Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : TD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 974

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : T. D.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (459998) rendue le 15 mars 2022 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Amanda Pezzutto
Date de la décision : Le 14 juillet 2022
Numéro de dossier : GE-22-1319

Sur cette page

Décision

[1] T. D. est la prestataire. La Commission de l’assurance-emploi du Canada dit que la prestataire ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi. La prestataire n’est pas d’accord avec cette décision. Elle fait donc appel au Tribunal de la sécurité sociale.

[2] Je rejette l’appel de façon sommaire. L’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès. La prestataire n’a présenté aucun argument et aucun élément de preuve qui me permettrait d’accueillir son appel.

Aperçu

[3] La prestataire travaillait comme infirmière. À la suite d’une ordonnance émise par la santé publique provinciale, son employeur a exigé que tout le personnel soit vacciné contre la COVID-19 au plus tard le 25 octobre 2021. La prestataire ne s’est pas fait vacciner avant la date limite fixée par l’employeur. Il l’a donc suspendue, puis congédiée le 19 novembre 2021.

[4] La prestataire avance qu’elle n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle fait remarquer que son employeur n’avait pas de politique officielle sur la vaccination. Elle dit que sa convention collective ne contient aucune obligation de vaccination. Elle explique qu’elle s’oppose au vaccin parce qu’elle s’inquiète des risques qu’il pose.

[5] Selon la Commission, la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Selon elle, la prestataire savait que son employeur devait se conformer à une ordonnance provinciale de santé publique qui exigeait que tout le personnel soit vacciné contre la COVID-19. La Commission soutient que la prestataire savait qu’elle ne pourrait pas travailler sans le vaccin contre la COVID-19 ou sans une exemption autorisée.

Questions que je dois examiner en premier

[6] Avant de rejeter un appel de façon sommaire, je dois aviser la prestataire. Je dois lui accorder un délai raisonnable pour présenter des arguments sur la question du rejet sommaire de son appelNote de bas page 1.

[7] Le personnel du Tribunal a envoyé un courriel à la prestataire le 27 juin 2022. Dans cette correspondance, j’ai expliqué pourquoi j’envisageais de rejeter son appel de façon sommaire. Je lui ai demandé de répondre au plus tard le 7 juillet 2022.

[8] La prestataire a répondu à ma lettre en déposant de nouvelles observations. Je vais donc tenir compte de ces arguments supplémentaires pour rendre ma décision.

Question en litige

[9] Je dois décider s’il faut rejeter l’appel de la prestataire de façon sommaire. Pour trancher cette question, je dois décider si son appel a une chance raisonnable de succès.

Analyse

[10] Je dois rejeter un appel de façon sommaire s’il n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas page 2.

[11] On dit qu’un appel n’a « aucune chance raisonnable de succès » si, à la lecture du dossier, il est clair et évident qu’il est voué à l’échec. Il faut vérifier s’il existe des arguments ou des éléments de preuve qui permettraient à la prestataire de gagner sa cause si elle les présentait dans le cadre d’une audienceNote de bas page 3.

[12] La loi dit qu’on ne peut pas toucher de prestations d’assurance-emploi si l’on perd son emploi en raison d’une inconduite. Cette règle s’applique tant en cas de congédiement qu’en cas de suspensionNote de bas page 4.

[13] Une personne suspendue de son emploi en raison d’une inconduite n’est plus admissible aux prestations d’assurance-emploi. La période d’inadmissibilité se poursuit jusqu’à ce que l’une des choses suivantes se produise :

  • la suspension prend fin;
  • la personne perd son emploi ou démissionne;
  • elle occupe un autre emploi pendant un nombre d’heures suffisant pour qu’une nouvelle période de prestations soit établieNote de bas page 5.

[14] En cas de congédiement pour inconduite, on est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 6.

[15] Pour être une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. En d’autres termes, la conduite doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 7. Cela comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 8. Il n’est cependant pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de malNote de bas page 9).

[16] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit suspendue ou congédiée pour cette raisonNote de bas page 10.

[17] La Commission doit prouver que l’employeur a suspendu ou congédié la prestataire pour inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire que la Commission doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas page 11.

[18] La prestataire affirme qu’elle n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle dit que l’employeur n’avait pas de politique officielle sur la vaccination et que sa convention collective ne l’obligeait pas à se faire vacciner. Elle affirme que refuser un vaccin n’est pas une inconduite. Elle avance que son employeur ne voulait pas envisager une option qui lui permettrait de continuer à travailler sans recevoir le vaccin. Elle dit s’opposer au vaccin parce qu’elle s’inquiète des risques qu’il pose.

[19] La Commission affirme que la prestataire a cessé de travailler en raison d’une inconduite. Elle ajoute que la prestataire savait qu’il y avait une ordonnance provinciale de santé publique et que la vaccination contre la COVID-19 était obligatoire. Selon la Commission, la prestataire savait que l’employeur la mettrait en congé si elle ne respectait pas l’ordonnance provinciale.

[20] Je suis d’accord avec la Commission. Je conclus que le présent appel n’a aucune chance raisonnable de succès. En effet, la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite et il n’y a aucun argument ou élément de preuve qui pourrait m’amener à tirer une conclusion différente.

[21] Même si la prestataire affirme que l’employeur n’avait pas de politique sur la vaccination, je juge que les éléments de preuve au dossier d’appel montrent que l’employeur a clairement informé la prestataire de ses attentes à l’égard de la vaccination. Il lui a envoyé des lettres et l’a rencontrée à plusieurs reprises pour lui parler des attentes et des conséquences en cas de refus de se conformer.

[22] Voici les dates auxquelles l’employeur a communiqué avec la prestataire :

  • Le 24 septembre 2021 – L’employeur a envoyé une lettre à la prestataire pour l’aviser qu’il exigeait qu’elle se fasse vacciner contre la COVID-19. La lettre indique que la date limite est le 25 octobre 2021 et qu’il y aura des conséquences pour son emploi si elle ne remplit pas l’obligation.
  • Le 27 septembre 2021 – L’employeur a envoyé une lettre à la prestataire pour l’aviser qu’il exigeait qu’elle se fasse vacciner contre la COVID-19. La lettre précise qu’elle sera mise en congé non payé si elle ne remplit pas l’exigence.
  • Le 15 octobre 2021 – L’employeur a envoyé une lettre à la prestataire pour l’aviser qu’il exigeait qu’elle se fasse vacciner contre la COVID-19. La lettre indique qu’elle sera suspendue si elle ne remplit pas cette exigence le 25 octobre 2021 au plus tard. La lettre précise qu’elle sera congédiée si elle ne respecte toujours pas l’exigence au plus tard le 15 novembre 2021.
  • Le 27 octobre 2021 – L’employeur a rencontré la prestataire. Au cours de la rencontre, il l’a informée qu’il s’attendait à ce qu’elle soit vaccinée contre la COVID-19 au plus tard le 25 octobre 2021. L’employeur a alors avisé la prestataire qu’elle serait placée en congé non payé, puis congédiée si elle ne remplissait toujours pas l’exigence relative au vaccin le 15 novembre 2021.

[23] Par conséquent, même si l’employeur n’avait pas de politique écrite expliquant l’obligation vaccinale, je juge qu’il a clairement avisé la prestataire de ses attentes et des conséquences qui l’attendaient si elle ne s’y conformait pas. Les lettres et les rencontres me laissent croire que la prestataire devait connaître les attentes de son employeur.

[24] De plus, la prestataire a dit à la Commission qu’elle était au courant des attentes de l’employeur. Elle savait que l’employeur exigeait qu’elle se fasse vacciner contre la COVID-19. Elle savait qu’elle ne pourrait pas continuer à travailler après le 25 octobre 2021 sans être vaccinée. Elle savait qu’elle perdrait son emploi si elle ne respectait pas l’obligation vaccinale.

[25] Je ne peux pas décider si la politique de vaccination de l’employeur était raisonnable. Je ne décide pas si l’employeur aurait dû mettre des mesures d’adaptation en place pour la prestataire au lieu de la suspendre et de la congédierNote de bas page 12. La seule chose que j’examine sont les faits et gestes de la prestataire.

[26] Je ne décide pas non plus si les gestes de la prestataire constituent une inconduite au titre d’autres lois. Je ne peux pas décider si l’employeur a violé la convention collective de la prestataire. Je ne peux pas décider si l’employeur a enfreint les lois provinciales du travail lorsqu’il a suspendu et congédié la prestataire. Je peux seulement vérifier si les faits et gestes de la prestataire constituaient une inconduite au sens de la législation sur l’assurance-emploi.

[27] Je comprends que la prestataire souhaite participer à une audience. Mais la loi dit que je dois rejeter son appel de façon sommaire s’il n’a aucune chance raisonnable de succès.

[28] Et je juge qu’il est clair et évident que l’appel est voué à l’échec. En effet, la prestataire et la Commission s’entendent sur ce qui suit :

  • L’employeur a suspendu et congédié la prestataire parce qu’elle n’était pas vaccinée contre la COVID-19.
  • La prestataire savait que son employeur suivait une ordonnance émise par la santé publique provinciale pour obliger tout le personnel à se faire vacciner contre la COVID-19.
  • La prestataire a délibérément choisi de refuser le vaccin contre la COVID-19.
  • La prestataire savait que son employeur ne l’autoriserait pas à continuer de travailler si elle n’était pas vaccinée contre la COVID-19.

[29] En conséquence, je conclus que l’employeur a suspendu, puis congédié la prestataire pour inconduite. Je tire cette conclusion parce que ce sont les faits et gestes de la prestataire qui ont mené à sa suspension et, enfin, à son congédiement. Elle a agi de façon délibérée. Elle savait que sa conduite allait probablement lui faire perdre son emploi.

[30] Il n’y a aucun argument à faire valoir qui m’amènerait à tirer une autre conclusion. Aucune preuve potentielle ne pourrait changer ces faits. Son appel est voué à l’échec, peu importe les arguments ou les éléments de preuve qu’elle pourrait présenter à l’audience.

Conclusion

[31] Je conclus que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès. Je rejette donc son appel de façon sommaire.

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