Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 976

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (456668) datée du 22 février 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 13 juillet 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 3 août 2022
Numéro de dossier : GE-22-947

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi (AE)Note de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire travaillait dans un hôpital, mais ne fournissait pas de soins directs aux patients. Il a perdu son emploi. L’employeur du prestataire a affirmé qu’il avait été congédié parce qu’il ne s’était pas conformé à sa politique de vaccination contre la COVID-19.

[4] La Commission a accepté le motif de congédiement invoqué par l’employeur. Elle a conclu que le prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite. C’est pourquoi la Commission a décidé que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’AE.

[5] Le prestataire n’est pas d’accord avec la décision de la Commission. Il dit avoir des préoccupations relativement au vaccin contre la COVID-19, il devrait avoir le choix et ne pas être congédié pour avoir refusé le vaccin. Le prestataire a déclaré que le gouvernement provincial avait annoncé en novembre 2021 qu’il ne rendrait pas obligatoire le vaccin pour les travailleurs en milieu hospitalier, mais que son employeur a rendu le vaccin obligatoire. Le prestataire a affirmé que d’autres travailleurs congédiés recevaient des prestations d’AE sans exemption médicale ou religieuse et qu’il mérite de recevoir des prestations d’AE.

Questions que je dois examiner en premier

L’employeur n’est pas mis en cause

[6] Il arrive parfois que le Tribunal envoie à l’ancien employeur d’un prestataire une lettre dans laquelle il demande s’il souhaite être mis en cause dans l’appel. Dans la présente affaire, le Tribunal a envoyé une lettre à l’employeur. Ce dernier n’y a pas répondu.

[7] Pour être mis en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas ajouter l’employeur comme mis en cause dans le présent appel, car rien dans le dossier ne me laisse croire que ma décision imposerait une obligation juridique à l’employeur.

Le prestataire ne présente pas d’argument fondé sur la Charte

[8] Dans son appel devant le Tribunal, le prestataire a mentionné qu’il pourrait faire valoir que la décision de la Commission de lui refuser des prestations d’AE constituait une violation de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte). Comme les appels fondés sur la Charte exigent un processus différent du processus d’appel ordinaire, j’ai écrit au prestataire pour lui transmettre des renseignements sur les appels fondés sur la Charte et je lui ai demandé de décider s’il souhaitait aller de l’avant avec un appel fondé sur la Charte.

[9] Le prestataire avait jusqu’au 3 juin 2022 pour déposer un avis d’argument fondé sur la CharteNote de bas de page 2. Il a informé le personnel du Tribunal qu’il ne présenterait pas d’argument fondé sur la Charte, son appel a donc été traité comme un appel ordinaire. Par conséquent, le prestataire ne présentera pas d’argument fondé sur la Charte et je ne me pencherai pas sur la question de savoir si la décision de la Commission de l’exclure du bénéfice des prestations d’AE contrevenait à la Charte.

Documents déposés après l’audience

[10] À l’audience, le prestataire a fait référence à la politique de l’employeur et à la directive no 6 du gouvernement provincial. J’ai demandé au prestataire d’envoyer ces documents au Tribunal. J’admets les documents en preuve parce que les renseignements contenus dans les documents concernent la question de savoir si le prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.

[11] Une copie des documents a été envoyée à la Commission. Au moment de la rédaction de ma décision, la Commission n’a présenté aucune observation au sujet des documents.

Question en litige

[12] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison de son inconduite?

Analyse

[13] Je dois décider si le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Pour ce faire, je dois trancher deux éléments. Je dois d’abord établir pourquoi le prestataire a perdu son emploi. Je dois ensuite décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[14] Je conclus que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[15] Le prestataire a affirmé que le gouvernement provincial avait émis une directive exigeant que tous les hôpitaux adoptent une politique selon laquelle tous les employés doivent fournir une preuve de vaccination ou avoir une exemption médicale ou une preuve qu’ils ont suivi une séance de sensibilisation. Il a dit que si les employés ne se conformaient pas à l’une de ces exigences, ils devaient se soumettre à des tests antigéniques réguliers. Il a demandé une exemption à la vaccination sur la base des croyances (foi). L’employeur n’a pas accédé à la demande d’exemption. Le prestataire s’attendait à être mis en congé sans solde parce qu’il n’était pas vacciné. Le prestataire a affirmé que ce n’est que la dernière semaine d’emploi qu’il est devenu évident à ses yeux qu’il pouvait être congédié. Le prestataire a affirmé qu’il s’est soumis à des tests antigéniques pendant deux semaines avant d’être congédié.

[16] Le dossier d’appel contient une lettre datée du 22 octobre 2021 envoyée par l’employeur au prestataire. Dans la lettre, il est mentionné que le prestataire a rencontré son employeur le 13 octobre 2021, date à laquelle il a été confirmé que le prestataire avait compris la conséquence de ne pas se conformer à l’exigence de se faire vacciner, qu’il a confirmé que les dossiers de l’employeur selon lesquels il ne s’était pas fait vacciner étaient exacts et qu’il n’avait pas obtenu d’exemption. À l’audience, j’ai demandé au prestataire si les renseignements contenus dans la lettre étaient exacts. Il a répondu que c’était le cas. Le prestataire a été congédié le 22 octobre 2021 parce qu’il ne s’était pas conformé à la politique de vaccination.

[17] La preuve m’indique que le prestataire était tenu de se conformer à la politique de l’employeur selon laquelle il devait être vacciné ou avoir obtenu une exemption à la vaccination avant le 21 octobre 2022. Il n’avait pas obtenu une exemption et ne s’était pas fait vacciner à cette date. Par conséquent, je conclus que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination de l’employeur.

La raison du congédiement du prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[18] Oui, la raison du congédiement du prestataire est une inconduite au sens de la loi. Voici les raisons pour lesquelles je suis arrivée à cette conclusion.

[19] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Une conduite délibérée désigne une conduite consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. L’inconduite comprend aussi une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 4. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (autrement dit, qu’il ait voulu mal agir) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 5.

[20] Il y a inconduite si le prestataire savait ou devait savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses fonctions envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédiéNote de bas de page 6.

[21] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 7.

[22] La Commission affirme que le prestataire a été congédié parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination de l’employeur. Elle dit que le prestataire a reconnu que l’employeur l’avait informé de sa politique de vaccination contre la COVID-19 et des conséquences du non-respect de la politique. Il savait parfaitement que le non-respect de la politique de vaccination de l’employeur entraînerait la perte de son emploi. La Commission affirme que le prestataire a pris volontairement la décision de ne pas se conformer à la politique de vaccination de l’employeur en sachant que son comportement aurait des répercussions sur son lien d’emploi. Elle dit que la perte d’emploi du prestataire était directement attribuable à son comportement. La Commission poursuit en affirmant que le prestataire a volontairement refusé de se conformer à la politique de l’employeur sur la COVID-19 et qu’il y a une causalité évidente entre le refus de se conformer à la politique et le congédiement, elle a conclu que le défaut du prestataire de se conformer à la politique de vaccination de l’employeur constituait de l’inconduite au sens de la Loi sur l’AE.

[23] Le prestataire a déclaré qu’il travaille dans un hôpital, mais qu’il ne s’occupe pas des soins aux patients. Selon lui, le gouvernement provincial a instauré une directive qui s’appliquait à tous les hôpitaux. La directive exigeait que les hôpitaux adoptent une politique obligeant les employés à fournir une preuve de vaccination contre la COVID-19 ou une preuve d’exemption médicale à la vaccination ou à suivre une séance de sensibilisation.

[24] Le prestataire a affirmé que, selon la politique de l’employeur, les personnes qui ne se sont pas fait vacciner seraient mises en congé sans solde pendant deux semaines. Son gestionnaire l’a également mentionné. Le prestataire a suivi la séance de sensibilisation et a affirmé qu’elle aurait pu être améliorée parce qu’elle n’abordait pas les effets secondaires. Le prestataire a déclaré qu’il avait effectué des tests antigéniques pendant les deux semaines précédant son congédiement. Il estimait que l’hôpital aurait dû poursuivre les tests.

[25] Le prestataire a déclaré que la directive provinciale avait été révoquée le 9 mars 2022. Il pensait que ce serait une réelle opportunité d’être rappelé au travail une fois les restrictions levées. Le prestataire croyait qu’il aurait dû être mis en congé sans solde parce qu’il ne s’est pas fait vacciner et qu’il n’aurait pas dû être congédié. Il a dit qu’il n’était pas évident à ses yeux qu’il pourrait perdre son emploi. Il n’était pas clair ni évident que la fin du congé sans solde serait la fin de son emploi. Il pensait que sa demande d’exemption serait approuvée. Il a dit que ce n’est que la dernière semaine d’emploi qu’il est devenu évident à ses yeux qu’il pouvait perdre son emploi.

[26] Le prestataire a affirmé avoir présenté une demande d’exemption à la vaccination au début d’octobre 2021. Il a fondé sa demande sur des croyances (foi) et a soumis une lettre de son chef spirituel. L’employeur n’a pas répondu à sa demande. Il a supposé que sa demande d’exemption avait été rejetée d’après la réunion du 13 octobre 2021. Le prestataire a déclaré que, lors de la réunion du 13 octobre 2021, il lui a été mentionné que s’il choisissait de se faire vacciner, il serait mis en congé sans solde pendant deux semaines après la vaccination pour tenir compte de l’immunité. Il a dit qu’il n’avait pas suffisamment de renseignements pour prendre une décision au sujet du vaccin.

[27] Le prestataire a affirmé que son syndicat avait déposé un grief en son nom. Il n’a pas porté plainte à la Commission des droits de la personne de la province.

[28] Le prestataire a fait valoir que la politique de l’employeur n’était pas raisonnable. Une personne peut encore contracter et transmettre le virus si elle est vaccinée. Il a travaillé pour son employeur pendant les 21 dernières années et n’a jamais fait l’objet de mesures disciplinaires. Il a fait remarquer que la Commission dit ne pas vouloir tenir compte de l’efficacité du vaccin, mais ajoute que la politique de l’employeur était raisonnable, ce qui est contradictoire.

[29] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite parce qu’elle a démontré que le prestataire a pris la décision consciente, délibérée et volontaire de ne pas se conformer à la politique de l’employeur alors qu’il savait que le fait de ne pas se conformer pourrait entraîner son congédiement. Voici les raisons pour lesquelles je suis arrivée à cette conclusion.

[30] Le prestataire a affirmé qu’il était au courant de la politique de l’employeur. Il savait qu’il devait se conformer à la politique. Pour se conformer, il devait fournir la preuve qu’il avait reçu les vaccins contre la COVID-19 ou qu’il avait une exemption approuvée. L’employeur du prestataire a annoncé en août 2021 que tous les employés devaient recevoir une deuxième dose du vaccin contre la COVID-19 au plus tard le 8 octobre 2021 et que [traduction] « ceux qui ne l’ont pas reçue feront face à des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement ».

[31] L’employeur a révisé sa politique le 3 septembre 2021. La politique révisée exigeait que tous les employés soient entièrement vaccinés contre la COVID-19 avant le 21 octobre 2021 et qu’ils fournissent une preuve confirmant qu’ils ont reçu toutes les doses de vaccination requises contre la COVID-19. Selon la politique, à compter du 22 octobre 2021, seules les personnes bénéficiant d’une exemption médicale valide ou celles bénéficiant d’une exemption au titre du code des droits de la personne bénéficieraient de mesures d’adaptation par l’entremise de tests antigéniques rapides autoadministrés. La politique prévoit également que les employés considérés comme non vaccinés conformément à la politique ne bénéficieront pas de mesures d’adaptation et ne seront pas autorisés à se présenter au travail. Il est mentionné que ces employés seront mis en congé sans solde non approuvé pendant une période de 14 jours après avoir été entièrement vaccinés.

[32] Le prestataire a demandé une exemption à la vaccination au début d’octobre 2021. Il a rencontré son employeur le 13 octobre 2021. Au cours de cette rencontre, il a confirmé qu’il n’était pas vacciné et qu’il comprenait les conséquences de ne pas se conformer à la politique. Lors de la réunion, il a été informé que l’employeur prévoyait le congédier le 22 octobre 2021 en raison de son non-respect de la politique. Il a déclaré que ce n’est que la dernière semaine d’emploi qu’il est devenu évident à ses yeux qu’il pouvait perdre son emploi. Le prestataire n’était toujours pas vacciné le 22 octobre 2021 et a été congédié.

[33] La preuve me porte à croire que le prestataire était au courant de la politique selon laquelle un employé ne serait pas autorisé à travailler s’il n’était pas vacciné ou s’il avait [sic] une exemption approuvée. L’employeur du prestataire a refusé sa demande d’exemption lorsqu’il l’a rencontré le 13 octobre 2021 pour confirmer qu’il n’était pas vacciné et pour l’informer qu’il serait congédié le 22 octobre 2021 parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination. Cela signifie que le prestataire a pris la décision consciente, délibérée et volontaire de ne pas se conformer à la politique de l’employeur alors qu’il savait que le fait de ne pas se conformer pourrait entraîner son congédiement. Par conséquent, je conclus que la Commission a prouvé que le prestataire a été congédié en raison de sa propre inconduite au sens de la loi et de la jurisprudence susmentionnée.

Ainsi, le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[34] Compte tenu des conclusions que j’ai tirées ci-dessus, j’estime que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite.

Conclusion

[35] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. C’est pourquoi elle a décidé que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’AE.

[36] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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