Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c RC, 2022 TSS 1008

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Parties appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Angele Fricker
Partie intimée : R. C.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 22 avril 2022 (GE-22-800)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 3 octobre 2022
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelante

Date de la décision : Le 13 octobre 2022
Numéro de dossier : AD-22-322

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Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] L’appelante (Commission) a décidé que l’intimée (prestataire) inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi du 6 septembre 2021 au 8 avril 2022, parce qu’elle était aux études à temps plein de sa propre initiative et n’avait pas démontré sa disponibilité pour le travail. La Commission a maintenu sa décision initiale après révision. La prestataire a porté la décision de révision en appel auprès de la division générale.

[3] La division générale a conclu que la prestataire avait démontré qu’elle était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. La division générale a établi que la prestataire voulait retourner travailler et avait fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi. La division générale a déterminé que la prestataire n’avait pas établi de conditions personnelles qui auraient limité indûment ses chances de retourner sur le marché du travail pendant qu’elle suivait un programme de formation à temps plein parce que ses cours étaient en ligne et qu’elle pouvait travailler les mercredis, les soirs et les fins de semaine.

[4] La division d’appel a accordé à la Commission la permission de porter la décision de la division générale en appel devant elle. La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que la prestataire était disponible pour le travail du 6 septembre 2021 au 8 avril 2022.

[5] Je dois décider si la division générale a commis une erreur de droit en appliquant mal le critère juridique relatif à la disponibilité.

[6] J’accueille l’appel de la Commission.

Question en litige

[7] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en appliquant mal le critère juridique relatif à la disponibilité?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[8] La Cour d’appel fédérale a établi que lorsque la division d’appel instruit des appels conformément à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, son mandat lui est conféré par les articles 55 à 69 de la LoiNote de bas page 1.

[9] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel pour les décisions rendues par la division générale. Elle n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui exercé par une cour supérieureNote de bas page 2.

[10] Par conséquent, à moins que la division générale ait omis d’observer un principe de justice naturelle, qu’elle ait commis une erreur de droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, je n’ai d’autre choix que de rejeter l’appel.

Questions préliminaires

[11] La prestataire ne s’est pas présentée à l’audience.

[12] J’ai tenu l’audience en l’absence de la prestataire parce que j’étais convaincu qu’elle avait reçu l’avis d’audienceNote de bas page 3.

La division générale a-t-elle commis une erreur en appliquant mal le critère juridique relatif à la disponibilité?

[13] La division générale a conclu que la prestataire avait démontré qu’elle était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. La division générale a établi que la prestataire voulait retourner travailler et avait fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi. La division générale a déterminé que la prestataire n’avait pas établi de conditions personnelles qui auraient limité indûment ses chances de retourner sur le marché du travail pendant qu’elle suivait un programme de formation à temps plein parce que ses cours étaient en ligne et qu’elle pouvait travailler les mercredis, les soirs et les fins de semaine.

[14] La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de droit en appliquant mal le critère juridique relatif à la disponibilité. Plus précisément, la Commission fait valoir que la division générale a commis une erreur en concluant que la prestataire n’avait pas limité indûment ses chances de retourner sur le marché du travail malgré les exigences de sa formation. La Commission soutient que l’horaire scolaire restreignait sa disponibilité pour le travail.

[15] La Commission fait valoir que la division générale a ignoré la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale, qui a confirmé qu’une partie prestataire qui restreint sa disponibilité pour travailler à des heures ou des jours à l’extérieur de son horaire de cours n’a pas prouvé sa disponibilité au sens de la loi.

[16] Pour être considérée comme disponible pour le travail, une partie prestataire doit démontrer qu’elle est capable de travailler et disponible pour le faire et incapable d’obtenir un emploi convenable.Note de bas page 4

[17] La disponibilité doit être déterminée en analysant trois facteurs :

  1. 1) avoir le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable est offert;
  2. 2) exprimer ce désir en faisant des démarches pour trouver un emploi convenable;
  3. 3) éviter d’établir des conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travailNote de bas page 5.

[18] De plus, la disponibilité est établie pour chaque jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel la personne peut prouver qu’elle était capable de travailler, disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas page 6.

[19] Aux fins de l’article 18 de la Loi sur l’assurance-emploi, un jour ouvrable est défini comme étant chaque jour de la semaine excepté le samedi et le dimancheNote de bas page 7.

[20] La Cour d’appel fédérale a rendu un certain nombre de décisions concernant la disponibilité d’une partie prestataire qui suit des cours de formation à temps plein.

[21] Dans la décision Bertrand, la Cour a conclu que la prestataire, dont la disponibilité se limitait aux heures de travail entre 16 h et minuit, n’était pas disponible aux fins de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 8.

[22] Dans la décision Vézina, la Cour a suivi la décision Bertrand et a conclu que les intentions du prestataire de travailler les fins de semaine et les soirs démontraient un manque de disponibilité pour travailler au titre de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 9.

[23] Dans la décision Rideout, la Cour a conclu que le fait que le prestataire était disponible pour travailler seulement deux jours par semaine plus les fins de semaine constituait une limite à sa disponibilité pour un travail à temps pleinNote de bas page 10.

[24] Dans les décisions Primard et Gauthier, la Cour a souligné qu’une journée de travail excluait les fins de semaine au titre du Règlement sur l’assurance-emploi et a conclu qu’une disponibilité de travail restreinte aux seuls soirs et fins de semaine est une condition personnelle qui pourrait limiter indûment les chances de retourner sur le marché du travailNote de bas page 11.

[25] Dans la décision Duquet, la Cour, appliquant les facteurs de la décision Faucher, a déterminé que le fait d’être disponible seulement à certains moments de certains jours restreignait la disponibilité et limitait les chances d’un prestataire de se trouver un emploiNote de bas page 12.

[26] De la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale, je peux tirer les principes suivants :

  1. Une partie prestataire doit être disponible durant les heures régulières pour chaque jour ouvrable de la semaine.
  2. Restreindre la disponibilité à certaines heures de certains jours de la semaine, dont les soirs et les fins de semaine, représente une limitation de la disponibilité pour travailler et établit une condition personnelle qui pourrait limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail.

[27] La preuve démontre que la prestataire était une étudiante à temps plein qui suivait un programme à temps plein et qu’elle était disponible pour le travail seulement à l’extérieur de ses heures de cours, soit les mercredis, les soirs et les fins de semaine. Elle n’était pas disposée à abandonner sa formation pour accepter un emploi à temps plein. Ces deux aspects l’empêchaient de retourner travailler pendant les heures régulières de travail, du lundi au vendredi.

[28] Je suis d’avis que la division générale a commis une erreur de droit en ignorant la jurisprudence contraignante de la Cour d’appel fédérale et en interprétant mal le troisième facteur du critère relatif à la disponibilité de la décision Faucher,à savoir éviter d’établir des conditions personnelles pouvant limiter indûment la disponibilité d’une partie prestataire pour le travail.

[29] Autrement dit, il est justifié de ma part d’intervenir.

Réparation

[30] Considérant que les deux parties ont eu l’occasion de plaider leur cause devant la division générale, je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas page 13.

[31] La preuve démontre que la prestataire était inscrite à temps plein à l’université de X. Elle était disponible pour travailler seulement à l’extérieur de ses heures de cours les mercredis, les soirs et les fins de semaineNote de bas page 14. La prestataire n’était pas disposée à abandonner son programme pour accepter un emploi à temps pleinNote de bas page 15. Ces deux conditions l’ont empêchée de trouver du travail durant les heures régulières, du lundi au vendredi.

[32] Conformément à l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi et en appliquant la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale, je conclus que la prestataire n’était pas disponible et incapable d’obtenir un emploi convenable les jours ouvrables de sa période de prestations, puisque sa disponibilité était limitée indûment par les exigences du programme qu’elle suivait à l’université de X.

[33] Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale, les causes comme celle de la prestataire suscitent la sympathie et la tentation est forte pour le Tribunal de s’écarter de la règle de droit pour rendre un jugement à caractère équitable, mais il faut bien se garder d’y succomberNote de bas page 16.

[34] Pour les motifs énoncés ci-dessus, j’accueille l’appel de la Commission.

Conclusion

[35] L’appel est accueilli.

[36] La prestataire n’était pas admissible aux prestations régulières de l’assurance-emploi du 6 septembre 2021 au 8 avril 2022, parce qu’elle était aux études à temps plein de sa propre initiative et qu’elle n’était pas disponible pour travailler au sens de la loi.

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