Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 939

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : R. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (458439) datée du 24 février 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Catherine Shaw
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience  : Le 31 mai 2022
Personne présente à l’audience : Appelant

Date de la décision : Le 22 août 2022
Numéro de dossier : GE-22-1256

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi. Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a perdu son emploi. L’employeur du prestataire a dit que le prestataire avait été congédié parce qu’il avait enfreint sa politique en matière d’alcool et de drogues en échouant à de multiples tests de dépistage. Il n’a pas non plus respecté les conditions de son entente de maintien d’emploi en ne faisant pas de suivi auprès du professionnel en toxicomanie de l’employeur.

[4] Bien que le prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé, il affirme qu’il ne s’agit pas de la vraie raison de son congédiement. Le prestataire affirme que l’employeur l’a congédié en raison de son absentéisme. De plus, il affirme avoir été congédié à tort pour consommation de drogue parce qu’on lui a prescrit de la marijuana à des fins médicales, et que d’autres employés en consomment également.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a décidé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question que je dois examiner en premier

Partie mise en cause potentielle

[6] Le Tribunal a désigné l’ancien employeur du prestataire comme partie mise en cause potentielle à l’appel du prestataire. Il lui a donc envoyé une lettre pour lui demander s’il avait un intérêt direct dans l’appel et s’il souhaitait être ajouté comme partie mise en cause. L’employeur n’a toujours pas répondu à la date de cette décision. Comme rien dans le dossier n’indique que l’employeur a un intérêt direct dans l’appel, j’ai décidé de ne pas l’ajouter comme partie au présent appel.

Question en litige

[7] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] Pour répondre à la question de savoir si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois savoir pourquoi le prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[9] Je juge que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il a enfreint les conditions de son entente de maintien d’emploi.

[10] La Commission et le prestataire ne s’entendent pas sur la raison pour laquelle ce dernier a perdu son emploi.

[11] La Commission soutient que l’employeur a donné la vraie raison du congédiement. L’employeur a dit à la Commission que le prestataire avait enfreint sa politique en matière d’alcool et de drogues. On lui a offert de retourner au travail à condition qu’il respecte trois conditions pour conserver son emploi. Cependant, il a enfreint deux des conditions en échouant à un test de dépistage subséquent et en ne faisant pas de suivi auprès du professionnel en toxicomanie.

[12] Le prestataire n’est pas d’accord. Il affirme que la véritable raison pour laquelle il a perdu son emploi est son absentéisme. Il dit qu’il a manqué beaucoup de travail à cause de sa situation familiale. Il participait à un programme d’absentéisme au travail. Le programme comportait des étapes qui augmentaient avec ses absences. Le prestataire a déclaré qu’il a failli être congédié pour ses absences à plusieurs reprises, mais qu’il a été en mesure d’améliorer son assiduité afin qu’il ne soit pas congédié.

[13] Le prestataire a affirmé que l’employeur avait utilisé sa consommation de marijuana comme excuse pour le congédier. Il dit que d’autres employés et gestionnaires consomment de la marijuana et que personne d’autre n’a été congédié, de sorte qu’il est peu probable que sa consommation de marijuana ait été la cause réelle de son congédiement.

[14] Le prestataire a déclaré que son employeur l’avait ciblé pour le congédier. Il a raconté qu’il avait déjà travaillé pour l’employeur et qu’il avait été congédié lorsqu’il s’était plaint de la présence d’amiante sur le lieu de travail. Ensuite, lorsqu’il a été rappelé au travail, l’employeur a délibérément prévu des quarts de travail qui entraient en conflit avec son horaire scolaire. Par la suite, il a dit que son employeur menaçait toujours de le congédier en raison de ses problèmes d’assiduité.

[15] Le prestataire a dit qu’il avait eu des réunions avec l’employeur au sujet de son assiduité [traduction] « lorsque la COVID-19 a commencé ». J’en conclus que les réunions ont eu lieu au printemps 2020, lorsque la pandémie de COVID-19 a été déclarée à l’échelle mondiale. Il a dit qu’il avait beaucoup de problèmes personnels et qu’il était souvent malade. Son employeur l’a donc rencontré.

[16] Le prestataire affirme qu’il consomme de la marijuana à des fins médicales pour traiter plusieurs problèmes de santé mentale et physique. Il a une ordonnance pour sa consommation de marijuana, bien qu’il ait parfois acheté de la marijuana de sources non médicales parce que c’était moins cher.

[17] Le prestataire a dit qu’il n’a jamais caché le fait qu’il consommait de la marijuana. Même s’il n’a jamais parlé directement à son employeur de sa consommation de marijuana, il a eu l’impression que ses gestionnaires étaient au courant parce qu’il en consomme depuis longtemps. Il a dit à la Commission qu’il y a six ans, il avait été renvoyé à la maison parce qu’il sentait la marijuana, mais qu’il n’avait pas eu d’autres mesures disciplinaires depuis.

[18] Le 27 avril 2021, le prestataire a été soumis à un test de dépistage au travail. Il s’est rendu au travaillé à 7 h. Puis, à 8 h 30, son employeur l’a fait venir à son bureau et lui a dit que quelqu’un lui avait signalé qu’il sentait la marijuana. Il a obtenu un résultat positif au test de dépistage.

[19] En mai 2021, le prestataire a été évalué par un professionnel en toxicomanie. Il a dit au professionnel en toxicomanie qu’il consommait de la marijuana médicinale pour des raisons de santé. Le prestataire a dit que le professionnel en toxicomanie lui avait conseillé de prendre un congé. Il est donc allé chez le médecin et a pris un congé de maladie jusqu’à la fin de juin 2021. L’employeur a déclaré qu’il avait été suspendu du 27 avril 2021 au 28 mai 2021 pour avoir enfreint la politique de l’entreprise en matière de drogues et d’alcool.

[20] Le 27 mai 2021, le prestataire a rencontré l’employeur. L’employeur lui a offert une entente de retour au travail. L’entente prévoyait que le prestataire pouvait retourner au travail s’il respectait trois conditions :

  • Le prestataire devait se soumettre à un test de retour au travail.
  • Il devait réussir le test de retour au travail. Autrement dit, il devait recevoir un résultat de test inférieur au seuil de positivité à la marijuana.
  • Il devait prendre un rendez-vous de suivi avec le professionnel en toxicomanie.

[21] Le prestataire a accepté les conditions de son emploi continu. Il a fait un test de dépistage à son retour au travail et a de nouveau obtenu un résultat positif au test de dépistage de la marijuana. Il a rencontré le professionnel en toxicomanie peu de temps après ce test. Il affirme que le professionnel en toxicomanie lui a dit qu’il pouvait continuer à consommer de la marijuana, mais qu’il devrait cesser de fumer 12 heures avant ses quarts de travail, pour s’assurer de ne pas tester positif aux tests de dépistage.

[22] Le prestataire a déclaré qu’il avait fait un autre test de dépistage et qu’il l’avait réussi. Il a été autorisé à retourner au travail. Il a passé un autre test lors de sa première journée de retour au travail, et il a réussi ce test également. Cependant, la semaine suivante, on lui a fait passer un autre test, et il l’a échoué. Il a dit qu’il n’avait pas consommé de marijuana depuis plus de 70 heures et qu’il avait à peine dépassé le seuil.

[23] Le prestataire a déclaré qu’il avait communiqué avec le professionnel en toxicomanie et lui avait demandé de mettre par écrit qu’on lui avait conseillé de cesser de consommer de la marijuana 12 heures avant un test afin d’être en conformité. Le professionnel en toxicomanie a refusé de fournir cela par écrit. Le prestataire a estimé que le professionnel en toxicomanie n’était pas digne de confiance par la suite. Il a donc refusé de prendre le rendez-vous de suivi exigé par son entente de retour au travail.

[24] L’employeur a congédié le prestataire le 28 juillet 2021. Dans sa lettre de cessation d’emploi, il était indiqué que le prestataire avait accepté les conditions de son emploi continu. Il a obtenu un résultat positif au test de dépistage du 16 juillet 2021, ce qui montre qu’il a de nouveau enfreint la politique de l’entreprise en matière de drogues et d’alcool. De plus, il n’a pas pris de rendez-vous de suivi avec le professionnel en toxicomanie, l’une des conditions d’emploi convenues.

[25] J’estime que le prestataire a été congédié pour avoir enfreint les conditions de son entente de maintien d’emploi.

[26] L’employeur et le prestataire ont tous deux reconnu qu’il avait des problèmes d’assiduité au travail, mais rien ne prouve que l’employeur a congédié le prestataire pour cette raison.

[27] Le prestataire a déclaré que l’employeur l’avait averti à plusieurs reprises qu’il serait congédié pour avoir manqué du travail. Toutefois, la dernière fois que le prestataire a été averti de son absentéisme, c’était au printemps 2020. Il a seulement été congédié plus d’un an plus tard.

[28] De plus, l’entente de maintien d’emploi indique que le problème que l’employeur avait avec le rendement au travail du prestataire n’était pas l’absentéisme, mais le fait qu’il avait obtenu un résultat positif au test de dépistage de la marijuana pendant qu’il était en service.

[29] L’entente de maintien d’emploi n’exigeait pas que le prestataire soit moins absent du travail. Elle ne traitait pas du tout de l’assiduité au travail du prestataire. Si l’employeur était préoccupé par l’absentéisme du prestataire, il aurait été raisonnable de soulever la question dans l’entente. L’absence de considération à l’égard de l’assiduité du prestataire dans l’entente de maintien d’emploi confirme que ce n’est pas la conduite qui a entraîné la suspension du prestataire et son congédiement ultérieur.

[30] J’estime que le moment du congédiement du prestataire appuie le fait qu’il a été congédié parce qu’il a enfreint les conditions de son entente de maintien d’emploi. Le prestataire a signé l’entente de maintien d’emploi le 27 mai 2021 et a confirmé son intention de respecter les conditions énoncées dans l’entente le 8 juin 2021. Lorsqu’il a obtenu un résultat positif au test de dépistage le 16 juillet 2021, puis qu’il a refusé de fixer un rendez-vous de suivi avec le professionnel en toxicomanie à la suite de ce test positif, il a été congédié.

[31] Je ne suis pas convaincue que le prestataire ait démontré qu’il y avait un lien entre son absentéisme et son congédiement. Les éléments de preuve dont je dispose montrent que le fait que le prestataire ait échoué à plusieurs tests de dépistage et qu’il n’ait pas participé à un rendez-vous de suivi avec le professionnel en toxicomanie de l’employeur est la conduite qui a mené à son congédiement. J’estime qu’il s’agissait probablement de la véritable raison de son congédiement, et non d’une excuse.

La raison du congédiement du prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[32] La raison pour laquelle le prestataire a été congédié est une inconduite au sens de la loi.

[33] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. En d’autres termes, la conduite doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 2. Cela comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 3. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (en d’autres mots, il n’est pas nécessaire de conclure qu’il voulait faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas page 4.

[34] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pourrait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeuse et qu’en conséquence, son congédiement était une possibilité bien réelleNote de bas page 5.

[35] Il faut que la Commission prouve que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (qu’il y a plus de chances) que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas page 6.

[36] Le prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’il consommait de la marijuana pour des raisons médicales. Il a essayé de réduire sa consommation de marijuana afin de ne pas obtenir un résultat positif à ses tests de dépistage à son retour au travail, mais même lorsqu’il a passé 70 heures sans consommer la marijuana qui lui avait été prescrite, il a tout de même obtenu un résultat positif.

[37] Je juge que la Commission a prouvé qu’il y avait eu une inconduite.

[38] Le témoignage du prestataire montre qu’il essayait de réduire sa consommation de marijuana pour respecter l’entente de maintien d’emploi. J’accorde du poids à son témoignage selon lequel il a à peine dépassé le seuil établi lors de ses derniers tests de dépistage.

[39] Cependant, le prestataire a volontairement refusé de fixer un rendez-vous de suivi avec le professionnel en toxicomanie. Ce refus était intentionnel, parce qu’il estimait que le professionnel en toxicomanie n’était pas digne de confiance.

[40] Cependant, l’entente de maintien d’emploi du prestataire l’obligeait à prendre un rendez-vous de suivi. Si le prestataire estimait qu’il ne pouvait pas fixer de rendez-vous de suivi en raison de ses sentiments à l’égard du professionnel en toxicomanie, il aurait pu soulever cette question auprès de l’employeur et demander d’être exempté de cette condition de l’entente. Il aurait pu demander à être affecté à un autre professionnel en toxicomanie. Mais le prestataire n’a pas fait cela. Il a plutôt choisi de ne pas se conformer aux exigences de son entente de retour au travail en ne prenant pas un autre rendez-vous avec le professionnel en toxicomanie.

[41] Il ressort clairement de la preuve que le prestataire a choisi de ne pas se conformer à l’entente de retour au travail de l’employeur. Le prestataire savait que c’était une condition pour conserver son emploi. Il devait respecter ces conditions pour pouvoir continuer à travailler. Quoi qu’il en soit, il a intentionnellement choisi de ne pas se conformer à l’une des conditions établies, soit celle de fixer un rendez-vous de suivi avec le professionnel en toxicomanie.

Ainsi, le prestataire a-t-il été perdu de son emploi en raison d’une inconduite?

[42] Compte tenu de mes conclusions ci-dessus, je juge que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[43] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[44] L’appel est donc rejeté.

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