Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : GC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1091

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : G. C.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (457176) datée du 28 mars 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Audrey Mitchell
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 16 août 2022
Personnes présentes à l’audience :
Appelant
Date de la décision : Le 25 août 2022
Numéro de dossier : GE-22-1650

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelante.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire avait été suspendue de son emploi pour inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension). Cela signifie que la prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] La prestataire a été suspendue de son emploi. Son employeur a dit qu’elle avait été suspendue parce qu’elle ne s’était pas conformée à leur politique sur la vaccination contre la COVID-19.

[4] La prestataire ne conteste pas que c’est ce qui s’est passé. Elle affirme qu’elle a le droit de choisir de ne pas se faire vacciner.

[5] La Commission a accepté la raison de l’employeur pour la suspension. Elle a décidé que la prestataire avait été suspendue de son emploi pour inconduite. Par conséquent, la Commission a décidé que la prestataire n’est pas admissible aux prestations de l’assurance-emploi.

Questions dont je dois tenir compte

La prestataire n’a pas envoyé la décision découlant d’une révision de la Commission

[6] La prestataire devait envoyer une copie de la décision de la Commission au Tribunal avec son avis d’appelNote de bas de page 2, mais elle ne l’a pas fait. J’ai déjà une copie du dossier de la Commission qui comprend cette décision, alors je n’ai pas besoin que la prestataire me l’achemineNote de bas de page 3.

La prestataire n’a pas reçu de copie du dossier de révision de la Commission ni de ses observations

[7] À l’audience, la prestataire a dit qu’elle n’avait pas reçu le dossier de révision ni les observations de la Commission. La base de données utilisée par le Tribunal montre qu’un courriel a été envoyé à la prestataire le 30 mai 2022. Le dossier de révision et les observations de la Commission étaient joints au courriel. La prestataire a confirmé que l’adresse de courriel à laquelle les deux documents ont été envoyés est bien la sienne.

[8] J’ai expliqué à la prestataire qu’elle a le droit de connaître les preuves de la Commission présentées contre elle, et d’y répondre. Je lui ai dit que dans l’intérêt de la justice naturelle, j’étais prête à ajourner l’audience pour permettre au Tribunal de lui envoyer de nouveau le dossier de révision et les observations. La prestataire a dit qu’elle voulait aller de l’avant avec l’audience sans les deux documents.

[9] J’ai dit à la prestataire que si elle changeait d’avis à quelconque moment au sujet de l’audience, je considèrerais de l’ajourner. La prestataire n’a rien dit à cet effet.

Questions en litige

[10] La prestataire a-t-elle volontairement quitté son emploi, ou a-t-elle été suspendue?

[11] La prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi en raison de son inconduite?

Analyse

La prestataire a-t-elle volontairement quitté son emploi, ou a-t-elle été suspendue?

[12] La prestataire a été suspendue de son emploi.

[13] La loi traite du congédiement pour inconduite et du départ volontaire sans justification ensembleNote de bas de page 4. Dans les deux cas, il s’agit de mesures prises par une partie prestataire qui entraînent une perte d’emploiNote de bas de page 5. La question juridique en jeu dans les deux cas est celle de l’exclusion des parties prestataires du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[14] Parfois, il n’est pas clair si une partie prestataire est au chômage parce qu’elle a été congédiée ou parce qu’elle a quitté volontairement son emploi. Dans des cas comme ceux-là, puisque la question juridique en jeu pour les deux est la même en droit, sur la base de la preuve, le Tribunal peut décider des motifs d’exclusionNote de bas de page 6.

[15] Dans la présente affaire, la Commission a déclaré dans sa décision initiale qu’elle ne pouvait pas verser de prestations d’assurance-emploi à la prestataire parce qu’elle avait cessé de travailler en prenant volontairement congé de son emploi. Dans sa décision découlant d’une révision, la Commission a modifié le motif. Elle dit maintenant qu’elle ne peut pas verser les prestations d’assurance-emploi de la prestataire parce que celle-ci a été suspendue de son emploi. La Commission affirme qu’elle a commis une erreur administrative dans la décision découlant d’une révision; elle aurait dû changer la décision à une suspension.

[16] La prestataire affirme que son employeur lui a dit que si elle se présentait au travail après sa mise en congé, elle serait escortée hors des lieux. Elle a déclaré qu’à son avis, la Commission avait modifié le motif de la cessation d’emploi, passant d’un congé volontaire à une suspension. Elle a ajouté que cela ne faisait pas de différence pour elle parce que la décision de la Commission n’a pas changé.

[17] L’employeur de la prestataire a émis un relevé d’emploi (RE). La raison fournie pour l’émission du RE est « Autre ». Dans les commentaires du RE, l’employeur dit que la prestataire est incapable de travailler en raison de la politique de l’employeur.

[18] J’estime que la question de savoir si une partie prestataire a volontairement pris congé d’un emploi ou si son employeur l’a suspendue est comme la question de quitter volontairement son emploi sans justification par opposition au congédiement. La différence entre les deux questions est que la première porte sur l’inadmissibilité. Comme il a été mentionné précédemment, l’élément en cause dans la deuxième question est l’exclusion.

[19] Dans la présente affaire, j’estime que l’employeur de la prestataire l’a placée en congé sans solde. Il ne l’a pas fait parce qu’elle a demandé un congé, mais en raison d’un geste qu’elle a posé. Je ne conclus donc pas que la prestataire a volontairement pris congé de son emploi; je conclus plutôt que l’employeur de la prestataire l’a suspendue de son emploi.

La prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi pour inconduite?

[20] Pour établir si la prestataire a été suspendue de son emploi pour inconduite, je dois décider de deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison elle a été suspendue de son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi?

[21] Je conclus que la prestataire a été suspendue de son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur.

[22] La prestataire est d’accord avec la Commission sur la raison pour laquelle elle a été suspendue de son emploi. La Commission soutient que l’employeur a donné la vraie raison de la suspension. L’employeur a dit à la Commission que la prestataire avait cessé de travailler parce qu’elle ne s’était pas conformée à leur politique de vaccination contre la COVID-19.

[23] La prestataire affirme avoir refusé de suivre la politique de l’employeur qui exigeait qu’elle se fasse vacciner contre la COVID-19. Elle dit avoir choisi de ne pas se faire vacciner pour sa propre santé et sécurité, étant donné que le vaccin contre la COVID-19 est expérimental et qu’il n’a pas fait l’objet de tests pendant des années.

[24] Je conclus que la prestataire a été suspendue parce qu’elle n’a pas reçu le vaccin contre la COVID-19. J’accepte sa preuve comme un fait et je conclus qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur.

La raison de la suspension de la prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[25] La raison pour laquelle la prestataire a été suspendue est une inconduite au sens de la loi.

[26] Pour être une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. En d’autres termes, la conduite doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 7. Cela comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 8. Il n’est cependant pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de malNote de bas de page 9).

[27] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit suspendue pour cette raisonNote de bas de page 10.

[28] Il faut que la Commission prouve que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie que la Commission doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que la prestataire a été suspendue de son emploi pour inconduiteNote de bas de page 11.

[29] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que la prestataire n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur.

[30] La prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que la « loi » dit qu’il n’est pas nécessaire d’être vacciné pour travailler au Canada. Elle affirme que les politiques et les mandats qui ne relèvent pas de la « loi » sont illégaux.

[31] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite parce que la prestataire n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur.

[32] La prestataire a confirmé à l’audience qu’elle avait dit à la Commission qu’elle avait fait le choix personnel de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19. Elle a dit que son employeur voulait qu’elle prenne quelque chose qu’elle ne voulait pas prendre. Elle a ajouté qu’elle s’était conformée aux tests obligatoires, mais qu’en ce qui concernait le vaccin contre la COVID-19, elle avait dit non.

[33] L’employeur de la prestataire a informé la Commission de son approche concernant le vaccin contre la COVID-19. Il a dit que le personnel devait avoir reçu deux doses du vaccin avant le 15 octobre 2021. Ils ont donné cette information au personnel lors de réunions, de petits rassemblements quotidiens et par l’entremise du syndicat. L’employeur a dit qu’il placerait les personnes qui n’avaient pas reçu deux doses de vaccin en congé sans solde.

[34] La prestataire a confirmé qu’elle était au courant de la politique de l’employeur et du congé sans solde. Elle a dit qu’étant donné que l’employeur accorderait seulement des exemptions à la politique de vaccination contre la COVID-19 pour les allergies, elle n’en a pas demandé.

[35] La prestataire a inclus une citation de l’Agence [de la santé] publique du Canada dans son avis d’appel. On dit que l’immunisation n’est pas obligatoire au Canada et qu’elle ne peut pas l’être en raison de la Constitution canadienne.

[36] À la suite de cette citation, la prestataire dit que [traduction] « les politiques et mandats qui ne suivent pas la loi sont illégaux, et que les employeurs se conforment à des politiques et des mandats illégaux ». J’ai demandé à la prestataire s’il s’agissait d’une publication qu’elle pouvait envoyer au Tribunal. Elle a répondu qu’elle ne savait pas d’où elle l’avait obtenu, mais c’était [traduction] « à quelque part » sur Internet.

[37] Je n’accorde pas beaucoup de poids à la citation de la prestataire ou à son commentaire. Elle n’a pas fourni suffisamment de renseignements pour vérifier et évaluer la source de la citation. Et ce n’est pas à moi de faire des recherches sur Internet pour trouver la publication dont la prestataire a cité un extrait.

[38] En plus de ce qui précède, j’estime que la prestataire conteste la capacité de son employeur à mettre en œuvre une politique qu’elle considère comme illégale. Mais elle ne peut pas contester la politique de l’employeur auprès du Tribunal.

[39] La prestataire a également déclaré dans son avis d’appel qu’elle a le droit de choisir ce qui est bon pour sa santé et de ne pas faire l’objet de discrimination. Je l’ai interrogée à ce sujet. La prestataire a déclaré que son autonomie corporelle est importante pour elle et qu’elle ne donne pas son consentement à recevoir un vaccin expérimental. Elle a ajouté qu’il est injuste d’être soumise à quelque chose en quoi elle ne croit pas et qui pourrait lui nuire simplement pour conserver son emploi.

[40] Selon le témoignage et les observations de la prestataire, je conclus qu’elle s’oppose à recevoir le vaccin contre la COVID-19. Je reconnais qu’elle se préoccupe de sa santé et de sa sécurité. Mais je n’estime pas que l’employeur de la prestataire a fait preuve de discrimination à son égard en exigeant qu’elle se fasse vacciner contre la COVID-19. J’estime plutôt que l’employeur a exigé que tout son personnel se fasse vacciner, mais que la prestataire a choisi de ne pas le faire pour des raisons personnelles.

[41] Je conclus que le geste de la prestataire, à savoir le non-respect de la politique sur la vaccination contre la COVID-19 de son employeur, était délibéré. Elle a fait le choix conscient, délibéré et intentionnel de ne pas se faire vacciner. Elle l’a fait en sachant qu’elle serait placée en congé sans solde. J’ai conclu que cela signifie qu’elle a été suspendue. Pour cette raison, je conclus que la Commission a prouvé qu’il y avait eu inconduite.

Alors, la prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi pour inconduite?

[42] D’après les conclusions que j’ai tirées ci-dessus, je conclus que la prestataire a été suspendue de son emploi pour inconduite.

Conclusion

[43] La Commission a prouvé que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi.

[44] Cela signifie que l’appel est rejeté.

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