Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 975

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission d’en appeler

Partie demanderesse : C. S.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 3 août 2022 (GE-22-947)

Membre du Tribunal : Charlotte McQuade
Date de la décision : Le 3 octobre 2022
Numéro de dossier : AD-22-635

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Décision

[1] Je refuse la permission de faire appel. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] C. S. est le prestataire. Il travaillait dans un hôpital, mais n’avait pas de contact avec les patients. L’employeur du prestataire l’a congédié parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[3] Le prestataire a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi (AE). La Commission de l’assurance-emploi du Canada a exclu le prestataire du bénéfice des prestations parce qu’il a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 1.

[4] Le prestataire a interjeté appel à la division générale du Tribunal qui a rejeté l’appel. La division générale a décidé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Le prestataire demande maintenant à faire appel de la décision de la division générale auprès de la division d’appel. Toutefois, il doit obtenir la permission de faire appel.

[5] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas respecté l’équité procédurale. Il soutient que la division générale a commis une erreur en décidant que son comportement était délibéré parce qu’il a tenté de se conformer à la politique de l’employeur et à la directive no 6, que la politique de l’employeur était déraisonnable et que l’employeur n’a jamais répondu à sa demande de mesures d’adaptation fondée sur ses croyances. Il dit aussi ne pas avoir su avant le 13 octobre 2021 qu’il serait congédié le 22 octobre 2021 parce qu’il a refusé de se faire vacciner. De plus, il soutient que la division générale n’a pas considéré que son employeur avait délibérément refusé toute demande d’exemption fondée sur les croyances. Le prestataire fait valoir que de nombreuses autres personnes ayant présenté des demandes d’exemptions relatives à des croyances ont touché des prestations d’AE.

[6] Je suis convaincue que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès et je refuse donc la permission de faire appel.

Question en litige

[7] La demande présentée par le prestataire à la division d’appel soulève les questions suivantes :

  1. a) Peut-on soutenir que la division générale n’a pas respecté l’équité procédurale?
  2. b) Peut-on soutenir que la division générale a négligé des faits importants ou a commis une erreur de droit ou de compétence lorsqu’elle a décidé que la conduite du prestataire était une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE)?

Analyse

[8] La division d’appel comporte un processus en deux étapes. D’abord, la partie prestataire doit obtenir la permission de faire appel. Si la permission est refusée, l’appel s’arrête là. Si la permission est accordée, l’appel passe à la deuxième étape. La deuxième étape consiste à décider du bien-fondé de l’appel.

[9] Je dois rejeter la demande de permission d’en appeler si je suis convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 2. La loi dit que je peux seulement considérer certains types d’erreurs.Note de bas de page 3. Ces erreurs sont les suivantes :

  • Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une certaine façon.
  • La division générale a commis une erreur de compétence (elle n’a pas tranché une question qui aurait dû l’être ou elle s’est prononcée sur une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher).
  • La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  • La division générale a commis une erreur de droit.

[10] Une chance raisonnable de succès signifie qu’il existe une cause défendable selon laquelle la division générale pourrait avoir commis au moins une de ces erreursNote de bas de page 4.

Il est impossible de soutenir que la division générale a manqué à l’équité procédurale

[11] Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a manqué à l’équité procédurale en arrivant à une conclusion que le prestataire estime injuste.

[12] Le prestataire affirme dans sa demande à la division d’appel que la division générale n’a pas respecté l’équité procédurale. Dans ses observations, il explique toutefois ce qu’il estime être un résultat injuste. Le prestataire souligne qu’il ne souscrit pas à la conclusion de la division générale selon laquelle il a été congédié pour inconduite puisqu’il affirme que sa conduite n’était pas délibérée.

[13] Il est impossible de soutenir que la division générale a manqué à l’équité procédurale envers le prestataire. L’équité du résultat n’est pas la même chose que l’équité procédurale.

[14] Je ne peux intervenir dans une question d’équité que si elle concerne la manière dont la division générale a procédé. Par exemple, je peux intervenir si la division générale a fait quelque chose qui aurait pu compromettre la capacité du prestataire à connaître la preuve qui pesait contre lui ou à y répondre ou si le décideur était partial. Le prestataire n’a signalé aucune injustice de ce type de la part de la division générale. J’ai examiné l’enregistrement audio de l’audience de la division générale et je ne vois aucune preuve d’iniquité procédurale.

Il est impossible de soutenir que la division générale a commis d’autres erreurs susceptibles de contrôle lorsqu’elle a décidé que la conduite du prestataire était une inconduite

[15] Le terme « inconduite » n’est pas défini dans la Loi sur l’AE. Toutefois, les tribunaux ont établi une définition de ce terme.

[16] Comme la division générale l’a déclaré, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. Une conduite délibérée désigne une conduite consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 5. L’inconduite comprend aussi une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 6. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (autrement dit, qu’il ait voulu mal agir) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 7.

[17] Autrement dit, il y a inconduite si le prestataire savait ou devait savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses fonctions envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédiéNote de bas de page 8.

[18] La division générale a appliqué ce critère pour décider si la conduite du prestataire constituait une inconduite.

[19] La preuve démontre que la conduite du prestataire était une inconduite.

[20] La division générale a conclu dans les faits que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Le prestataire n’a pas contesté qu’il s’agissait du motif du congédiement.

[21] La division générale a également conclu dans les faits que :

  • Le prestataire était au courant de la politique de vaccination de son employeur.
  • La politique exigeait que les employés fournissent une preuve de vaccination ou qu’ils obtiennent une exemption approuvée, sinon ils ne seraient pas autorisés à travailler.
  • Le prestataire savait, lors de la rencontre avec son employeur du 13 octobre 2021, que sa demande d’exemption fondée sur des croyances avait été refuséeNote de bas de page 9.
  • À la réunion du 13 octobre 2021, le prestataire s’est vu offrir la possibilité de se faire vacciner conformément à la politique de l’employeur et cette vaccination serait suivie d’un congé sans solde de 14 jours, sinon il serait congédié.
  • Le prestataire a refusé la vaccination et a donc été congédié le 22 octobre 2021Note de bas de page 10.

[22] Aucun de ces faits n’a été contesté par le prestataire.

[23] La division générale a décidé que la décision du prestataire de ne pas se conformer à la politique était délibérée. La division générale a décidé que c’était parce que le prestataire a pris une décision consciente et délibérée de refuser de se conformer à la politique de l’employeur alors qu’il savait que le fait de ne pas se conformer pourrait entraîner son congédiement.

[24] La décision de la division générale était conforme au droit.

[25] Les tribunaux ont déclaré que cette inconduite comprend un manquement à une obligation expresse ou implicite découlant du contrat de travailNote de bas de page 11. Une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduiteNote de bas de page 12.

[26] Les faits démontrent que le prestataire a délibérément violé la politique de l’employeur selon laquelle la vaccination est obligatoire, dès qu’il a su, le 13 octobre 2021, que sa demande d’exemption avait été refusée. Il a enfreint la politique même s’il savait qu’il serait congédié en conséquence.

[27] Le prestataire soutient qu’il s’est conformé à la directive no 6 et qu’il a fait de son mieux pour se conformer à la politique de son employeur en acceptant de se soumettre à des tests trois fois par semaine, en suivant un programme de sensibilisation et en présentant une demande d’exemption pour motif religieux. Il dit aussi ne pas avoir su avant le 13 octobre 2021 qu’il serait congédié le 22 octobre 2021 parce qu’il a refusé le vaccin.

[28] La division générale n’était pas tenue d’établir si le prestataire s’est conformé à la directive no 6 ou à d’autres parties de la politique de l’employeur. La conduite ayant entraîné le congédiement du prestataire est le défaut de se conformer à l’obligation de vaccination, après avoir été informé que sa demande d’exemption avait été refusée, et sachant que la conséquence serait le congédiement.

[29] La division générale a reconnu le témoignage du prestataire selon lequel, avant le 13 octobre 2021, il croyait qu’il serait mis en congé sans solde parce qu’il ne s’était pas fait vaccinerNote de bas de page 13. Toutefois, la division générale a conclu, d’après le témoignage du prestataire, qu’il savait au 13 octobre 2021 qu’il serait congédié s’il continuait de refuser de se faire vacciner.

[30] Le prestataire affirme que la division générale aurait dû tenir compte du fait que la politique de l’employeur était déraisonnable. Il avait fait valoir à la division générale que la politique de l’employeur était déraisonnable parce qu’une personne peut encore contracter et transmettre le virus si elle est vaccinée. Il a également dit qu’il avait travaillé 21 ans sans avoir fait l’objet de mesures disciplinaires.

[31] Il est impossible de soutenir que la division générale était tenue d’établir si la politique de l’employeur était raisonnable. Plusieurs raisons expliquent cette situation. Premièrement, comme je l’ai mentionné précédemment, un manquement à une obligation expresse ou implicite découlant du contrat de travail, sachant que le manquement pourrait entraîner un congédiement, est suffisant pour constituer une inconduite. Le critère juridique de l’inconduite ne demande pas au décideur d’examiner l’obligation ou la politique et de décider s’il était raisonnable pour l’employeur d’imposer cette obligation ou cette politique.

[32] Deuxièmement, lorsqu’il s’agit d’établir si la politique était raisonnable, l’enquête porte plutôt le comportement de l’employeur plutôt que celui de l’employé. Toutefois, les tribunaux ont affirmé que c’est la conduite de l’employé qui est en cause lorsqu’il s’agit de décider s’il y a eu inconduite, et non la conduite de l’employeurNote de bas de page 14. Le caractère raisonnable de la politique ne peut donc être pris en considération.

[33] La question de savoir s’il était raisonnable pour l’employeur de congédier le prestataire plutôt que d’imposer une décision moins stricte n’est également pas pertinente concernant la question de l’inconduite. La Cour d’appel fédérale a dit que Tribunal n’a pas à décider si le congédiement était justifié ou s’il représentait une sanction appropriéeNote de bas de page 15.

[34] Le prestataire affirme que la division générale a également négligé le fait que l’employeur n’a pas répondu à sa demande d’exemption fondée sur ses croyances.

[35] Le comportement d’un employeur peut être pertinent, dans certaines situations, pour décider si le refus d’un employé de suivre une directive de son employeur est délibéréNote de bas de page 16. Par exemple, les questions de savoir si l’employeur a communiqué la politique à un employé, s’il lui a donné le temps de se conformer à la politique ou s’il lui a fait part des conséquences d’une violation de cette politique seraient pertinentes pour décider si la conduite d’un employé était délibérée.

[36] La division générale a tenu compte du témoignage du prestataire selon lequel l’employeur n’a pas répondu à sa demande d’exemption fondée sur ses croyances.

[37] La division générale a reconnu le témoignage du prestataire selon lequel ce dernier avait présenté au début d’octobre 2021 une demande d’exemption à la vaccination fondée sur ses croyances, qu’il avait présenté une lettre de son chef spirituel et que l’employeur n’avait pas répondu à sa demandeNote de bas de page 17.

[38] Toutefois, la division générale a conclu, en se fondant sur le témoignage du prestataire, que ce dernier avait été informé, lors de la réunion avec l’employeur du 13 octobre 2021, que sa demande avait été rejetéeNote de bas de page 18.

[39] Je ne vois aucune erreur de fait défendable que le prestataire ait appris à la rencontre avec l’employeur du 13 octobre 2021 que sa demande avait été rejetée. Cette conclusion concordait avec son témoignageNote de bas de page 19.

[40] Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit ou de compétence parce qu’elle n’a pas déterminé si l’employeur a indûment rejeté la demande d’exemption du prestataire.

[41] Il existe une directive très précise de la Cour fédérale selon laquelle la question de savoir si un employeur a omis de prendre des mesures d’adaptation à l’égard d’un employé conformément à la loi sur les droits de la personne ou conformément à sa propre politique n’est pas pertinente concernant la question de l’inconduite.

[42] Dans la décision Paradis c Canada (Procureur général), la Cour fédérale s’est penchée sur la question de savoir si le manquement d’un employeur à son obligation d’offrir à un employé des mesures d’adaptation raisonnables pour une invalidité prétendue liée à la drogue conformément à l’Alberta Human Rights Act [loi de l’Alberta sur les droits de la personne] et à sa propre politique d’entreprise était pertinente concernant la question de l’inconduiteNote de bas de page 20. La Cour fédérale a décidé que ce n’était pas le cas. Pour en arriver à cette conclusion, la Cour fédérale a réitéré la directive antérieure de la Cour d’appel fédérale selon laquelle, lorsqu’elle examine l’inconduite, c’est la conduite de l’employé et non celle de l’employeur qui est pertinenteNote de bas de page 21. La Cour fédérale a également noté que la question de savoir si l’employeur devait fournir des mesures d’adaptation raisonnables pour aider le demandeur à gérer sa toxicomanie était une question relevant d’une autre instance.

[43] Cette loi lie le Tribunal. Par conséquent, la division générale n’a pas commis d’erreur de droit ou de compétence en n’examinant pas la question de savoir si l’employeur a omis de prendre des mesures d’adaptation adéquates envers le prestataire conformément à sa propre politique ou au Code des droits de la personne de l’Ontario. Ce n’est pas le type de conduite de l’employeur qui est pertinent concernant la question de l’inconduite.

[44] Le prestataire soutient en outre que la division générale a commis une erreur en ne tenant pas compte du fait que l’employeur du prestataire a délibérément refusé toute demande d’exemption fondée sur des croyances. J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale et je n’ai pas entendu le prestataire fournir cette information dans son témoignage. J’ai également examiné le dossier documentaire présenté à la division générale et je ne vois cette information nulle part. Il s’agit donc de nouveaux éléments de preuve que la division générale n’avait pas avant de rendre sa décision.

[45] Habituellement, la division d’appel n’accepte pas de nouveaux éléments de preuve concernant les questions sur lesquelles la division générale s’est prononcée, à quelques très rares exemptionsNote de bas de page 22. La raison en est que la division d’appel n’instruira pas l’affaire de nouveau. Elle décide plutôt si la division générale a commis certaines erreurs et décide comment les corriger. Ce faisant, la division d’appel examine les éléments de preuve dont disposait la division générale au moment de rendre sa décision.

[46] Aucune des exceptions ne s’applique pour me permettre d’examiner les nouveaux éléments de preuve du prestataire selon lesquels son employeur a délibérément refusé toute demande d’exemption fondée sur des croyances. Je ne peux donc pas en tenir compte. Comme le prestataire n’a pas fourni ces éléments de preuve à la division générale, elle n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle en ne les examinant pas.

[47] Le prestataire soutient en outre que plusieurs personnes se voient accorder des prestations d’AE parce qu’elles ont tenté de se conformer et ont présenté des demandes d’exemption fondées sur des croyances. Il cite une affaire de la division générale du Tribunal où la division générale a tranché en faveur d’un prestataire qui avait refusé la vaccination en raison de ses croyancesNote de bas de page 23.

[48] Bien que la cohérence de la loi soit importante, les membres de la division générale ne sont pas tenus de suivre les décisions des autres membres de la division générale. Quoi qu’il en soit, cette affaire n’a pas été présentée à la division générale et le prestataire n’a présenté aucun argument à la division générale pour expliquer en quoi cette affaire était semblable à son cas. On ne peut pas reprocher à la division générale de ne pas avoir tenu compte d’un argument ou d’une affaire qui ne lui a jamais été présenté.

[49] Je comprends que le prestataire ne souscrit pas à la conclusion de la division générale. Toutefois, un appel devant la division d’appel du Tribunal ne constitue pas une nouvelle audience où une partie peut présenter à nouveau ses preuves et ses arguments ou présenter de nouveaux éléments de preuve et demander un résultat différent.

[50] Outre les arguments du prestataire, j’ai examiné le dossier documentaire et j’ai écouté la bande audio de l’audience de la division généraleNote de bas de page 24. La preuve appuie la décision de la division générale. Je n’ai trouvé aucune preuve importante que la division générale aurait pu ignorer ou mal interpréter.

[51] Le prestataire n’a relevé aucune erreur susceptible de contrôle pour laquelle son appel a une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[52] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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