Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision

Citation : SA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1212

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une prorogation de délai et à
une demande de permission d’en appeler

Partie demanderesse : S. A.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 8 septembre 2022 (GE-22-1425)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 1er novembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-759

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Décision

[1] La demande relative à la prorogation de délai est accordée. La permission d’en appeler est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a perdu son emploi parce qu’elle a refusé de respecter la politique de vaccination contre la COVID-19 (politique) adoptée par son employeur.

[3] La défenderesse (Commission) a accepté la raison du congédiement fournie par l’employeur. La Commission a conclu que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. La prestataire a demandé la révision de la décision. La Commission a maintenu sa décision initiale. La prestataire a interjeté appel devant la division générale.

[4] La division générale a déterminé que la prestataire a refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Elle a conclu que la prestataire savait que l’employeur était susceptible de la congédier dans ces circonstances et que son refus était volontaire, conscient et délibéré. La division générale a conclu que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[5] La prestataire demande à la division d’appel la permission d’en appeler de la décision de la division générale. Elle soutient que la politique de l’employeur est discriminatoire et contrevient aux droits et libertés de la personne. Elle fait valoir que son choix de ne pas recevoir le vaccin ne peut être considéré comme de l’inconduite.

[6] Je dois décider si on peut soutenir que la division générale a commis une erreur révisable qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[7] Je refuse la permission d’en appeler puisqu’aucun des moyens d’appel soulevés par la prestataire ne confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[8] Question en litige no 1 : Est-ce que la demande pour permission d’en appeler de la prestataire a été déposée dans le délai prescrit? Si non, est-ce qu’il a lieu d’accorder une prorogation de délai?

[9] Question en litige no 2 : Est-ce que la prestataire soulève, dans ses moyens d’appel, une erreur révisable qu’aurait commise la division générale et qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès?

Analyse

[10] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, spécifie les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont que :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une certaine façon.
  2. 2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question sans pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a commis une erreur de droit dans sa décision.

[11] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond de l'affaire. C'est une première étape que la prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui auquel elle devra rencontrer à l'audience de l'appel sur le fond. À l’étape de la demande permission d’en appeler, la prestataire n’a pas à prouver sa thèse mais elle doit établir que son appel a une chance raisonnable de succès. En d’autres mots, elle doit établir que l’on peut soutenir qu’il y a eu erreur révisable sur laquelle l’appel peut réussir.

[12] La permission d’en appeler sera en effet accordée si je suis convaincu qu’au moins l’un des moyens d’appel soulevé par la prestataire confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Question en litige no 1 : Est-ce que la demande pour permission d’en appeler de la prestataire a été déposée dans le délai prescrit ? Si non, est-ce qu’il a lieu d’accorder une prorogation de délai?

[13] La décision de la division générale a été communiquée à la prestataire le 8 septembre 2022. La prestataire a déposé sa demande pour permission d’en appeler hors délai, soit le 24 octobre 2022. Cependant, la prestataire a contacté le Tribunal le 20 septembre 2022 afin d’obtenir le formulaire pour déposer sa demande pour permission d’en appeler. Le formulaire lui a été expédiée par la poste que le 3 octobre 2022.

[14] Je considère, vu les circonstances de l’espèce, qu’il est dans l’intérêt de la justice d’accorder à la prestataire la prorogation du délai de présentation de sa demande de permission d’en appeler. Le retard n’est pas excessif et la prorogation ne cause aucun préjudice à la Commission.Note de bas de page 1

Est-ce que la prestataire soulève, dans ses moyens d’appel, une erreur révisable qu’aurait commise la division générale et qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès?

[15] La prestataire soutient que la politique de l’employeur est discriminatoire et contrevient aux droits et libertés de la personne. Elle fait valoir que son choix de ne pas recevoir le vaccin ne peut être considéré comme de l’inconduite.

[16] La prestataire travaillait dans le domaine de la santé. L’employeur a mis en place une politique afin de protéger les résidents et le personnel au cours de la pandémie. La prestataire ne s’est pas conformée à la politique de l’employeur. Elle a été congédiée par l’employeur.

[17] La division générale devait décider si la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[18] La notion d’inconduite ne prévoit pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[19] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendue coupable d’inconduite en congédiant la prestataire de sorte que son congédiement serait injustifiée, mais bien de savoir si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné son congédiement.

[20] La division générale a déterminé que le prestataire a été congédiée parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de l’employeur en réponse à la pandémie. La prestataire a été informé de la politique mise en place par l’employeur et a eu le temps de s’y conformer. La division générale a déterminé que la prestataire a volontairement refusé de suivre la politique et qu’elle n’a pas obtenu une exemption médicale ou pour des motifs religieux. C’est ce qui a directement entraîné son congédiement.

[21] La division générale a déterminé que la prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pourrait mener à son congédiement. La division générale a conclu de la preuve prépondérante que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[22] Il est bien établi que le non-respect délibéré de la politique d’un employeur est considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).Note de bas de page 2

[23] La question de savoir si l'employeur a fait preuve de discrimination à l'égard de la prestataire, et a fait défaut de respecter ses droits et libertés, relève d'un autre forum. Ce Tribunal n'est pas le forum approprié par lequel la prestataire peut obtenir la réparation qu'elle demande.Note de bas de page 3

[24] La preuve prépondérante démontre que la politique de l'employeur s'appliquait à la prestataire qui travaillait dans le domaine de la santé. Elle a refusé de se conformer à la politique. Elle savait que l'employeur était susceptible de la congédier dans ces circonstances et son refus était volontaire, conscient et délibéré.

[25] La prestataire a fait un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l'employeur en réponse aux circonstances uniques et exceptionnelles créées par la pandémie et cela a entraîné son congédiement.

[26] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale lorsqu'elle a tranché la question de l'inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d'appel fédérale, qui a défini l'inconduite en vertu de la Loi sur l'AE.Note de bas de page 4 Même si la prestataire a fait valoir que son employeur l'a rappelé au travail, ce fait ne change pas la nature de l'inconduite qui a initialement mené à son congédiement.Note de bas de page 5

[27] Je suis pleinement conscient que la prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établie.Note de bas de page 6 Cela ne change rien au fait qu'en vertu de la Loi sur l'AE, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été congédiée en raison de son inconduite.

[28] Après examen du dossier d’appel, de la décision de la division générale et des arguments au soutien de la demande de permission d’en appeler, je suis d’avis que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. La prestataire ne soulève aucune question dont la réponse pourrait mener à l’annulation de la décision contestée.

Conclusion

[29] La demande relative à la prorogation de délai est accordée. La permission d’en appeler est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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