Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : RG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 991

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : R. G.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (451159) datée du 20 janvier 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Paul Dusome
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 18 mars 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 31 mars 2022
Numéro de dossier : GE-22-337

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension). Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi (AE)Note de bas page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a été suspendu de son emploi. L’employeur du prestataire est un ministère du gouvernement fédéral au sein de l’organe exécutif du gouvernement. L’employeur a affirmé qu’il a été suspendu parce qu’il a refusé de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 (politique) de l’employeur. La politique exigeait que les employés divulguent leur statut vaccinal et soient entièrement vaccinés avant une date déterminée. Ils pouvaient être suspendus s’ils ne se conformaient pas à la politique.

[4] Même si le prestataire ne conteste pas que cela s’est produit, il affirme que la politique est déraisonnable, surtout dans sa situation. Le prestataire affirme qu’il travaille de la maison depuis un certain nombre d’années et qu’il a signé un contrat lui permettant de continuer à travailler de la maison jusqu’au 30 décembre 2022. Il ne présente aucun risque pour ses collègues ou pour les membres du public avec qui il pourrait devoir interagir. Ses renseignements personnels sur sa santé sont confidentiels. Il ne devrait pas être obligé de les divulguer à l’employeur. Il n’aurait pas dû être suspendu. Il devrait recevoir des prestations d’AE.

[5] La Commission a accepté le motif de suspension invoqué par l’employeur. Elle a conclu que le prestataire avait été suspendu en raison de son inconduite. C’est pourquoi la Commission a décidé que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’AE.

Question que je dois examiner en premier

Contestation possible de la politique en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés

[6] J’ai fait le point avec le prestataire pour savoir s’il souhaitait contester une interprétation de l’inconduite dans la Loi sur l’assurance-emploi en fonction de la politique. L’employeur étant un ministère fédéral, sa politique pourrait être contestée en vertu de la Charte. Nous avons examiné le processus de contestation fondée sur la Charte. Le prestataire ne souhaitait pas déposer une contestation fondée sur la Charte, mais voulait plutôt poursuivre le présent appel.

Question en litige

[7] Le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] Pour décider si le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite, je dois trancher deux éléments. Premièrement, je dois établir pourquoi le prestataire a été suspendu. Je dois ensuite décider si la loi considère ce motif de suspension comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi?

[9] Je conclus que le prestataire a été suspendu de son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Le prestataire et la Commission s’entendent sur la raison pour laquelle le prestataire a été suspendu de son emploi. Je n’ai aucune preuve du contraire.

La raison de la suspension du prestataire est‑elle une inconduite au sens de la loi?

[10] La raison du congédiement du prestataire est une inconduite au sens de la loi. Les motifs de cette conclusion seront examinés ci-après, sous les rubriques « la loi », « les faits », « les arguments des parties », « la compétence du Tribunal » et « la décision sur la question de l’inconduite ».

La loi

[11] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Une conduite délibérée désigne une conduite consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 2. L’inconduite comprend aussi une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas page 3. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (autrement dit, qu’il ait voulu mal agir) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas page 4.

[12] Il y a inconduite si le prestataire savait ou devait savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses fonctions envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit suspenduNote de bas page 5.

[13] La Commission doit prouver que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Par conséquent, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas page 6.

[14] Les règles susmentionnées ont été prises dans des décisions judiciaires concernant le congédiement pour inconduite. La notion d’inconduite est la même, qu’il s’agisse d’un congédiement ou d’une suspension. Par conséquent, ces règles s’appliquent également à la suspension pour inconduite.

Les faits

[15] Le prestataire travaillait pour un ministère fédéral depuis le milieu de 2018. Il est fonctionnaire fédéral. Il avait été promu. Il siégeait au Comité de santé et sécurité. Il était impliqué dans le syndicat à titre de délégué syndical. Il a travaillé au bureau de l’employeur jusqu’à la fermeture en mars 2020 en raison de la pandémie de COVID-19. À partir de ce moment jusqu’à l’imposition de la suspension le 15 novembre 2021, il travaillait de la maison avec l’équipement et l’autorisation de l’employeur. Au départ, cela a été fait dans le cadre d’une entente informelle. Le prestataire et l’employeur ont signé une entente écrite de travail provisoire (ETP) permettant au prestataire de travailler de la maison. L’ETP couvrait la période du 10 septembre 2021 au 31 décembre 2022. L’ETP faisait l’objet de discussions depuis août 2021. L’employeur a envoyé l’ETP par courriel au prestataire en janvier 2022. Le courriel contenait des liens vers un certain nombre de séances de formation et d’information sur la santé et la sécurité, la prévention des risques, la prévention du harcèlement et de la violence, le retour au travail (autoévaluation) et d’autres questions de sécurité. Aucun des liens ne fait référence à la politique. Le prestataire a affirmé que la politique ne faisait pas partie de l’ETP. Cependant, le prestataire avait été informé plus tôt de l’existence de cette politique par d’autres sources.

[16] L’employeur avait cédé le bail du bureau où le prestataire travaillait. Le prestataire n’a pas de bureau. L’autre bureau de l’employeur le plus proche est situé à environ trois heures de route. Le travail du prestataire n’impliquait pas beaucoup de contacts avec le grand public. Depuis la fermeture, il a pu accomplir toutes ses tâches professionnelles en communiquant par voie électronique avec ses collègues. Depuis le confinement, il peut accomplir l’ensemble de ses tâches sans aucun contact physique avec les autres. Il demeure suspendu. Il veut retourner travailler pour l’employeur.

[17] Le gouvernement fédéral a annoncé le 6 octobre 2021 que tous les fonctionnaires fédéraux devaient être entièrement vaccinés. L’annonce faisait référence à la politique, mais elle n’y figurait pas. Une copie de cette annonce, modifiée le 30 novembre 2021, est le document sur lequel s’est fondé la Commission pour rendre sa décision. Comme le prestataire avait été suspendu le 15 novembre 2021, je lui ai demandé de fournir une copie de la politique dans sa version avant sa suspension. Le prestataire a présenté une copie de la politique obtenue sur le site Web du gouvernement. Elle avait été mise à jour le 6 octobre 2021, avant la suspension. Le Tribunal en a fait parvenir une copie à la Commission le 17 mars 2021. La Commission n’a fourni aucune réponse.

[18] Les modalités de la politique sont claires. Sous la rubrique « Objectifs », on peut y lire que « tous les employés, y compris ceux qui travaillent à distance et en télétravail, doivent être entièrement vaccinés pour se protéger, protéger leurs collègues et leurs clients contre le COVID-19 ». Il existe une exception à cette exigence pour les mesures d’adaptation fondées sur des raisons médicales attestées, la religion ou un autre motif illicite de discrimination au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le traitement des renseignements personnels doit respecter les dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois applicables. Il incombe aux employés de divulguer adéquatement leur statut vaccinal et de dépistage, comme l’exige la politique. Sous la rubrique « Application », les employés définis doivent se conformer à cette politique qu’ils travaillent sur place, qu’ils travaillent à distance ou qu’ils soient en télétravail. Il n’est pas contesté que la politique s’applique au prestataire. Concernant les employés qui refusent d’être entièrement vaccinés ou de divulguer leur statut vaccinal, la politique énonce des mesures progressives à prendre, de participer à une formation sur la vaccination contre la COVID-19, de restreindre l’accès au travail de l’employé, et enfin de le mettre en congé administratif sans solde, en les avisant de ne pas se présenter au travail ou d’arrêter de travailler à distance. La plupart des employés, y compris le prestataire, devaient se conformer à la politique avant le 29 octobre 2021.

[19] Le prestataire était au courant de la politique et de son contenu, du moment où le premier ministre l’a annoncée, aux courriels, à l’accès en ligne, aux discussions avec son gestionnaire et avec son syndicat, tout cela avant sa suspension. Il n’a pas voulu dévoiler son statut vaccinal. Il s’agissait de renseignements confidentiels. La vaccination obligatoire lui a enlevé son droit de prendre ses propres décisions médicales. Le gestionnaire a déclaré qu’il est lié par la politique. Le syndicat a affirmé que la vaccination était la meilleure mesure à prendre. Il ne s’opposait pas à la politique et ne l’appuyait pas. Le prestataire a refusé de se conformer à la politique. Il n’a pas divulgué son statut vaccinal à l’employeur ni demandé une exemption. Il a déclaré que l’employeur n’avait pas le droit d’intervenir dans son droit de choisir. Il a pris une décision médicale personnelle. La politique était déraisonnable, car il travaillait de la maison et continuerait de le faire pendant une autre année. Il savait qu’il pouvait être suspendu pour avoir refusé de se conformer. L’employeur l’a suspendu conformément à la politique. Le prestataire a intenté une poursuite, demandant une injonction pour mettre fin au mandat de vaccination et une indemnisation pour sa suspension sans solde. L’injonction a été refusée. La demande d’indemnisation est en instance.

[20] Dans trois documents déposés avant l’audience, le prestataire a fourni d’autres éléments de preuve à l’appui de sa position. Premièrement, pour réfuter la déclaration dans la politique selon laquelle la vaccination était la meilleure protection des employés contre la COVID-19 et pour appuyer sa propre position selon laquelle les vaccins n’étaient pas efficaces, le prestataire a fourni trois tableaux du gouvernement fédéral montrant le nombre total de cas déclarés de COVID-19 dans la fonction publique fédérale. Le nombre de cas est passé de 5 961 le 13 octobre 2021 à 6 295 le 24 novembre 2021 à 21 316 le 2 mars 2022. Deuxièmement, le prestataire a inclus une capture d’écran de son compte Service Canada. Il y avait deux entrées. Une en date du 20 janvier 2022 dans laquelle il est mentionné que les prestations n’étaient pas payables en raison de la suspension de l’emploi. Une autre en date du 23 janvier 2022 dans laquelle il était mentionné qu’il n’était plus considéré comme ayant perdu son emploi en raison d’une inconduite et qu’il n’y avait pas d’inconduite lorsqu’il a perdu son emploi à compter du 7 novembre 2021. Troisièmement, le prestataire a inclus une capture d’écran d’une page Web de la Commission dans laquelle il est question de l’admissibilité aux prestations. La capture d’écran montre une section intitulée « vaccination contre la COVID-19 ». On peut y lire que dans la plupart des cas, le non-respect de la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de l’employeur vous rend inadmissible aux prestations régulières d’AE. Il est précisé que la Commission peut communiquer avec vous pour obtenir des renseignements permettant de déterminer votre admissibilité. Les quatre éléments de renseignements énumérés sont les suivants : si la politique vous a été clairement communiquée par l’employeur; si vous avez été informé que le non-respect mènerait à la perte de votre emploi; « si l'application de la politique à votre égard était raisonnable dans le contexte du lieu de travail » [mis en évidence par le prestataire]; et si vous avez un motif valable pour ne pas vous conformer à la politique et que votre employeur ne vous a pas offert d’exemption.

[21] Je vais aborder le premier et le troisième élément présentés après l’audience pour évaluer les arguments du prestataire, dans la section concernant la compétence du Tribunal. Je peux traiter du deuxième point ici. La capture d’écran du compte Service Canada ne l’aide pas. L’entrée du 20 janvier indique la décision découlant de la révision prise le 20 janvier 2022. Cette décision a remplacé la décision initiale au sujet de la perte d’emploi en raison d’une inconduite. L’entrée du 23 janvier 2022 montre que la décision initiale avait été annulée. La déclaration relative à l’absence d’inconduite dans cette entrée est liée à la décision initiale concernant la perte d’emploi et non à la décision relative à la suspension. Comme il est mentionné dans la décision découlant de la révision du 20 janvier 2022, [traduction] « l’inconduite est encore prouvée ». Le document n’appuie pas l’affirmation du prestataire selon laquelle la Commission avait établi qu’il n’y avait aucune inconduite liée à la suspension.

Les arguments des parties

[22] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire a sciemment refusé de se conformer à la politique de vaccination. Il savait que la politique s’appliquait à tous les employés, même ceux qui travaillent à distance ou à domicile. Il savait que le refus entraînerait une suspension. On lui a donné la possibilité de présenter une demande visant à obtenir des mesures d’adaptation pour des raisons médicales ou religieuses, mais il a refusé. Son employeur et son syndicat appuyaient le respect de la politique. La Commission n’est pas tenue de prouver que la politique de l’employeur est raisonnable. La conduite de l’employeur et les croyances du prestataire ne sont pas pertinentes. Le Tribunal n’a pas le pouvoir ni la compétence pour statuer sur l’efficacité des vaccins ni pour déterminer si l’employeur a agi de façon équitable ou raisonnable. Les allégations selon lesquelles les actes de l’employeur constituent de la discrimination au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne ne s’appliquent pas à l’inconduite; elles s’appliquent uniquement aux cas de départ volontaireNote de bas page 7. Le prestataire peut invoquer ces arguments dans d’autres procédures.

[23] Le prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que la politique n’était pas raisonnable. Le caractère déraisonnable comporte deux aspects. Dans un premier temps, le vaccin ne freine pas la propagation de la COVID, qui est le fondement de la politique. La politique n’atteint pas ses objectifs. Ensuite, il était déraisonnable d’appliquer la politique à sa situation alors qu’il travaillait de la maison et qu’il ne risquait pas de propager la COVID à ses collègues ou aux membres du public. L’employeur voudrait qu’il continue de travailler de la maison pour éviter la propagation du virus. La politique est appliquée injustement à son égard et à d’autres personnes comme lui. La politique ne respecte pas les citoyens et les travailleurs. La politique met en péril son moyen de subsistance et peut violer la protection de ses renseignements médicaux. La politique n’était pas une exigence professionnelle justifiée. La politique constitue un changement important de ses conditions d’emploi. L’application de la politique à son égard est discriminatoire et contraire à la Loi canadienne sur les droits de la personne en ce qui concerne la thérapie génétique, ce qui comprend les vaccins à ARNm. La politique viole le Code de Nuremberg, un document international contre la coercition dans toute procédure médicale.

La compétence du Tribunal

[24] Le pouvoir décisionnel du Tribunal est limité. Contrairement aux cours supérieures, le Tribunal n’a pas une vaste autorité pour traiter de toutes les questions juridiques qui peuvent lui être soumises. La section de l’AE de la division générale du Tribunal peut rejeter l’appel, confirmer, annuler ou modifier la décision de la Commission en tout ou en partie ou rendre la décision que la Commission aurait dû rendreNote de bas page 8. Cela limite ce que le Tribunal peut faire dans les dossiers d’AE relatifs aux décisions que la Commission rend concernant les prestations en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi et de son règlement d’application. La section de l’AE de la division générale du Tribunal doit respecter les limites de ce cadre. Le pouvoir du Tribunal de trancher toute question de fait ou de droit nécessaire au règlement de l’appel est également limitéNote de bas page 9. Le Tribunal n’a pas le pouvoir de statuer sur bon nombre des arguments avancés par le prestataire.

[25] Le prestataire affirme que la politique n’est pas raisonnable parce qu’elle n’atteint pas l’objectif de freiner la propagation de la COVID. À l’appui, il a fourni des captures d’écran des cas déclarés de COVID dans le secteur public fédéral. Le nombre a plus que triplé entre octobre 2021 et mars 2022. Le Tribunal n’a pas à décider si le congédiement était justifié ou s’il s’agissait de la sanction appropriéeNote de bas page 10. La question n’est pas de savoir si l’employeur était coupable d’inconduite en procédant à un congédiement injuste, mais plutôt si le demandeur était coupable d’inconduiteNote de bas page 11. Ces principes, qui découlent des décisions de congédiement plutôt que de suspension, s’appliquent également aux cas de suspension. Statuer sur la question de savoir si la politique était raisonnable amènerait le Tribunal dans des secteurs qui lui sont fermés selon ces principes. Statuer sur une question de santé publique dépasse largement la portée de l’expertise du Tribunal en matière d’AE et échappe à sa compétence. Le Tribunal n’a pas non plus le pouvoir de procéder à la recherche des faits pour trancher des questions sur l’efficacité du vaccin. Ce sont là des questions que les tribunaux doivent trancher.

[26] Le prestataire affirme également qu’il n’est pas raisonnable d’appliquer la politique à sa situation alors qu’il travaille de chez lui et qu’il n’interagit pas avec ses collègues ni les membres du public dans le cadre de son travail. L’application de la politique à son égard est injuste. À l’appui de cette affirmation, il a fourni la déclaration de la Commission sur la perte de votre emploi parce que vous ne vous êtes pas conformé à la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de l’employeur. L’un des facteurs dont il faut tenir compte pour déterminer l’admissibilité aux prestations d’AE est le suivant : « si l’application de la politique à votre égard était raisonnable dans le contexte du lieu de travail ». Le fait que la Commission ait fourni des renseignements erronés ne peut dégager une personne de l’application de la LoiNote de bas page 12. L’interprétation de la loi par les agents de la Commission n’a pas force de loi. Les engagements d’agir autrement que conformément à la loi sont absolument nulsNote de bas page 13. La Commission n’a pas le pouvoir de modifier la loi, les déclarations à cette fin sont donc sans effet. Le « caractère raisonnable » ne fait pas partie des critères utilisés dans la loi sur l’AE pour évaluer l’inconduite. La déclaration de la Commission citée précédemment ne change rien à la loi.

[27] La difficulté de donner effet à l’argument du prestataire selon lequel il n’est pas raisonnable d’appliquer la politique à son égard modifie radicalement la politique. La politique s’applique à tous les employés, qu’ils travaillent sur place ou à distance, ou qu’ils soient en télétravail. Si le prestataire obtient gain de cause relativement à cet argument, la politique ne visera pas tous les employés qui travaillent à distance. Ce nombre serait important étant donné le recours généralisé au travail à distance pendant la pandémie. Ainsi, le Tribunal dépasserait sa compétence. Cette compétence consiste à trancher chaque appel qu’il instruit, dans le contexte de la loi sur l’AE. Cette compétence ne s’étend pas à trancher l’application plus large des politiques ou des modalités contractuelles des employeurs. Elle ne s’étend pas non plus à rendre une décision qui modifierait considérablement la politique de l’employeur.

[28] Le non-respect n’est pas un motif juridique permettant de décider s’il n’y a eu aucune inconduite.

[29] Le prestataire a déclaré que l’application de la politique à son égard met en péril son moyen de subsistance. Le pouvoir du Tribunal sur cette question se limite à déterminer s’il est admissible aux prestations d’assurance-emploi en vertu des règles de l’AE. Toute autre question relative à son moyen de subsistance doit être abordée par les tribunaux ou par le syndicat.

[30] Le prestataire a déclaré que le fait que l’employeur lui demande de divulguer ses renseignements médicaux personnels pourrait violer la protection des renseignements médicaux. La politique prévoit la confidentialité des renseignements du prestataire conformément aux lois applicables en matière de protection des renseignements personnels. Le prestataire s’est dit préoccupé par la sécurité de ses renseignements personnels auprès de la bureaucratie. Le Tribunal n’a pas le pouvoir de rendre une décision sur cette question. L’autorité compétente est l’organisme gouvernemental chargé de la protection des renseignements personnels qui applique les lois sur la protection des renseignements personnels, y compris les questions médicales.

[31] Le Tribunal n’a pas le pouvoir de statuer sur des accords internationaux comme le Code de Nuremberg. Cela ne relève pas de la compétence du Tribunal et il s’agit d’une question que les tribunaux doivent trancher.

[32] Le prestataire a également soulevé certaines questions qui peuvent relever de la compétence du Tribunal. La première concerne l’application de la politique à son égard qui est discriminatoire et contraire à la Loi canadienne sur les droits de la personne en ce qui concerne la thérapie génétique, qui comprend les vaccins à ARNm. La seconde concerne le fait que l’obligation de se faire vacciner énoncée dans la politique n’est pas une exigence professionnelle justifiée. Une autre est le fait que la politique a pour effet de changer de façon importante ses conditions d’emploi.

[33] Le prestataire invoque une violation de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Cela n’aide pas le prestataire. Le renvoi à la Loi canadienne sur les droits de la personne est fondé sur l’alinéa 29c) de la Loi sur l’assurance-emploi, qui traite de la justification à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé. Il ne traite pas du congédiement ou de la suspension pour inconduite. La notion de justification, définie à l’alinéa 29c) de la Loi sur l’assurance-emploi, ne s’applique pas à l’inconduite. La mention de discrimination par le prestataire relativement à la thérapie génétique porte sur une justification possible fondée sur la distinction au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personneNote de bas page 14. Comme il n’est pas question de justification en l’espèce, le Tribunal n’a pas le pouvoir de statuer sur des plaintes relatives aux droits de la personne dans le présent appel. Pour obtenir un recours pour discrimination, le prestataire peut traiter avec la Commission canadienne des droits de la personne et le Tribunal canadien des droits de la personne, ou intenter une poursuite en cour pour congédiement injustifié, y compris possiblement une violation de la loi sur les droits de la personne.

[34] La mention par le prestataire d’une exigence professionnelle justifiée soulève également cette question dans la Loi canadienne sur les droits de la personneNote de bas page 15. Toute suspension (entre autres) ne constitue pas un acte discriminatoire si l’employeur démontre qu’elle était fondée sur une exigence professionnelle justifiée. Le fait de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu ou de le défavoriser en cours d’emploi pour un motif de distinction illicite constitue un acte discriminatoireNote de bas page 16. Le recours pour le prestataire relève de la Commission canadienne des droits de la personne et du Tribunal canadien des droits de la personne. Le Tribunal ne peut trancher cette question dans le présent appel.

[35] Le prestataire fait également référence à la politique comme un changement important de ses conditions d’emploi. Cela soulève des questions de possible congédiement déguisé. Le prestataire a mentionné dans sa demande de prestations d’AE que les questions des changements importants et du congédiement déguisé étaient activement devant les tribunaux. Le recours concernant ces questions relève des tribunaux et non du Tribunal.

La décision sur la question de l’inconduite

[36] Je dois trancher cet appel en me fondant sur le droit énoncé précédemment aux paragraphes [11] à [14].

[37] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les motifs suivants.

[38] D’abord, le prestataire savait-il ou aurait-il dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses fonctions envers son employeur? La preuve établit que le prestataire connaissait les exigences de la politique et du fait qu’il serait suspendu de son emploi pour non-respect de la politique. Il savait que « tous les employés, y compris ceux qui travaillent à distance et en télétravail, doivent être entièrement vaccinés pour se protéger, protéger leurs collègues et leurs clients contre le COVID‑19 ». Il savait qu’il était possible que des mesures d’adaptation soient prises à son égard pour des raisons médicales attestées ou pour des motifs religieux ou d’autres motifs de distinction illicite au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il savait qu’il devait divulguer adéquatement son statut vaccinal, comme l’exige la politique. Il savait qu’en refusant d’être entièrement vacciné ou de divulguer son statut vaccinal il serait mis en congé administratif sans solde et qu’on lui dirait de cesser de travailler à distance. Il n’a respecté aucune des deux options à la date limite du 29 octobre 2021. L’employeur l’a suspendu à compter du 15 novembre 2021. Cette preuve démontre que le prestataire savait que sa conduite l’empêcherait de s’acquitter de ses fonctions envers son employeur. Son non-respect de la politique a entraîné sa suspension. Cela l’a empêché de s’acquitter de toutes ses fonctions envers l’employeur. Il s’agit là d’une façon importante de nuire à l’exécution de ses fonctions envers son employeur.

[39] Deuxièmement, le non-respect de la politique était-il volontaire, conscient, délibéré ou intentionnel? Il a pris une décision médicale personnelle. Le prestataire a choisi de ne pas se conformer à la politique. Il a réfléchi s’il devait se conformer ou non. Il a présenté un certain nombre de raisons pour ne pas se conformer. Il avait formulé une position réfléchie sur la politique. Il a discuté de la politique avec son employeur et son syndicat. Il a intenté une poursuite contre la politique. Il ne fait aucun doute que le non-respect du prestataire était volontaire, conscient, délibéré et intentionnel.

[40] Troisièmement, le non-respect de la politique par le prestataire a-t-il entraîné sa suspension? Il n’est pas contesté que le manquement a entraîné sa suspension.

[41] Quatrièmement, le prestataire savait-il qu’il pouvait être suspendu pour non-respect? Le prestataire avait examiné la politique et en avait discuté avec son employeur et son syndicat. À la suite de cet examen et de ces discussions, il savait avant même sa suspension qu’il était possible qu’il soit suspendu. Il a affirmé qu’il comprenait qu’il pouvait être suspendu pour non-respect Son gestionnaire lui a dit qu’il avait les mains liées et qu’il devait appliquer la politique. Il ne fait aucun doute que le prestataire savait qu’il serait suspendu pour non-respect.

Donc, le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

[42] Selon mes conclusions ci-dessus, je conclus que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[43] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. C’est pourquoi elle a décidé que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’AE.

[44] L’appel est donc rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.