Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 866

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C. D.
Représentante ou représentant : C. Y.

Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (445305) datée du 17 décembre 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 6 avril 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 22 avril 2022
Numéro de dossier : GE-22-491

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec le prestataire.

[2] Le prestataire n’a pas effectué des semaines entières de travail à partir du 3 octobre 2021. Cela signifie qu’il pourrait être en mesure de recevoir des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] Le prestataire était employé par une entreprise dans laquelle ses deux frères et lui détiennent un nombre égal d’actions. Il a cessé de travailler le 7 octobre 2021 en raison d’un manque de travail. La Commission a demandé à l’Agence du revenu du Canada (ARC) de déterminer si l’emploi du prestataire était assurable. L’ARC a déterminé que l’emploi du prestataire du 10 août 2020 au 10 juillet 2021 était assurable.

[4] La Commission a interrogé le prestataire et a déterminé que, parce qu’il exploitait une entreprise, il effectuait des semaines entières de travail et qu’il ne pouvait être considéré comme étant en chômage pendant la période en question. La Commission a donc décidé que le prestataire ne pouvait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[5] Le prestataire n’est pas d’accord avec la décision de la Commission. Il travaille pour une entreprise dont ses frères et lui sont propriétaires. Le nombre d’heures de travail qu’il effectue est déterminé par quiconque fait appel aux services de l’entreprise. Il cherche un autre emploi lorsqu’il ne travaille pas pour l’entreprise. Il soutient qu’il est toujours en chômage même s’il participe aux activités de l’entreprise parce que sa participation est limitée.

Question en litige

[6] La participation du prestataire était-elle si limitée qu’il n’effectuait pas réellement des semaines entières de travail?

Analyse

[7] Si vous participez à l’exploitation d’une entreprise, vous pourriez ne pas avoir droit à des prestations d’assurance-emploi.

[8] La loi prévoit que vous pouvez recevoir des prestations d’assurance-emploi pour chaque semaine où vous êtes en chômageNote de bas de page 1. Une semaine de chômage est une semaine pendant laquelle vous n’effectuez pas une semaine entière de travailNote de bas de page 2.

[9] Si vous êtes un travailleur indépendant ou exploitez une entreprise, la loi considère que vous effectuez des semaines entières de travailNote de bas de page 3. Cela signifie que vous ne pouvez pas recevoir de prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 4.

Exception si votre participation est limitée

[10] Toutefois, une exception est prévue si votre participation à l’exploitation de l’entreprise est limitéeNote de bas de page 5.

[11] L’exception s’applique si la participation du prestataire est si limitée que cet emploi indépendant ne constituerait pas normalement le principal moyen de subsistance d’une personneNote de bas de page 6.

[12] Le prestataire doit prouver que sa participation était si limitée que l’exception s’appliqueNote de bas de page 7. Le prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable que le contraire que sa participation est limitée.

Six facteurs pour évaluer l’importance de la participation

[13] Pour décider si l’exception s’applique, je dois prendre en compte les six facteurs suivantsNote de bas de page 8 :

  1. a) Combien de temps le prestataire a-t-il consacré à son travail indépendant ou à son entreprise?
  2. b) Combien le prestataire a-t-il investi dans son travail indépendant ou dans son entreprise, et quels sont ces investissements (sommes d’argent, propriétés, biens et ressources)?
  3. c) Sur le plan financier, le travail indépendant ou l’entreprise du prestataire a-t-il été un succès ou un échec?
  4. d) Le travail indépendant ou l’entreprise du prestataire était-il censé être continu?
  5. e) Quelle était la nature du travail indépendant ou de l’entreprise du prestataire?
  6. f) Le prestataire avait-il l’intention et la volonté de trouver un autre emploi?

Temps consacré

[14] Le temps que le prestataire consacre à son travail indépendant ou à son entreprise démontre une participation limitée parce qu’elle se limite à se présenter au travail lorsque son frère détermine qu’il doit y travailler. Lorsqu’il est mis à pied, il consacre une à deux heures par semaine aux affaires de l’entreprise.

[15] Le frère du prestataire a déclaré sous serment que lui-même, le prestataire et un autre frère sont propriétaires d’une entreprise de sous-traitance. Chaque frère détient le même nombre d’actions dans l’entreprise. L’entreprise a été initialement constituée en 1975. Le prestataire [traduction] « a investi dans » l’entreprise en 1981, mais n’est pas administrateur de celle-ci. Le prestataire a affirmé qu’à partir de 1981 il a travaillé pour l’entreprise à titre d’employé et qu’il a reçu un salaire, mais aucun autre revenu de l’entreprise.

[16] Le frère du prestataire a témoigné qu’au cours des quatre dernières années, le travail de l’entreprise se limitait à fournir des charpentiers au chantier naval local. Le chantier naval communique avec le frère du prestataire pour indiquer le nombre de travailleurs dont il a besoin et pendant combien de temps. Le frère du prestataire s’occupe de trouver les travailleurs et décide si le prestataire fera partie des travailleurs envoyés au chantier naval.

[17] Le prestataire a affirmé qu’il effectue du [traduction] « travail au chantier naval » tant qu’il y a du travail. Le chantier naval décide du nombre de travailleurs dont il a besoin, des heures à effectuer et de la durée du travail des travailleurs. À la fin du travail, il est mis à pied par l’entreprise.

[18] Le représentant du prestataire a souligné que le prestataire avait 31 semaines d’emploi au cours de la période de 52 semaines indiquée dans le relevé d’emploi établi par l’entreprise.

[19] Le prestataire a témoigné que, lorsqu’il est mis à pied par l’entreprise, il peut consacrer une ou deux heures par semaine aux affaires de l’entreprise.

[20] Je conclus que le prestataire n’était pas en mesure de fixer ses propres heures de travail. Bien que le prestataire ait passé beaucoup de temps à travailler comme employé pour l’entreprise, il n’a pas établi ses propres heures de travail à deux égards. Premièrement, son frère déterminait s’il était appelé au travail. Deuxièmement, le chantier naval déterminait les heures de travail du prestataire et de tout autre employé de l’entreprise. De plus, le temps que le prestataire consacre aux affaires de l’entreprise lorsqu’il ne travaille pas pour le chantier naval est minime. Par conséquent, je conclus que le temps consacré par le prestataire à l’exploitation de l’entreprise démontre une participation limitée.

Investissements

[21] La nature et le montant des investissements du prestataire (sommes d’argent, propriétés, biens et ressources) démontrent une participation limitée parce que l’investissement initial dans l’entreprise a eu lieu au moment de sa constitution en société.

[22] L’entreprise possède certains outils et deux camionnettes qui ne sont pas récentes. Elle a aussi un entrepôt. L’entreprise est exploitée à partir d’un bureau au domicile du frère du prestataire. Cet élément de preuve m’indique que l’investissement du prestataire dans l’entreprise est limité parce que les actifs de l’entreprise sont de faible valeur et qu’elle ne possède pas de locaux qui sont consacrés à l’exploitation de l’entreprise.

Réussite ou échec financier

[23] La situation financière du travail indépendant ou de l’entreprise du prestataire démontre une participation limitée parce que, bien que l’entreprise ait versé au prestataire un salaire pour son emploi, elle n’a versé aucun dividende au prestataire ou aux autres propriétaires depuis sa constitution.

[24] Une société verse habituellement des dividendes à partir des montants restants une fois que les dépenses sont déduites des revenus. En l’espèce, aucun dividende n’a été versé depuis 1975, lorsque l’entreprise a été constituée pour la première fois en société et depuis 1981, lorsque le prestataire a investi dans l’entreprise. Par conséquent, je conclus que la société ne peut être considérée comme un succès.

Travail autonome ou entreprise continu

[25] Le travail indépendant ou l’entreprise du prestataire est censé être continu. Le frère du prestataire a témoigné que l’entreprise fait affaire dans le domaine de la construction et de la sous-traitance. Elle est exploitée depuis 1975. L’entreprise fournit sur demande des charpentiers à d’autres entreprises, comme le chantier naval. Par le passé, elle a présenté des soumissions et a construit des structures. La pandémie de COVID-19 a réduit ses activités.

[26] Le représentant du prestataire a souligné que le prestataire avait accumulé 31 des 52 semaines d’emploi au cours de la période déclarée dans le RE. Le prestataire a dit à un agent de Service Canada qu’il est retourné travailler pour l’entreprise du 24 octobre 2021 au 27 novembre 2021, lorsque le chantier naval a de nouveau demandé à l’entreprise de lui fournir des travailleurs.

[27] À mon avis, la durée de l’exploitation de l’entreprise et son exploitation continue ne démontrent pas une participation limitée.

Nature du travail indépendant ou de l’entreprise du prestataire

[28] Le prestataire est charpentier « Sceau rouge ». Le travail indépendant ou l’entreprise du prestataire consistait à fournir des charpentiers qualifiés à un chantier naval local et à effectuer d’autres travaux de construction.

[29] À mon avis, cela ne démontre pas une participation limitée parce que l’expertise et les qualifications du prestataire se situent dans le même domaine que celles qui sont requises pour mener les activités de l’entreprise, lesquelles consistent à fournir des charpentiers et des services de construction.

Intention et volonté de trouver sans tarder un autre emploi

[30] Le représentant du prestataire a affirmé que le prestataire vit et travaille dans une région rurale. Il n’y a pas des milliers d’emplois disponibles là où il vit.

[31] Le prestataire a déclaré qu’il serait prêt à travailler pour d’autres entreprises. Lorsqu’il est mis à pied, il a dit qu’il vérifie auprès d’autres entrepreneurs et entreprises de construction s’il y a du travail pour lui. Comme il n’a pas de compétences en informatique, il n’est pas en mesure de chercher du travail en ligne. Lorsqu’il cherche un emploi, il parle à des amis, à des gens du métier et à des parents. Le prestataire a affirmé que s’il pouvait obtenir du travail auprès d’un autre employeur, il ne considérerait pas son salaire de l’entreprise comme sa principale source de revenus.

[32] À mon avis, les démarches de recherche d’emploi du prestataire démontrent une participation limitée parce qu’il continue à chercher un emploi lorsqu’il est mis à pied par l’entreprise. Il serait prêt à travailler pour un autre employeur et il renoncerait à travailler pour l’entreprise.

Donc, la participation du prestataire était-elle suffisamment limitée?

[33] La participation du prestataire est si limitée que l’exception s’applique. Normalement, une personne ne compterait pas sur ce travail indépendant ou cette entreprise comme principal moyen de gagner sa vie.

[34] J’ai pris en compte les six facteurs susmentionnés. Les facteurs relatifs à la nature continue de l’entreprise et aux compétences du prestataire qui sont celles qui sont requises par l’entreprise laissent entendre que sa participation n’est pas limitée. Par ailleurs, les facteurs relatifs au temps qu’il consacre réellement aux affaires de l’entreprise par opposition au temps passé à travailler comme employé de l’entreprise, à son niveau d’investissement, à la réussite financière limitée de l’entreprise et au fait que le prestataire cherche du travail ailleurs et est prêt à travailler ailleurs indiquent que la participation du prestataire est limitée.

[35] Deux facteurs sont particulièrement importants. Selon la jurisprudence, le temps que vous consacrez au travail et la question de savoir si vous avez l’intention et la volonté de chercher sans tarder un autre emploi sont des facteurs importants à considérerNote de bas de page 9. Le prestataire ne contrôle pas ses heures de travail lorsqu’il travaille comme employé de l’entreprise. Lorsqu’il est mis à pied, il consacre tout au plus deux heures par semaine aux affaires de l’entreprise. Le prestataire cherche du travail chez d’autres employeurs lorsqu’il est mis à pied de l’entreprise. Il est disposé à travailler pour un autre employeur au lieu de travailler pour l’entreprise. Cette preuve m’indique que la participation du prestataire dans l’entreprise est limitée.

[36] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que l’exception s’applique au travail indépendant ou à l’entreprise du prestataire.

[37] Le prestataire n’effectuait pas des semaines entières de travail. Cela signifie que le prestataire peut recevoir des prestations parce qu’il y a eu des semaines où il était en chômage.

Conclusion

[38] Je conclus que la participation du prestataire dans son travail indépendant ou son entreprise est suffisamment limitée pour que l’exception s’applique. Comme il n’effectuait pas des semaines entières de travail, il était en chômage.

[39] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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