Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AJ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 936

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission d’en appeler

Partie demanderesse : A. J.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 24 juin 2022 (GE-22-832)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 26 septembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-457

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Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée. Cela signifie que l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La partie demanderesse (la prestataire) a été mise en congé sans solde obligatoire par son employeur parce qu’elle n’a pas respecté sa politique de vaccination contre la COVID-19. La prestataire a ensuite présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La partie défenderesse (la Commission) a d’abord conclu que la prestataire avait pris un congé volontaire de son emploi le 15 novembre 2021 sans motif valable. Après révision, la Commission a décidé qu’elle avait volontairement quitté son emploi sans motif valable ou qu’elle avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. La prestataire a fait appel de la décision de révision auprès de la division générale.

[4] La division générale a conclu que l’employeur avait imposé un congé obligatoire sans solde parce que la prestataire n’avait pas respecté sa politique. Elle a conclu qu’il n’y avait pas de preuve laissant entendre que la prestataire avait volontairement choisi de prendre un congé. La division générale a conclu qu’on a choisi de suspendre la prestataire à la suite de son refus de se conformer à la politique de l’employeur. Elle a conclu que la prestataire savait que l’employeur était susceptible de la suspendre dans ces circonstances. La division générale a conclu que le non-respect de la politique était la cause de sa suspension. Elle a conclu que la prestataire avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale auprès de la division d’appel. La prestataire a obtenu une prolongation du délai pour déposer ses observations à l’appui de sa demande de permission de faire appel.

[6] La prestataire demande la permission de faire appel au motif qu’une erreur de fait a été commise au sujet de la description de la décision : on a évoqué une « inconduite », mais aussi un « congé volontaire ». Elle n’est pas d’accord avec l’emploi de ces deux termesNote de bas page 1.

[7] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[8] Je refuse la permission de faire appel puisque l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[9] La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Analyse

[10] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social énonce les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. Le processus d’audience de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher, ou elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision.

[11] Une demande de permission d’appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. Il s’agit d’une première étape que la prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont elle devra s’acquitter durant l’instruction de l’appel sur le fond. À l’étape de la permission de faire appel, la prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, elle doit démontrer que l’on peut soutenir qu’il y a eu une erreur révisable pouvant faire que l’appel soit accueilli.

[12] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable d’être accueilli.

La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[13] La prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale devant la division d’appel au motif qu’une erreur de fait a été commise au sujet de la description de la décision : on a évoqué une « inconduite », mais aussi un « congé volontaire ». Elle n’est pas d’accord avec l’emploi de ces deux termesNote de bas page 2.

[14] La preuve démontre que l’employeur a mis en place une politique pour la protection de la santé et de la sécurité de tous ses employés contre les dangers de la COVID-19Note de bas page 3. La politique est entrée en vigueur vers le 20 septembre 2021. La prestataire a refusé de se conformer à la politique. La prestataire a cessé de travailler pour l’employeur le 16 novembre 2021.

[15] La division générale devait décider si la prestataire avait été suspendue en raison de son inconduite.

[16] La notion d’inconduite n’implique pas que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer de l’inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[17] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de décider si l’employeur était coupable d’inconduite en suspendant la prestataire de façon à ce que sa suspension soit injustifiée. Il s’agit plutôt de décider si la prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a mené à sa suspensionNote de bas page 4.

[18] À la lumière de la preuve dont elle disposait, la division générale a décidé que la prestataire n’avait pas pris de congé volontaire. Elle a conclu que l’employeur avait suspendu la prestataire de son emploi.

[19] La prestataire a reçu un courriel de l’employeur l’informant qu’elle avait été mise en congé sans solde obligatoire. L’employeur a demandé à la prestataire de lui laisser savoir aussitôt si elle en venait à changer d’avis quant à la politique de vaccination pendant son congéNote de bas page 5. La prestataire a répondu qu’il était dommage que l’employeur adopte cette positionNote de bas page 6. Cet élément de preuve appuie la conclusion de la division générale selon laquelle la prestataire n’est pas celle qui a amorcé l’interruption de travail.

[20] La preuve démontre que la prestataire a été suspendue par son employeur (on l’a empêchée de travailler) parce qu’elle refusait de respecter la politique de l’employeur. Elle avait été informée de la politique de l’employeur et avait eu le temps de s’y conformer. La prestataire a refusé intentionnellement; ce refus était délibéré. C’est la cause directe de sa suspension. La division générale a conclu que la prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pourrait entraîner sa suspension.

[21] La division générale a conclu à partir de la preuve prépondérante que le comportement de la prestataire équivalait à une inconduite.

[22] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 7.

[23] La prestataire a soutenu à la division générale que l’employeur n’avait pas pris de mesures d’adaptation à son égard, qu’il avait fait preuve de discrimination à son égard et qu’il avait violé ses droits constitutionnels. Cette question relève d’une autre instance. Ce tribunal n’est pas le forum approprié par lequel la prestataire pourrait obtenir la réparation qu’elle demandeNote de bas page 8.

[24] Comme il a été mentionné précédemment, la question soumise à la division générale n’était pas de savoir si l’employeur était coupable d’inconduite en suspendant la prestataire de sorte que cela constituerait une suspension injuste. Il s’agit plutôt de savoir si la prestataire était coupable d’inconduite en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi et si cette inconduite a entraîné sa suspension du travail.

[25] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que la prestataire a choisi délibérément de ne pas suivre la politique de l’employeur, laquelle a été mise en place en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie. Cela a entraîné sa suspension.

[26] Je ne vois pas d’erreur révisable commise par la division générale lorsqu’elle a déclaré qu’elle devait trancher la question de l’inconduite uniquement en fonction des paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, laquelle a défini l’inconduite en vertu de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 9.

[27] Je suis bien conscient que la prestataire pourrait chercher à obtenir réparation par le truchement d’une autre instance, si une violation a eu lieuNote de bas page 10. Cela ne change pas le fait qu’au titre de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite.

[28] Dans sa demande de permission d’en appeler, la prestataire n’a soulevé aucune erreur susceptible de révision comme une erreur de compétence ou un manquement de la division générale à un principe de justice naturelle. Elle n’a pas cerné d’erreur de droit ni de conclusion de fait erronée que la division générale pourrait avoir tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance au moment de rendre sa décision.

[29] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments de la prestataire pour soutenir sa demande de permission d’en appeler, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[30] La permission d’en appeler est refusée. Cela signifie que l’appel n’ira pas de l’avant.

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