Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : CK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1012

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : C. K.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Anick Dumoulin

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 28 avril 2022 (GE-22-366)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 22 septembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’intimée 
Date de la décision : Le 12 octobre 2022
Numéro de dossier : AD-22-311

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelante (la prestataire) a été mise en congé sans solde. Elle a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi (AE). Dans sa demande de prestations d’AE, elle a mentionné qu’elle a quitté son emploi.

[3] L’intimée (la Commission) a décidé que la prestataire n’avait pas épuisé toutes les solutions raisonnables avant de quitter son emploi. La Commission a établi que, au lieu de quitter son emploi au moment où elle l’a fait, la prestataire aurait pu rester en congé sans solde jusqu’à ce qu’elle trouve un autre emploi. Elle aurait également pu se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur (la politique) en se soumettant aux tests rapides qui lui ont été fournis ou en se présentant à des sites de dépistage gratuit.

[4] La Commission a décidé qu’elle avait quitté volontairement son emploi sans justification, elle n’était donc pas en mesure de lui verser des prestations. Après révision, la prestataire a interjeté appel à la division générale.

[5] La division générale a conclu que la prestataire avait quitté volontairement (ou avait choisi de quitter) son emploi. Elle a conclu que la prestataire n’était pas victime de discrimination au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne. La division générale a estimé qu’il n’existait aucune modification importante de ses fonctions. Elle a également conclu que l’employeur n’avait pas de pratiques contraires au droit.

[6] La division générale était également d’avis que la prestataire avait d’autres solutions raisonnables à ce moment que de quitter son emploi. Elle a conclu qu’elle aurait pu rester employée jusqu’à ce qu’elle trouve un autre emploi. Elle pouvait retourner au travail en acceptant les modalités de la politique. Si elle ne voulait pas se faire vacciner, elle avait la possibilité d’accepter de se soumettre aux tests antigéniques fournis par son employeur lorsqu’elle devait être présente en personne.

[7] La division générale a conclu que la prestataire n’avait pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi au moment où elle l’a fait.

[8] La division d’appel a accordé à la prestataire la permission d’en appeler de la décision de la division générale à la division d’appel. La prestataire soutient que la division générale a commis plusieurs erreurs lorsqu’elle a conclu qu’elle n’était pas fondée à quitter son emploi.

[9] Je dois décider si la division générale a commis une erreur de fait ou de droit lorsqu’elle a conclu que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi.

[10] Je rejette l’appel de la prestataire.

Question en litige

[11] La division générale a-t-elle commis une erreur de fait ou de droit lorsqu’elle a conclu que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi?

Analyse

Le mandat de la division d’appel

[12] La Cour d’appel fédérale a conclu que, lorsque la division d’appel instruit des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loiNote de bas de page 1.

[13] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieureNote de bas de page 2.

[14] Par conséquent, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait commis une erreur de droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, je dois donc rejeter l’appel.

La division générale a-t-elle commis une erreur de fait ou de droit lorsqu’elle a conclu que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi?

[15] La prestataire soutient que la division générale n’a pas abordé son principal argument selon lequel l’employeur ne pouvait modifier unilatéralement son contrat de travail et imposer des modifications de ses fonctions, notamment en fournissant des renseignements médicaux, en participant à des tests continus, en partageant des renseignements personnels avec des collègues et de nombreux autres éléments nouveaux qui n’étaient pas propres à son emploi. Elle soutient en outre que l’employeur a éliminé ses heures et a retenu son salaire contractuel, en violation de son contrat de travail.

[16] La prestataire soutient que la division générale a mal décrit dans sa décision les modifications de son contrat de travail et de ses fonctions. Elle fait valoir que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a considéré son retour au centre de ressources pour décider s’il y avait eu une modification importante de ses fonctions.

[17] La prestataire soutient en outre que la division générale a commis une erreur de droit en ne considérant pas que son employeur a exercé des pressions indues pour qu’elle démissionne.

[18] La prestataire soutient enfin que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que la politique de l’employeur ne violait pas la Loi sur la non-discrimination génétique et la Loi canadienne sur les droits de la personne puisqu’elle exige qu’une personne se soumette à un test génétique comme condition de maintien de l’emploi.

[19] La division générale devait décider si la prestataire était fondée à quitter son emploi au moment où elle l’a fait. Cela dépend si, compte tenu de toutes les circonstances, le départ de la prestataire constituait la seule solution raisonnable dans son cas.

[20] Devant la division générale, et pendant l’audience de la division d’appel, la prestataire a fait valoir qu’elle n’avait pas quitté son emploi, mais que l’employeur l’avait forcée à démissionner (congédiement déguisé).

[21] La question de savoir si un employé a le droit de considérer que la relation d’emploi a pris fin au motif qu’il y a eu congédiement déguisé est une question différente de la question de savoir si un employé a quitté volontairement son emploi au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). La question de savoir si un employé a quitté volontairement son emploi est une question simple. La question qu’il faut se poser est la suivante : l’employé avait-il le choix de rester ou de quitterNote de bas de page 3?

[22] La division générale a conclu que la prestataire avait quitté volontairement son emploi.

[23] La division générale a établi que l’employeur avait mis la prestataire en congé sans solde. La prestataire ne l’a pas contesté devant la division générale. La prestataire a également fourni à la division générale une lettre de son employeur confirmant qu’elle avait été mise en congé sans solde parce qu’elle n’avait pas suivi la procédure de test antigénique rapide décrite dans la politiqueNote de bas de page 4. La division générale a fait remarquer que l’employeur avait expressément décrit les exigences à respecter par la prestataire pour revenir au travail.

[24] La division générale a conclu que, dans sa demande de prestations, sous la rubrique concernant le motif de cessation d’emploi, la prestataire a répondu « J’ai démissionné » en raison d’un conflit personnel. Elle n’a pas choisi d’être congédiéeNote de bas de page 5.

[25] La division générale a également conclu que, dans sa demande de prestations, la prestataire a déclaré qu’elle avait communiqué avec une personne des Services Juridiques Pro Bono de l’Ontario et qu’on lui avait dit que si elle voulait déposer une plainte pour congédiement déguisé, elle devrait démissionner officiellement. La prestataire a écrit dans la demande que c’est ce qu’elle a faitNote de bas de page 6.

[26] La division générale a également conclu que, lors d’un entretien ayant eu lieu dans le cadre de sa demande de révision, la prestataire a déclaré qu’elle avait quitté son emploi parce qu’elle avait besoin d’accéder à sa pension pour avoir de l’argent pour vivre. Elle ne pouvait pas le faire parce qu’elle était en congéNote de bas de page 7.

[27] L’employeur a déclaré que la prestataire avait décidé de démissionner parce qu’elle ne voulait pas fournir les tests requis et qu’elle n’avait pas fourni de documents médicaux à l’appui de la prise d’une mesure d’adaptation pour raisons médicales. L’employeur a déclaré qu’il reprendrait la prestataire si elle respectait la politique parce qu’elle faisait très bien son travailNote de bas de page 8. L’employeur a ajouté qu’il n’avait congédié aucun employé pour non-respect de la politiqueNote de bas de page 9.

[28] La division générale a noté que les deux relevés d’emploi confirmaient que la prestataire avait été mise en congé sans solde et qu’elle avait par la suite quitté son emploi.

[29] La division générale a conclu que la preuve prépondérante démontrait que la prestataire avait décidé de quitter son emploi.

[30] J’estime que la division générale n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu que peu importe qui lui a conseillé de démissionner et pourquoi la prestataire a fait ce choix, la fin de la relation d’emploi s’est produite lorsqu’elle a pris la décision de ne pas retourner travailler pour son employeur. La prestataire avait le choix de rester, mais elle a décidé de quitter son emploi.

[31] La division générale a ensuite examiné si la prestataire n’avait pas d’autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi, compte tenu de toutes les circonstances.

[32] La division générale n’a trouvé aucune preuve selon laquelle la prestataire a été victime de discrimination fondée sur un motif de distinction au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Elle n’a trouvé aucune preuve selon laquelle son employeur avait appliqué la politique de façon différente à son égard par rapport à ce qu’il aurait fait pour tout autre employé. La division générale n’a trouvé aucun indice selon lequel la décision de l’employeur de mettre la prestataire en congé sans solde était liée à un facteur qui lui est propre. En outre, il est bien établi que la Loi canadienne sur les droits de la personne ne s’applique pas aux choix ou préférences personnelsNote de bas de page 10.

[33] En ce qui concerne l’argument de la prestataire selon lequel la division générale a commis une erreur de droit en concluant que la politique de l’employeur n’a pas violé la Loi sur la non-discrimination génétique, la preuve ne permet pas de conclure que l’employeur a fait preuve de discrimination à l’égard de la prestataire en raison de sa constitution génétique réelle ou présuméeNote de bas de page 11.

[34] La division générale a conclu que la politique de l’employeur qui imposait certaines exigences aux employés afin de protéger la santé et la sécurité de ses employés en milieu de travail pendant les circonstances exceptionnelles engendrées par la pandémie de COVID-19 ne constituait pas une modification importante des conditions de son emploiNote de bas de page 12. La prestataire a pris la décision de mettre fin à son contrat d’emploi au lieu de se conformer à la politique.

[35] La division générale a conclu qu’il n’y avait aucune preuve selon laquelle l’employeur s’était livré à des pratiques contraires au droit en mettant en œuvre une politique et en appliquant les mesures énoncées dans la politique. La politique tient compte des obligations de l’employeur au titre de la Loi sur la santé et la sécurité au travail, de la directive du Bureau du médecin hygiéniste en chef de l’Ontario et des exigences du Ministère.

[36] La division générale a conclu qu’il n’y avait aucune preuve selon laquelle l’employeur a agi de façon inappropriée lorsqu’il a mis la prestataire en congé sans solde parce qu’elle a omis de se conformer à sa politique. La preuve ne permet pas de conclure que l’employeur a exercé des pressions indues afin que la prestataire démissionne. L’employeur souhaitait que la prestataire revienne au travail parce qu’elle travaillait bien.

[37] La division générale a conclu qu’une autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi aurait été que la prestataire soit vaccinée ou accepte de se soumettre aux tests antigéniques fournis par son employeur ou se présente à un site de dépistage gratuit et rende compte des résultats, lorsqu’elle devait être présente en personne. Si la prestataire croyait que les tests antigéniques rapides fournis par son employeur la mettaient à risque en raison de ses problèmes de santé sous-jacents, elle aurait pu obtenir une preuve médicale à l’appui d’une demande écrite visant à obtenir une mesure d’adaptation pour raisons médicales.

[38] La division générale a également conclu qu’une autre solution raisonnable aurait été que la prestataire continue de travailler pour son employeur jusqu’à ce qu’elle trouve un autre emploi.

[39] Comme l’a déclaré la division générale, la prestataire a fait le choix personnel de mettre fin à son emploi, ce qui était peut-être un bon choix personnel pour elle à ce moment-là. Toutefois, un bon choix personnel ne constitue pas une justification de quitter son emploi aux termes de la loiNote de bas de page 13.

[40] Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, la décision de la division générale et les arguments de la prestataire, je conclus que la décision de la division générale est conforme à la preuve dont elle est saisie et est conforme au droit et aux décisions rendues sur le départ volontaire. Je n’ai aucun motif d’intervenir.

[41] Je suis tout à fait conscient que la prestataire peut demander réparation à une autre instance si une violation de ses droits est établie. Cela ne change rien au fait que, en vertu de la Loi sur l’AE, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi.

[42] Pour ces motifs, je n’ai d’autre choix que de rejeter l’appel de la prestataire.

Conclusion

[43] L’appel est rejeté.

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