Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 993

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. B.
Représentante ou représentant : Christopher Justice
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (443714) datée du 4 février 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Catherine Shaw
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 8 août 2022
Personnes présentes à l’audience :

Appelante
Représentant de l’appelante

Date de la décision : Le 7 septembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1165

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension). Cela signifie que la prestataire est inadmissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] La prestataire a été placée en congé sans solde parce qu’elle ne s’est pas fait vacciner contre la COVID-19. L’employeur a mis en place une politique exigeant la vaccination du personnel ou une exemption approuvée. La prestataire ne s’est pas fait vacciner avant la date limite, alors elle a été placée en congé sans solde obligatoire.

[4] La Commission a décidé que la prestataire avait volontairement pris congé de son emploi. Par conséquent, elle a conclu que la prestataire était inadmissible aux prestations d’assurance-emploi.

[5] La prestataire n’est pas d’accord qu’elle a volontairement pris congé de son emploi. L’employeur a exigé qu’elle prenne congé parce qu’elle n’avait pas satisfait aux exigences de la nouvelle politique de vaccination. Elle ne s’est pas fait vacciner pour plusieurs raisons, et elle estime qu’il ne s’agissait pas d’une mesure de sécurité raisonnable ou nécessaire pour son emploi.

Question que je dois examiner en premier

L’employeur n’est pas une partie à l’appel

[6] Le Tribunal a désigné l’ancien employeur de la prestataire comme partie mise en cause potentielle à l’appel de la prestataire. Le Tribunal a envoyé une lettre à l’employeur pour lui demander s’il avait un intérêt direct dans l’appel et s’il voulait être ajouté comme partie mise en cause. L’employeur n’avait pas répondu à la date de la présente décision. Comme il n’y a rien au dossier qui indique que l’employeur a un intérêt direct dans l’appel, j’ai décidé de ne pas l’ajouter comme partie mise en cause.

Questions en litige

[7] La prestataire a-t-elle volontairement pris congé de son emploi, ou s’est-elle fait suspendre par son employeur?

[8] La prestataire a-t-elle été suspendue pour inconduite?

Analyse

La prestataire a été suspendue de son emploi

[9] Une partie prestataire qui prend volontairement congé de son emploi est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi, à moins qu’elle puisse prouver qu’elle était fondée à prendre congéNote de bas de page 2.

[10] De la même façon, une partie prestataire qui est suspendue de son emploi pour inconduite est également inadmissibleNote de bas de page 3.

[11] Il est parfois difficile de savoir si une partie prestataire a volontairement pris congé ou si son employeur l’a suspendue. Ces deux notions sont liées dans la Loi sur l’assurance-emploi. Elles portent sur la question de savoir si une personne a provoqué sa propre situation de chômage, soit en mettant fin à sa relation d’emploi sans justification, soit en perdant son emploi en raison de son inconduite.

[12] Comme les raisons de ces inadmissibilités sont liées, il me revient de rendre une décision en me fondant sur l’un ou l’autre de ces motifs. Autrement dit, lorsque la raison de la cessation d’emploi de la partie prestataire n’est pas claire, je peux décider si elle a été provoquée par un congé volontaire ou une suspension en raison d’une inconduite.

[13] Dans la présente affaire, je ne suis pas certaine si la prestataire a volontairement pris congé de son emploi. Elle a systématiquement affirmé à la Commission et au Tribunal que son congé n’était pas volontaire, et que c’était son employeur qui l’avait obligée à prendre un congé sans solde de son emploi. Un congé sans solde obligatoire est une autre façon de dire que la prestataire a été suspendue de son emploi.

[14] J’estime que la preuve au dossier confirme que l’employeur a provoqué la cessation d’emploi de la prestataire. Il est clair que l’employeur n’a pas permis à la prestataire de travailler plus longtemps parce qu’il a dit qu’elle ne s’était pas conformée à sa politique de vaccination.

[15] Comme la prestataire a été suspendue de son emploi, je dois décider si elle a été suspendue pour inconduite.

[16] Pour savoir si la prestataire a été suspendue et si elle a fini par perdre son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider de deux choses. D’abord, je dois savoir pourquoi la prestataire a été suspendue. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle été suspendue?

[17] Les deux parties conviennent que la prestataire a dû cesser de travailler parce qu’elle ne s’était pas conformée à la politique de l’employeur qui exigeait qu’elle soit vaccinée contre la COVID-19. C’est donc ce comportement qui a entraîné sa suspension.

La raison de sa suspension est-elle une inconduite au sens de la loi?

[18] La raison pour laquelle la prestataire a été suspendue est une inconduite au sens de la loi.

[19] Pour être une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. En d’autres termes, la conduite doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 4. Cela comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 5. Il n’est cependant pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de malNote de bas de page 6).

[20] Il y a inconduite si la prestataire savait (ou aurait dû savoir) que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit mise à pied pour cette raisonNote de bas de page 7.

[21] Il faut que la Commission prouve que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que la suspension de la prestataire découle d’une inconduiteNote de bas de page 8.

[22] La prestataire occupait un poste administratif dans un club de golf. En septembre 2021, l’employeur a mis en place une politique exigeant que tout le personnel soit entièrement vacciné contre la COVID-19 ou ait une exemption approuvée. Les membres du personnel devaient présenter une preuve de vaccination au plus tard le 27 septembre 2021. Les membres du personnel qui ne se conformaient pas aux exigences de la politique seraient placés en congé sans solde (suspension).

[23] La prestataire a dit qu’elle était au courant de la politique et des conséquences de ne pas s’y conformer. L’employeur a envoyé un courriel annonçant la politique, et elle a rencontré l’employeur au sujet de l’exigence de vaccination.

[24] La prestataire ne voulait pas se faire vacciner pour plusieurs raisons. Elle était préoccupée par l’incidence du vaccin sur sa santé, car elle connaissait quelqu’un qui avait une réaction grave au vaccin. Elle estime également que la politique de l’employeur enfreignait son droit à la vie privée en lui demandant de communiquer des renseignements médicaux (son statut vaccinal).

[25] La prestataire a déclaré que son médecin n’était pas en mesure d’approuver une exemption médicale pour elle. Elle a demandé à l’employeur une exemption pour des motifs religieux, mais celui-ci a refusé.

[26] La prestataire a également demandé à l’employeur d’autres mesures d’adaptation, comme continuer à suivre les mesures de sécurité en place liées à la COVID-19 plutôt que se faire vacciner. Elle estimait que l’exigence de se faire vacciner n’était pas nécessaire pour son poste. Mais l’employeur lui a dit qu’il n’y avait pas d'autre option que la vaccination.

[27] La prestataire a dit à l’employeur qu’elle n’allait pas divulguer son statut vaccinal. Vers le 22 septembre 2021, elle a rencontré l’employeur et lui a dit qu’elle ne refusait pas le vaccin et qu’elle se ferait vacciner si l’employeur acceptait la responsabilité. L’employeur a dit non.

[28] La prestataire a été suspendue à compter du 24 septembre 2021.

[29] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que la prestataire savait qu’elle devait se conformer à la politique de l’employeur pour conserver son emploi. La prestataire ne s’est pas fait vacciner et elle n’a pas non plus obtenu une exemption de la vaccination contre la COVID-19 comme l’exigeait la politique de l’employeur. Elle a délibérément choisi de ne pas se conformer à la politique de l’employeur.

[30] La prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’elle n’a pas manqué aux obligations de son contrat. La politique de vaccination obligatoire de l’employeur ne faisait pas partie des modalités au moment de son embauche. Elle n’avait pas besoin d’être vaccinée pour s’acquitter de ses tâches, et l’employeur aurait pu lui offrir des mesures d’adaptation en ayant recours à d’autres mesures de sécurité déjà en place liées à la COVID-19.

[31] Le représentant de la prestataire soutient qu’il y a d’importantes considérations politiques à prendre en compte pour rendre une personne inadmissible aux prestations d’assurance-emploi si elle n’est pas vaccinée. Cela peut être vu comme si le gouvernement approuvait que les entreprises mettent à pied les personnes non vaccinées. Dans le cas de la prestataire, elle avait des raisons valides de ne pas vouloir se faire vacciner, et ce choix ne devrait pas être considéré comme une inconduite.

[32] J’estime que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite.

[33] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 9.

[34] La prestataire a volontairement et délibérément refusé de se conformer à la politique de l’employeur. La preuve démontre clairement qu’elle savait que son refus de se conformer entraînerait son congédiement.

[35] La prestataire a été avisée de la politique de l’employeur en septembre 2021. Elle a choisi de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19 comme l’exigeait la politique. Elle savait que le non-respect de la politique entraînerait sa suspension du travail.

[36] La prestataire a déclaré qu’elle n’avait jamais refusé de se conformer à la politique. Toutefois, elle devait fournir une preuve de vaccination pour se conformer à la politique. Le fait qu’elle n’ait pas fourni de preuve de vaccination l’a mise en situation de non-conformité à la politique. Si la prestataire avait eu l’intention de se conformer à la politique, elle aurait pu en faire part à son employeur et demander une prolongation du délai pour le faire.

[37] Je comprends que la prestataire a demandé une exemption ou des mesures d’adaptation à l’égard de la politique de l’employeur. Mais l’employeur a refusé ces demandes. La prestataire savait qu’elle n’était pas exemptée de l’obligation de se faire vacciner. Quoi qu’il en soit, elle a choisi de ne pas se conformer à la politique.

[38] La prestataire a dit que la politique ne faisait pas partie de ses conditions d’emploi lorsqu’elle a été embauchée.

[39] L’employeur a le droit de gérer ses activités quotidiennes, ce qui comprend le pouvoir d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques en milieu de travail. Lorsque l’employeur a mis en œuvre cette politique comme exigence pour tous les membres du personnel, elle est devenue une condition d’emploi de la prestataire.

[40] Je comprends les préoccupations de la prestataire selon lesquelles la politique de l’employeur lui donnait seulement l’option de se faire vacciner. Je reconnais qu’elle n’est pas d’accord avec la politique de l’employeur et qu’elle estime que la perte de son emploi était injustifiée.

[41] La Cour d’appel fédérale a déclaré que le Tribunal n’a pas à évaluer si la politique de l’employeur était raisonnable ou si le congédiement de la prestataire était justifié. Il doit uniquement établir si la conduite de la prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 10.

[42] La prestataire peut avoir recours à ses allégations selon lesquelles la politique de l’employeur a porté atteinte à ses droits à la vie privée, mais elle doit soulever cette question auprès de la cour ou du tribunal approprié.

Alors, la prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[43] Compte tenu de mes conclusions ci-dessus, j’estime que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite. Cela signifie qu’elle sera inadmissible aux prestations d’assurance-emploi à compter du 26 septembre 2021.

[44] La loi dit que cette inadmissibilité prend fin dans certaines circonstances, notamment lorsqu’une partie prestataire perd son emploi ou quitte volontairement son emploi. J’examinerai donc si la prestataire satisfait aux conditions pour mettre fin à cette inadmissibilité.

La prestataire a perdu son emploi

[45] Le représentant de la prestataire a déclaré que la prestataire avait perdu son emploi de façon permanente. Il a déclaré avoir parlé à l’employeur à la mi-mars 2022, et que celui-ci a confirmé que la prestataire ne pouvait pas reprendre son emploi. Il a aussi dit que l’employeur avait refusé de produire de nouveau le relevé d’emploi de la prestataire.

[46] Je juge que le témoignage du représentant est une preuve fiable que la prestataire a perdu son emploi en mars 2022. Je suis donc convaincue que la prestataire satisfait aux conditions pour que son inadmissibilité prenne fin à ce moment-là.

[47] Le représentant n’a pas indiqué la date exacte à laquelle la prestataire avait perdu son emploi. Il a dit que les discussions avec l’employeur avaient eu lieu à la mi-mars 2022, et que c’est à ce moment-là qu’il avait été confirmé que l’emploi de la prestataire avait pris fin. Selon ces renseignements, je crois qu’il est raisonnable de dire que la prestataire a perdu son emploi au plus tard le 15 mars 2022. Par conséquent, l’inadmissibilité de la prestataire devrait prendre fin le 15 mars 2022.

Conclusion

[48] La Commission a prouvé que la prestataire a été suspendue pour inconduite. Pour cette raison, la prestataire est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi du 26 septembre 2021 au 15 mars 2022.

[49] Cela signifie que l’appel est rejeté.

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