Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : SM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1083

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (462548) datée du 6 avril 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Catherine Shaw
Date de la décision : Le 6 septembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1543

Sur cette page

Introduction

[1] La prestataire a perdu son emploi parce qu’elle ne s’est pas fait vacciner contre la COVID-19. Son employeur a instauré une politique qui exigeait que les employés se fassent vacciner ou qu’ils obtiennent une exemption approuvée. Comme la prestataire ne s’est pas fait vacciner avant la date limite, l’employeur l’a donc mise en congé sans solde (suspension) et l’a congédiée par la suite.

[2] La Commission a décidé que la prestataire ne pouvait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi parce qu’elle avait été suspendue puis congédiée en raison de son inconduite. La prestataire a demandé à la Commission de réviser cette décision parce qu’elle avait des préoccupations légitimes concernant la sécurité du vaccin. Elle avait tenté d’obtenir une exemption médicale ou religieuse à la politique de l’employeur, sans succès.

[3] La Commission a maintenu sa décision parce que la prestataire savait que l’employeur exigeait qu’elle soit vaccinée, elle savait qu’elle perdrait son emploi si elle ne se conformait pas à la politique et elle a fait le choix de ne pas se conformer. La prestataire a interjeté appel de cette décision au Tribunal.

Question en litige

[4] Je dois décider s’il faut rejeter l’appel de façon sommaire.

Analyse

[5] Je dois rejeter de façon sommaire l’appel si je suis convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 1.

[6] Selon la loi, les prestataires qui sont congédiés en raison d’une inconduite sont exclus du bénéfice des prestationsNote de bas de page 2.

[7] Elle précise également que les prestataires qui sont suspendus de leur emploi en raison de leur inconduite ne sont pas admissibles au bénéfice des prestations jusqu’à ce que l’une des conditions suivantes soit remplie :

  • la fin de la période de suspension;
  • la perte de leur emploi ou leur départ volontaire;
  • le cumul d’un nombre suffisant d’heures chez un autre employeur depuis le début de la suspensionNote de bas de page 3.

[8] Le 7 septembre 2021, l’employeur de la prestataire a instauré une politique qui exigeait que tous ses employés soient entièrement vaccinés ou qu’ils obtiennent une exemption approuvée avant le 15 octobre 2021Note de bas de page 4. Les employés qui ne se sont pas conformés à la politique ont fait l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congé sans solde (suspension) et au congédiementNote de bas de page 5.

[9] La prestataire a dit qu’elle était au courant de la politique et des conséquences de ne pas être vaccinée. Elle savait qu’elle ne pourrait pas continuer à travailler si elle ne se conformait pasNote de bas de page 6.

[10] La prestataire ne voulait pas se faire vacciner pour plusieurs raisons. Son enfant a eu une réaction indésirable grave à la première dose du vaccin contre la COVID-19 et la prestataire avait des préoccupations concernant la sécurité de se faire vaccinerNote de bas de page 7. Elle s’opposait également à se faire vacciner pour des motifs religieux.

[11] La prestataire a parlé à son médecin concernant l’obtention d’une exemption médicale, mais ce dernier n’a pas été en mesure de fournir la documentation à l’appui d’une exemption. Elle a demandé à l’employeur une exemption à la politique pour des motifs religieuxNote de bas de page 8, mais l’employeur a rejeté sa demande d’exemptionNote de bas de page 9.

[12] Le 16 octobre 2021, la prestataire a été mise en congé sans solde (suspension)Note de bas de page 10. Elle a été congédiée le 29 octobre 2021Note de bas de page 11.

[13] Pour qu’il y ait inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission doit démontrer que la prestataire a fait preuve d’une conduite délibérée, car elle savait ou aurait dû raisonnablement savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses fonctions envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle soit congédiéeNote de bas de page 12.

[14] Une conduite délibérée désigne une conduite consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 13. Il n’est pas nécessaire que l’appelante ait une intention coupable (autrement dit, qu’elle ait voulu mal agir) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 14.

[15] Avant de rejeter de façon sommaire un appel, le Tribunal doit envoyer un avis écrit à la prestataire et lui donner un délai pour présenter des observationsNote de bas de page 15.

[16] Comme la preuve au dossier montre que la prestataire a choisi de ne pas se conformer à la politique de vaccination obligatoire de l’employeur et qu’elle savait qu’elle pourrait perdre son emploi en raison de ce choix, le Tribunal lui a envoyé un avis l’informant de son intention de rejeter cet appel de façon sommaire le 4 août 2022Note de bas de page 16. La prestataire a fourni des observations supplémentaires et je les ai prises en considération dans la présente décisionNote de bas de page 17.

[17] Je constate de la preuve au dossier que l’employeur a mis en place une politique qui exigeait que la prestataire soit vaccinée contre la COVID-19 ou qu’elle obtienne une exemption approuvée. La prestataire a été informée de cette politique. Elle a été avisée qu’elle perdrait son emploi si elle ne se conformait pas à la politique.

[18] Je comprends que la prestataire a demandé une exemption à cette politique. Toutefois, l’employeur n’a pas accepté sa demande d’exemption. La prestataire savait qu’elle n’était pas exemptée de la politique de vaccination obligatoire de l’employeur. Quoi qu’il en soit, elle a choisi de ne pas se conformer à la politique.

[19] La prestataire a affirmé que cette politique n’était pas en place au moment de son embauche. L’employeur aurait pu offrir d’autres mesures d’adaptation, comme des tests rapides, plutôt que d’exiger qu’elle se fasse vacciner.

[20] Un employeur a le droit de gérer son fonctionnement au quotidien, ce qui comprend le droit d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques en milieu de travail. Quand l’employeur a fait de cette politique une exigence pour l’ensemble de ses employés, elle est devenue du même coup une condition d’emploi pour la prestataire.

[21] La prestataire a également soutenu que la politique de l’employeur violait ses droits en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte).

[22] Au Canada, un certain nombre de lois protègent les droits d’une personne, comme le droit à la vie privée ou le droit à l’égalité (non-discrimination). La Charte n’est qu’une de ces lois. Il y a aussi la Déclaration canadienne des droits, la Loi canadienne sur les droits de la personne et un certain nombre de lois provinciales qui protègent les droits et libertés.

[23] Les différentes cours et différents tribunaux appliquent ces lois.

[24] Le Tribunal de la sécurité sociale (TSS) peut examiner si une disposition de la Loi sur l’assurance-emploi ou de son règlement (ou d’une loi connexe) porte atteinte aux droits garantis à un prestataire par la Charte.

[25] Cependant, le TSS n’est pas autorisé à examiner si une mesure prise par un employeur viole les droits fondamentaux d’un prestataire garantis par la CharteNote de bas de page 18. Cela dépasse notre champ de compétence. Le TSS n’est pas non plus autorisé à rendre des décisions fondées sur la Déclaration canadienne des droits ou la Loi canadienne sur les droits de la personne ou sur les lois provinciales qui protègent les droits et libertés.

[26] La prestataire peut recourir à ses prétentions selon lesquelles la politique de l’employeur a violé ses droits. Elle doit toutefois soulever cette question auprès de la cour ou du tribunal approprié.

[27] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme étant une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploiNote de bas de page 19.

[28] La Cour d’appel fédérale a déclaré que le Tribunal n’a pas à décider si la politique de l’employeur était raisonnable ou si le congédiement d’un prestataire était justifiéNote de bas de page 20.

[29] La prestataire ne s’est pas fait vacciner et n’a pas obtenu une exemption approuvée. Elle ne s’est pas conformée à la politique de l’employeur. De plus, au moment de son congédiement, elle n’avait aucune intention de se conformer. Il n’existe aucune preuve ni aucun témoignage qu’elle pourrait présenter à l’audience qui changerait ce fait.

[30] Il est évident et manifeste, à la lecture du dossier, que l’appel est voué à l’échecNote de bas de page 21. Par conséquent, j’estime que le présent appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Je suis donc tenue par la loi de le rejeterNote de bas de page 22.

Conclusion

[31] Je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Par conséquent, l’appel est rejeté de façon sommaire.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.