Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 978

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C. C.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (455637) datée du 17 février 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Date de la décision : Le 4 juillet 2021
Numéro de dossier : GE-22-1031

Sur cette page

Introduction

[1] L’employeur de la prestataire a adopté une politique exigeant à tout le personnel de fournir une preuve de première dose de vaccin contre la COVID-19 au plus tard le 13 septembre 2021 et une preuve de deuxième dose au plus tard le 24 octobre 2021Note de bas de page 1. La prestataire a dit à son employeur qu’elle ne se ferait pas vacciner. Elle a été congédiée le 21 septembre 2021Note de bas de page 2. La Commission a refusé de lui verser des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 3.

Question que je dois examiner en premier

L’employeur n’est pas mis en cause

[2] Parfois, le Tribunal de la sécurité sociale envoie une lettre à l’ex-employeur de la partie prestataire pour demander s’il souhaite être ajouté comme partie mise en cause dans l’affaire. Le Tribunal a envoyé une lettre à l’employeur, mais n’a reçu aucune réponse.

[3] Pour être mis en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas le mettre en cause dans le présent appel, car rien dans le dossier n’indique que ma décision lui imposerait des obligations légales quelconques.

Question en litige

[4] Je dois décider s’il faut rejeter l’appel de la prestataire de façon sommaire.

Législation

[5] Selon l’article 53(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la division générale rejette de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès.

[6] Selon l’article 22 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, avant de rejeter de façon sommaire l’appel, la division générale avise la partie appelante par écrit et lui donne un délai raisonnable pour présenter des observationsNote de bas de page 4.

[7] Selon l’article 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi, la partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison de son inconduite.

Preuve

[8] Le dossier d’appel montre que la prestataire a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi le 24 septembre 2021Note de bas de page 5.

[9] Dans le dossier d’appel, on peut aussi voir le relevé d’emploi produit pour la prestataire le 21 septembre 2021Note de bas de page 6. La raison pour laquelle le relevé a été produit est [traduction] « Autre ». Dans la section des commentaires, on peut lire : [traduction] « Elle a décidé de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19, alors que les directives de la santé publique exigeaient à tous les membres de l’établissement de fournir une preuve de vaccination pour avoir accès à nos installations. » Le dernier jour payé de la prestataire était le 18 septembre 2021.

[10] Le 18 novembre 2021, la prestataire a parlé à un membre du personnel de Service CanadaNote de bas de page 7. Elle a dit qu’elle travaillait dans le secteur des soins corporels, en contact direct avec le public, et que ses tâches l’amenaient à toucher des personnes à la hauteur de la tête et du visage. Elle a expliqué qu’elle a perdu son emploi après avoir refusé de se faire vacciner contre la COVID-19. Elle fonde son refus sur ses croyances catholiques. Elle a déclaré qu’elle n’avait pas subi de pression de la part d’un groupe ou d’un organisme religieux pour refuser le vaccin et qu’elle n’avait discuté du vaccin avec aucun membre de son église. La prestataire a aussi dit que les chiffres associés à certains composants chimiques du vaccin représentent Satan selon la sainte Bible.

[11] La prestataire a envoyé des documents à Service CanadaNote de bas de page 8. On y trouve une lettre à la commission provinciale des droits de la personne, une lettre de Santé Canada à une autre personne, un avis de la directrice provinciale de la santé publique, un affidavit notarié sur l’exemption à la vaccination contre la COVID-19 en raison de croyances religieuses (non notarié et non signé), ainsi que des documents relatifs au contenu du vaccin.

[12] Le 18 novembre 2021, une représentante de l’employeur de la prestataire a parlé à un membre du personnel de Service CanadaNote de bas de page 9. Elle a expliqué que le conseil d’administration avait mis en place une politique sur la COVID-19 pour le personnel en septembre 2021, conformément aux directives provinciales sur la santé publique. La politique exigeait à tout le personnel et les membres de l’établissement de fournir une preuve de vaccination au plus tard le 24 octobre 2021. L’employeur a rencontré la prestataire avant de mettre fin à son emploi. La prestataire a été claire sur le fait qu’elle ne se ferait pas vacciner en raison de ses croyances religieuses.

[13] On trouve au dossier d’appel une copie de la lettre de congédiement adressée à la prestataireNote de bas de page 10. Il est écrit que l’employeur a exigé à tous les membres du personnel, qui le pouvaient, de se faire vacciner contre la COVID-19. La prestataire a déclaré clairement qu’elle n’avait pas l’intention de se faire vacciner. Par conséquent, son emploi a pris fin le 21 septembre 2021.

Observations

[14] Dans son appel au Tribunal, la prestataire a écrit qu’elle avait choisi de ne pas se faire vacciner en raison de ses croyances religieuses. Selon elle, son congédiement est illégal parce qu’elle n’a pas eu la possibilité de demander une exemption à la politique de son employeur. La prestataire a affirmé avoir été congédiée illégalement par discrimination. Elle a soutenu que la notion de consentement éclairé fait partie de la Charte canadienne des droits et libertés, de la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme, du Code de Nuremberg et de la Déclaration d’HelsinkiNote de bas de page 11.

[15] Le 16 juin 2022, la prestataire a fourni des observations en réponse à l’avis d’intention de rejet sommaire du TribunalNote de bas de page 12. Elle a écrit que son appel avait des chances raisonnables de succès, puisqu’elle croyait que ses droits canadiens avaient été bafoués. Elle a affirmé qu’au Canada, nous avons des droits inaliénables, une Constitution et une Charte canadienne des droits et libertés, en plus d’un régime fondé sur la primauté du droit. Elle a fait valoir qu’aucune ordonnance ni obligation gouvernementale ne peut substituer le droit de travailler, de s’assembler, de pratiquer sa foi, ou de voir sa famille ou ses amis, et ne peut obliger une personne à ce que quelque chose soit introduit dans son corps sans son consentement total.

[16] La prestataire a ajouté dans ses observations qu’elle avait de bonnes raisons de croire qu’elle [traduction] « [avait] été congédiée illégalement, licenciée de façon injustifiée et victime de discrimination par [son] ex-employeur ». Elle a déclaré que la demande de son employeur concernant son statut vaccinal contrevenait à la protection de ses renseignements médicaux, et qu’il exigeait le test médical de thérapie génique sans exemption ni exception possible et sans autre option ni compromis raisonnable. Elle a déclaré que son employeur avait pratiqué illégalement la médecine, qu’il avait fait des ordonnances, des recommandations, de la promotion et de la publicité, qu’il avait usé d’instigation et de coercition, et qu’il avait insisté pour que le personnel se soumette à la vaccination. Selon la prestataire, la menace de l’utilisation d’une injection expérimentale contre la COVID-19, du port du masque ou d’un test comme condition d’emploi est non seulement illégale, mais aussi inconstitutionnelle et discriminatoire.

[17] De plus, la prestataire a souligné dans ses observations qu’elle avait toujours le droit de refuser de donner son consentement même après avoir été dûment informée au sujet du vaccin contre la COVID-19. Elle a aussi rappelé que les vaccins ne sont pas obligatoires au Canada. La prestataire a cité la Loi sur les mesures d’urgence du Canada, l’article 7 de la Charte et le Code de Nuremberg. Elle a aussi fourni un lien vers une vidéo et son résumé, et cité un membre du barreau, ainsi que des articles de la Déclaration canadienne des droits, de la Loi canadienne sur les droits de la personne, de la Public Health Act (loi sur la santé publique) de sa province et de la Human Rights Act (loi sur les droits de la personne) de sa province. La prestataire a également fourni une note médicale concernant les conséquences que le changement de sa situation professionnelle a eues sur elle.

[18] La Commission a affirmé que la prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite. Son employeur l’avait informée de sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 et du risque de perte d’emploi en cas de non-respect. Selon la Commission, rien ne prouve qu’en appliquant la politique, l’employeur ciblait la prestataire, une personne ou un groupe en particulier dans le milieu de travail. La Commission était d’avis que les circonstances dans l’affaire ne montraient aucune discrimination fondée sur l’un ou l’autre des motifs de distinction illicite.

[19] La Commission soutient qu’en décidant de ne pas adhérer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur, la prestataire a choisi de s’exposer au risque de chômage. La Commission affirme que les actions de la prestataire étaient conscientes et intentionnelles, et que celle-ci savait pertinemment que ces actions pouvaient entraîner une cessation d’emploi. Ainsi, la Commission est d’avis que les actions de la prestataire qui ont mené à sa perte d’emploi correspondent à la définition d’inconduite.

Analyse

Questions qui excèdent ma compétence

[20] Dans son appel et dans son observation fournie après avoir reçu l’avis d’intention de rejet sommaire du Tribunal, la prestataire fait valoir que les actions de son employeur sont discriminatoires et enfreignent la Charte, la Loi sur la protection des renseignements personnels ainsi que certaines dispositions internationales. La prestataire a aussi déclaré qu’elle a été congédiée de façon injustifiée et que l’article 7 de la Charte lui garantit le droit de travailler.

[21] L’article 7 de la Charte ne protège ni ne garantit aucun emploi et ne met personne à l’abri des conséquences de son choix de refuser la vaccinationNote de bas de page 13. L’article 7 n’oblige pas un employeur à maintenir une personne en emploi selon des conditions qu’elle a elle-même établies ou d’une façon qu’elle juge appropriée.

[22] Il ne m’appartient pas de vérifier si les actions de l’employeur contrevenaient à la Charte ou à d’autres dispositions. Ce genre de question peut être soulevé ailleurs, comme devant les cours et les tribunaux des droits de la personne.

[23] Il ne m’appartient pas non plus de décider si la cessation d’emploi de la prestataire est un congédiement injustifié ou déguisé, puisque cette notion relève de la loi canadienne sur le travail et de la common law.

[24] Toute allégation de congédiement injustifié sera jugée en cour, car les critères juridiques de la common law qui permettent de trancher ce type de question diffèrent de ceux que l’on utilise pour décider si une perte d’emploi découle d’une inconduiteNote de bas de page 14.

[25] Je n’ai pas non plus à juger de l’efficacité et de l’innocuité du vaccin contre la COVID-19.

Questions qui relèvent de ma compétence

[26] Il m’appartient de décider s’il faut rejeter l’appel de la prestataire de façon sommaire.

[27] Je peux procéder à un rejet sommaire si je suis convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 15.

[28] Je dois me demander s’il est clair et évident selon le dossier que l’appel est voué à l’échec.

[29] Il ne s’agit pas de savoir si le Tribunal doit rejeter l’appel après avoir examiné les faits, la jurisprudence et les arguments des parties. Il est plutôt question de savoir si l’appel est voué à l’échec, quels que soient les arguments et la preuve qui pourraient être présentés à une éventuelle audienceNote de bas de page 16.

[30] Lorsque j’applique la loi et les deux critères juridiques ci-dessus, je peux seulement conclure que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

[31] Pour décider s’il y a eu inconduite dans le cadre de la Loi sur l’assurance-emploi, je devrais examiner si la prestataire a posé des gestes délibérés. Il me faudrait évaluer si elle savait ou aurait dû savoir que ceux-ci pouvaient l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 17.

[32] Une conduite délibérée est consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 18. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que la personne ait eu une intention coupableNote de bas de page 19.

[33] La politique de l’employeur exigeait que tout le personnel ait reçu une première dose de vaccin contre la COVID-19 au 13 septembre 2021. Pour la deuxième dose, la date limite était le 24 octobre 2021.

[34] Le dossier d’appel montre que la prestataire a dit à son employeur qu’elle ne se ferait pas vacciner. Elle était au courant de la politique de son employeur. Elle savait aussi qu’elle risquait de perdre son emploi si elle n’y adhérait pas, et ainsi, de ne pas pouvoir remplir ses obligations professionnelles. Aucune preuve éventuellement présentée à une audience ne pourrait changer la situation. Selon moi, le dossier montre manifestement que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès. Par conséquent, je dois rejeter l’appel.

Conclusion

[35] Comme l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, je le rejette de façon sommaire.

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