la Loi sur l’assurance-emploi est d’indemniser les personnes qui ont perdu leur emploi de manière involontaire et qui se retrouvent sans travail. La perte d’emploi doit être involontaireNote de bas page 32. En l’espèce, la perte d’emploi n’était pas involontaire parce que ce sont les gestes de la prestataire qui ont mené à sa suspension et à son congédiement.

Qu’en est-il des autres arguments de la prestataire?

[45] La prestataire a soulevé d’autres arguments pour étayer sa position. En voici quelques-uns :

  1. a) La politique de l’employeur était discriminatoire parce qu’elle entraînait un traitement différent.
  2. b) Elle estimait que l’employeur la harcelait.
  3. c) L’employeur n’a pas fourni de mesures d’adaptation.
  4. d) L’employeur a enfreint la convention collective.
  5. e) L’employeur n’a pas discuté de la politique à l’avance avec les employés et le syndicat.
  6. f) D’autres provinces ont réembauché leurs infirmières non vaccinées.

[46] La cour a affirmé que le Tribunal ne peut déterminer si le congédiement ou la pénalité était justifié. Le Tribunal doit déterminer si la conduite de la prestataire constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 33. J’ai déjà conclu que la conduite de la prestataire constitue effectivement de l’inconduite en application de la Loi sur l’assurance-emploi.

[47] Je prends note des arguments supplémentaires de la prestataire, mais je n’ai pas le pouvoir de les trancher. Le recours de la prestataire consiste à intenter une action en justice ou devant tout autre tribunal qui pourrait examiner ses arguments particuliers.

[48] À l’audience, la prestataire a confirmé que le syndicat a déjà déposé plusieurs griefs au nom des employés. Elle espère avoir une mise à jour à la fin de 2022, ou au début de 2023.

Conclusion

[49] La prestataire avait le choix et a décidé de ne pas se conformer à la politique pour des raisons personnelles. Ce choix a donné lieu à un résultat indésirable, une suspension et un congédiement.

[50] La Commission a prouvé que la prestataire a été suspendue et a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la prestataire n’est pas admissible à des prestations d’assurance-emploi.

[51] Cela signifie que l’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.