Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : JD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1143

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission d’en appeler

Partie demanderesse : J. D.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 13 octobre 2022 (GE-22-1706)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 1er novembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-745

Sur cette page

Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a perdu son emploi. Il n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur (la politique) parce qu’il s’inquiétait de la sécurité de ses renseignements médicaux personnels. Le prestataire a été mis en congé sans solde après sa dernière journée payée le 29 octobre 2021 parce qu’il n’a pas fourni de preuve qu’il avait reçu deux doses d’un vaccin contre la COVID-19 et qu’il ne voulait pas participer au programme de tests rapides de l’employeur, comme l’exige la politique. Le 26 janvier 2022, l’employeur a congédié le prestataire parce qu’il ne s’était toujours pas conformé à la politique. Le prestataire a ensuite présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] L’intimée (la Commission) a décidé que le prestataire avait été suspendu puis congédié en raison d’une inconduite. C’est pourquoi la Commission a décidé que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Après révision, la Commission a maintenu sa décision initiale. Le prestataire a interjeté appel de la décision en révision auprès de la division générale.

[4] La division générale a conclu que l’employeur avait mis le prestataire en congé sans solde et l’avait congédié par la suite parce qu’il ne s’était pas conformé à sa politique. Elle a conclu que le prestataire savait que l’employeur était susceptible de le suspendre et de le congédier dans ces circonstances. La division générale a conclu que le non-respect de la politique était la cause de sa suspension et de son congédiement. Elle a conclu que le prestataire avait été suspendu puis congédié en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire demande la permission d’en appeler de la décision de la division générale auprès de la division d’appel. Il soutient que l’employeur n’avait aucun moyen sécuritaire de communiquer et de conserver ses renseignements personnels en lieu sûr. Il soutient qu’il n’avait d’autre choix que de refuser de divulguer des renseignements personnels parce qu’il n’y avait pas de procédures de sécurité et de protection des renseignements personnels en place. Le prestataire soutient que ses actes ne constituent pas une inconduite.

[6] Je dois déterminer si le prestataire a soulevé une erreur susceptible de révision commise par la division générale, sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli.

[7] Je refuse la permission d’en appeler parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur susceptible de révision de la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli?

Analyse

[9] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social énonce les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Les erreurs susceptibles de révision sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale ne s’est pas prononcée sur une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audition sur le fond de l’affaire. Il s’agit d’une première étape que le prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui dont il devra s’acquitter à l’audience relative à l’appel sur le fond. À l’étape de la permission d’en appeler, le prestataire n’a pas à prouver le bien-fondé de ses prétentions, mais doit établir que l’appel a une chance raisonnable de succès compte tenu d’une erreur susceptible de révision. En d’autres termes, il doit établir que l’on peut soutenir qu’il y a une erreur susceptible de révision sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli.

[11] Par conséquent, avant que je puisse accorder la permission d’interjeter appel, je dois être convaincu que les motifs d’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès.

Le prestataire soulève-t-il une erreur susceptible de révision de la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli?

[12] Le prestataire soutient que l’employeur n’avait aucun moyen sécuritaire de communiquer et de conserver ses renseignements personnels en lieu sûr. Il soutient qu’il n’avait d’autre choix que de refuser de divulguer des renseignements personnels parce qu’il n’y avait pas de procédures de sécurité et de protection des renseignements personnels en place. Le prestataire soutient que ses actes ne constituent pas une inconduite.

[13] La division générale devait décider si le prestataire avait été suspendu et congédié en raison de son inconduite.

[14] La notion d’inconduite ne signifie pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif découle d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction imposée par l’employeur ou d’établir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant et en congédiant le prestataire de manière telle que sa suspension et son congédiement étaient injustifiés, mais bien de savoir si le prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspension et son congédiementNote de bas de page 1.

[16] La preuve démontre que le prestataire a été suspendu (empêché de travailler) parce qu’il a refusé de suivre la politique de l’employeur. Il avait été informé de la politique de l’employeur et avait eu le temps de s’y conformer. Le prestataire a refusé intentionnellement; ce refus était volontaire. C’était la cause directe de sa suspension et de son congédiement. La division générale a conclu que le prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner sa suspension et son congédiement.

[17] La division générale a conclu à partir de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[18] Il est bien établi que le non-respect délibéré de la politique de l’employeur est considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2.

[19] Le prestataire a fait valoir devant la division générale que l’employeur avait refusé de lui fournir des mesures d’adaptation, qu’il n’avait pas respecté la convention collective et qu’il avait contrevenu à ses droits fondamentaux et à ses droits constitutionnels. Ces questions relèvent d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas l’instance par lequel le prestataire peut obtenir le redressement qu’il rechercheNote de bas de page 3.

[20] Le prestataire soutient que l’employeur n’avait aucun moyen sécuritaire de communiquer et de conserver ses renseignements personnels en lieu sûr. Il soutient que le refus de divulguer des renseignements personnels en l’absence de procédures de sécurité et de protection des renseignements personnels ne constitue pas une inconduite.

[21] Selon la preuve, on a fourni au prestataire une solution de rechange à la vaccination et il a refusé de fournir à l’employeur les résultats de tests conformément à sa politique. Le prestataire ne voulait pas montrer de résultats de test négatifs et ne voulait pas déclarer à son employeur s’il était atteint de la COVID-19Note de bas de page 4.

[22] Je remarque que la politique indique que les renseignements recueillis sont gérés et protégés conformément à la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée. Elle indique que toute question peut être soumise par écrit au directeur des systèmes de sécurité et des services de santé. La division générale ne dispose d’aucune preuve selon laquelle le prestataire a eu recours à ce moyen pour soulever ses préoccupations concernant la confidentialité et la sécurité de ses renseignements personnels.

[23] Comme je l’ai déjà mentionné, la question soumise à la division générale n’était pas de savoir si l’employeur s’était rendu coupable d’inconduite en suspendant et en congédiant le prestataire de sorte que la suspension et le congédiement seraient injustifiés, mais de savoir si le prestataire était coupable d’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi et si cette inconduite a entraîné la suspension et le congédiement du prestataire.

[24] La preuve prépondérante dont dispose la division générale montre que le prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas se conformer à la politique de l’employeur en réponse aux circonstances uniques et exceptionnelles créées par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension et son congédiement.

[25] Selon moi, la division générale n’a commis aucune erreur susceptible de révision lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 5.

[26] Je suis bien conscient que le prestataire peut demander réparation à une autre instance si une violation est établieNote de bas de page 6. Cela ne change rien au fait que, conformément à la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire a été suspendu en raison de son inconduite.

[27] Dans sa demande de permission d’en appeler, le prestataire n’a soulevé aucune erreur susceptible de contrôle, comme la compétence ou le défaut de la division générale d’observer un principe de justice naturelle. Il n’a relevé aucune erreur de droit ni aucune conclusion de fait erronée que la division générale aurait tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance en rendant sa décision sur la question de l’inconduite.

[28] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission d’en appeler, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[29] La permission d’en appeler est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.