Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AJ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 937

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. J.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (453776) datée du 8 février 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience  : Le 15 juin 2022
Personne présente à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 24 juin 2022
Numéro de dossier : GE-22-832

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a été mise en congé sans solde obligatoire ou suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Cela signifie que la prestataire n’est pas admissible au bénéfice de prestations d’assurance-emploiNote de bas page 1.

Aperçu

[3] A.J. est la prestataire en l’espèce. Elle a travaillé comme technicienne juridique pour un cabinet d’avocats. L’employeur a placé la prestataire en congé sans solde obligatoire parce qu’elle n’a pas respecté sa politique de vaccination contre la COVID-19Note de bas page 2. La prestataire a ensuite présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploiNote de bas page 3.

[4] La Commission a décidé que la prestataire n’avait pas droit aux prestations d’assurance-emploi pour quelques raisonsNote de bas page 4.

[5] La prestataire n’est pas d’accord, elle estime que la politique n’était pas légale. Elle ne voulait pas se faire vacciner contre la COVID-19 pour ses propres raisonsNote de bas page 5. Elle soutient que l’employeur n’a pas fourni de mesures d’adaptation et que lorsqu’elle a été embauchée elle n’était pas tenue de se faire vacciner contre la COVID-19.

Questions que je dois examiner en premier

La question juridique

[6] La Commission a d’abord décidé que la prestataire avait cessé de travailler parce qu’elle avait volontairement pris congé de son emploi le 15 novembre 2021 sans motif valableNote de bas page 6. Après révision, la Commission a soutenu qu’elle avait volontairement quitté son emploi sans motif valable ou qu’elle avait perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas page 7. Dans ses observations au Tribunal, la Commission a écrit que la prestataire avait volontairement pris une période de congé de son emploi sans motif valableNote de bas page 8.

[7] J’ai écrit à la Commission avant la tenue de l’audience pour clarifier la question juridique et pour savoir sur quel article de loi elle s’appuyaitNote de bas page 9. La Commission a répondu avant la tenue de l’audience et a dit que la question aurait dû être considérée comme une suspension pour inconduite plutôt que comme un congé volontaire parce que le congé avait été imposé par l’employeurNote de bas page 10. Une copie de la réponse a été envoyée à la prestataire.

[8] Qu’il s’agisse d’une inconduite ou d’un congé volontaire, je reconnais que les deux font en sorte que la prestataire est inadmissible ou exclue du bénéfice de prestations d’assurance-emploiNote de bas page 11. La Commission et la prestataire semblent convenir que le congé sans solde obligatoire a été imposé par l’employeur puisque la prestataire n’a pas respecté sa politique en matière de vaccination. Rien n’indique que la prestataire ait volontairement choisi de prendre un congé.

[9] Par conséquent, je conclus que la question à trancher est de savoir si la prestataire a été suspendue en raison de sa propre inconduiteNote de bas page 12.

Documents envoyés à la prestataire

[10] La prestataire a communiqué avec le Tribunal quelques jours avant l’audience parce qu’elle ne pouvait pas trouver certains documents du dossier, en particulier les documents GD3 et GD4Note de bas page 13. À la demande de la prestataire, le Tribunal les lui a envoyés le 13 juin 2022. C’était deux jours avant l’audience.

[11] J’ai présenté des excuses à la prestataire; le Tribunal aurait dû lui envoyer ces documents en mars 2022. Cela dit, je lui ai donné la possibilité d’ajourner le cas afin qu’elle ait plus de temps pour examiner les documentsNote de bas page 14.

[12] La prestataire a expliqué qu’elle avait eu suffisamment de temps pour lire les documents du dossier et qu’elle était prête à aller de l’avant. Par conséquent, l’appel a été instruit à la date prévue, soit le 15 juin 2022.

La prestataire a envoyé des documents après l’audience

[13] À l’audience, la prestataire a déclaré qu’elle avait des copies de courriels échangés entre elle et son employeur, lesquels montrent qu’ils discutaient de la possibilité d’une entente. Comme les courriels ne faisaient pas partie du dossier et n’étaient pas pertinents, j’ai permis à la prestataire de les présenter seulement après l’audienceNote de bas page 15. Les courriels ont été ajoutés au dossier et envoyés à la Commission.

Question en litige

[14] Pourquoi la prestataire ne travaille-t-elle plus? S’agit-il d’une inconduite en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi?Note de bas page 16

Analyse

[15] Les prestataires qui perdent leur emploi pour inconduite ou qui quittent volontairement leur emploi sans motif valable n’ont pas droit aux prestations d’assurance-emploiNote de bas page 17.

[16] Les prestataires qui sont suspendus de leur emploi en raison de leur inconduite n’ont pas droit aux prestations d’assurance-emploi. À moins que leur période de suspension prenne fin, qu’ils perdent ou quittent volontairement cet emploi, ou qu’ils accumulent suffisamment d’heures auprès d’un autre employeur après le début de la suspensionNote de bas page 18.

[17] De plus, une partie prestataire qui prend volontairement un congé sans motif valable n’a pas le droit de recevoir des prestations d’assurance-emploi à moins de reprendre son emploi, de perdre ou de quitter volontairement son emploi, ou d’accumuler suffisamment d’heures auprès d’un autre employeurNote de bas page 19.

Pourquoi la prestataire ne travaille-t-elle plus?

[18] Je conclus que la prestataire a été mise en congé obligatoire sans solde à compter du 15 novembre 2021 parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination de l’employeur. À mon avis, cela ressemble à une suspension parce qu’elle n’a pas été autorisée à continuer de travailler de la maison ni de retourner au travail. Elle a dû retourner son équipement et son accès à distance a été invalidé.

[19] Cela concorde avec les éléments du relevé d’emploi et de la lettre de l’employeur à la prestataire au sujet de son congé sans solde qui est entré en vigueur le 15 novembre 2021Note de bas page 20.

Quelle était la politique de l’employeur?

[20] L’employeur a mis en œuvre une politique de vaccination à compter du 21 septembre 2021Note de bas page 21. Elle s’applique à tous les employés, y compris ceux qui travaillent à domicile.

[21] La politique exigeait que les employés déclarent leur statut vaccinal au plus tard le 4 octobre 2021. Les employés devaient être entièrement vaccinés contre la COVID-19 au plus tard le 15 octobre 2021 pour pouvoir travailler au bureau, mais l’échéance a été prolongée jusqu’au 15 novembre 2021Note de bas page 22.

[22] La politique permet aux employés de demander une mesure d’adaptation et une exemption fondée sur un motif de discrimination protégé en vertu des dispositions provinciales sur les droits de la personneNote de bas page 23.

[23] La prestataire a déclaré que la date limite initiale pour être entièrement vacciné était le 15 octobre 2021, mais celle-ci a été prolongée jusqu’au 15 novembre 2021. Il lui était interdit de travailler au bureau à compter du 15 octobre 2021, mais elle pouvait travailler de la maison jusqu’au 15 novembre 2021 et demander une exemption médicale ou revenir sur sa décision de ne pas recevoir le vaccin contre la COVID-19Note de bas page 24.

A-t-on communiqué les détails de la politique à la prestataire?

[24] La prestataire convient que les détails de la politique lui ont été communiqués par courriel. Elle a également préparé une chronologie écrite qui s’étend du 21 septembre 2021 au 1er décembre 2021 qui montre que la politique lui a été communiquéeNote de bas page 25. Cela concorde également avec la déclaration de l’employeur à la CommissionNote de bas page 26.

Quelles ont été les conséquences du non-respect de la politique?

[25] La politique énonce que les employés qui ne fournissent pas de preuve de vaccination et qui n’ont pas obtenu d’exemption seront assujettis aux mesures jugées appropriées par l’employeur pour protéger la santé et la sécurité de tous les employésNote de bas page 27.

[26] Le courriel que l’employeur a envoyé à la prestataire indique que si elle n’obtenait pas d’exemption médicale ou ne fournissait pas de preuve de vaccination contre la COVID-19 avant la date limite prolongée du 15 novembre 2021, elle serait alors placée en congé sans soldeNote de bas page 28.

[27] La preuve montre que l’employeur a mis la prestataire en congé sans solde obligatoire à partir du 15 novembre 2021Note de bas page 29.

[28] La prestataire convient qu’elle savait qu’elle serait mise en congé sans solde si elle ne respectait pas la politique. Cependant, elle espérait que son employeur prenne des mesures d’adaptation et lui permette de continuer à travailler de la maison.

Y a-t-il une raison pour laquelle la prestataire n’a pas pu se conformer à la politique?

[29] La prestataire a convenu qu’elle savait que la politique prévoyait une exemption et un accommodement. Elle a expliqué qu’elle n’a pas demandé d’exemption médicale parce qu’elle n’avait pas de raison médicale de le faire.

[30] Toutefois, la prestataire a demandé à l’employeur une exemption et des mesures d’adaptation par courrielNote de bas page 30. Elle a écrit à l’employeur et lui a dit qu’elle ne se sentait pas à l’aise de consentir au mandat et à la politique. Elle a également reconnu que l’hésitation à se faire vacciner n’était pas une raison valable pour demander une exemption de mesures d’adaptationNote de bas page 31.

[31] L’employeur a dit à la Commission que la prestataire n’a pas demandé une exemptionNote de bas page 32.

La raison du congédiement de la prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[32] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 33. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 34.

[33]  Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas page 35.

[34]  Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas page 36.

[35] La Commission doit prouver que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie que la Commission doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a été suspendue pour inconduiteNote de bas page 37.

[36] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y avait inconduite pour les raisons suivantes.

[37] Premièrement, la prestataire a délibérément et consciemment choisi de ne pas se conformer à la politique de vaccination de l’employeur. La prestataire connaissait la politique et la date limite pour s’y conformer. On lui a permis de travailler de la maison pendant un mois et elle s’est vu accorder une prolongation pour se conformer avant le 15 novembre 2021, mais elle a choisi de ne pas se conformer pour des raisons personnelles.

[38] Deuxièmement, la politique prévoyait une exemption fondée sur un motif de discrimination protégé en vertu des dispositions provinciales sur les droits de la personne (accompagnée de la preuve du motif protégé). La politique énonce que l’hésitation à se faire vacciner n’est pas une raison valable pour demander une exemption et un accommodementNote de bas page 38.

[39] Je reconnais que la prestataire a envoyé un courriel à son employeur pour demander une exemption et des mesures d’adaptation en raison de ses préoccupations au sujet du vaccin. Toutefois, il semble que l’employeur n’ait pas tenu compte de sa demande en raison de l’hésitation à se faire vacciner. Pour cette raison, je conclus que la prestataire n’a pas prouvé qu’elle était exemptée de la politique de l’employeur.

[40] Troisièmement, je n’ai pas été convaincue par l’argument de la prestataire selon lequel l’exigence relative au vaccin n’était pas une condition d’emploi. J’accepte généralement que l’employeur puisse choisir d’élaborer et d’imposer des politiques en milieu de travail. Dans ce cas-ci, l’employeur a imposé une politique de vaccination en raison de la pandémie de COVID-19. Cela est donc devenu une condition d’emploi de la prestataire et elle a enfreint la politique lorsqu’elle a choisi de ne pas se conformer.

[41] Je n’estime pas qu’on contraignait la prestataire à se faire vacciner. Elle avait le choix. Elle a choisi de ne pas se faire vacciner pour des raisons personnelles et cela a entraîné un résultat indésirable, un congé sans solde obligatoire ou une suspension.

[42] Enfin, l’objectif de la Loi sur l’assurance-emploi est d’indemniser les personnes qui ont perdu leur emploi de manière involontaire et qui se trouvent sans travail. La perte d’un emploi assuré doit être involontaire. En l’espèce, il ne s’agissait pas d’une absence involontaire parce que la prestataire a choisi de ne pas se conformer à la politique de l’employeur pour des raisons personnelles et qu’elle savait que sa conduite finirait par entraîner un congé sans solde ou une suspension. La perte d’un emploi assurable ne peut pas être volontaireNote de bas page 39. En l’espèce, la perte de l’emploi n’était pas involontaire parce que la prestataire a choisi de ne pas se conformer à la politique de l’employeur pour des raisons personnelles. De plus, elle savait que sa conduite entraînerait un congé sans solde ou une suspension.

Qu’en est-il des autres arguments de la prestataire?

[43] La prestataire a soulevé d’autres arguments au sujet de son cas, dont les suivants :

  1. a) Elle a peut-être été victime de discrimination en raison de caractéristiques génétiques et parce qu’elle ne s’est pas fait vacciner.
  2. b) Elle avait des arguments concernant l’efficacité du vaccin.
  3. c) Elle croyait que la politique de l’employeur en matière de vaccination n’était pas raisonnable.
  4. d) Elle estimait que l’employeur n’avait pas le pouvoir de rendre le vaccin obligatoire, c’est-à-dire que ce n’était pas légal.
  5. e) Selon elle, l’employeur aurait pu lui fournir des mesures d’adaptation et faire une exception.
  6. f) Elle souligne que l’employeur a par la suite affiché son poste comme étant un poste à distance, etc.

[44] Je reconnais les arguments additionnels de la prestataire, mais je n’ai pas le pouvoir de décider si l’employeur a porté atteinte à ses droits en matière d’emploi en la plaçant en congé sans solde.

[45] La Cour a déclaré que le Tribunal n’a pas à décider si le congédiement était justifié ou si la sanction était justifiée. Le Tribunal doit décider si la conduite de la prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 40.

[46] Le recours de la prestataire consiste à poursuivre la présente action devant une cour, ou tout autre tribunal qui peut traiter de ces questions particulières.

Alors, la prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[47] Compte tenu de mes conclusions ci-dessus, je conclus que la prestataire a été placée en congé sans solde ou suspendue en raison de son inconduite.

Conclusion

[48] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, la prestataire n’est pas admissible au bénéfice de prestations d’assurance-emploi.

[49] Cela signifie que l’appel est rejeté.

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