Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : GJ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 998

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : G. J.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (446762) datée du 2 février 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 21 juillet 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 27 juillet 2022
Numéro de dossier : GE-22-1001

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, la prestataire est inadmissible aux prestations d’assurance‑emploiNote de bas page 1.

Aperçu

[3] La prestataire travaillait comme radiothérapeute dans un hôpital. L’employeur a congédié la prestataire parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 au travailNote de bas page 2. La prestataire a ensuite demandé des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 3.

[4] La Commission a décidé que la prestataire était inadmissible aux prestations d’assurance-emploi parce qu’elle avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduiteNote de bas page 4.

[5] La prestataire n’est pas d’accord parce que l’employeur a mis en œuvre une politique de vaccination contre la COVID-19 qui a eu une incidence sur ses conditions d’emploi, que la politique découlait d’une interprétation illégale de la Directive 6 et qu’il ne s’agissait pas d’une inconduiteNote de bas page 5.

Question que je dois examiner en premier

La prestataire a présenté des documents après l’audience

[6] À l’audience, la prestataire a abordé le sujet de la politique de l’employeur, de la « Directive 6 » et d’un article de la Loi sur les hôpitaux publicsNote de bas page 6. Comme ces documents ne faisaient pas partie du dossier, je lui ai demandé de les soumettre après l’audience.

[7] La prestataire les a soumis et une copie a été transmise à la CommissionNote de bas page 7. J’ai accepté ces documents après l’audience parce qu’ils étaient pertinents.

Question en litige

[8] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[9] Les personnes qui perdent leur emploi pour inconduite ou qui quittent volontairement leur emploi sans justification n’ont pas droit aux prestations d’assurance-emploiNote de bas page 8.

[10] Les personnes qui sont suspendues de leur emploi en raison de leur inconduite n’ont pas droit aux prestations d’assurance-emploiNote de bas page 9.

[11] Pour décider si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison elle a perdu son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[12] Je conclus que la prestataire a été congédiée le 25 octobre 2021 parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Le dernier jour de travail de la prestataire était le 21 octobre 2021.

[13] Cela concorde avec le témoignage de la prestataire, les relevés d’emploi et une discussion qu’elle a eue avec la CommissionNote de bas page 10.

Quelle était la politique de l’employeur?

[14] L’employeur a mis en œuvre un programme de vaccination contre la COVID-19 (politique) à compter du 28 septembre 2021. La prestataire a présenté une copie de la politiqueNote de bas page 11.

[15] La politique dit que l’hôpital est déterminé à offrir un environnement sûr et sain, et qu’il reconnaît l’importance de la vaccination pour le personnelNote de bas page 12.

[16] La politique exige que les membres du personnel suivent un programme d’apprentissage en ligne sur la vaccination contre la COVID-19 et qu’ils fournissent tous les documents relatifs aux doses requises contre la COVID-19 au plus tard le 21 octobre 2021Note de bas page 13.

[17] La politique prévoyait également une exemption médicale accompagnée de documents valides ou d’une raison vérifiable au titre du Code des droits de la personne de l’OntarioNote de bas page 14. L’employeur a dit à la Commission qu’ils avaient prévu des mesures d’adaptation afin de respecter les droits médicaux et les droits de la personneNote de bas page 15.

[18] La prestataire a déclaré qu’elle avait suivi le cours d’apprentissage en ligne requis, mais qu’elle ne s’était pas conformée à l’exigence de vaccination contre la COVID-19.

La politique a-t-elle été communiquée à la prestataire?

[19] La prestataire a dit avoir pris connaissance de la politique le 31 août 2021 lorsque le président intérimaire de l’hôpital a envoyé un courriel au personnel. Elle dit avoir seulement obtenu les détails de la politique vers le 9 septembre 2021. La politique a été affichée au travail, et elle a convenu qu’elle avait eu l’occasion de la lire et qu’elle en avait une copie.

[20] Je conclus que la politique a été communiquée à la prestataire le 31 août 2021 et le 9 septembre 2021. Cela concorde avec le témoignage de la prestataire et la discussion de l’employeur avec la CommissionNote de bas page 16.

Quelles étaient les conséquences du non-respect de la politique?

[21] La politique dit que tous les membres du personnel qui sont considérés comme non-vaccinés ne bénéficieront pas de mesures d’adaptation et ne seront pas autorisés à se présenter au travail. Ils seront placés en congé sans solde non approuvé jusqu’à ce qu’ils soient entièrement vaccinés depuis 14 joursNote de bas page 17.

[22] La politique précise aussi que [traduction] « le défaut de se conformer aux modalités de la présente politique, y compris la falsification des résultats des tests et l’interdiction de distribuer des tests de dépistage rapide, peut entraîner des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement ou à la révocation des privilègesNote de bas page 18 ». Cette question est abordée dans une section de la politique qui traite des tests de dépistage rapide.

[23] L’employeur a dit à la Commission que la politique avait été publiée le 3 septembre 2021 et qu’elle a été révisée le 7 septembre 2021 pour inclure que tout manquement à la politique entraînerait un congédiementNote de bas page 19.

[24] L’employeur a également dit que si un membre du personnel avait reçu une dose du vaccin contre la COVID-19 avant le 21 octobre 2021, il serait mis en congé sans solde jusqu’à ce qu’il reçoive sa deuxième dose après avoir attendu 14 jours.

[25] La prestataire a déclaré qu’elle était au courant des conséquences du non-respect de la politique. Elle a compris que si elle ne se faisait pas vacciner contre la COVID-19, l’employeur la placerait en congé sans solde et qu’elle ne serait pas incapable [sic] de se présenter au travail. Cependant, elle a appris par la suite qu’elle serait congédiée pour ne pas avoir respecté la politique.

[26] Le 12 octobre 2021, la prestataire a eu une brève rencontre avec son employeur et celui-ci a mentionné qu’elle serait congédiée si elle ne respectait pas la politique avant la date limite du 21 octobre 2021. L’employeur l’a ensuite congédiée le 25 octobre 2021 après une autre brève rencontre.

Y a-t-il une raison pour laquelle la prestataire ne pouvait pas se conformer à la politique?

[27] La politique prévoyait des exemptions pour des raisons médicales avec des documents valides ou une raison vérifiable au titre du Code des droits de la personne de l’OntarioNote de bas page 20.

[28] La prestataire a déclaré qu’elle n’avait pas demandé à l’employeur une exemption médicale ou un autre type d’exemptionNote de bas page 21.

[29] La prestataire a expliqué qu’elle ne voulait pas se faire vacciner contre la COVID-19 parce qu’elle avait des préoccupations liées à la santé. Elle avait eu des problèmes de santé après avoir reçu un vaccin différent il y a plusieurs annéesNote de bas page 22.

La raison du congédiement de la prestataire est-elle une inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi?

[30] Pour être une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. En d’autres termes, la conduite doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 23. Cela comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 24.

[31] Il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est‑à‑dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit considéré comme une inconduite au titre de la loiNote de bas page 25.

[32] Il y a inconduite si la prestataire savait, ou aurait dû savoir, que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit mise à pied pour cette raisonNote de bas page 26.

[33] Il faut que la Commission prouve que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire que la Commission doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas page 27.

[34] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les motifs suivants.

[35] Premièrement, je juge que la politique a été communiquée à la prestataire et qu’elle était au courant de la date limite pour s’y conformer. Elle a également eu suffisamment de temps pour le faire.  

[36] Plus précisément, la prestataire savait qu’elle devait être vaccinée contre la COVID-19 au plus tard le 21 octobre 2021. L’employeur l’a également rencontrée le 12 octobre 2021 pour discuter de la politique.

[37] Deuxièmement, je conclus que la prestataire a volontairement choisi de ne pas se conformer à la politique pour des raisons personnelles. Elle a décidé sciemment de ne pas respecter la politique de l’employeur. C’est un choix délibéré qu’elle a fait. La cour a déjà dit qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 28. Bien qu’elle n’ait peut-être pas eu de mauvaises intentions, il s’agissait tout de même d’une inconduite.

[38] Les arguments de la prestataire concernant la définition d’une inconduite ne m’ont pas convaincue. La prestataire a fait référence au Guide de la détermination de l’admissibilité pour appuyer sa positionNote de bas page 29. La cour a déclaré que la Commission avait raison d’avoir ses propres lignes directrices pour garantir une certaine uniformité à l’échelle nationaleNote de bas page 30. Cependant, le Guide n’a pas force de loi, alors je n’y suis pas liée.

[39] Troisièmement, je juge que la prestataire était au courant (ou aurait dû être au courant) du fait que sa non-conformité entraînerait son congédiement.

[40] À leur réunion du 12 octobre 2021, l’employeur a expliqué que le non-respect de la politique entraînerait le congédiement. La politique révisée au dossier est datée du 3 septembre 2021Note de bas page 31. Toutefois, l’employeur a confirmé que la politique avait été révisée de nouveau le 7 septembre 2021 et qu’elle prévoyait que le non-respect de la politique entraînerait un congédiementNote de bas page 32.

[41] Quatrièmement, j’estime que la prestataire n’a pas prouvé qu’elle était exemptée de la police. La prestataire a confirmé qu’elle n’avait pas demandé d’exemption de la politique, même si elle avait des préoccupations médicales au sujet du vaccin.

[42] La Commission ontarienne des droits de la personne a déclaré que le vaccin demeure volontaire, mais que l’obligation de présenter une preuve de vaccination pour protéger les personnes au travail ou lorsqu’elles reçoivent des services est généralement permise au titre du Code des droits de la personne de l’OntarioNote de bas page 33(le Code), pourvu que des mesures de protection soient mises en place pour veiller à ce que les personnes qui ne peuvent pas se faire vacciner pour des raisons protégées par le Code puissent obtenir des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas page 34.

[43] Enfin, j’accepte généralement que l’employeur puisse choisir d’élaborer et d’imposer des politiques en milieu de travail. Dans la présente affaire, l’employeur a imposé une politique de vaccination en raison de la pandémie de COVID-19 et de la « Directive Note de bas page 35».

[44] Cela signifie que la vaccination contre la COVID-19 est devenue une condition d’emploi de la prestataire lorsqu’ils ont mis en place la politique. La prestataire a enfreint la politique lorsqu’elle a choisi de ne pas s’y conformer, ce qui l’a empêchée d’aller au travail et de s’acquitter de ses fonctions.

[45] La prestataire avait le choix et a décidé de ne pas se conformer à la politique pour des raisons personnelles. Cela a mené à un résultat indésirable; à son congédiement.

[46] La Loi sur l’assurance-emploi a pour objet d’indemniser les personnes dont l’emploi a pris fin involontairement et qui sont sans emploi. La perte d’emploi doit être involontaireNote de bas page 36. Dans l’affaire qui nous occupe, ce n’était pas involontaire, car ce sont les propres actions de la prestataire qui ont mené à son congédiement.

Qu’en est-il des autres arguments de la prestataire?

[47] La prestataire a soulevé d’autres arguments à l’appui de sa position. Voici quelques-uns d’entre eux :

  1. a) L’employeur a unilatéralement mis en œuvre une politique.
  2. b) La politique n’a pas de fondement juridique.
  3. c) Il s’agissait d’une interprétation illégitime de la Directive 6Note de bas page 37.
  4. d) La politique est une forme de discrimination envers les employées et employés non vaccinésNote de bas page 38.
  5. e) Selon la Loi sur les hôpitaux publics, la loi prévaut en cas de conflit entre une directive et toute disposition de toute loi ou règle de droit applicableNote de bas page 39.
  6. f) Le vaccin contre la COVID-19 présente des risques pour la sécuritéNote de bas page 40.
  7. g) Il y avait une influence coercitive externe.
  8. h) Il pourrait s’agir d’un congédiement déguisé.

[48] La Cour a déclaré que le Tribunal ne peut pas évaluer si le congédiement ou la sanction était justifié. Elle doit établir si la conduite de la prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 41. J’ai déjà décidé que la conduite de la prestataire équivaut à une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi.

[49] Je reconnais les arguments supplémentaires de la prestataire, mais je n’ai pas le pouvoir de les trancher. Le recours de la prestataire consiste à intenter une action en justice, ou devant tout autre tribunal qui peut traiter de ses arguments particuliers. La prestataire a déjà déposé un grief syndical au travailNote de bas page 42.

Conclusion

[50] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi.

[51] Cela signifie que l’appel est rejeté.

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