Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 960

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission d’en appeler

Partie demanderesse : M. N.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 24 août 2022 (GE-22-998)

Membre du Tribunal : Charlotte McQuade
Date de la décision : Le 29 septembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-628

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Décision

[1] Je refuse la permission de faire appel. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] M. N. est la prestataire. Elle travaillait de la maison comme coordonnatrice des soins palliatifs pour un organisme de soins de santé. L’employeur de la prestataire l’a mise en congé sans solde et l’a ensuite congédiée parce qu’elle ne s’était pas conformée à sa politique de vaccination contre la COVID-19.

[3] La prestataire a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi, mais la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a refusé de lui verser ces prestations parce qu’elle a décidé qu’elle avait été congédiée pour inconduite.

[4] La prestataire a interjeté appel à la division générale du Tribunal qui a rejeté l’appel. La division générale a décidé que la prestataire avait d’abord été suspendue, puis congédiée pour inconduite.

[5] La prestataire demande maintenant d’en appeler de cette décision à la division d’appel du Tribunal. Toutefois, elle doit obtenir la permission pour que son appel puisse aller de l’avant. La prestataire soutient que la division générale a manqué à l’équité procédurale, a commis une erreur de droit et de compétence et a fondé sa décision sur une erreur de fait.

[6] Je refuse la permission de faire appel, car je suis convaincue que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès. Cela signifie que l’appel de la prestataire ne peut aller de l’avant.

Questions en litige

[7] Peut-on soutenir que la division générale a commis des erreurs susceptibles de contrôle lorsqu’elle a décidé que la prestataire avait été suspendue et congédiée pour inconduite?

Analyse

[8] La division d’appel a un processus en deux étapes. D’abord, la partie prestataire doit obtenir la permission de faire appel. Si la permission est refusée, l’appel s’arrête là. Si la permission est accordée, l’appel passe à la deuxième étape. La deuxième étape consiste à décider du bien-fondé de l’appel.

[9] Je dois rejeter la demande de permission d’en appeler si je suis convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 1.

[10] La loi dit que je peux seulement considérer certains types d’erreursNote de bas de page 2. Les erreurs sont les suivantes :

  • Le processus d’audience de la division générale n’était d’aucune façon équitable.
  • La division générale a commis une erreur de compétence (elle n’a pas tranché une question qui aurait dû l’être ou elle s’est prononcée sur une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher).
  • La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  • La division générale a commis une erreur de droit.

[11] Une chance raisonnable de succès signifie qu’il existe une preuve défendable selon laquelle la division générale pourrait avoir commis au moins une de ces erreursNote de bas de page 3.

Contexte

[12] La prestataire travaillait de la maison comme coordonnatrice des soins palliatifs pour un organisme de soins de santé. Elle était une employée syndiquée.

[13] Le 17 août 2021, le médecin hygiéniste en chef de l’Ontario a émis une directive en vertu de l’article 77.7 de la Loi sur la protection et la promotion de la santé (directive no 6). Cette directive obligeait divers fournisseurs de soins de santé à instaurer une politique de vaccination d’ici le 7 septembre 2021Note de bas de page 4.

[14] En réponse à la directive no 6, l’employeur de la prestataire a instauré une politique en vertu de laquelle tous les employés devaient se faire vacciner contre la COVID-19Note de bas de page 5. La politique permettait des exemptions à la vaccination pour des raisons médicales valides conformément aux exigences de la directive no 6 et pour des motifs valables fondés sur les droits de la personne avec une preuve acceptable pour l’employeur et conformément au Code des droits de la personne de l’OntarioNote de bas de page 6.

[15] La politique exigeait que tous les employés déclarent leur statut vaccinal en sélectionnant une des quatre options. La première option permettait d’indiquer qu’une dose avait été reçue et qu’une deuxième devait être reçue au plus tard le 31 octobre 2021. La deuxième option permettait d’indiquer que deux doses avaient été reçues. La troisième option était pour signaler ne pas être en mesure de se faire vacciner pour des raisons médicales, ce qui exigeait la présentation de documents répondant aux critères de la directive no 6.

4) La quatrième option concernait les motifs fondés sur les droits de la personne. Il était énoncé ce qui suit :

[traduction]
« 4 Je ne suis pas en mesure de me faire vacciner pour le moment pour des motifs fondés sur les droits de la personne (y compris pour des motifs religieux : une documentation acceptable pour (l’employeur) doit être fournie). »

[16] La politique exigeait que les employés ayant choisi l’option 4 participent au module d’apprentissage en ligne sur la COVID-19 prescrit par l’employeur intitulé [traduction] « prendre une décision éclairée concernant le vaccin contre la COVID-19Note de bas de page 7 ». De plus, tous les employés qui avaient déclaré ne pas avoir reçu deux doses devaient subir des tests rapides de détection d’antigène conformément à la politiqueNote de bas de page 8.

[17] La politique prévoyait des mesures disciplinaires en cas de non-respect de la politique. Il était mentionné : [traduction] « Les employés qui ne se conforment pas à la présente politique ou aux exigences de la directive no 6 feront l’objet de mesures disciplinaires progressives pouvant aller jusqu’à un congé sans solde ou un congédiementNote de bas de page 9 ».

[18] La prestataire a choisi l’option 4 et a demandé une exemption de vaccination fondée sur ses croyancesNote de bas de page 10.

[19] L’employeur de la prestataire a refusé sa demande d’exemption au motif que la politique n’entravait aucune croyance religieuse énoncée dans sa demande et que toute ingérence serait justifiée compte tenu des circonstances uniques dans lesquelles ils travaillaientNote de bas de page 11.

[20] Après avoir appris que sa demande d’exemption avait été refusée, la prestataire a continué de refuser la vaccination. Le 1er octobre, la prestataire a été suspendue à compter du 4 octobre 2021. Elle a été informée qu’il était attendu qu’elle se conforme à la politique avant le 15 octobre 2021 et, tant qu’elle ne respecterait pas la politique, elle demeurera en congé sans solde et fera l’objet d’autres mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiementNote de bas de page 12. La prestataire a été congédiée le 1er novembre 2021 pour ne pas s’être conformée à la politique au plus tard le 31 octobre 2021Note de bas de page 13.

[21] La prestataire a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi après sa suspension. La prestataire a dit à la Commission qu’elle avait refusé le vaccin, car il était expérimental et violait ses droits de la personne fondés sur les croyancesNote de bas de page 14. La Commission a décidé que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite et l’a exclue du bénéfice des prestations à compter du 3 octobre 2021.

[22] La prestataire a interjeté appel de la décision de la Commission à la division générale du Tribunal, qui a rejeté l’appel. La division générale a décidé que la prestataire avait été suspendue le 4 octobre 2021 et congédiée le 31 octobre 2021, tous deux pour inconduite.

[23] La prestataire demande maintenant la permission d’en appeler de cette décision à la division d’appel. Elle affirme que la division générale a manqué à l’équité procédurale, a fondé sa décision sur une erreur de fait importante et a commis une erreur de droit et de compétence. Je comprends que ses arguments sont les suivants :

  • La division générale a mal appliqué le critère relatif à l’inconduite parce qu’elle n’a pas appliqué les quatre éléments requis pour démontrer l’inconduite tirés du Guide de la détermination de l’admissibilité (Guide) de la Commission, auquel la prestataire s’est référée dans ses observationsNote de bas de page 15.
  • La division générale a commis une erreur de droit en concluant que le défaut de la prestataire de se conformer à la politique de vaccination a entravé ses fonctions auprès de l’employeur, étant donné qu’elle travaillait de la maison.
  • La division générale a commis une erreur de droit en omettant de considérer que la politique de l’employeur était déraisonnable en exigeant la vaccination dans sa situation, étant donné qu’elle travaillait de la maison.
  • La division générale a commis une erreur de droit ou a fondé sa décision sur une erreur de fait importante en omettant de tenir compte de tous les faits pertinents lorsqu’elle a décidé que la prestataire avait volontairement choisi de ne pas se conformer à la politique de l’employeur pour des raisons personnelles. Plus précisément, la division générale n’a pas tenu compte de ce qui suit :
    1. 1) la prestataire exerçait son droit de refuser le vaccin par crainte de causer un préjudice à son corps et de nuire à son bien-être spirituel;
    2. 2) l’employeur n’a pris aucune mesure d’adaptation à son égard en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario et avait décidé au préalable qu’il n’accorderait pas d’exemptions;
    3. 3) la politique de l’employeur contrevenait aux lois sur le consentement éclairé, à la Charte et à d’autres lois;
    4. 4) la politique de l’employeur contrevenait à la convention collective.
  • La division générale a fondé sa décision selon laquelle elle avait été suspendue et congédiée pour inconduite sur une conclusion de fait erronée selon laquelle la politique de l’employeur respectait les exigences de la directive no 6. La prestataire soutient que, selon la directive no 6, les employeurs devaient élaborer une politique de vaccination comportant une troisième option pour permettre la tenue de tests et de séances de sensibilisation, ce qui n’était pas offert en vertu de la politique de son employeur.
  • La division générale a manqué à l’équité procédurale parce que la décision de la division générale d’être d’accord avec la Commission démontrait une motivation politique injusteNote de bas de page 16.

Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur susceptible de révision

Décision de la division générale

[24] La division générale devait décider si la prestataire a été suspendue et a ensuite perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 17.

[25] La division générale a conclu que la raison pour laquelle la prestataire a été mise en congé sans solde le 4 octobre 2021, puis congédiée le 31 octobre 2021, était parce qu’elle ne s’était pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeurNote de bas de page 18.

[26] La division générale a également conclu que la prestataire était au courant de la politique de l’employeur et qu’elle avait eu suffisamment de temps pour se conformer après avoir été informée que son exemption fondée sur ses croyances avait été refusée le 30 septembre 2021Note de bas de page 19.

[27] La division générale a décidé que la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur est devenue une condition du maintien de l’emploi de la prestataire et qu’elle a enfreint cette condition lorsqu’elle a choisi de ne pas se conformer à la politiqueNote de bas de page 20.

[28] La division générale a décidé que la prestataire a agi volontairement lorsqu’elle a choisi de ne pas se conformer à la politique pour des raisons personnelles.

[29] La division générale a conclu que la prestataire savait ou aurait dû savoir que les conséquences de ne pas se conformer à la politique entraîneraient un congé sans solde et un congédiement, car les conséquences étaient énoncées dans la politique et avaient été communiquées à la prestataire par l’employeur lorsqu’elle a été mise en congé le 4 octobre 2021. La division générale a conclu que la prestataire aurait dû savoir que l’employeur allait donner suite au congédiement lorsqu’elle a été mise en congé sans solde obligatoireNote de bas de page 21.

Il est impossible de soutenir que la division générale a mal interprété le critère relatif à l’inconduite

[30] Il est impossible de soutenir que la division générale a mal interprété la loi relative à l’inconduite.

[31] La prestataire soutient que la division générale n’a pas appliqué le bon critère juridique relatif à l’inconduite, car elle n’a pas appliqué les quatre éléments requis relativement à l’inconduite décrits dans le Guide de la CommissionNote de bas de page 22.

[32] Toutefois, comme la division générale l’a souligné, le Guide n’est pas une loi, mais il énonce des lignes directrices pour l’interprétation du droit, comme il a été déterminé par la Commission. La division générale doit suivre la loi.

[33] Le critère relatif à l’inconduite est établi en droit. La division générale a énoncé ce critèreNote de bas de page 23. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être volontaire, consciente, délibérée ou intentionnelleNote de bas de page 24. L’inconduite comprend aussi une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 25.

[34] La Cour d’appel fédérale a mentionné, en d’autres termes, que l’inconduite existe lorsqu’un prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédiéNote de bas de page 26.

[35] La division générale a appliqué ce critère. La division générale a examiné si les actes de la prestataire en refusant de se conformer à la politique étaient délibérés. La division générale a décidé que c’était le cas parce que la prestataire était au courant de la politique de vaccination de l’employeur et qu’elle avait le temps de se conformer à la politique, mais qu’elle ne l’a pas fait pour des raisons personnelles.

[36] La division générale a décidé que la prestataire savait ou aurait dû savoir que les conséquences de ne pas se conformer entraîneraient une suspension sans solde et un congédiement, car ces conséquences étaient énoncées dans la politique et communiquées à la prestataire lorsqu’elle a été suspendue le 4 octobre 2021. Ses actes correspondaient donc à de l’inconduite.

[37] La prestataire affirme que la division générale a négligé le fait qu’elle travaillait de la maison lorsqu’elle a décidé que le défaut de se conformer à la politique aurait entravé ses fonctions. Elle affirme que le fait de ne pas se conformer à la politique n’aurait pas nui à sa capacité d’exercer ses fonctions.

[38] Toutefois, les obligations envers un employeur ne se limitent pas à l’exercice de fonctions liées au travail. Selon la loi, l’inconduite comprend un manquement à une obligation expresse ou implicite découlant du contrat de travailNote de bas de page 27. Une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduiteNote de bas de page 28.

[39] La division générale a décidé que le respect de la politique était une condition du maintien de l’emploi de la prestataireNote de bas de page 29. Cette conclusion de fait respectait les modalités de la politique selon lesquelles les employés qui ne se conformaient pas à la politique ou aux exigences de la directive no 6 feraient l’objet de mesures disciplinaires progressives pouvant aller jusqu’à un congé sans solde ou à un congédiementNote de bas de page 30.

[40] Par conséquent, il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait manqué à une obligation envers son employeur, même si elle travaillait de la maison. La prestataire a manqué à son devoir de se conformer à la politique de vaccination, qui était une condition du maintien de son emploi. La question de savoir si la prestataire travaillait ou non de la maison n’était pas pertinente.

[41] La prestataire affirme que la division générale n’a pas tenu compte du fait qu’il n’était pas raisonnable que la politique s’applique à sa situation, étant donné qu’elle travaillait de la maison.

[42] Il est impossible de soutenir que la division générale était tenue de tenir compte du caractère raisonnable de la politique de l’employeur. Plusieurs raisons expliquent cette situation. Premièrement, comme je l’ai mentionné précédemment, un manquement à une obligation expresse ou implicite découlant du contrat de travail, sachant que ce manquement pourrait entraîner un congédiement, est suffisant pour constituer une inconduite. Le critère juridique de l’inconduite ne demande pas au décideur d’examiner l’obligation ou la politique et de décider s’il était raisonnable pour l’employeur d’imposer cette obligation ou cette politique.

[43] Deuxièmement, lorsqu’il s’agit d’établir si la politique était raisonnable, l’enquête porte plutôt le comportement de l’employeur plutôt que celui de l’employé. Toutefois, les tribunaux ont affirmé que c’est la conduite de l’employé qui est en cause lorsqu’il s’agit de décider s’il y a eu inconduite, et non la conduite de l’employeurNote de bas de page 31. Le caractère raisonnable de la politique ne peut donc être pris en considération.

[44] Il est impossible de soutenir que la division générale n’a pas tenu compte de tous les faits pertinents lorsqu’elle a décidé que la conduite de la prestataire était délibérée.

[45] Comme il est mentionné ci-dessus, pour qu’il y ait inconduite, il doit y avoir un élément psychologique de caractère délibéré de la part de la prestataire ou la conduite doit être si négligente ou insouciante qu’elle frôle le caractère délibéré. Le caractère délibéré exige généralement que la prestataire ait agi consciemment, délibérément ou intentionnellement.

[46] Le comportement d’un employeur peut être pertinent, dans certaines situations, pour décider si le refus d’un employé de suivre une directive de son employeur est délibéréNote de bas de page 32. Par exemple, la conduite d’un employeur, comme savoir si l’employeur a communiqué la politique à un employé, s’il lui a donné le temps de se conformer à la politique ou s’il lui a fait part des conséquences d’une violation de cette politique, serait pertinente pour décider si la conduite d’un employé était délibérée.

[47] La prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu compte du fait pertinent que son employeur a indûment refusé sa demande d’exemption fondée sur les droits de la personne et n’a pas pris de mesures d’adaptation à son égard.

[48] Toutefois, il existe des directives très précises de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale selon lesquelles la question de savoir si un employeur a omis de prendre des mesures d’adaptation à l’égard d’un employé en vertu de la loi sur les droits de la personne n’est pas pertinente concernant la question de l’inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). C’est parce que ce n’est pas la conduite de l’employeur qui est en cause et qu’une telle question peut être traitée dans d’autres instancesNote de bas de page 33.

[49] Cette loi lie le Tribunal. Cela signifie que la question de savoir si l’employeur a indûment refusé la demande de mesures d’adaptation de la prestataire ou s’il a omis de prendre des mesures d’adaptation adéquates à son égard n’est pas le type de conduite de l’employeur dont la division générale aurait pu tenir compte lorsqu’elle a décidé si la conduite de la prestataire était délibérée.

[50] Je remarque qu’il ne faisait aucun doute que la politique de l’employeur exigeant la vaccination s’appliquait à la prestataire étant donné que la politique conférait à l’employeur le pouvoir discrétionnaire précis de décider si la prestataire satisfait à une exemption relative aux droits de la personne et que l’employeur avait refusé sa demandeNote de bas de page 34.

[51] La prestataire soutient également que la division générale n’a pas tenu compte du fait pertinent que la politique de l’employeur a enfreint les lois sur le consentement au traitement. Plus précisément, elle fait valoir qu’elle exerçait son droit de refuser la vaccination par crainte de causer un préjudice à son corps et de nuire à son bien-être spirituel.

[52] Elle affirme également que la division générale n’a pas tenu compte du fait pertinent que la politique violait d’autres lois. Dans ses observations à la division générale, la prestataire a fait valoir que la politique de l’employeur violait de nombreuses lois comme le Code criminel, les lois sur la protection des renseignements personnels, la Charte, les lois sur les droits de la personne et la Loi sur la santé et la sécurité au travail.

[53] La prestataire soutient en outre que la division générale n’a pas tenu compte du fait pertinent que la politique violait la convention collective.

[54] Il est impossible de soutenir que l’une ou l’autre de ces questions était pertinente concernant la question que la division générale devait trancher.

[55] La division générale a décidé que son rôle était de trancher l’inconduite en vertu de la Loi sur l’AE, et non de savoir si l’employeur a omis de prendre des mesures d’adaptation à son égard ou si la politique a violé les lois sur le consentement, d’autres lois ou la convention collective ou si elle a été congédiée injustementNote de bas de page 35. La division générale a invoqué la jurisprudence de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale selon laquelle le Tribunal n’était pas la tribune appropriée pour trancher ces questionsNote de bas de page 36.

[56] Comme il est mentionné ci-dessus, la question du caractère délibéré consiste à savoir si la prestataire a refusé de se conformer à la politique de l’employeur, sachant que le refus pourrait entraîner la perte de l’emploi.

[57] La division générale n’a pas tenu compte du témoignage de la prestataire selon lequel elle ne pensait pas être congédiée parce qu’elle était protégée par le syndicat et la convention collective. Toutefois, la division générale n’était pas convaincue que c’était le cas parce que la prestataire a également affirmé que le syndicat lui avait dit qu’il ne pouvait pas intervenir auprès de l’employeur tant qu’ils n’étaient pas tous congédiés. La division générale a conclu que la prestataire savait qu’elle devait être congédiée pour obtenir de l’aide de son syndicatNote de bas de page 37.

[58] La preuve devant la division générale était que la prestataire croyait que la politique de l’employeur violait de nombreuses lois et violait les modalités de sa convention collective. En effet, après son congédiement, le syndicat de la prestataire a déposé un grief contre l’employeur pour contester le congédiement de la prestataire et a affirmé que l’employeur avait contrevenu à la directive no 6, à diverses dispositions de la convention collective, à la Loi sur la santé et la sécurité au travail, à la Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé, à la Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé, à la common law sur la protection de la vie privée et le consentement au traitement, au Code des droits de la personne et à l’article 7 de la CharteNote de bas de page 38 .

[59] Toutefois, la prestataire savait qu’il était possible qu’elle soit suspendue et congédiée si elle refusait de se conformer à la politique et décidait de contester la légalité de la politique et si la politique violait la convention collective. La prestataire a délibérément choisi de prendre ce risque même si elle connaissait les conséquences possibles. Toutefois, il ne s’agit pas du type de perte d’emploi pour lequel des prestations d’assurance-emploi sont censées être verséesNote de bas de page 39. La division générale n’avait d’autre choix que de conclure que la conduite de la prestataire constituait une inconduite.

[60] Les arguments présentés par la prestataire à la division générale au sujet de la politique elle-même sont essentiellement des allégations selon lesquelles l’employeur l’a suspendue et congédiée à tort en invoquant une politique qui était illégale, discriminatoire et violait la convention collective.

[61] Toutefois, il est clairement établi en droit que les questions de savoir si la prestataire a été suspendue ou si elle a été congédiée à tort par son employeur ne sont pas des questions pertinentes concernant le critère relatif à l’inconduiteNote de bas de page 40. Il est donc impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit ou de compétence en refusant d’examiner ces questions.

Il est impossible de soutenir que la division générale a fondé sa décision selon laquelle la prestataire avait été suspendue puis congédiée pour inconduite sur une conclusion de fait erronée selon laquelle la politique de l’employeur respectait la directive no 6

[62] La division générale n’a pas fondé sa décision selon laquelle la prestataire a été suspendue et a perdu son emploi en raison d’une inconduite sur une conclusion de fait erronée selon laquelle la politique de l’employeur respectait la directive no 6.

[63] La division d’appel ne peut intervenir que pour certains types d’erreurs de fait. Pour intervenir, la division générale doit avoir fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 41.

[64] La prestataire soutient que, selon la directive no 6, les employeurs devaient élaborer une politique de vaccination comportant une troisième option pour permettre la tenue de tests et de séances de sensibilisation, ce qui n’était pas offert en vertu de la politique de son employeur. Elle fait valoir que la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a décidé que la politique respectait la directive no 6.

[65] La division générale a décidé que la politique de l’employeur respectait la directive no 6 parce que celle-ci donnait à l’employeur le pouvoir discrétionnaire de décider s’il voulait permettre aux employés de procéder à des tests de dépistage rapides, de fournir une preuve selon laquelle une séance de sensibilisation a été suivie et, en fin de compte, de décider des conséquences du non-respectNote de bas de page 42.

[66] Je ne vois aucune erreur de fait défendable dans cette conclusion.

[67] À cet égard, la directive no 6 prévoit que la politique de vaccination doit exiger des employés qu’ils fournissent 1a) la preuve d’une vaccination complète, ou 1b) la preuve écrite d’une raison médicale ou 1c) la preuve d’avoir suivi une séance de sensibilisation approuvée par l’organisation visée sur les avantages de la vaccination contre la COVID-19 avant de refuser la vaccination pour toute raison autre que médicale.

[68] Toutefois, le paragraphe 2 de la directive no 6 stipule que l’organisation visée peut décider de supprimer l’option prévue au paragraphe 1c) et exiger que tous les employés fournissent la preuve demandée au paragraphe 1a) ou 1b). Selon le paragraphe 3, lorsque l’option prévue au paragraphe 1c) a été supprimée, l’employeur doit mettre à la disposition de tous les employés une séance de sensibilisationNote de bas de page 43.

[69] Autrement dit, la directive no 6 n’exigeait pas des employeurs qu’ils offrent l’option prévue au paragraphe 1c) comme solution de rechange à la vaccination. Elle exigeait qu’une séance de sensibilisation soit offerte à tous les employés si l’option prévue au paragraphe 1c) était supprimée.

[70] La politique de l’employeur prévoyait une séance de sensibilisation. La politique prévoyait un module d’apprentissage en ligne sur la COVID-19 : [traduction] « prendre une décision éclairée concernant le vaccin contre la COVID-19 » qui était mis à la disposition de tous les employésNote de bas de page 44. La prestataire a soutenu devant la division générale que, en fait, ce module ne lui avait pas été offert. Il s’agit toutefois d’une question différente de celle de savoir si la politique prévoit la séance de sensibilisation.

[71] La conclusion de la division générale selon laquelle la politique de l’employeur respectait la directive no 6 était compatible avec la preuve dont elle disposait.

[72] Même si la division générale avait eu tort concernant la question de savoir si la politique respectait la directive no 6, il est impossible de soutenir que la division générale a fondé sa décision selon laquelle la conduite de la prestataire constituait une inconduite sur ce fait.

[73] La conclusion de la division générale selon laquelle la prestataire avait commis une inconduite était fondée sur le fait qu’elle avait refusé de se conformer à la politique, sachant qu’elle pourrait être suspendue et congédiéeNote de bas de page 45.

Il est impossible de soutenir que la division générale n’a pas respecté l’équité procédurale

[74] Il est impossible de soutenir que la division générale a manqué à l’équité procédurale en arrivant à un résultat que la prestataire juge injuste.

[75] La prestataire fait valoir que la division générale a manqué à l’équité procédurale, car sa décision d’être d’accord avec la Commission a démontré une motivation politique injuste.

[76] La prestataire semble soutenir que le décideur était partial.

[77] Une allégation de partialité est une allégation grave. Selon la loi, une telle allégation ne peut reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou encore de simples impressionsNote de bas de page 46.

[78] La partialité concerne un décideur qui n’aborde pas la prise de décision avec un esprit ouvert.

[79] Le critère juridique pour établir la partialité consiste à déterminer si une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, en arriverait à une conclusion selon laquelle, selon toute vraisemblance, consciemment ou non, le ou la membre de la division générale ne rendrait pas une décision justeNote de bas de page 47.

[80] La prestataire n’a présenté aucune preuve à l’appui de son allégation.

[81] J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale. L’enregistrement permet de constater que la membre a offert à la prestataire la pleine possibilité de présenter sa cause. La membre a offert à la prestataire des options quant à la façon dont elle voulait présenter sa cause et, quand la prestataire a souhaité lire une déclaration qu’elle avait préparée, elle l’a autorisée à le faire.

[82] La membre de la division générale a écouté attentivement le témoignage de la prestataire et a posé des questions pour préciser la situation au besoin. Il a été dit à la prestataire qu’elle pouvait dépasser le temps alloué à l’audience, au besoin, pour présenter sa cause et l’audience a duré près de deux heures. À la fin de l’audience, la prestataire a eu la possibilité de présenter des observations finales et de fournir un document après l’audience.

[83] Il n’y a absolument rien qui prouve que la membre a jugé l’affaire d’avance ou qu’elle n’a pas abordé le processus décisionnel de façon équitable. En fait, à la fin de l’audience, la prestataire a remercié la membre d’avoir fait preuve d’une si bonne écoute et d’un très grand professionnalisme et lui a dit qu’elle était bien outillée pour l’emploiNote de bas de page 48.

[84] Une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon raisonnable et pratique, n’en arriverait pas à une conclusion selon laquelle la division générale, selon toute vraisemblance, ne rendrait pas une décision juste. L’allégation de la prestataire semble seulement un désaccord avec le résultat. Un désaccord avec le résultat obtenu ne suffit pas pour constituer de la partialité.

[85] Il est impossible de soutenir que la division générale a manqué à l’équité procédurale. La prestataire n’a signalé aucun autre type d’iniquité procédurale autre que son désaccord avec le résultat et je ne vois aucune preuve d’iniquité procédurale.

Conclusion

[86] Outre les arguments de la prestataire, j’ai examiné l’ensemble du dossier et la décision et j’ai écouté la bande audio de l’audience de la division générale. Je suis convaincue que la division générale n’a pas négligé ou mal interprété une preuve importante lorsqu’elle a décidé que la prestataire avait été suspendue et avait perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 49.

[87] Je refuse la permission de faire appel. Il est impossible de soutenir que la division générale a commis des erreurs susceptibles de contrôle. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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