Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : MC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1061

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. C.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (478862) datée du 31 mai 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Josée Langlois
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 22 septembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 23 septembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1978

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a cessé d’occuper temporairement son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 1

Aperçu

[3] L’appelant est gestionnaire de cas au service à la clientèle chez X. L’employeur l’a suspendu le 31 janvier 2022 parce qu’il a refusé de fournir une attestation de vaccination conformément à la politique de vaccination contre la Covid-19 adoptée par l’employeur le 31 octobre 2021. L’appelant est de retour au travail depuis le 18 juillet 2022 parce que l’employeur a modifié sa politique.

[4] La Commission a accepté la raison de la suspension que l’employeur a fournie. Elle a conclu que l’appelant a cessé d’occuper temporairement son emploi en raison de son inconduite. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[5] L’appelant n’est pas d’accord avec la décision de la Commission. Il affirme qu’il n’a pas commis une inconduite. Il admet qu’il a refusé de fournir l’attestation de son statut vaccinal demandé par l’employeur, mais il soutient que ce refus n’a pas de lien avec son emploi d’autant plus qu’il était en télétravail. Il fait valoir qu’il a été mis en congé et non suspendu.

[6] Je dois déterminer si l’appelant a été suspendu en raison de son inconduite.

Questions en litige

[7] L’appelant a-t-il refusé de se conformer à la politique de vaccination de l’employeur?

[8] Si oui, ce geste constitue-t-il une inconduite ?

Analyse

[9] Je précise que la possibilité d’obtenir des prestations dans le cas d’une inconduite s’évalue de la même manière pour une période de suspension ou un congédiement.

[10] Pour décider si l’appelant a cessé d’occuper temporairement son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison l’appelant a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la Loi considère cette raison comme une inconduite.

L’appelant a-t-il refusé de se conformer à la politique de vaccination de l’employeur?

[11] J’estime que l’appelant a été suspendu de son emploi parce qu’il a refusé de se conformer à la politique de vaccination de l’employeur. Conformément à cette politique, l’appelant devait fournir une preuve de vaccination contre la Covid-19 à l’employeur au plus tard le 31 janvier 2021 et il a refusé de le faire.

[12] Lorsqu’il a présenté sa demande de prestations, l’appelant a indiqué qu’il a été suspendu parce qu’il a refusé de se conformer à la politique de vaccination de l’employeur.

[13] La Commission et l’appelant s’entendent sur la raison pour laquelle ce dernier a cessé d’occuper son emploi.

[14] L’employeur a indiqué sur le relevé d’emploi que l’appelant avait cessé d’occuper son emploi en raison d’une suspension et/ou un congédiement. Une responsable chez l’employeur a déclaré à la Commission que l’appelant a été suspendu le 31 janvier 2021 parce qu’il a refusé de fournir une preuve de vaccination contre la Covid-19 conformément à la politique de vaccination adoptée par l’employeur. Elle explique que l’attestation de la preuve vaccinale contre la Covid-19 était une exigence pour continuer à travailler.

[15] L’appelant admet avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur qui exigeait de présenter une preuve de vaccination contre la Covid-19. Je conclus qu’il a posé le geste reproché par l’employeur.

La raison de la suspension de l’appelant est-elle une inconduite selon la Loi ?

[16] Un travailleur qui est suspendu en raison de son inconduite n’a pas le droit de recevoir des prestations d’assurance-emploi jusqu’à la fin de la période de suspension.Note de bas de page 2

[17] Selon la Loi, la raison de la suspension de l’appelant est une inconduite. Un travailleur qui est suspendu en raison de son inconduite ne peut recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[18] Pour être considérée comme une inconduite selon la Loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelle.Note de bas de page 3 Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibérée.Note de bas de page 4 Pour qu’il y ait inconduite au sens de la Loi, il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupableNote de bas de page 5 (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal).

[19] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raison.Note de bas de page 6

[20] La Commission doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant a cessé d’occuper son emploi en raison de son inconduite. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a été suspendu en raison de son inconduite.Note de bas de page 7

[21] Le 1er septembre 2021, l’employeur, X, a avisé tous les employés que l’entreprise adoptait une politique de vaccination obligatoire; la Politique de vaccination de X contre la Covid-19.Note de bas de page 8 Conformément à cette politique, l’employeur exige que tous les employés soient vaccinés contre la Covid-19 et qu’ils fournissent une preuve de vaccination au plus tard le 31 octobre 2021. L’employeur précise alors que tout manquement à cette règle pourrait entraîner des mesures correctives, disciplinaires ou administratives qui pourraient aller jusqu’au congédiement.Note de bas de page 9

[22] L’employeur explique qu’il permet un accommodement temporaire aux employés non-vaccinés. Ces employés ont la possibilité de faire des tests de dépistage rapide de la Covid-19. Cependant, le 2 décembre 2021, l’employeur a avisé les employés que cet accommodement ne sera plus possible à compter du 1er février 2022. À cette date, tous les employés doivent avoir transmis l’attestation de leur vaccination à la Covid-19.

[23] L’appelant admet avoir été informé de la politique de vaccination de l’employeur dès le 1er septembre 2021. Il explique qu’il a obtenu un délai pour présenter l’attestation de son statut vaccinal. Il indique qu’il n’a pas fourni la preuve de sa vaccination au 31 octobre 2021, mais qu’il a continué à travailler jusqu’au 31 janvier 2021 en raison d’un accommodement pendant cette période qui lui permettait de passer des tests de dépistage rapide de la Covid-19. Cependant, cet accommodement s’est terminé le 31 janvier 2022 et l’employeur l’a alors informé que des mesures seraient prises concernant les employés non vaccinés. L’appelant a également été informé qu’en date du 1er mai 2022, les employés non vaccinés seraient congédiés.Note de bas de page 10

[24] L’appelant a refusé de présenter l’attestation de vaccination comme demandé par l’employeur et il a été suspendu le 31 janvier 2022. Il n’avait toujours pas fourni l’attestation de son statut vaccinal le 1er mai 2022, mais il n’a pas été congédié. L’employeur a alloué un nouveau délai pour présenter l’attestation de vaccination contre la Covid-19 et, après, il a modifié sa politique. L’appelant est de retour au travail depuis le 18 juillet 2022.

[25] L’appelant explique que dans son secteur, ils ne sont que 26 employés qui ne sont pas vaccinés et que l’employeur aurait pu les accommoder. Il affirme que la politique de l’employeur est discriminatoire et que l’approche gouvernementale sur laquelle l’entreprise s’est basée n’obligeait pas à X à imposer la vaccination contre la Covid-19 pour continuer à travailler. L’appelant soutient qu’il était en télétravail dès le début de la pandémie et qu’il n’était pas en contact avec les autres employés lesquels il rencontrait virtuellement. Il explique avoir déposé un grief auprès de son syndicat.

[26] L’appelant affirme que c’est son droit de ne pas vouloir fournir une attestation de son statut vaccinal puisque cette information est privée. Lors de l’audience, il explique qu’il préfère la médecine naturelle et qu’il y avait d’autres alternatives de guérir la Covid-19 que de recevoir le vaccin.

[27] Aussi, il mentionne qu’il a peur de recevoir le vaccin contre la Covid-19. Il a peur de mourir s’il le reçoit. Il fait valoir qu’il y avait un risque de développer une condition ou une maladie cardiaque en recevant le vaccin, tel que la myocardite. Il explique qu’il connaît des personnes qui ont reçu trois doses du vaccin contre la Covid-19 et qui ont quand même attrapé le virus et que certaines d'entre elles ont même été hospitalisées.Note de bas de page 11 En ce sens, il explique que l’efficacité du vaccin n’est pas prouvée.

[28] Lors de l’audience, l’appelant a indiqué que l’employeur a fait preuve d’abus en exigeant qu’il fournisse une attestation de vaccination contre la Covid-19. Pour cette raison, il soutient que la décision rendue par la Commission est arbitraire parce qu’en aucun cas il n’est allé à l’encontre du code de conduite de l’employeur. Il affirme que son rendement au travail était satisfaisant et qu’il avait eu une promotion en octobre 2021.

[29] La Commission fait valoir que l’appelant savait que le non-respect de la politique de vaccination de l’employeur pouvait entraîner une suspension. Il savait également que pour pouvoir réintégrer son poste, il devait se conformer à la politique de vaccination, mais il a refusé de le faire. La Commission soutient qu’il y a un lien entre la suspension de l’appelant et son refus de se conformer à la politique de vaccination contre la Covid-19 et que ce refus constitue une inconduite au sens de la Loi.

[30] De plus, la Commission affirme qu’il n’est pas question d’un congé autorisé au sens de l’article 32 de la Loi parce que ce congé n’est pas volontaire, mais bien un congé sans solde imposé par l’employeur.

[31] Je suis d’accord avec la Commission. Bien que je comprenne les explications de l’appelant et les raisons pour lesquelles il refuse de fournir une attestation de son statut vaccinal à l’employeur, lorsqu’un employé ne respecte pas une politique de l’employeur de façon volontaire, ce comportement l’empêche de remplir ses obligations envers son employeur.

[32] Je suis d’avis qu’en refusant de se conformer à la politique de l’employeur, l’appelant pouvait présumer qu’il était possible qu’il soit suspendu de ses fonctions. D’ailleurs, l’information transmise aux employés, ainsi que la politique elle-même qui est en vigueur depuis le 31 octobre 2021, indique clairement qu’il y aura des conséquences pour ceux qui ne transmettront pas une attestation de vaccination contre la Covid-19. Ces conséquences peuvent aller jusqu’au congédiement.

[33] L’employeur acceptait d’évaluer une exemption pour des raisons médicales si un employé présentait un billet signé par un médecin, mais l’appelant n’a pas fourni une telle exemption médicale.

[34] J’ai bien entendu les raisons pour lesquelles l’appelant a refusé de présenter une attestation de son statut vaccinal. Cependant, pour statuer si le refus de l’appelant constitue une inconduite au sens de la Loi, je n’ai pas à déterminer si la suspension était une mesure appropriée, mais bien si les gestes que l’appelant a posés constituent une inconduite.

[35] L’appelant savait que l’employeur avait adopté une politique de vaccination contre la Covid-19 et il savait qu’il devait présenter une preuve de vaccination pour pouvoir continuer à travailler. Même s’il était en télétravail, un responsable chez l’employeur a expliqué que le retour des employés au bureau était prévu dès février 2022. En l’absence d’une exemption à recevoir le vaccin, l’appelant a volontairement décidé de ne pas se conformer à la politique de vaccination contre la Covid-19. Conformément à la politique de l’employeur, il ne pouvait plus continuer à travailler.

[36] Même si l’appelant soutient qu’il n’est pas question d’une inconduite, mais d’une mise en congé, au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, ce congé sans solde imposé par l’employeur correspond à la définition d’une période de suspension.

[37] Pour conclure à une inconduite pendant une période de suspension, l’intention coupable n’a pas à être démontrée. C’est-à-dire que je n’ai pas à déterminer si l’appelant a fait quelque chose de mal. Je comprends les explications de l’appelant et je suis persuadée qu’il n’a pas voulu faire quelque chose de mal. Pour différentes raisons, l’appelant ne voulait pas se faire vacciner et/ou présenter une attestation de son statut vaccinal à l’employeur.

[38] L’appelant a été suspendu par son employeur parce qu’il n’a pas respecté les règles émises par l’employeur; il a refusé de se conformer à la politique de vaccination obligatoire pour tous les employés (à moins de présenter une exemption médicale ou pour des motifs religieux). En refusant de s’y conformer, l’appelant ne respecte pas les règles de l’employeur.

[39] L’appelant admet avoir reçu des directives claires de l’employeur concernant la politique de vaccination. Il a refusé de présenter une preuve de vaccination comme l’exigeait la politique et il ne pouvait plus continuer à travailler. L’appelant connaissait les règles et il a décidé de ne pas s’y conformer. Ce geste volontaire constitue une inconduite.

Alors, l’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[40] L’appelant ne peut recevoir des prestations régulières s’il est suspendu ou s’il est congédié pour une inconduite qu’il a commise. Lorsqu’un employé ne respecte pas les règles de son employeur, il peut présumer qu’il sera suspendu ou congédié.

[41] Comme mentionné, je n’ai pas à déterminer si la suspension était une sanction appropriée, je précise cependant que la possibilité d’obtenir des prestations s’évalue de la même manière pour une période de suspension ou suite à un congédiement.

[42] Selon mes conclusions précédentes, j’estime qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a cessé d’occuper temporairement son emploi en raison d’une inconduite. L’appelant a posé les gestes reprochés par l’employeur et le fait d’avoir refusé de se conformer à la politique l’employeur constitue une inconduite au sens de la Loi.

Conclusion

[43] La Commission a prouvé que l’appelant a cessé d’occuper son emploi temporairement en raison d’une inconduite. C’est pourquoi il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[44] Par conséquent, l’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.