Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : NN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1070

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : N. N.
Représentante ou représentant : L. O.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (462277) datée du 9 mars 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 25 août 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 31 août 2022
Numéro de dossier : GE-22-1249

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] N. N. est la prestataire dans la présente affaire. Elle travaillait comme aide-soignante dans un centre de soins aux personnes âgées. L’employeur a mis la prestataire en congé sans solde pendant une courte période et l’a congédiée. La prestataire a ensuite demandé des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 2.

[4] La Commission a décidé que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 3. La Commission affirme que la prestataire ne s’est pas conformée à l’ordonnance émise par la directrice provinciale de la santé publique concernant la vaccination au travailNote de bas de page 4.

[5] La prestataire est en désaccord parce que la vaccination contre la covid-19 ne faisait pas partie de ses conditions d’emploiNote de bas de page 5. Elle a également des préoccupations médicales concernant la vaccination contre la covid-19 et la politique de l’employeur va à l’encontre de ses croyances religieuses sincères.

Questions que je dois examiner en premier

La prestataire a envoyé des documents après l’audience

[6] À l’audience, la prestataire a déclaré avoir demandé une exemption pour des motifs religieux. Elle s’est reportée à un courriel qu’elle a envoyé au gouvernement de sa province et à la réponse qu’elle a reçue. J’ai demandé à la prestataire de présenter une copie de sa demande d’exemption et de la réponse de l’employeur.

[7] La prestataire a présenté une copie du courriel qu’elle a envoyé à la province et de la réponse qu’elle a reçueNote de bas de page 6. Elle a également envoyé des hyperliens vers divers articles qui appuient sa position concernant les effets secondaires et les réactions indésirables relatifs au vaccin contre la covid-19Note de bas de page 7.

[8] J’ai accepté les documents de la prestataire parce qu’ils étaient pertinents et qu’ils réaffirmaient simplement sa position au sujet des effets secondaires du vaccin contre la covid-19. Tous les documents de la prestataire ont été transmis à la CommissionNote de bas de page 8.

Question en litige

[9] La prestataire a-t-elle été suspendue et congédiée de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[10] Les parties prestataires qui perdent leur emploi en raison d’une inconduite ou qui quittent volontairement leur emploi sans motif valable n’ont pas droit aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 9.

[11] Les parties prestataires qui sont suspendues de leur emploi en raison de leur inconduite n’ont pas droit aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 10.

[12] Une partie prestataire qui prend volontairement un congé sans motif valable n’a pas le droit de recevoir des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 11.

[13] Pour décider si la prestataire a cessé de travailler en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison la prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle cessé de travailler?

[14] Je conclus que la prestataire a été mise en congé obligatoire et sans solde pendant environ deux semaines à compter du 12 octobre 2021. On l’a ensuite congédiée le 26 octobre 2021, parce qu’elle ne s’est pas conformée à l’ordonnance de la directrice provinciale de la santé publique sur son lieu de travail.

[15] Ces renseignements correspondent au témoignage de la prestataire, à son relevé d’emploi et à sa discussion avec la Commission, dont les notes figurent au dossierNote de bas de page 12.

[16] À mon avis, le congé obligatoire et sans solde de la prestataire ayant commencé le 12 octobre 2021 était semblable à une suspensionNote de bas de page 13. Il n’a pas été pris volontairement parce qu’elle n’a pas eu le choix. L’employeur lui a dit qu’elle ne pouvait pas retourner au travail ou continuer à travailler.

[17] Je reconnais que la prestataire a déjà été mise en congé plusieurs mois avant le congé sans solde imposé par l’employeur le 12 octobre 2021. La prestataire a expliqué que le congé précédent était attribuable à une enquête en cours au travail sur un autre sujet.

[18] La prestataire a affirmé que l’enquête précédente n’était pas terminée avant que l’on finisse par la congédier le 26 octobre 2021. Elle a déclaré que la raison de son congédiement était sa non-conformité à l’ordonnance de la directrice provinciale de la santé publique.

[19] J’accepte donc la preuve de la prestataire sur cette question et le fait que la véritable raison expliquant son congé sans solde et son congédiement en octobre 2021 portait sur sa non-conformité à l’ordonnance de la directrice provinciale de la santé publique.

Quelle était la politique de l’employeur?

[20] La directrice provinciale de la santé publique de la Colombie-Britannique a émis une ordonnance relative [traduction] « aux renseignements sur le statut vaccinal et aux mesures de prévention contre la covid-19 à l’intention des hôpitaux et des établissements communautaires dispensant des soins de santé et d’autres services ». Une copie de l’ordonnance de la directrice de la santé publique est incluse au dossierNote de bas de page 14.

[21] L’ordonnance précise qu’afin d’atténuer le risque de transmission du SARS-CoV-2 engendré par une personne non vaccinée, la directrice provinciale de la santé publique a ordonné qu’à compter du 26 octobre 2021, une ou un membre du personnel ayant été embauché avant le 26 octobre 2021 doit être vacciné ou avoir une exemption pour travaillerNote de bas de page 15. Les employés doivent également fournir à leur employeur une preuve de vaccination, ou une exemption, à la demande de celui-ciNote de bas de page 16.

[22] L’ordonnance prévoit également que les employés qui reçoivent une dose du vaccin entre le 12 octobre 2021 et le 25 octobre 2021 peuvent continuer à travailler, pourvu que l’employé reçoive une deuxième dose de 28 à 35 jours après avoir reçu la premièreNote de bas de page 17.

[23] Le dossier contient également une lettre de l’employeur à la prestataire, datée du 6 octobre 2021Note de bas de page 18. Elle dit que la prestataire doit recevoir sa première dose de vaccin contre la covid-19 d’ici le 11 octobre 2021 et qu’elle doit recevoir sa deuxième dose de vaccin contre la covid-19 de 28 à 35 jours après la première afin d’être toujours autorisée à travailler.  

L’ordonnance de la directrice provinciale de la santé publique a-t-elle été communiquée à la prestataire?

[24] La prestataire a déclaré qu’elle a pris connaissance de l’ordonnance en octobre 2021, car elle était déjà en congé relativement à une enquête en milieu de travail qui était en cours. Elle s’est rappelé avoir reçu un appel de l’employeur (D.) chez elle, de même qu’une lettre par la poste. Elle a dit que la lettre est arrivée plus tard et disait que si elle n’était pas vaccinée avant une certaine date, elle serait congédiée de son emploi.

[25] Le dossier montre que la prestataire s’est entretenue avec la Commission le 28 janvier 2022Note de bas de page 19. Pendant cette discussion, la prestataire a dit qu’elle avait été informée de la « politique » le 3 septembre 2021 et qu’elle avait reçu un avertissement le 6 octobre 2021Note de bas de page 20. On lui a dit que si elle ne recevait pas sa première dose de vaccin contre la covid-19 d’ici le 11 octobre 2021, elle ne serait pas autorisée à travailler le 12 octobre 2021.

[26] J’estime qu’il est plus probable qu’improbable que l’employeur a communiqué avec la prestataire le 3 septembre 2021 et qu’il l’a fait à nouveau le 6 octobre 2021, lorsqu’elle a été avertie. J’ai préféré sa déclaration initiale à la Commission, parce qu’elle était plus détaillée que son témoignage au sujet de cette question. Cela correspond également à son témoignage selon lequel elle a reçu un appel de l’employeur en octobre 2021 et une lettre peu de temps après.

Quelles étaient les conséquences de la non-conformité à l’ordonnance?

[27] Selon l’ordonnance, un employeur ne doit pas permettre à un membre non vacciné de son personnel de travailler après le 25 octobre 2021, à moins que la personne soit exemptée ou ait reçu une première dose du vaccin contre la covid-19 avant les dates qui y sont énoncéesNote de bas de page 21.

[28] La lettre de l’employeur à la prestataire, datée du 6 octobre 2021, dit que si elle n’obtient pas sa première dose de vaccin contre la covid-19 d’ici le 11 octobre 2021, elle ne serait pas autorisée à travaillerNote de bas de page 22. Selon le document, la non-conformité entraînera un congé sans solde à compter du 12 octobre 2021 pendant deux semaines.

[29] La lettre disait également qu’alors, si la prestataire n’avait pas reçu sa première dose de vaccin contre la covid-19 d’ici le 25 octobre 2021, son emploi prendrait fin le 26 octobre 2021.

[30] La prestataire a déclaré qu’elle croit que son employeur l’a mise en congé sans solde pendant deux semaines et l’a ensuite congédiée le 26 octobre 2021. Elle a reconnu qu’elle savait qu’on la congédierait pour non-conformité à la date limite fixée.

Y a-t-il une raison pour laquelle la prestataire ne pouvait pas se conformer à l’ordonnance?

[31] La prestataire a déclaré qu’elle avait demandé une exemption concernant l’ordonnance pour motifs médicaux et religieux, mais qu’on lui a dit qu’elle devait s’adresser à la province pour faire sa demande. Elle a expliqué qu’elle avait des allergies graves et des problèmes de tension artérielle.

[32] La lettre de l’employeur à la prestataire, datée du 6 octobre 2021, dit qu’il n’a pas le pouvoir d’examiner ou de répondre à une demande d’exemption concernant l’ordonnance de la directrice provinciale de la santé publiqueNote de bas de page 23. L’employeur a fourni une adresse de courriel pour permettre à la prestataire d’envoyer sa demande d’exemption au bureau de la directrice provinciale de la santé publique.

[33] La prestataire a fourni une copie de la demande qu’elle a envoyée par courriel au bureau de la directrice provinciale de la santé publique le 18 octobre 2021 et de la réponse reçue le 19 octobre 2021Note de bas de page 24.

[34] J’ai examiné la réponse de la directrice provinciale de la santé publique, mais elle dit simplement [traduction] « veuillez consulter la lettre ci-jointe concernant votre demandeNote de bas de page 25 ». J’ignore donc si la demande d’exemption pour motifs médicaux ou religieux de la prestataire a été approuvée, car la lettre jointe du bureau des exemptions de la directrice provinciale de la santé publique n’était pas incluse dans ce dossier. Cependant, je souligne que dans une discussion précédente avec la Commission, la prestataire a dit qu’elle n’avait pas pu obtenir un certificat médical de son médecinNote de bas de page 26.

S’agit-il d’inconduite selon la loi, la Loi sur l’assurance-emploi?

[35] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 27. L’inconduite comprend aussi une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 28.

[36] Il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (autrement dit, qu’elle ait voulu mal agir) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 29.

[37] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle soit congédiéeNote de bas de page 30.

[38] La Commission doit prouver que la prestataire a été suspendue et a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a été suspendue et a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 31.

[39] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les motifs suivants.

[40] Premièrement, je conclus que la prestataire connaissait l’existence de l’ordonnance et ses obligations de s’y conformer. Elle était au courant des dates limites pour s’y conformer, même si elle était déjà en congé du travail. La preuve montre qu’elle s’est entretenue avec son employeur aux environs du 6 octobre 2021 et qu’elle a reçu une lettre qui décrivait ce qui était attendu des employés.

[41] Deuxièmement, je conclus que la prestataire a volontairement choisi de ne pas se conformer à la politique pour des raisons personnelles. Elle a fait un choix délibéré. La Cour a déjà affirmé qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 32.

[42] Le représentant de la prestataire a soutenu que l’inconduite est un comportement inapproprié et que dans la présente affaire, l’employeur a modifié les modalités et les conditions de son emploi. Je n’ai pas été convaincue par les observations, car même si la prestataire n’avait pas d’intention coupable, il peut quand même s’agir d’inconduiteNote de bas de page 33.

[43] De plus, je reconnais généralement que l’employeur peut décider d’établir et d’imposer des politiques en milieu de travail. Dans ce cas-ci, l’ordonnance de la directrice provinciale de la santé publique était juridiquement contraignante pour l’employeur à cause de la pandémie de covid-19. Cela signifie donc que la vaccination contre la covid-19 est devenue une condition pour le maintien de son emploi. La prestataire a enfreint l’ordonnance et les directives de l’employeur lorsqu’elle a choisi de ne pas s’y conformer et cela a nui à sa capacité de s’acquitter de son devoir dans l’établissement de soins.

[44] Je reconnais qu’à un moment donné de l’audience, la prestataire a affirmé que son employeur lui a dit qu’il était [traduction] « trop tard », sans fournir aucun autre renseignement ou un contexte. J’ignore donc à quelle date elle a communiqué avec l’employeur et dans quel but. Si elle communiquait avec l’employeur pour l’aviser de son intention de se conformer à l’ordonnance ou pour lui dire qu’elle s’y conformait désormais, cela aurait pu être un facteur pertinent à considérer.

[45] Troisièmement, je conclus que la prestataire savait ou aurait dû savoir que la non-conformité entraînerait un congé sans solde et un congédiement.

[46] Les conséquences lui ont été communiquées aux environs du 6 octobre 2021. Elle savait que la situation entraînerait un congé sans solde de deux semaines à compter du 12 octobre 2021 et un congédiement le 26 octobre 2021, ce qui était énoncé dans la lettre qui lui était adressée.

[47] Quatrièmement, je conclus que la prestataire n’a pas prouvé qu’elle était exemptée concernant l’ordonnance. Je reconnais qu’elle a présenté une demande d’exemption à son employeur et au bureau de la directrice provinciale de la santé publique, mais elle n’a pas prouvé que sa demande d’exemption a été approuvée.

[48] L’objectif de la Loi sur l’assurance-emploi est d’indemniser les personnes qui ont perdu leur emploi de manière involontaire et qui se retrouvent sans travail. La perte d’emploi doit être involontaireNote de bas de page 34. Dans la présente affaire, la perte d’emploi n’était pas involontaire parce que ce sont les gestes de la prestataire qui ont mené à son congé sans solde équivalant à une suspension et à son congédiement.

Qu’en est-il des autres arguments de la prestataire?

[49] À l’audience, le fils de la prestataire l’a représentée. Il a soulevé d’autres arguments à l’appui de sa position. En voici quelques-uns :

  1. a) La vaccination contre la covid-19 n’était pas l’une de ses conditions d’emploi.
  2. b) Le vaccin contre la grippe n’a jamais été imposé par l’employeur.
  3. c) Elle ne peut pas prendre une décision médicale éclairée lorsqu’un acte médical est imposé.
  4. d) Le vaccin contre la covid-19 n’a pas été suffisamment testé.
  5. e) Il s’agit d’une violation des droits de la personne.
  6. f) L’employeur ne lui a pas offert de mesure d’adaptation ou solution de rechange.
  7. g) Certaines personnes ont subi des lésions à cause du vaccin contre la covid-19.

[50] La Cour a affirmé que le Tribunal ne peut décider si le congédiement ou la pénalité était justifié. Le Tribunal doit décider si la conduite de la prestataire constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 35. J’ai déjà conclu que la conduite de la prestataire constitue effectivement de l’inconduite en application de la Loi sur l’assurance-emploi.

[51] Je prends note des arguments supplémentaires de la prestataire, mais je n’ai pas le pouvoir de les trancher. Le recours de la prestataire consiste à intenter une action en justice ou devant tout autre tribunal qui pourrait examiner ses arguments particuliers.

[52] La prestataire a affirmé qu’elle est membre d’un syndicat et qu’elle a versé des cotisations syndicales quand elle travaillait, mais qu’elle n’a pas pu avoir l’aide du syndicat.

Conclusion

[53] La prestataire avait le choix et a décidé de ne pas se conformer à la politique pour des raisons personnelles. Ce choix a donné lieu à un résultat indésirable, un congé sans solde obligatoire équivalant à une suspension et un congédiement.

[54] La Commission a prouvé que la prestataire a été suspendue et a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la prestataire n’a pas droit à des prestations d’assurance-emploi.

[55] Cela signifie que l’appel est rejeté.

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