Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 697

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : S. G.
Représentante : J. V.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (388940) datée du 31 mars 2020 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Teresa M. Day
Mode d’audience :

Vidéoconférence

Date de l’audience :

Le 5 mai 2022

Personnes présentes à l’audience :

Appelante
Représentante de l’appelante

Date de la décision :

Le 27 juillet 2022

Numéro de dossier : GE-20-1286

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appelante a prouvé qu’elle était disponible pour travailler du 1er juin 2017 jusqu’à la fin de sa demande. Par conséquent, elle n’est pas inadmissible aux prestations d’assurance-emploi pendant cette période.

Aperçu

[3] L’appelante a travaillé comme esthéticienne jusqu’à ce que le spa où elle travaillait fasse faillite. Elle a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi et a reçu 30 semaines de prestations du 29 janvier 2017 au 2 septembre 2017Note de bas de page 1.

[4] En juillet 2017, l’appelante a constitué une société pour fournir des services d’esthétique. L’intimée (la Commission) a cherché à savoir si elle était disponible pour travailler pendant qu’elle lançait une entreprise et qu’elle recevait des prestations.

[5] Un prestataire doit être disponible pour travailler pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie qu’un prestataire doit être à la recherche d’un emploi à temps plein et ne peut établir de conditions personnelles qui limiteraient indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[6] La Commission a décidé que l’appelante n’était pas admissible à des prestations d’assurance-emploi à compter du 1er juin 2017 parce qu’elle se concentrait sur le démarrage de son entreprise et travaillait pour celle-ci, et qu’elle n’a pas prouvé sa disponibilité à travailler. La Commission a imposé une inadmissibilité rétroactive à partir du 1er juin 2017, ce qui a créé un trop-payé de prestations d’assurance-emploi qu’on lui a demandé de rembourserNote de bas de page 2.

[7] L’appelante a demandé à la Commission de réviser sa décision. Elle a dit qu’elle cherchait du travail, mais que la plupart des employeurs voulaient des sous-traitants et non des employés. Elle a ajouté que son entreprise n’avait été constituée en société que le 27 juillet 2017 et qu’elle n’avait pas eu de clients avant octobre 2017 (après la fin de sa demande), de sorte qu’elle était toujours prête à travailler et capable de le faire pendant sa période de prestations.

[8] La Commission n’a pas été convaincue et a maintenu l’inadmissibilité à l’égard de sa demande. L’appelante a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal »).

[9] Je dois décider si l’appelante a prouvé qu’elle était disponible pour travailler du 1er juin 2017 jusqu’à la fin de sa demandeNote de bas de page 3. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Ainsi, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle était disponible pour travailler du 1er juin 2017 au 2 septembre 2017.

[10] La Commission affirme que l’appelante s’est principalement concentrée sur le démarrage de son entreprise et a travaillé pour celle-ci, plutôt que d’être disponible pour un autre travail. La Commission soutient que l’appelante n’était pas disponible parce qu’elle ne faisait pas d’efforts pour trouver un emploi convenable et qu’elle se limitait à travailler dans son entreprise.

[11] L’appelante affirme qu’elle cherchait toujours un emploi à temps plein et qu’elle était disposée à accepter un tel emploi. Elle dit avoir activement cherché du travail et postulé des emplois dans son domaine (l’esthétique) et d’autres domaines (selon ses autres qualifications). Elle a constitué son entreprise parce que les spas où elle postulait recherchaient des sous-traitants, et non des employés. Elle devait faire quelque chose parce qu’elle était toujours sans travail après environ 6 mois de recherche d’emploi. Elle espérait pouvoir recommencer à travailler dans son domaine en constituant son entreprise. Et même après le démarrage de son entreprise, elle a continué à postuler des emplois.

[12] Pour les motifs énoncés ci-après, je conviens avec l’appelante qu’elle était disponible pour travailler du 1er juin 2017 jusqu’à la fin de sa demande.

Questions préliminaires

a) Question portée en appel

[13] D’après mon examen du dossier de révision, il semble y avoir eu une enquête de la Commission sur la mesure dans laquelle l’appelante participait à l’exploitation de son entreprise pendant sa période de prestationsNote de bas de page 4.

[14] Ce n’est pas la question dont je suis saisie. Comme la Commission le souligne dans ses observations, ce n’est pas la raison pour laquelle l’appelante était inadmissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 5. Elle était inadmissible aux prestations d’assurance-emploi parce que la Commission a déterminé qu’elle n’était pas disponible pour travailler pendant qu’elle recevait des prestations à compter du 1er juin 2017.

[15] Je conviens avec la Commission que la question à trancher dans le présent appel est de savoir si l’appelante a démontré sa disponibilité à travailler du 1er juin 2017 jusqu’à la fin de sa demande. C’est la seule question que je vais examiner.

b) Documents déposés après l’audience

[16] À l’audience, l’appelante a fait référence à une lettre qu’elle a envoyée à la Commission le 20 novembre 2019 dans laquelle elle faisait état de ses démarches de recherche d’emploi pendant qu’elle était prestataire.

[17] Cette lettre n’a pas été incluse dans le dossier de révision fourni par la Commission pour le présent appel. Toutefois, elle est pertinente pour la décision portée en appel et, par conséquent, j’ai accepté une copie de cette lettre comme document déposé après l’audience qui sera prise en compte dans ma décision. J’ai également accepté les résumés de parties du témoignage à l’audience qui portaient sur le démarrage de l’entreprise de l’appelante.

[18] L’appelante a déposé les documents convenus immédiatement après l’audience du 5 mai 2022 (GD6). Les documents ont été transmis à la Commission le 9 mai 2022 et la Commission a eu jusqu’au 17 mai 2022 pour déposer toute observation supplémentaire qu’elle souhaitait faire en réponse à ces documents. Le 16 mai 2022, la Commission a avisé qu’elle n’avait pas d’observations supplémentaires.

[19] Aucun autre document n’avait été déposé auprès du Tribunal par l’une ou l’autre des parties à la date de la décision.

[20] Étant donné que la Commission a eu la possibilité et un délai raisonnable pour répondre aux documents déposés après l’audience, je rends la décision suivante.

Question en litige

[21] L’appelante était-elle disponible pour travailler du 1er juin 2017 jusqu’à la fin de sa demande de prestations d’assurance-emploi?

Analyse

[22] Selon la loi, pour être considérée comme disponible pour travailler aux fins des prestations régulières d’assurance-emploi, l’appelante doit démontrer qu’elle est capable de travailler et disponible à cette fin et qu’elle est incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 6.

[23] La Cour d’appel fédérale a affirmé que la disponibilité doit se vérifier par l’analyse de trois éléments :

  1. a) le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert;
  2. b) l’expression de ce désir par des efforts pour se trouver cet emploi convenable;
  3. c) le non-établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travailNote de bas de page 7.

[24] Ces trois éléments sont communément appelés les « éléments de l’arrêt Faucher », d’après l’affaire dans laquelle la Cour les a énoncés pour la première fois. Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois me pencher sur l’attitude et la conduite de l’appelanteNote de bas de page 8.

Témoignage à l’audience

[25] L’appelante était représentée à l’audience par sa comptable que j’appellerai « Joan ». Comme Joan a participé à la constitution en société de l’entreprise de l’appelante, elle a également témoigné pour l’appelante. Comme elles ont témoigné conjointementNote de bas de page 9, je résumerai leur témoignage conjoint ci-après.

[26] Dans leur témoignage, l’appelante et Joan ont affirmé ce qui suit :

  • L’appelante travaillait comme esthéticienne dans un spa de la localité lorsque son employeur [traduction] « a fait faillite ».
  • Elle a tout de suite commencé à postuler des emplois en esthétique, tant en ligne qu’en cognant à la porte de services d’esthétique, de salons de coiffure et de spas.
  • Elle a fait beaucoup d’efforts pour se trouver un emploi. Elle cherchait [traduction] « n’importe quoi » pour travailler, pas nécessairement un spa.
  • Dans sa recherche d’emploi, elle a mis à profit ses [traduction] « nombreuses autres qualifications ». Elle détient des diplômes en chimie et une accréditation lui permettant de travailler comme agente d’assurance. Elle possède également de l’expérience de [traduction] « travail de bureau ».
  • Elle a présenté une demande à Postes Canada au début de février 2017. Pendant les mois de février et de mars 2017, elle a participé à un processus intensif de sélection de candidats pour un emploi à Postes Canada. Elle a passé 2 mois à faire des modules de formation et des examens en ligne et à assister à des entrevues avec divers fonctionnaires de Postes Canada. Mais [traduction] « en fin de compte », ils ne lui ont pas offert de poste.
  • Au cours de la même période, elle a également posé sa candidature en ligne à des postes annoncés par la RBC et la Banque Scotia.
  • Et le propriétaire du spa où elle avait travaillé a communiqué avec elle. Cette personne devait ouvrir un spa à un endroit différent et voulait que l’appelante vienne y travailler. Mais [traduction] « en fin de compte », le propriétaire a eu des problèmes avec son entrepreneur et [traduction] « ça n’a pas marché ».
  • En mai, elle a également commencé à se présenter en personne à diverses succursales bancaires et dans d’autres entreprises de sa région où elle a déposé des curriculum vitae.
  • Et elle a continué de poser sa candidature à des postes d’esthétique dans des spas tout au long des mois d’avril, mai, juin, juillet, août et septembre 2017.
  • Mais bon nombre de services d’esthétique et de spas ne veulent pas embaucher d’employés. Ils sont passés à [traduction] « l’économie de petits boulots ». Ils veulent tous embaucher des entrepreneurs indépendants pour ne pas avoir à payer d’avantages sociaux ou d’assurance responsabilité.
  • Elle est allée voir son amie Joan, qui était également comptable, et lui a demandé : [traduction] « Que dois-je faire? Et comment puis-je m’aider à trouver un emploi parce que je dois travailler? »
  • Tout au long de sa vie professionnelle, elle a toujours été une employée.
  • Cependant, aucun des spas où elle postulait n’était disposé à l’embaucher comme employée. Et elle ne savait rien des règles ou des règlements pour devenir travailleur indépendant ou pour [traduction] « démarrer une entreprise ».
  • Joan lui a recommandé de constituer une société, non pas pour qu’elle puisse travailler à la maison, mais pour [traduction] « des raisons de responsabilité civile ». Un grand nombre de spas où elle a postulé lui ont dit qu’elle serait tenue de [traduction] « porter le fardeau » de sa propre assurance responsabilité limitée. Cela l’aiderait à remplir cette condition.
  • Joan a expliqué ce qui serait en cause et l’appelante a décidé : [traduction] « OK, faisons quelque chose parce que je dois travailler ».
  • Elles ont amorcé le processus de constitution en société en juillet 2017Note de bas de page 10.
  • Mais elle continuait tout de même à postuler des emplois. En juillet, elle a déposé son curriculum vitae à plusieurs endroits et a présenté une demande à X de X et à X de X.
  • Et compte tenu de ses connaissances en chimie, elle a aussi postulé [traduction] « quelques emplois dans le domaine pharmaceutique » en août 2017, dont X, une entreprise pharmaceutique de X.
  • En septembre 2017, elle a présenté une demande dans un autre spa et chez X, [traduction] « qui est notre compagnie locale d’hydroélectricité », à titre de représentante du service à la clientèle.
  • Elle ne tenait pas de relevé contemporain de ses démarches de recherche d’emploi. Elle ignorait que cela était nécessaireNote de bas de page 11.
  • Mais elle a répondu à la demande du 13 novembre 2019 de la Commission de fournir un relevé de sa recherche d’emploi. Le 20 novembre 2019, elle a envoyé à la Commission une lettre accompagnée d’une liste des endroits où elle a postulé pendant sa période de prestationsNote de bas de page 12.
  • Il n’y avait aucune restriction quant aux jours de la semaine ou aux heures de travail de l’appelante. Ses deux enfants fréquentaient l’université; elle n’avait donc pas besoin de services de garde.
  • Elle avait également son propre véhicule, de sorte qu’elle pouvait se rendre au travail au besoin.
  • Elle a continué à postuler des emplois après avoir constitué son entreprise et n’a pas limité ses efforts de recherche d’emploi pour se concentrer sur son travail indépendant.
  • Elle a toujours voulu travailler et n’a jamais fixé de limites ou de conditions à cet égard.

[27] J’ai renvoyé l’appelante à la fiche d’information sur l’enquête à la page GD3-17 et lui ai demandé d’expliquer la différence entre les notes consignées par le représentant de Service Canada (à savoir que l’appelante a dit qu’elle n’avait pas cherché du travail et qu’elle n’avait aucun relevé de recherche d’emploi parce qu’elle se concentrait sur le démarrage de son entreprise) – et son témoignage aujourd’hui (à savoir qu’elle cherchait activement un emploi pendant qu’elle recevait des prestations).

[28] L’appelante a nié cette déclaration à la page GD3-17. Elle ne sait pas comment le représentant de Service Canada [traduction] « en est arrivé à ça »Note de bas de page 13. Elle a dit à l’agent qu’elle n’avait pas de relevé de ses démarches de recherche d’emploi, mais elle n’a jamais dit qu’elle ne cherchait pas d’emploi. Elle cherchait toujours du travail et était toujours disponible pour travailler.

[29] Dans leur témoignage, l’appelante et Joan ont affirmé ce qui suit :

  • Le démarrage d’une entreprise était pour elle un geste [traduction] « désespéré ».
  • Elle n’a jamais voulu avoir d’entreprise.
  • Le spa où elle travaillait avait fermé ses portes, mais elle y avait établi [traduction] « une clientèle ». Ces personnes communiquaient avec elle pour savoir où elle travaillait afin de pouvoir venir la voir, mais elle n’avait pas trouvé d’emploi.
  • Les spas auxquels elle a postulé lui demandaient effectivement de travailler pour elle-même.
  • Chaque endroit où elle s’est rendue [traduction] « voulait une sous-traitante » possédant une [traduction] « assurance responsabilité limitée »Note de bas de page 14. Certains services d’esthétique se font avec des lasers et l’esthéticienne est [traduction] « presque comme une infirmière auxiliaire ». Toute personne qui fait ce travail a besoin d’une [traduction] « assurance responsabilité civile professionnelle » pour se protéger.
  • Elle a procédé à la constitution en société à la fin de juillet 2017 afin de pouvoir postuler à des spas à titre de sous-traitante.
  • Elle a fait très peu de choses pour le démarrage de l’entreprise.
  • Elle a ouvert un compte bancaire d’entreprise le 17 août 2017.
  • Elle n’a fait aucune autre démarche dans l’entreprise pendant plus d’un mois par la suite.
    Les renseignements supplémentaires suivants ont été fournis dans les documents produits après l’audienceNote de bas de page 15 :
    • Le 22 septembre 2017, elle a pris des dispositions pour faire de la publicité dans les Pages jaunes.
    • Le 3 octobre 2017, elle a commandé une affiche pour la pelouse devant sa maison.
    • Le 1er novembre 2017, elle a commandé des cartes professionnelles.
    • Sa publicité dans les Pages jaunes a commencé le 1er novembre 2017.
  • Il n’y avait pas de fournitures ou d’équipement à acheterNote de bas de page 16.
  • Elle a [traduction] « acheté quelques bouteilles de vernis à ongles et a installé une table dans son sous-sol », et a commencé à faire des manucures dans son sous-sol en octobre 2017.
  • Le premier dépôt dans le compte bancaire de l’entreprise a eu lieu le 6 octobre 2017.
  • Elle a continué à postuler des emplois et à chercher du travail pendant tout ce temps.
  • À la page GD6-31, l’appelante a fourni une copie d’un courriel qu’elle a reçu le 15 septembre 2017 d’un employeur avec lequel elle avait communiqué pour lui demander si elle était disponible pour une entrevue.
  • Elle ne se limitait pas à s’occuper de son entreprise parce qu’il y avait très peu de choses à mettre sur pied et que celle-ci n’était même pas en activité entre le 1er juin 2017 et la fin de sa demande.
  • Même avec la constitution en société, elle n’a toujours pas été retenue comme sous-traitante par l’un ou l’autre des spas avec lesquels elle a communiqué parce que [traduction] « personne n’embauchait ».
  • Son entreprise a été [traduction] « fermée » parce que [traduction] « ça n’a jamais fonctionné » de toute façon.
  • Elle travaille actuellement comme commis à la vente au détail chez Home Depot.

Question en litige no 1 : L’appelante était-elle disponible pour travailler selon les éléments de l’arrêt Faucher?

[30] Oui, elle l’était.

[31] L’appelante a satisfait à tous les éléments énoncés dans l’arrêt Faucher pour la période du 1er juin 2017 à la fin de sa demande.

a) Désir de retourner au travail

[32] En ce qui concerne le premier élément de l’arrêt Faucher, l’appelante doit prouver qu’elle désirait retourner au travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert. Pour ce faire, elle doit démontrer qu’elle avait le désir de retourner sur le marché du travail chaque jour ouvrable de sa période de prestations et que sa disponibilité n’était pas indûment limitée.

[33] Je conclus que l’appelante a démontré le désir de retourner au travail dès qu’un emploi convenable serait offert entre le 1er juin 2017 et la fin de sa demande.

[34] Pour en arriver à cette conclusion, j’accepte la totalité du témoignage à l’audience. J’estime que l’appelante et Joan étaient crédibles parce qu’elles ont répondu franchement à mes questions et parce que les détails qu’elles ont fournis dans leurs réponses étaient logiques dans les circonstances. Voici pourquoi :

  • L’appelante a perdu son emploi en janvier 2017 sans en être responsable (lorsque son employeur a fait faillite). Elle est une adulte et doit travailler pour payer ses dépenses et survivre.
  • Elle pouvait travailler pendant les heures normales de travail chaque jour ouvrable.
  • Si elle voulait démarrer sa propre entreprise d’esthétique, rien ne l’empêchait de le faire.
  • Elle a plutôt élargi ses démarches de recherche d’emploi bien au-delà de son domaine de l’esthétique, quoique sans succès.
  • En juin 2017, il était compréhensible qu’elle soit anxieuse à l’idée d’être encore sans emploi, de sorte qu’elle était prête à emprunter le parcours inconnu de la constitution d’une entreprise pour voir si elle pouvait obtenirNote de bas de page 17 un poste de sous-traitante dans un spa.
  • De cette façon, elle était toujours à la recherche d’une relation d’emploi, ne serait-ce qu’à titre de sous-traitante.
  • Entre le 1er juin 2017 et la fin de sa demande, elle a exploré l’option de la sous-traitance comme moyen de retourner sur le marché du travail, et a continué de postuler des emplois à temps plein.
  • Outre l’incorporation et l’ouverture d’un compte bancaire, elle n’a pris aucune mesure pour faire de la publicité afin de trouver des clients (un élément essentiel de toute entreprise de services personnels) ou exploiter son entreprise à domicile jusqu’à 3 semaines après la fin de sa demande.

[35] Tout cela démontre qu’entre le 1er juin 2017 et la fin de sa demande l’appelante voulait retourner sur le marché du travail dès que possible et certainement dès qu’un emploi convenableNote de bas de page 18 serait offert.

[36] Je conclus que l’appelante a satisfait au premier élément de l’arrêt Faucher.

a) Efforts pour se trouver un emploi convenable

[37] Quant au deuxième élément de l’arrêt Faucher, l’appelante doit prouver qu’elle cherchait un emploi convenable pour chaque jour de sa période de prestations.

[38] Je conclus que l’appelante a démontré qu’elle en a fait suffisamment pour se trouver un emploi convenable entre le 1er juin 2017 et la fin de sa demande.

[39] La preuve démontre que l’appelante a fait des efforts soutenus pour se trouver un emploi entre le 1er juin 2017 et la fin de sa demande. Ses efforts n’étaient pas dirigés vers un emploi à temps partiel, mais vers des postes à temps plein, et elle a élargi son éventail d’employeurs potentiels pour tirer parti de ses études et de son expérience de travailNote de bas de page 19. Même la constitution de son entreprise visait à établir une relation d’emploi, bien qu’il s’agisse d’une nouvelle forme de relation d’emploi pour elle (à titre de sous-traitante). Ainsi, elle a tenté de trouver un emploi convenable chaque jour ouvrable de sa période de prestations.

[40] Pour en arriver à cette conclusion, j’accorde un plus grand poids au témoignage à l’audience. Je tire cette conclusion en raison des détails concernant les démarches de recherche d’emploi de l’appelante, les autres qualifications qu’elle possédait et qui lui ont permis de postuler des emplois autres que dans le domaine de l’esthétique, et les questions relatives au travail en sous-traitance dans des salons de coiffure et des spas qui ont été fournis par voie d’une évaluation active au cours de l’audience. L’appelante a exprimé de la frustration quant à la façon dont la Commission a documenté ses réponses dans les fiches d’information sur l’enquête, et je peux voir dans les notes de la Commission que l’appelante avait de la difficulté à répondre aux questions et à communiquer ses renseignements. Comme l’a souligné Joan, il est possible qu’il y ait eu une barrière linguistiqueNote de bas de page 20.

[41] Je ne peux pas non plus passer sous silence le fait que la Commission a omis de verser les documents pertinents dans le dossier de révision (GD3) qu’elle a soumis au Tribunal pour le présent appel. Cela démontre une certaine sélectivité à l’égard de la preuve, ce que je trouve préoccupant.

[42] Par exemple, la fiche d’information sur l’enquête du 1er novembre 2019 à la page GD3-13 indique que le représentant de Service Canada effectuait un suivi auprès de l’appelante au sujet d’une lettre que le représentant lui avait [traduction] « envoyée au sujet de son travail indépendant », mais cette lettre n’est pas incluse dans le dossier de révision. Il est fort possible ce que soit la source de la confusion de l’appelante concernant la question en litige dans le présent appel, d’autant plus que les mêmes notes indiquent que l’appelante a dit avoir répondu à cette lettre. Puis dans la fiche d’information sur l’enquête du 13 novembre 2019 à la page GD3-16, le représentant de la Commission indique que la réponse de l’appelante avait été reçue, mais qu’il manquait des renseignements. Encore une fois, ni la réponse de l’appelante ni la lettre de suivi qui, selon le représentant, aurait été envoyée n’ont été incluses dans le dossier de révision.

[43] De même, la fiche d’information sur l’enquête du 13 novembre 2019 figurant à la page GD3-18 indique que le représentant de Service Canada a rappelé à l’appelante [traduction] « que nous avons besoin de tout relevé de recherche d’emploi, d’une réponse complète et de tous les documents demandés dans la lettre envoyée ce matin » (mis en évidence par la soussignée) – mais cette lettre n’est pas incluse dans le dossier de révision. Ce qui est encore plus troublant est le fait que le 20 novembre 2019 l’appelante a envoyé un relevé de ses démarches de recherche d’emploi et que cette lettre n’a pas non plus été incluse dans le dossier de révision. Heureusement pour l’appelante, elle l’avait avec elle à l’audience et l’a envoyée immédiatement après.

[44] Enfin, je remarque dans la fiche d’information sur l’enquête du 29 novembre 2019 à la page GD3-20 que le représentant de Service Canada envisageait de toute évidence de déterminer que l’appelante était inadmissible aux prestations d’assurance-emploi en raison de son travail indépendantNote de bas de page 21, et non de sa disponibilité. Ce qui me préoccupe encore plus est le fait que cette fiche confirme que l’appelante a fourni un relevé de ses démarches de recherche d’emploi, mais qu’il n’était toujours pas inclus dans le dossier de révision pour son appel.

[45] À mon avis, ces omissions soulèvent des questions quant à l’exactitude de ce que la Commission a écrit sur les fiches d’information sur l’enquête, en particulier concernant les démarches de recherche d’emploi de l’appelante.

[46] Pour tous ces motifs, j’accepte l’explication de l’appelante quant à savoir pourquoi le témoignage à l’audience différait des déclarations qu’elle aurait faites selon la Commission.

[47] Je conclus que l’appelante a satisfait au deuxième élément de l’arrêt Faucher

c) Limiter indûment les chances de retourner au travail

[48] Pour le troisième élément de l’arrêt Faucher, l’appelante doit prouver qu’elle n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail. De façon générale, cela signifie qu’elle doit démontrer qu’elle est capable de travailler et disponible à cette fin pendant les heures normales de travail chaque jour ouvrable. Sa disponibilité ne peut être limitée à des heures irrégulières, comme les soirs, les nuits, les fins de semaine ou les jours fériés, pour satisfaire à un autre engagement, à une obligation familiale ou à toute autre restriction personnelle qui limite considérablement ses périodes de travailNote de bas de page 22.

[49] La Commission affirme que l’exploitation de l’entreprise de l’appelante était une restriction parce qu’elle se limitait pour se concentrer sur celle-ci au lieu de chercher du travail à l’extérieur de l’entreprise. Pour les raisons que j’ai énoncées dans mon analyse des premier et deuxième éléments de l’arrêt Faucher ci-dessus, je ne suis pas d’accord.

[50] L’appelante a démontré que sa participation à l’exploitation de son entreprise entre le 1er juin 2017 et la fin de sa demande, comme était établie, était minime. Elle n’a même pas consulté sa comptable avant juillet 2017, et c’était la première fois qu’elle envisageait même de démarrer une entreprise. Après la constitution de l’entreprise à la fin de juillet, elle n’a fait qu’utiliser l’entreprise pour postuler des emplois de sous-traitance dans des spas. Tout ce qu’elle a fait d’autre pour démarrer l’entreprise est survenu après la fin de sa demande de prestations d’assurance-emploi.

[51] Pour ces motifs, je suis convaincue que l’entreprise n’était pas une condition personnelle qui aurait pu limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail. En fait, en constituant son entreprise, l’appelante a augmenté ses chances d’obtenir du travail comme sous-traitante dans un salon d’esthétique pendant la période d’inadmissibilité.

[52] Je conclus que l’appelante a satisfait au troisième élément de l’arrêt Faucher.

L’appelante était-elle donc disponible pour travailler?

[53] D’après mes conclusions sur les trois éléments énoncés dans l’arrêt Faucher, l’appelante a démontré qu’elle était disponible pour travailler, mais qu’elle était incapable de trouver un emploi convenable entre le 1er juin 2017 et la fin de sa demande.

Conclusion

[54] L’appelante a prouvé qu’elle était disponible pour travailler entre le 1er juin 2017 et la fin de sa demande. Par conséquent, elle n’est pas inadmissible aux prestations d’assurance-emploi pendant cette période.

[55] La Commission doit annuler l’inadmissibilité imposée à l’égard de sa demande.

[56] L’appel est accueilli.

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