Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : MH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1035

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. H.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (470435) datée du 11 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Glenn Betteridge
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 28 septembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 13 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1999

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a été suspendue puis a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension et qui lui a fait perdre son emploi).

[3] Par conséquent, la prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi (parce qu’elle a été suspendue) et elle est exclue du bénéfice des prestations (parce qu’elle a perdu son emploi)Note de bas de page 1.

Aperçu

[4] La prestataire, qui occupait un poste d’infirmière autorisée, a perdu son emploi. Elle exerçait cette profession depuis 25 ans. Elle travaillait en première ligne pendant la pandémie de COVID-19, avant qu’elle soit suspendue par son employeur.

[5] Une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 avait été mise en place par son employeur. Celui-ci a expliqué qu’il avait d’abord imposé un congé sans solde à la prestataire, et qu’elle avait été licenciée par la suite parce qu’elle n’avait pas fourni de preuve de vaccination contre la COVID-19Note de bas de page 2. Autrement dit, elle n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19.

[6] La prestataire ne conteste pas cette conclusion, puisqu’elle n’a reçu aucune dose de vaccin contre la COVID-19.

[7] Toutefois, la prestataire refuse de se faire vacciner contre la COVID-19 et elle affirme avoir fourni une preuve à son employeur qu’il ne s’agit pas d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle affirme aussi que les vaccins contre la COVID-19 sont encore au stade expérimental et qu’ils sont dangereux. Elle ajoute qu’ils contiennent une substance qui modifie l’ADN et qu’ils sont potentiellement mortels. Donc, le fait de forcer la population à se faire vacciner est un crime contre l’humanité et un génocide. Par conséquent, son employeur l’aurait congédiée illégalement. De plus, selon un décret rendu par l’autoproclamée reine du Canada, elle serait légalement admissible à des prestations d’assurance-emploi mensuelles de 3 000 $.

[8] La Commission a accepté les raisons fournies par l’employeur. Elle a jugé que la prestataire avait été suspendue et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, la Commission a déclaré la prestataire inadmissible aux prestations d’assurance-emploi (pour avoir été suspendue) et l’a exclue du bénéfice des prestations (pour avoir perdu son emploi)Note de bas de page 3.

Question en litige

[9] La prestataire a-t-elle été suspendue puis a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[10] Pour répondre à cette question, je dois décider deux choses :

  • D’abord, je dois déterminer la raison pour laquelle la prestataire a été suspendue et la raison pour laquelle elle a perdu son emploi.
  • Ensuite, je dois décider si ces raisons sont considérées comme des inconduites au sens de la loi.

Analyse

Raisons pour lesquelles la prestataire a été suspendue et a perdu son emploi

[11] J’accepte la raison pour laquelle la prestataire a été suspendue et a perdu son emploi, à savoir parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 mise en place par son employeur.

[12] La prestataire et la Commission conviennent toutes deux qu’il s’agit de la raison pour laquelle la prestataire a été suspendue et a perdu son emploiNote de bas de page 4.

[13] Aucune preuve n’indique le contraire.

Il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi

[14] Je conclus que la prestataire a été suspendue et congédiée en raison d’une inconduite au sens de la loi.

[15] J’énonce les raisons ayant mené à ma conclusion dans cette section.

Inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi

[16] Selon la loi, une personne ne peut recevoir des prestations d’assurance-emploi si elle a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[17] Dans cet appel, je me fonde sur deux articles de la Loi sur l’assurance-emploi qui portent sur l’inconduite. L’un porte sur la suspension d’un emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 5, et l’autre porte sur la perte d’emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 6.

[18] Selon la loi, il y a inconduite si la partie prestataire savait ou aurait dû savoir :

  • que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur; et
  • qu’il était réellement possible qu’elle soit suspendue ou congédiée en raison de cette conduiteNote de bas de page 7.

[19] La façon d’agir de la personne doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue, intentionnelle ou tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 8. Il n’est pas nécessaire que la personne ait voulu faire quelque chose de malNote de bas de page 9.

[20] La Commission doit prouver qu’il y a eu inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a été suspendue et a perdu son emploi en raison de son inconduite.

Position de la Commission et position de la prestataire

[21] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite puisque l’employeur a suspendu et congédié la prestataire parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19Note de bas de page 10. La prestataire était au courant de cette politique. Elle savait que son employeur pouvait la suspendre ou la congédier si elle refusait de se faire vacciner et de fournir une preuve de vaccination. Elle a choisi délibérément de ne pas se faire vacciner.

[22] La prestataire soutient qu’il ne s’agit pas d’une inconduite et que son employeur l’a illégalement congédiée. Elle affirme que les vaccins contre la COVID-19 sont encore au stade expérimental et qu’ils sont dangereux. Elle ajoute qu’ils contiennent une substance qui modifie l’ADN et qu’ils sont potentiellement mortelsNote de bas de page 11. Donc, le fait de forcer la population à se faire vacciner est un crime contre l’humanité et un génocideNote de bas de page 12. De plus, selon un décret rendu par l’autoproclamée reine du Canada, elle serait légalement admissible à des prestations d’assurance-emploi mensuelles de 3 000 $Note de bas de page 13.

La Commission a démontré qu’il y a eu inconduite

[23] La Commission et la prestataire sont d’accord sur les faits essentiels. Les éléments de preuve que la prestataire a fournis à la Commission et a relatés à l’audience concordent avec ceux sur lesquels la Commission s’est fondée pour refuser de lui verser des prestations d’assurance-emploi. Les faits essentiels sont les suivants :

[24] Une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 avait été mise en place par l’employeurNote de bas de page 14. Dans la politique, il était indiqué que :

  • Les membres du personnel étaient tenus d’obtenir leur première dose de vaccin contre la COVID-19 et de fournir une preuve de vaccination à l’employeur avant le 4 octobre 2021.
  • Les membres du personnel qui ne se conformaient pas aux exigences du point précédent pouvaient se voir imposer un congé sans solde.
  • Les membres du personnel étaient tenus d’obtenir leur deuxième dose de vaccin contre la COVID-19 et de fournir une preuve de vaccination à l’employeur avant le 4 novembre 2021.
  • Les membres du personnel qui ne se conformaient pas aux exigences du point précédent pouvaient se voir imposer un congé sans solde.
  • Les membres du personnel qui avaient fourni une exemption médicale approuvée ou qui avaient demandé des mesures d’adaptation relatives aux droits de la personne n’étaient pas tenus de se faire vacciner.

[25] L’employeur a fait parvenir la politique par courriel aux membres de son personnel au mois d’août 2021. Il a ensuite transmis de plus amples détails au moyen d’un deuxième courriel envoyé le 1er septembre 2021Note de bas de page 15.

[26] La prestataire affirme qu’elle était au courant de la politique et des conséquences qui s’ensuivraient si elle ne la respectait pasNote de bas de page 16.

[27] Puisque la prestataire n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19, son employeur lui a imposé un congé sans solde. La lettre de suspension indique que le congé sans solde est en vigueur du 4 octobre 2021 au 15 novembre 2021Note de bas de page 17. La lettre mentionne aussi que si la prestataire ne fournit pas une preuve de vaccination contre la COVID-19 ou n’obtient pas une exception approuvée avant le 15 novembre 2021, son employeur ne lui permettrait pas de retourner au travail, et une autre lettre lui serait acheminée.

[28] Puis, l’employeur a repoussé la date limite à laquelle elle devait se conformer aux exigences de la politique au 17 janvier 2022.

[29] La prestataire ne s’est pas fait vacciner contre la COVID-19. Elle n’a pas non plus présenté une demande pour obtenir une exemption médicale ou des mesures d’adaptation relatives aux droits de la personneNote de bas de page 18.

[30] L’employeur a rencontré la prestataire le 20 janvier 2022. Elle a été congédiée, car elle ne s’est pas conformée aux exigences de vaccination de sa politiqueNote de bas de page 19.

[31] Après avoir examiné tous les éléments de preuve et tenu compte du témoignage de la prestataire, je conclus que :

  • la prestataire était au courant de la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur et des obligations dont elle devait s’acquitter en vertu de cette politique;
  • la prestataire était au courant des conséquences qui s’ensuivraient si elle ne respectait pas la politique;
  • la prestataire a consciemment, délibérément et intentionnellement refusé de se faire vacciner contre la COVID-19;
  • la prestataire a été suspendue puis congédiée parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeur.

[32] J’ai tiré ces conclusions, car les éléments mentionnés sont ceux que la prestataire a déclarés à la Commission et lors de son audienceNote de bas de page 20. Je n’ai aucune raison de douter de sa déclaration. Ces éléments figurent aussi dans les documents de référence. Aucune preuve n’indique le contraire.

[33] Par conséquent, j’estime que la Commission a démontré qu’il était plus probable qu’improbable que la prestataire a été suspendue puis congédiée en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

Les arguments de la prestataire selon lesquels il ne s’agit pas d’une inconduite

[34] La prestataire déclare refuser de se faire vacciner contre la COVID-19. Elle affirme avoir fourni à son employeur une preuve qu’il ne s’agit pas d’une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi. Donc, la Commission aurait dû lui verser des prestations d’assurance-emploi.

[35] Elle a fait valoir trois arguments.

[36] Premièrement, elle affirme que, selon un décret rendu par l’autoproclamée reine du Canada, elle est légalement admissible à des prestations d’assurance-emploi mensuelles de 3 000 $.

[37] Je ne suis pas d’accord avec cet argument. Le prétendu décret n’a pas été adopté par le Parlement du Canada. Il n’a aucun poids juridique et ne permet pas de modifier la Loi sur l’assurance-emploi. Selon la loi, elle n’est pas admissible aux prestations.

[38] Deuxièmement, elle explique que son refus de se faire vacciner ne constitue pas une inconduite puisque son employeur l’a congédiée illégalement. Elle ajoute que les vaccins contre la COVID-19 sont encore au stade expérimental, qu’ils contiennent une substance qui modifie l’ADN et qu’ils sont potentiellement mortels. Donc, le fait de forcer la population à se faire vacciner est un crime contre l’humanité et un génocide.

[39] Troisièmement, elle a soutenu lors de l’audience que l’équipement de protection individuel était suffisant pour prévenir la transmission de la COVID-19 avant que les vaccins ne soient offerts. Par conséquent, il devrait être encore suffisant, même si les vaccins sont maintenant offerts.

[40] Je ne peux pas tenir compte des deuxième et troisième arguments. Ces arguments remettent en question le caractère raisonnable et légal de la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur ainsi que les décisions rendues en vertu de cette politique. Cependant, les tribunaux ont affirmé que le Tribunal de la sécurité sociale devait se pencher sur la question de la conduite de la prestataire selon les articles concernés de la Loi sur l’assurance-emploi, et non sur la conduite de l’employeurNote de bas de page 21.

[41] Cela signifie que je ne peux pas décider si, d’un point de vue légal, il était justifié que l’employeur suspende et congédie la prestataire. Je ne peux pas non plus remettre en question la pertinence des sanctions imposées par l’employeur, à savoir s’il était raisonnable et approprié de suspendre puis de congédier la prestataire.

La prestataire a été suspendue et a perdu son emploi en raison d’une inconduite

[42] Conformément aux raisons mentionnées précédemment, je conclus que la prestataire a été suspendue de son emploi du 4 octobre 2021 au 19 janvier 2022 en raison d’une inconduite. J’estime aussi qu’elle a perdu son emploi le 20 janvier 2022 en raison d’une inconduite.

Conclusion

[43] La Commission a prouvé que la prestataire avait été suspendue et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi la prestataire est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi et est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[44] Par conséquent, l’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.