Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 874

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante (prestataire) : N. H. a/s de M. H.
Partie intimée (Commission) : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (462526) datée du 30 mars 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Gerry McCarthy
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 26 juillet 2022
Personnes présentes à l’audience :

Témoin et représentant (N. H.)

Date de la décision : Le 27 juillet 2022
Numéro de dossier : GE-22-1559

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] Le prestataire a démontré qu’il était fondé (autrement dit, qu’il avait une raison acceptable selon la loi) à quitter son emploi lorsqu’il l’a fait. Le prestataire avait une justification parce que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas. Cela signifie qu’il n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] Le prestataire a quitté son emploi chez « X » le 6 août 2021. Le prestataire recevait déjà des prestations régulières d’assurance-emploi depuis le 4 octobre 2020. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons du départ du prestataire. Elle a décidé qu’il avait quitté volontairement (ou choisi de quitter) son emploi sans justification. La Commission a ensuite exclu indéfiniment le prestataire du bénéfice des prestations à partir du 1er août 2021. Du fait de l’exclusion, le prestataire a un trop payé de 2 800 $.

[4] Le prestataire est décédé le 17 mai 2022. Le 6 juillet 2022, le frère du prestataire (M. N. H.) a été officiellement informé par le Tribunal qu’il pouvait agir à titre de représentant du prestataire dans l’appel.

[5] Je dois déterminer si le prestataire a démontré qu’il n’avait aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi.

[6] La Commission affirme qu’au lieu de partir quand il l’a fait, le prestataire aurait pu consulter un médecin pour voir s’il était sécuritaire pour lui de travailler dans la cuisine de l’employeur.

[7] Le représentant du prestataire n’est pas d’accord et affirme que le prestataire n’a pas quitté son emploi. Le représentant du prestataire ajoute que le prestataire a refusé de travailler dans des conditions dangereuses. Il affirme en outre qu’en raison de la chaleur et de la mauvaise ventilation dans la cuisine, le prestataire avait des maux de tête et des rougeurs et se sentait fatigué.

Question que je dois examiner en premier

[8] Au cours d’une conférence préparatoire tenue le 6 juillet 2022, le frère du prestataire (M. H.) a demandé s’il pouvait agir comme représentant du prestataire et témoigner de vive voix à titre de témoin. J’ai informé M. H. qu’il pouvait agir à titre de représentant et de témoin. Plus précisément, j’ai informé le représentant du prestataire que nous commencerions par la partie de l’audience relative à la preuve et que nous procéderions ensuite aux observations orales.

[9] Avant le début de l’audience le 26 juillet 2022, le représentant du prestataire a indiqué que sa caméra ne fonctionnait pas pour l’audience par vidéoconférence. J’ai suggéré de tenir une audience par téléconférence. Le représentant du prestataire a accepté de tenir une audience par téléconférence.

Question en litige

[10] Le prestataire est-il exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification?

[11] Pour répondre à cette question, je dois d’abord examiner la question du départ volontaire du prestataire. Je dois ensuite décider si le prestataire était fondé à quitter son emploi.

Analyse

Les parties ne s’entendent pas sur le fait que le prestataire a volontairement quitté son emploi

[12] Le représentant du prestataire a fait valoir que le prestataire n’avait pas quitté son emploi, mais avait refusé de travailler dans des conditions dangereuses. La Commission soutient que le prestataire a quitté son emploi le 6 août 2021.

[13] Je constate que le prestataire n’a pas présenté de lettre de démission officielle. Je reconnais en outre que le représentant du prestataire a fait valoir que le prestataire serait retourné chez l’employeur si les conditions de travail dangereuses avaient été réglées. Néanmoins, le prestataire a pris personnellement la décision de cesser de travailler le 6 août 2021. Par conséquent, j’accepte le fait que le prestataire a volontairement quitté son emploi.

Les parties ne s’entendent pas sur le fait que le prestataire avait une justification

[14] Les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi lorsqu’il l’a fait.

[15] La loi prévoit qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 1. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que la personne était fondée à le faire.

[16] La loi explique ce qu’elle entend par « justification ». Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi au moment où elle l’a fait. Elle précise qu’il faut tenir compte de toutes les circonstancesNote de bas de page 2.

[17] Il appartient au prestataire de démontrer qu’il avait une justification. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable que le contraire que sa seule solution raisonnable était de quitter son emploiNote de bas de page 3.

[18] Pour décider si le prestataire était fondé à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances qui existaient lorsqu’il a quitté son emploi. La loi énonce certaines des circonstances que je dois examinerNote de bas de page 4.

[19] Une fois que j’aurai déterminé les circonstances qui s’appliquent au prestataire, il devra démontrer que son départ était la seule solution raisonnable à ce moment-làNote de bas de page 5.

Les circonstances du départ du prestataire

[20] Le témoin soutient que l’une des circonstances énoncées dans la loi s’applique en l’espèce. Plus précisément, le témoin affirme que les conditions de travail du prestataire constituaient un danger pour sa santé et sa sécurité.

[21] J’accepte le témoignage du témoin sur cette question parce que ses déclarations étaient franches et conformes aux déclarations du prestataire à la Commission dans le dossier d’appel. Bref, la cuisine où travaillait le prestataire n’était pas bien ventilée et la chaleur excessive (et les émanations) affectait sa santé. Je constate que la Commission a fait valoir que la déclaration initiale du prestataire selon laquelle il a quitté son emploi parce que la cuisine était trop chaude pour lui à son âge était [traduction] « plus crédible » que sa déclaration selon laquelle il a quitté son emploi parce que la ventilation ne fonctionnait pas. Néanmoins, la chaleur excessive dans la cuisine et la mauvaise ventilation étaient interreliées. Autrement dit, la mauvaise ventilation (ou la ventilation qui ne fonctionnait pas) a causé une chaleur et des émanations excessives.

[22] Je reconnais également que la Commission a soutenu que la déclaration de l’employeur selon laquelle il était illégal d’avoir une ventilation défectueuse [traduction] « semblait crédible ». Toutefois, je préfère le témoignage du témoin selon lequel le système de ventilation dans la cuisine de l’employeur ne fonctionnait pas correctement, parce qu’il a parlé directement au prestataire de ce problème à plusieurs reprises en juin 2021 et en juillet 2021. En outre, l’affirmation du témoin sur cette question était plausible et franche.

[23] En résumé, les circonstances qui existaient lorsque le prestataire a quitté son emploi étaient que ses conditions de travail étaient dangereuses et affectaient sa santé personnelle.

Le prestataire n’avait pas d’autre solution raisonnable

[24] Je dois maintenant décider si le prestataire n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi au moment où il l’a fait.

[25] Le représentant du prestataire affirme que le prestataire n’avait pas d’autre solution raisonnable parce qu’il éprouvait des problèmes de santé en raison de conditions de travail dangereuses.

[26] La Commission est en désaccord et affirme que le prestataire aurait pu consulter un médecin pour voir s’il était sécuritaire pour lui de travailler dans la cuisine de l’employeur.

[27] Je conclus que le prestataire n’avait pas d’autre solution raisonnable que de partir parce qu’il souffrait de problèmes médicaux en raison de la mauvaise ventilation dans la cuisine de l’employeur. Plus précisément, le prestataire souffrait de fatigue grave, de maux de tête et de rougeurs. Je constate que la Commission a fait valoir que le prestataire aurait pu consulter un médecin pour voir s’il était sécuritaire pour lui de travailler dans la cuisine de l’employeur. Toutefois, le prestataire n’avait pas accès à un médecin à ce moment-là (en août 2021). De plus, le prestataire a été hospitalisé deux mois après avoir quitté son emploi et a reçu un diagnostic de trouble neurocognitif.

Témoignage supplémentaire de la Commission

[28] Je remarque que la Commission a également fait valoir que le prestataire aurait pu appeler la commission des relations de travail pour qu’elle examine le problème de ventilation. Toutefois, j’estime crédible le témoignage du témoin selon lequel le prestataire ne croyait pas qu’il lui incombait de communiquer avec la commission des relations de travail. J’accepte le témoignage du témoin sur cette question parce que ses déclarations étaient plausibles et franches. Bref, je ne peux tout simplement pas conclure que la communication avec la commission des relations de travail était une solution raisonnable pour le prestataire en raison de ses capacités de communication limitées et de ses problèmes médicaux à l’époque. 

[29] Compte tenu des circonstances existantes lorsque le prestataire a quitté son emploi, le prestataire n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi au moment où il l’a fait, pour les raisons susmentionnées.

[30] Cela signifie que le prestataire était fondé à quitter son emploi.

Conclusion

[31] Je conclus que le prestataire n’est pas exclu du bénéfice des prestations.

[32] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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