Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : NN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1069

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : N. N.
Représentante ou représentant : I. O.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 31 août 2022
(GE-22-1249)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 21 octobre 2022
Numéro de dossier : AD-22-715

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a été mise en congé obligatoire sans solde, puis congédiée de son emploi, car elle ne s’est pas conformée à l’ordonnance de la directrice provinciale de la santé publique sur la vaccination au travail. La prestataire a ensuite demandé des prestations régulières de l’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a décidé que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a été suspendue et a perdu son emploi en raison de son inconduite. Après révision, la Commission a maintenu sa décision initiale. La prestataire a porté la décision de révision en appel devant la division générale.

[4] La division générale a décidé que la prestataire avait été suspendue et congédiée à la suite de son refus de respecter l’ordonnance de la directrice provinciale de la santé publique. La division générale a conclu que la prestataire savait qu’il était probable que l’employeur la suspende et la congédie dans ces circonstances. La division générale a conclu que la non-conformité à l’ordonnance avait causé sa suspension et son congédiement. Elle a jugé que la prestataire avait été suspendue et congédiée de son emploi en raison de son inconduite.

[5] La prestataire cherche à obtenir la permission d’appeler de la décision de la division générale à la division d’appel. Elle soutient que le fait de refuser de recevoir un vaccin contre la COVID-19 n’est pas un acte illégal et ne constitue pas une inconduite, surtout lorsque l’employeur n’a pas offert de mesures d’adaptation à une ou un employé qui refuse de respecter l’ordonnance. Elle fait valoir que l’employeur est tenu de s’adapter aux problèmes de santé ou croyances religieuses sincères des employés. La prestataire soutient que le refus de lui accorder des prestations d’assurance-emploi est illégal et contrevient à ses droits constitutionnels. Elle affirme que le Tribunal a déjà conclu que le refus d’obtenir le vaccin contre la COVID-19 ne constitue pas une inconduite.

[6] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur susceptible de révision que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel puisque l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire soulève-t-elle une erreur susceptible de révision que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social énonce les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs susceptibles de révision sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher, ou elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. C’est une première étape que la prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont elle devra s’acquitter durant l’instruction de l’appel sur le fond. À l’étape de la permission de faire appel, la prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur susceptible de révision. Autrement dit, elle doit démontrer que l’on peut soutenir qu’il y a eu une erreur susceptible de révision pouvant faire que l’appel soit accueilli.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable d’être accueilli.

La prestataire soulève-t-elle une erreur susceptible de révision que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] La prestataire soutient que le fait de refuser de recevoir un vaccin contre la COVID-19 n’est pas un acte illégal et ne constitue pas une inconduite, surtout lorsque l’employeur n’a pas offert de mesures d’adaptation à une ou un employé qui refuse de respecter l’ordonnance. Elle fait valoir que l’employeur est tenu de s’adapter aux problèmes de santé ou croyances religieuses sincères des employés.

[13] La prestataire soutient également que le refus de lui accorder des prestations d’assurance-emploi est illégal et contrevient à ses droits constitutionnels. Elle affirme que le Tribunal a déjà conclu que le refus d’obtenir le vaccin contre la COVID-19 ne constitue pas une inconduite.

[14] La prestataire travaillait comme aide-soignante dans le centre de soins de l’employeur. La prestataire ne s’est pas conformée à l’ordonnance de la directrice provinciale de la santé publique sur son lieu de travail. Elle n’était pas exemptée concernant l’ordonnance. L’employeur l’a mise en congé obligatoire et sans solde, et l’a ensuite congédiée.

[15] La division générale devait décider si la prestataire avait été suspendue et congédiée en raison de son inconduite.

[16] La notion d’inconduite n’implique pas qu’il soit nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. En d’autres termes, pour constituer de l’inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail.

[17] Le rôle de la division générale est de décider si la prestataire était coupable de l’inconduite qui a mené à sa suspension et à son congédiement, non pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de déterminer si l’employeur est coupable d’inconduite lui-même puisqu’il a suspendu la prestataire, de sorte que la suspension et le congédiement seraient injustifiésNote de bas de page 1.

[18] La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue (qu’on l’avait empêchée de travailler), et ensuite congédiée, parce qu’elle avait refusé de se conformer à l’ordonnance de la directrice provinciale de la santé publique sur son lieu de travail. Elle avait pris connaissance de l’ordonnance de la directrice provinciale de la santé publique et on lui a donné du temps pour s’y conformer. La division générale a conclu que la prestataire n’avait fourni aucune preuve d’exemption. Elle a jugé que la prestataire avait volontairement refusé ; son refus était donc délibéré. C’est la cause directe de sa suspension et de son congédiement. La division générale a conclu que la prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner sa suspension et son congédiement.

[19] La division générale a conclu, à partir de la preuve prépondérante, que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[20] Il est bien établi qu’une violation délibérée d’une politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2.

[21] La prestataire soutient que l’employeur ne lui a pas offert de mesures d’adaptation, a fait preuve de discrimination à son endroit et a violé ses droits constitutionnels. Ces questions relèvent d’une autre instance. Ce Tribunal n’est pas l’instance appropriée par laquelle la prestataire peut obtenir la réparation qu’elle rechercheNote de bas de page 3.

[22] Comme je l’ai dit précédemment, la question portée à la connaissance de la division générale n’était pas de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant et en congédiant la prestataire de sorte que son congédiement serait injustifié, mais bien de savoir si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi et si celle-ci a entraîné sa suspension et la perte de son emploi.

[23] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que la prestataire a choisi délibérément pour des raisons personnelles de ne pas respecter l’ordonnance de la directrice provinciale de la santé publique en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension et son congédiement de son emploi.

[24] Je ne vois aucune erreur susceptible de révision commise par la division générale lorsqu’elle a affirmé qu’elle devait trancher la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite en vertu de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 4.

[25] La prestataire soutient que le Tribunal a déjà établi un précédent en concluant que le fait de ne pas avoir reçu le vaccin contre la COVID-19 ne constitue pas une inconduiteNote de bas de page 5.

[26] Dans cette affaire, la division générale a conclu que le prestataire n’avait pas perdu son emploi en raison d’une inconduite parce que l’employeur ne lui a pas donné suffisamment de temps pour se conformer à ses directives verbales concernant la vaccination. On n’a pas informé le prestataire qu’il serait congédié de son emploi s’il ne respectait pas la politique. Les faits de l’affaire qui nous occupe sont différents et ne confirment pas une telle conclusion.

[27] Je suis pleinement conscient que la prestataire peut demander une réparation auprès d’une autre instance, si l’existence d’une violation est établieNote de bas de page 6. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été suspendue et congédiée en raison de son inconduite.

[28] Dans sa demande de permission de faire appel, la prestataire n’a soulevé aucune erreur susceptible de révision comme une erreur de compétence ou un manquement de la division générale à un principe de justice naturelle. Elle n’a pas cerné d’erreur de droit ni de conclusion de fait erronée que la division générale pourrait avoir tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance au moment de rendre sa décision sur la question de l’inconduite.

[29] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments de la prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je suis d’avis que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[30] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

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