Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : ML c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 867

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. L.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (449210) datée du 20 janvier 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 23 mars 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 6 avril 2022
Numéro de dossier : GE-22-520

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec la prestataire.

[2] En ce qui concerne la question du départ volontaire d’un emploi, la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau de démontrer que la prestataire avait le choix de rester ou de quitter son emploi.

[3] La prestataire a démontré qu’elle était et est disponible pour travailler. Cela signifie qu’elle n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. La prestataire pourrait donc avoir droit à des prestations.

Aperçu

[4] La prestataire travaillait à temps partiel dans un établissement de soins de longue durée (ESLD) pendant qu’elle étudiait à temps plein pour obtenir un diplôme dans le domaine des soins de santé. En réponse à la pandémie de COVID-19, le gouvernement provincial a instauré la règle qui interdisait aux employés de travailler dans deux établissements de soins de santé en même temps. Le programme de la prestataire exigeait qu’elle participe à une journée de pratique clinique chaque semaine dans un hôpital. La prestataire a discuté de la situation avec son employeur. Elle pensait devoir démissionner, mais son gestionnaire lui a offert un congé; elle devait reprendre son travail à la fin de sa session. Lorsque la prestataire a voulu retourner au travail, l’employeur n’était pas au courant du congé et lui a offert un autre emploi qu’elle n’a pas accepté.

[5] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons du départ de la prestataire. Elle l’a exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a déterminé qu’elle avait volontairement quitté (ou choisi de quitter) son emploi sans justification, de sorte qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations d’assurance-emploi.

[6] Je dois déterminer si la prestataire a prouvé que son départ constituait la seule solution raisonnable au moment où elle l’a fait.

[7] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a également déterminé que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi du 8 mars 2021 au 30 avril 2021 et à compter du 7 septembre 2021 parce qu’elle suivait un cours de formation de sa propre initiative et qu’elle n’avait pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler. Le prestataire doit être disponible pour travailler pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie que le prestataire doit chercher un emploi.

[8] Je dois décider si la prestataire a prouvé qu’elle était disponible pour travailler. La prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Par conséquent, elle doit démontrer qu’il est plus probable que le contraire qu’elle était disponible pour travailler.

Questions en litige

[9] La prestataire est-elle exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a volontairement quitté son emploi sans justification?

[10] La prestataire était-elle disponible pour travailler pendant qu’elle était au collège?

Analyse – Départ volontaire

[11] Je dois déterminer si, aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE), la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi. Il y a deux étapes à suivre pour rendre cette décision. Premièrement, je dois déterminer si la prestataire a choisi de quitter son emploi. Deuxièmement, je dois décider si la prestataire était fondée à quitter son emploi.

[12] Je conclus que la prestataire n’a pas quitté volontairement son emploi. Elle n’avait pas le choix de rester ou de quitter son emploi.

[13] La Commission a déterminé que la prestataire avait quitté son emploi le 31 décembre 2020 sans justification. Elle affirme qu’elle était inscrite à un programme de formation comprenant un volet d’apprentissage en milieu hospitalier. Les politiques relatives à la COVID-19 qui étaient en vigueur à ce moment empêchaient tout employé de travailler dans plus d’un établissement de soins de santé. La prestataire a remis sa démission, mais son employeur lui a offert de la mettre en congé jusqu’au printemps. Lorsqu’elle devait revenir au travail, l’employeur lui a offert un poste de nuit qu’elle a refusé.

[14] La prestataire affirme qu’elle a pris un congé de son emploi. Elle a témoigné qu’elle travaillait à temps partiel à l’ESLD pendant qu’elle était inscrite à temps plein au collège. Son programme collégial comportait un volet clinique qui exigeait qu’elle soit présente à l’hôpital une journée par semaine. Le gouvernement provincial a adopté un règlement qui empêchait les employés de travailler dans deux établissements de soins de santé en même temps.

[15] La prestataire a affirmé avoir dit à son gestionnaire qu’elle devait démissionner pour poursuivre ses études. La prestataire a discuté de la situation avec son gestionnaire qui lui a offert un congé. Aucune date n’a été fixée pour son retour, mais ils ont convenu qu’une fois ses études terminées, la prestataire enverrait un message au gestionnaire pour lui indiquer sa disponibilité et retournerait au travail une fois le semestre terminé.

[16] Dans son témoignage, la prestataire a indiqué qu’elle travaillait les fins de semaine à l’ESLD comme préposée aux bénéficiaires. Elle travaillait le vendredi, le samedi et le dimanche. En tant que préposée aux bénéficiaires, elle était davantage affectée aux chambres et offrait du soutien direct aux résidents. Elle faisait l’entretien ménager des chambres et servait des repas.

[17] La prestataire a fréquenté le collège à temps plein pendant le semestre d’hiver 2021. Elle est retournée chez son employeur au printemps. L’ESLD avait été vendu à de nouveaux propriétaires et son ancien gestionnaire n’y travaillait plus. Lorsque la prestataire a communiqué avec les nouveaux propriétaires, ils ne savaient pas qui elle était et qu’elle était en congé. La prestataire a témoigné qu’on lui avait offert des quarts de travail de nuit à la buanderie. Elle devait travailler au sous-sol de l’ESLD. Il pourrait y avoir un préposé aux bénéficiaires qu’elle pourrait observer, mais on ne lui a pas offert de poste de préposée aux bénéficiaires. Son poste de préposée aux bénéficiaires n’était plus disponible.

[18] La demande de prestations d’assurance-emploi de la prestataire, remplie le 10 mars 2021, indique qu’elle est en congé. Elle a écrit qu’elle avait l’intention de reprendre son emploi à l’ESLD. Lors d’une entrevue avec un agent de Service Canada le 27 octobre 2021, la prestataire a répété qu’elle avait dit à son employeur qu’elle devait démissionner en raison de la restriction liée à la COVID-19 et que son employeur lui avait plutôt offert un congé. Elle a accepté l’offre de congé.

[19] J’accepte le témoignage de la prestataire selon lequel elle a commencé une période de congé lorsqu’elle a cessé de travailler le 31 décembre 2020. La prestataire a été cohérente dans sa demande de prestations d’assurance-emploi et dans ses conversations avec les agents de Service Canada, soit qu’elle et son gestionnaire avaient convenu qu’elle serait en congé et qu’elle retournerait au travail à la fin de son semestre. Le témoignage de la prestataire, livré de façon franche et directe, sous serment et en réponse à mes questions, corrobore également le fait qu’elle était en congé et qu’elle était capable de retourner au travail.

[20] Je reconnais que, selon le relevé d’emploi (RE) établi le 18 janvier 2021, la raison indiquée est E – Départ volontaire/Retour aux études. Toutefois, le RE n’est qu’un élément de preuve qui peut être utilisé pour déterminer si un prestataire a quitté volontairement son emploi. En l’espèce, j’accorde moins de poids au RE parce qu’il contredit les déclarations de la prestataire dans sa demande de prestations d’assurance-emploi, ses déclarations aux agents de Service Canada, ses déclarations dans sa demande de révision et dans son appel au Tribunal, et lors de son témoignage à l’audience.

[21] Il incombe à la Commission de prouver que la prestataire a quitté volontairement son emploiNote de bas de page 1.

[22] Pour déterminer si la prestataire a quitté volontairement son emploi, je dois me demander si elle avait le choix de rester ou de partirNote de bas de page 2.

[23] Je conclus que la prestataire n’a pas quitté volontairement son emploi parce qu’elle n’avait pas le choix de rester ou de quitter. Je conclus qu’il y a eu un malentendu entre la prestataire et son employeur. Elle croyait que son congé avait été approuvé. Elle a cessé de travailler le 31 décembre 2020. Le 18 janvier 2021, son employeur a établi un relevé d’emploi dont le motif était « Départ volontaire/Retour aux études ». L’employeur ne savait pas que la prestataire était en congé. Lorsqu’elle est retournée au travail, on lui a dit qu’il n’y avait pas de travail dans son ancien poste.

[24] Les tribunaux ont dit qu’un malentendu ne signifie pas nécessairement que la prestataire a quitté volontairement son emploi, car toutes les circonstances doivent être examinées pour déterminer si la cessation d’emploi était volontaireNote de bas de page 3.

[25] Après avoir analysé toutes les circonstances, je conclus que le départ n’était pas volontaire. Je suis d’avis que la prestataire n’a pas pris l’initiative de rompre son lien d’emploi. Elle a dit à son gestionnaire qu’elle croyait devoir démissionner. Son gestionnaire lui a plutôt offert un congé. La prestataire et le gestionnaire ont convenu qu’elle retournerait au travail à la fin du semestre.

[26] Il ne s’agit pas d’un cas où la prestataire a refusé un emploi offert comme solution de rechange à une perte d’emploi prévue parce que son gestionnaire a convenu qu’elle retournerait au travail à la fin du congé. Il ne s’agit pas d’un cas où la prestataire a refusé de reprendre un emploi, parce que lorsque la prestataire a avisé son employeur qu’elle était prête à reprendre l’emploi de préposée aux bénéficiaires, on lui a dit que l’emploi n’était pas disponible. Il ne s’agit pas d’un cas où la prestataire a refusé un emploi chez un nouveau propriétaire, parce qu’elle a tenté de retourner à son ancien emploi de préposée aux bénéficiaires chez le nouvel employeur, mais qu’on lui a dit que le poste n’était plus disponible.

[27] Par conséquent, comme la prestataire n’avait pas d’emploi qui l’attendait après le congé convenu, je conclus qu’elle n’avait pas le choix de rester ou de quitter son emploi. Cela signifie que la prestataire n’a pas quitté volontairement son emploi.

[28] Comme j’ai déterminé que la prestataire n’a pas quitté volontairement son emploi, je n’ai pas à déterminer si elle était fondée à le faire.

Analyse – Disponibilité

[29] Deux dispositions distinctes de la loi exigent que le prestataire démontre qu’il est disponible pour travailler. La Commission a déterminé que la prestataire était exclue conformément à ces deux dispositions pendant deux périodesNote de bas de page 4. Elle doit donc satisfaire aux critères des deux dispositions pour obtenir des prestations.

[30] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’un prestataire doit prouver qu’il fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 5. Le Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE) énonce des critères qui expliquent ce que sont des « démarches habituelles et raisonnables »Note de bas de page 6. Je vais examiner ces critères plus loin.

[31] Deuxièmement, la Loi sur l’AE dispose qu’un prestataire doit prouver qu’il est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’il est incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 7. La jurisprudence énumère trois éléments qu’un prestataire doit prouver pour démontrer qu’il est « disponible » en ce sensNote de bas de page 8. Je vais examiner ces éléments plus loin.

[32] La Commission a décidé que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle étudiait à temps plein.

[33] En examinant les éléments de preuve au dossier d’appel, je n’ai vu aucune demande de la Commission à la prestataire pour prouver qu’elle avait fait des démarches habituelles et raisonnables pour obtenir un emploi convenable ni aucune affirmation de la Commission selon laquelle, si elle l’a demandé à la prestataire, sa preuve était insuffisante.

[34] Je remarque que la Commission n’a pas présenté d’observations sur la façon dont la prestataire ne lui a pas démontré qu’elle faisait des démarches habituelles et raisonnables. La Commission a seulement résumé ce que prévoit la loi en ce qui concerne le paragraphe 50(8) de la Loi sur l’AE et l’article 9.001 du Règlement sur l’AE.

[35] Compte tenu de l’absence de preuve selon laquelle la Commission a demandé à la prestataire de prouver ses démarches habituelles et raisonnables conformément au paragraphe 50(8) de la Loi sur l’AE, la Commission n’a pas exclu la prestataire en application du paragraphe 50(8) de la Loi sur l’AE. Par conséquent, je n’ai pas à tenir compte de cette partie de la loi pour rendre ma décision sur cette question.

[36] Je ne me pencherai que sur la question de savoir si la prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin conformément à l’article 18 de la Loi sur l’AE.

[37] La prestataire était étudiante pendant la période où elle a été exclue du bénéfice des prestations. La Cour d’appel fédérale a affirmé que les prestataires qui suivent une formation à temps plein sont présumés ne pas être disponibles pour travaillerNote de bas de page 9. C’est ce qu’on appelle la « présomption de non-disponibilité ». Autrement dit, nous pouvons supposer que les étudiants ne sont pas disponibles pour travailler lorsque la preuve démontre qu’ils sont aux études à temps plein.

[38] Je dois tenir compte de la présomption selon laquelle les prestataires qui sont aux études à temps plein ne sont pas disponibles pour travaillerNote de bas de page 10. Je vais commencer par déterminer si cette présomption s’applique à la prestataire. Ensuite, je vais examiner le droit sur la disponibilité.

Présomption de non-disponibilité des étudiants à temps plein

[39] La présomption selon laquelle les étudiants ne sont pas disponibles pour travailler ne s’applique qu’aux étudiants à temps plein.

La prestataire étudiait à la fois à temps plein et à temps partiel

[40] La prestataire a témoigné qu’elle était étudiante à temps partiel du 7 septembre 2021 au 17 décembre 2021. Je ne vois aucun élément de preuve indiquant le contraire. Cela signifie que la présomption ne s’applique pas pendant cette période.

[41] La prestataire a témoigné qu’elle était étudiante à temps plein du 8 mars 2021 au 30 avril 2021Note de bas de page 11. La prestataire a affirmé qu’elle est retournée aux études à temps plein le 10 janvier 2022 et qu’elle était aux études à temps plein à la date de l’audience. Je ne vois aucun élément de preuve indiquant le contraire. Cela signifie que la présomption s’applique à ces périodes. Mais la présomption selon laquelle les étudiants à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler peut être réfutée (c’est-à-dire qu’on peut démontrer qu’elle ne s’applique pas). Si la présomption est réfutée, elle ne s’applique pas.

[42] La prestataire peut réfuter la présomption de deux façons. Elle peut démontrer qu’elle a déjà travaillé à temps plein pendant ses étudesNote de bas de page 12. Elle peut aussi établir l’existence de circonstances exceptionnelles dans son casNote de bas de page 13.

[43] La prestataire a témoigné qu’elle a présenté une première demande de prestations d’assurance-emploi en mars 2021 lorsqu’elle a appris d’un collègue étudiant qu’elle pouvait présenter une demande d’assurance-emploi. Elle fréquentait le collège à temps plein depuis janvier 2021. La prestataire a affirmé que, depuis 2016, elle travaillait à temps partiel pendant qu’elle étudiait au secondaire et au collège. Elle a aussi travaillé à temps plein pendant les pauses estivales.

[44] La prestataire a témoigné qu’elle a cherché du travail lorsqu’elle a commencé ses études collégiales en janvier 2021. Elle a postulé un emploi d’assistante en résidence, dans des magasins de détail et a demandé à un ancien employeur dans un magasin de détail s’il avait du travail pour elle. La prestataire est retournée travailler à temps plein pendant la pause estivale du collège. Elle a également continué de travailler à temps partiel chez l’employeur pour qui elle avait travaillé à temps plein pendant l’été, du 7 septembre 2021 jusqu’à la fin de cet emploi le 10 octobre 2021.

[45] La prestataire est retournée aux études à temps plein le 10 janvier 2022. Elle a continué de chercher du travail et a réussi à obtenir un emploi dans un ESLD parce que les restrictions avaient été levées. Elle travaille maintenant comme employée occasionnelle à temps partiel à divers quarts de travail le vendredi, le samedi et le dimanche.

[46] La Commission soutient que, pour réfuter la présomption, la prestataire doit démontrer qu’elle cherchait activement un emploi à temps plein tout en suivant des cours.

[47] Je ne suis pas d’accord avec la Commission pour dire que la prestataire devait démontrer qu’elle était disponible pour travailler à temps plein pendant ses études; une telle exigence n’existe pas dans la loi. Elle avait l’obligation de démontrer qu’elle était disponible pour travailler conformément à ses antécédents professionnels.

[48] Je conclus que la prestataire a réfuté la présomption selon laquelle elle n’était pas disponible pour travailler parce qu’elle était étudiante à temps plein du 8 mars 2021 au 30 avril 2021 et à compter du 10 janvier 2022.

[49] La prestataire a indiqué dans le questionnaire de formation qu’elle a rempli le 10 mars 2021 qu’elle n’était pas disponible pour travailler ni capable de travailler dans les mêmes conditions ou dans de meilleures conditions qu’avant le début de son cours. À l’audience, la prestataire a expliqué qu’elle avait indiqué qu’elle n’était pas disponible dans les mêmes conditions ou dans de meilleures conditions parce qu’elle croyait que la question portait sur le type de travail qu’elle effectuait à l’ESLD. Elle a répondu par la négative parce qu’elle n’était pas en mesure de travailler comme préposée aux bénéficiaires pendant que la restriction de se trouver dans deux établissements de soins de santé en même temps était en place. Elle a indiqué qu’elle cherchait un autre emploi pendant qu’elle suivait son cours, car il n’y avait aucune restriction pour qu’elle puisse occuper un autre type d’emploi.

[50] À mon avis, les conditions d’emploi ne sont pas le type de travail, mais les heures, le taux de rémunération et les avantages sociaux rattachés à un emploi. La prestataire ne pouvait pas travailler à temps partiel dans le domaine des soins de santé, mais elle était capable de travailler ailleurs à temps partiel et avait cherché du travail dans d’autres types d’emploi. Cet élément de preuve m’indique que la prestataire était disponible pour travailler aux mêmes conditions que celles dans lesquelles elle travaillait auparavant.

[51] La prestataire est retournée aux études collégiales à temps plein le 7 janvier 2022. Elle a continué de chercher du travail et a réussi à obtenir un emploi à temps partiel dans un ESLD en février 2022. Elle travaille selon différents quarts les fins de semaine. Il s’agit du même type et du même nombre d’heures de travail à temps partiel qu’elle effectuait lorsqu’elle fréquentait le collège à temps plein de septembre 2020 à décembre 2020.

[52] Comme je l’ai mentionné précédemment, la jurisprudence indique que la présomption est réfutée lorsqu’une prestataire peut démontrer qu’elle a travaillé à temps plein tout en étudiant à temps plein ou qu’il existe des circonstances exceptionnelles. La prestataire a travaillé à temps partiel pendant six ans tout en étudiant à temps plein. Elle a cherché du travail dans des domaines où elle avait de l’expérience, soit dans le commerce de détail et les soins de santé. Elle a réussi à obtenir un emploi à temps plein pendant les mois d’été. Elle est retournée travailler à temps partiel en septembre 2021 et en février 2022. Compte tenu de cette preuve, je conclus que la prestataire a réfuté la présomption selon laquelle elle n’est pas disponible pour travailler parce qu’elle fréquente le collège à temps plein.

[53] La Cour d’appel fédérale ne nous a pas encore indiqué comment la présomption et les articles de la loi traitant de la disponibilité sont liés entre eux.

[54] La réfutation de la présomption signifie seulement que le prestataire n’est pas présumé être non disponible. Je dois tout de même examiner l’article de loi qui s’applique en l’espèce et déterminer si la prestataire est effectivement disponible.

Capable de travailler et disponible à cette fin

[55] Comme je l’ai mentionné précédemment, je dois seulement déterminer si la prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin conformément à l’alinéa 18(1)a) de la Loi sur l’AE.

[56] La jurisprudence énonce trois éléments dont je dois tenir compte pour trancher cette question. La prestataire doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 14 :

  1. a) Elle voulait retourner au travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert.
  2. b) Elle a fait des efforts pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Elle n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (en d’autres termes, trop) ses chances de retourner au travail.

[57] Lorsque j’examine chacun de ces facteurs, je dois tenir compte de l’attitude et de la conduite de la prestataireNote de bas de page 15.

Désir de retourner au travail

[58] La prestataire a démontré qu’elle voulait retourner au travail dès qu’un emploi convenable serait offert. La prestataire a affirmé dans son témoignage qu’elle a constaté que vous n’aurez pas de succès si vous ne faites rien pour réussir. Elle a affirmé qu’elle est autonome et ne souhaite pas devoir de l’argent. Elle doit travailler pour payer ses factures. La prestataire a travaillé au cours des six dernières années : à temps partiel pendant qu’elle était au secondaire et au collège, et à temps plein pendant les pauses estivales. Elle travaille actuellement. Cet élément de preuve me laisse croire que la prestataire souhaitait retourner au travail dès qu’un emploi convenable serait offert.

Efforts pour trouver un emploi convenable

[59] La prestataire a fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable.

[60] Une autre disposition de la loi énonce les démarches de recherche d’emploi à examiner au moment de déterminer la disponibilitéNote de bas de page 16. Cette autre disposition ne s’applique pas à l’appel de la prestataire. Cependant, je choisis d’examiner cette liste à titre indicatif pour m’aider à déterminer si la prestataire a fait des efforts pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 17.

[61] La liste compte neuf démarches de recherche d’emploi : l’évaluation des possibilités d’emploi, la rédaction d’un curriculum vitae ou d’une lettre de présentation, l’inscription à des outils de recherche d’emploi ou auprès de banques d’emplois électroniques ou d’agences de placement, la participation à des ateliers sur la recherche d’emploi ou à des salons de l’emploi, le réseautage, la communication avec des employeurs éventuels, la présentation de demandes d’emploi, la participation à des entrevues et la participation à des évaluations des compétencesNote de bas de page 18.

[62] La prestataire a fait les démarches suivantes pour trouver un nouvel emploi : l’inscription à une banque d’emplois pour obtenir des courriels au sujet d’emplois, la présentation de demandes d’emploi sur des sites Web comme InDeed, la consultation d’affiches d’emploi en ligne du collège, la présentation de demandes d’emploi au collège et à d’anciens employeurs, la communication avec son ancien employeur de l’ESLD pour l’informer qu’elle était en mesure de reprendre son emploi, la présentation de son curriculum vitae à des employeurs potentiels, la présentation de demandes d’emploi dans des établissements de restauration rapide, des points de vente au détail et la discussion avec des étudiants, des amis et des membres de la famille au sujet de possibilités d’emploi. Elle a cherché du travail pendant ses études collégiales et pendant ses pauses. Elle a réussi à obtenir du travail à temps plein pour la pause estivale de 2021, et du travail à temps partiel en septembre 2021 et de nouveau en février 2022.

[63] Je suis convaincue que les démarches de recherche d’emploi de la prestataire manifestaient son désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable serait offert.

Limiter indûment les chances de retourner au travail

[64] La prestataire n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner au travail.

[65] La prestataire a affirmé qu’elle a accès à un moyen de transport pour se rendre au travail, qu’elle possède un permis de conduire et qu’elle est disposée à se déplacer pour se rendre au travail. Elle cherchait un emploi qui correspondait à son expérience dans le commerce de détail et dans les soins de santé. Elle s’attendait à gagner un peu plus que le salaire minimum, soit ce qu’elle gagnait dans son emploi de préposée aux bénéficiaires. Il n’y a pas de travail qu’elle ne pouvait pas faire en raison de convictions morales ou de croyances religieuses. Elle est prête à accepter un emploi qui pourrait nécessiter une formation en cours d’emploi.

[66] Bien que je ne sois pas tenue de suivre les décisions de juges-arbitres du Canada sur les prestations (décision CUB), j’estime que le raisonnement adopté dans la décision CUB 52365 est convaincant. Dans cette affaire, la prestataire a quitté son emploi pour suivre un cours qui lui permettait de travailler de 6 h à 10 h chaque jour, six jours par la semaine, pour un total de 24 heures. Le juge-arbitre a conclu qu’il était important que la disponibilité actuelle de la prestataire pendant ses études ne soit pas inférieure à ce qu’elle était lorsqu’elle travaillait. Le juge-arbitre a conclu que les faits démontraient que la prestataire serait disponible pour travailler autant qu’elle l’était auparavant, lorsqu’elle travaillait pendant 20 heures. Il a déterminé que la prestataire avait prouvé qu’elle était disponible pour travailler.

[67] En l’espèce, la prestataire a affirmé que les jours de pratique clinique et en laboratoire exigeaient une présence en personne. Elle devait également assister en personne à ses autres cours. La prestataire a indiqué qu’elle est en mesure d’accepter un emploi qui ne gêne pas son horaire d’études collégiales à temps plein. Cette intention exclut probablement les possibilités d’emploi qui autrement pourraient être offertes. Quoi qu’il en soit, la prestataire est demeurée disponible pour accepter un emploi comportant le même nombre ou un nombre plus élevé d’heures de travail que son emploi antérieur afin de coordonner les exigences de présence aux cours qui étaient semblables à celles qui existaient avant sa perte d’emploi.

[68] La preuve indique que la prestataire a repris un emploi à temps partiel en septembre 2021 lorsqu’elle est retournée au collège à temps partiel et de nouveau en février 2022 lorsqu’elle étudiait à temps plein. Elle travaillait à temps partiel les fins de semaine, c’est-à-dire comme elle le faisait quand elle devait assister à des cours à temps plein et à temps partiel. Ces faits montrent que la prestataire était aussi disponible pour travailler que lorsqu’elle fréquentait le collège. Par conséquent, je conclus que les études de la prestataire n’ont pas limité et ne limitent pas ses chances de retourner au travail pendant ces périodes.

La prestataire était-elle capable de travailler et disponible à cette fin?

[69] D’après mes conclusions relatives aux trois éléments, je conclus que la prestataire a démontré qu’elle est capable de travailler et disponible à cette fin, mais qu’elle est incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

[70] En ce qui concerne la question de savoir si la prestataire a quitté volontairement son emploi, l’appel est accueilli. La Commission ne s’est pas acquittée du fardeau de démontrer que la prestataire avait le choix de rester ou de quitter son emploi.

[71] La prestataire a démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi. Pour cette raison, je conclus que la prestataire n’est pas exclue du bénéfice des prestations. La prestataire pourrait donc avoir droit à des prestations.

[72] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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