Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 990

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d&rsvquo;appel

Décision

Parties appelante : R. G.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Anick Dumoulin

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 31 mars 2022 (GE-22-337)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 8 septembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’intimée

Date de la décision : Le 6 octobre 2022
Numéro de dossier : AD-22-246

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelant (le prestataire) a été suspendu de son emploi. L’employeur a affirmé que le prestataire a été suspendu parce qu’il a refusé de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 (politique) de l’employeur. La politique exigeait que les employés divulguent leur statut vaccinal et qu’ils soient entièrement vaccinés avant une date déterminée. Ils pouvaient être suspendus s’ils ne se conformaient pas à la politique.

[3] Le prestataire a refusé de s’y conformer parce qu’il était d’avis que la politique était déraisonnable, surtout dans sa situation. Il travaillait de la maison depuis plusieurs années et avait signé un contrat pour continuer à travailler de la maison jusqu’au 30 décembre 2022. Il ne présentait aucun risque pour ses collègues ni pour les membres du public. Il a le droit de faire en sorte que ses renseignements personnels sur sa santé demeurent confidentiels et n’a aucune obligation de les divulguer à l’employeur. Sa suspension était donc injustifiée. Le prestataire a soutenu qu’il devrait recevoir des prestations d’assurance-emploi parce qu’il n’a pas été suspendu en raison de son inconduite.

[4] L’intimée (la Commission) a établi que le prestataire avait été mis en congé en raison d’une inconduite de sorte qu’elle n’était pas en mesure de lui verser des prestations. Après le rejet de sa demande de révision, le prestataire a interjeté appel à la division générale.

[5] La division générale a conclu que le prestataire a refusé de se conformer à la politique. Elle a estimé que la politique s’appliquait au prestataire même s’il travaillait de la maison. Elle a conclu que le prestataire savait que l’employeur était susceptible de le suspendre dans ces circonstances et que son refus était volontaire, conscient et délibéré. La division générale a conclu que le prestataire a été mis en congé en raison de son inconduite.

[6] La division d’appel a accordé au prestataire la permission d’en appeler. Le prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu compte du fait qu’il travaillait de la maison et qu’il était expressément mentionné sur le site Web de la Commission que le défaut de se conformer à une politique de vaccination ne fait pas nécessairement en sorte qu’une personne est inadmissible aux prestations si l’application de la politique à sa situation était déraisonnable dans son contexte professionnel.

[7] Je dois décider si la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi pour inconduite.

[8] Je rejette l’appel du prestataire.

Question en litige

[9] La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

Le mandat de la division d’appel

[10] La Cour d’appel fédérale a conclu que, lorsqu’elle instruit des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loiNote de bas page 1.

[11] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieureNote de bas page 2.

[12] Par conséquent, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, ait refusé d’exercer sa compétence ou ait outrepassé sa compétence, ait commis une erreur de droit ou ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, je dois rejeter l’appel.

La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

[13] Le prestataire soutient que l’application de la politique de l’employeur à son égard était déraisonnable compte tenu de son contexte du milieu de travail.

[14] Le prestataire soutient qu’il travaillait de la maison et qu’il ne représentait aucune menace pour ses collègues de travail et les membres du public. Il soutient que le site Web de la Commission mentionne expressément que le défaut de se conformer à une politique de vaccination ne rend pas nécessairement un prestataire inadmissible aux prestations si l’application de la politique était déraisonnable dans le contexte du travail du prestataireNote de bas page 3.

[15] La preuve démontre que le prestataire a commencé à travailler pour l’employeur vers le milieu de 2018. Il a travaillé au bureau de l’employeur jusqu’à la fermeture en mars 2020 en raison de la pandémie de COVID-19. De ce moment jusqu’à l’imposition de la suspension le 15 novembre 2021, il a travaillé de la maison sans aucun contact physique avec d’autres personnes. En août 2021, le prestataire et l’employeur ont signé une entente écrite de travail provisoire (ETP) permettant au prestataire de travailler de la maison. L’ETP couvrait la période du 10 septembre 2021 au 31 décembre 2022.

[16] Le 6 octobre 2021, l’employeur du prestataire a mis en place une politique de vaccination selon laquelle : « tous les employés, y compris ceux qui travaillent à distance et en télétravail, doivent être entièrement vaccinés pour se protéger, protéger leurs collègues et leurs clients contre le COVID-19 ». La plupart des employés, y compris le prestataire, devaient respecter la politique avant le 29 octobre 2021. Le prestataire a refusé de se conformer à la politique. Il n’a pas divulgué son statut vaccinal à l’employeur ni demandé une exemption.

[17] La division générale devait décider si le prestataire avait été suspendu en raison de son inconduite.

[18] La notion d’inconduite n’implique pas qu’il soit nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer de l’inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[19] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la gravité de la sanction de l’employeur ou d’établir si l’employeur a été coupable d’inconduite en suspendant un prestataire de telle manière que sa suspension était injustifiée, mais plutôt de décider si un prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a mené à sa suspensionNote de bas page 4.

[20] La division générale a conclu que le prestataire a refusé de se conformer à la politique. Elle a estimé que la politique s’appliquait au prestataire même s’il travaillait de la maison. Elle a conclu que le prestataire savait que l’employeur était susceptible de le suspendre dans ces circonstances et que son refus était volontaire, conscient et délibéré. La division générale a conclu que le prestataire a été mis en congé en raison de son inconduite.

[21] La division générale a établi qu’elle n’avait pas l’expertise ni la compétence pour trancher des questions sur l’efficacité du vaccin. Elle a établi que sa compétence ne s’étendait pas à décider si l’application de la politique au prestataire était raisonnable dans le contexte de son milieu de travail. La division générale a décidé que ces affaires doivent être tranchées par les tribunaux.

[22] En appel, le prestataire soulève la question de savoir si la division générale a refusé d’exercer sa compétence en ne décidant pas si l’application de la politique de l’employeur à son égard était raisonnable compte tenu du contexte de son travail.

[23] Il est important de rappeler que le contenu du site Web de la Commission ne lie pas légalement le Tribunal. L’opinion de l’administrateur qui agit en vertu de la loi ne correspond pas nécessairement à la loiNote de bas page 5.

[24] Il n’est pas vraiment contesté qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés au travail. Il n’appartient pas au Tribunal de décider s’il était raisonnable pour l’employeur d’étendre cette protection aux employés qui travaillent de la maison pendant la pandémieNote de bas page 6.

[25] En d’autres termes, le Tribunal n’a pas l’expertise ni la compétence pour décider si les obligations de l’employeur en matière de santé et de sécurité concernant la COVID-19 ont cessé au moment où le prestataire a commencé à travailler de la maison ou si elles ont continué à s’appliquer.

[26] Je suis d’accord avec la division générale pour dire que statuer sur une question de santé publique dépasse largement le champ d’expertise du Tribunal en matière d’assurance-emploi et dépasse sa compétence.

[27] Je ne vois donc aucune erreur dans la décision de la division générale selon laquelle elle n’a pas compétence pour trancher des questions concernant l’efficacité du vaccin ou le caractère raisonnable de la politique de l’employeur qui s’applique aux travailleurs qui travaillent à distance et en télétravail.

[28] La preuve prépondérante montre que la politique de l’employeur s’appliquait au prestataire qui travaillait de la maison. Le prestataire a refusé de se conformer à la politique. Il savait que l’employeur était susceptible de le suspendre dans ces circonstances et que son refus était volontaire, conscient et délibéré.

[29] Le prestataire a fait un choix personnel et délibéré de ne pas se conformer à la politique de l’employeur en réponse aux circonstances uniques et exceptionnelles créées par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension de son emploi.

[30] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi sur l’AE)Note de bas page 7.

[31] Le prestataire a soutenu devant la division générale que la politique de l’employeur avait modifié unilatéralement les conditions de son emploi, était discriminatoire à son égard et avait porté atteinte à ses droits de la personne. Comme l’a déclaré la division générale, ces questions relèvent d’une autre instance. Le Tribunal n’offre pas au demandeur un moyen approprié d’obtenir le redressement qu’il rechercheNote de bas page 8.

[32] Je dois réitérer que la question soumise à la division générale n’était pas de savoir si l’employeur était coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de sorte que la suspension serait injustifiée, mais de savoir si le prestataire était coupable d’inconduite au sens de la Loi sur l’AE et si cette inconduite a entraîné la suspension du prestataire.

[33] Je ne vois aucune erreur commise par la division générale lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’AENote de bas page 9.

[34] Je suis tout à fait conscient que le prestataire peut demander réparation à une autre instance si une violation est établie. Cela ne change rien au fait que, en vertu de la Loi sur l’AE, la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire a été suspendu en raison de son inconduite.

[35] Pour ces motifs, je n’ai d’autre choix que de rejeter l’appel du prestataire.

Conclusion

[36] L’appel est rejeté.

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